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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/6146/2022

AARP/44/2024 du 25.01.2024 sur JTDP/635/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 05.03.2024, rendu le 08.04.2024, IRRECEVABLE, 6B_193/2024
Descripteurs : DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);VIOLENCE CONTRE LES AUTORITÉS
Normes : CP.144.al1; CP.285

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6146/2022 AARP/44/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 25 janvier 2024

 

Entre

A______, domicilié c/o Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE), rue des Glacis-de-Rive 6, 1207 Genève, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/635/2023 rendu le 23 mai 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE (SPAd), partie plaignante, comparant en personne,

ÉTAT DE GENÈVE, partie plaignante, représenté par l'Office cantonal des bâtiments, route des Jeunes 1A, 1227 Les Acacias,

intimés.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/635/2023 du 23 mai 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquitté de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 du Code pénal dans sa version au 23 janvier 2023 [aCP]) s'agissant des faits visés sous chiffre 1.1.2.1. de l'acte d'accusation, mais déclaré coupable de dommages à la propriété d'importance considérable (art. 144 al. 1 et 3 du Code pénal [CP]) et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 aCP).

Il a été condamné à une peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de 282 jours de détention avant jugement (dont 265 jours de détention provisoire et 17 jours à titre d'imputation des mesures de substitution), et astreint à un traitement ambulatoire, l'exécution de la peine ayant été suspendue au profit dudit traitement et une assistance de probation ordonnée pendant la durée de celui-ci.

Les mesures de substitution prononcées le 5 décembre 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte, soit notamment l'obligation de suivre un traitement psychothérapeutique et médicamenteux auprès d'un Centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrées (CAPPI) au rythme et aux conditions fixées par un thérapeute ainsi que celle de produire en mains du Service de probation et d'insertion (SPI) chaque mois un certificat attestant de la régularité du suivi, ont été maintenues.

A______ a été condamné à payer à l'État de Genève CHF 36'372.97 à titre de réparation du dommage matériel ainsi qu'aux 4/5èmes des frais de la procédure préliminaire et de première instance plus un émolument complémentaire de CHF 600.-. Ses conclusions en indemnisation ont été rejetées.

a.b. A______ conclut à son acquittement ainsi qu'au rejet des conclusions civiles et à l'octroi d'une indemnité pour mesures de contrainte illicites au sens de l'art. 431 du Code de procédure pénale (CPP), frais de procédure à la charge de l'État.

a.c. L'État de Genève persiste dans les conclusions civiles présentées devant le premier juge (cf. infra B.g.), tandis que le Service de protection de l'Adulte (SPAd) s'en rapporte à justice.

b.a. Selon l'acte d'accusation du 28 novembre 2022, il est encore reproché à A______ de s'être rendu, le 16 mars 2022, vers 10h30, devant les locaux du SPAd sis Boulevard Georges-FAVON 28 et d'avoir lancé des cailloux contre la vitre du bâtiment au niveau du rez-de-chaussée avant d'asséner des coups de pieds dans le verre et de s'enfuir (chiffre 1.1.1.1. de l'acte d'accusation).

Le même jour, vers 16h00, il est revenu devant le bâtiment et a lancé à nouveau des pierres contre les baies vitrées du rez-de-chaussée (chiffre 1.1.1.2. de l'acte d'accusation).

Son comportement, ainsi que les dommages en résultant, ont nécessité l'intervention des sociétés C______ pour la pose de 12 panneaux en bois de protection (total selon devis : CHF 3'372.10) ainsi que pour le remplacement de six vitres (idem : CHF 31'477.-), et D______ (coût d'intervention : CHF 226.15).

Les faits ont été qualifiés de dommages à la propriété d'importance considérable (art. 144 al. 1 et 3 CP).

b.b. Par le même acte d'accusation, il lui est reproché d'avoir les 14 et 15 mars 2022, à 16h29 et 16h50, adressé à sa curatrice, E______, ainsi qu'à d'autres fonctionnaires deux courriels et d'avoir menacé cette dernière d'adopter des comportements violents, en écrivant notamment : "je veux prendre des vacances car je deviens violent et suicidaire. Rien à perdre !!! N'oubliez pas le code pénal pour ça…moi-même que vous radicalisez par la haine…je suis au bout…donc je veux ça pour mardi…récoltez ce que vous semez. Et assumez vos dégâts. Ok moi j'ai rien à perdre. Ok je suis pas né pour souffrir. Je ne suis pas né pour être enfermé. Liberté ou MOURREZ (majuscule)…mais je vous verrais morts avant moi !!! …si on me tue, autre citation du CHE, je tue d'abord…", puis le 16 mars 2022, à 12h41, alors qu'il avait endommagé les vitres du SPAd deux heures plus tôt : "Ecoute moi PETASSE DE PUTE DE MERDE J'AI PAS VU MON ARGENT SUR MON COMPTE SALE PUTE DE MERDE ET DEMAIN TES ENUIS VONT COMMENCER !!! ET CEUX DES MERDES QUI TRAVAILLENT AVEC TOI AUSSI !!! PERSONNE VA POUVOIR TE PROTEGER SALE PUTE DE MERDE EN INSULTANT LES PUTES CAR ELLES N'ONT RIEN DAIT ET LES MERDE DE MERDE QUI TRAVAILLENT AVEC TOI VONT SUBIR LE MEME SORT !!! VA CHIER SALE MERDE ET RENDS MOI MON ARGENT SALOPE DE MERDE !!! TIENS TOI PREVENUE SALE MERDE DEGUEULASSE !!! J'AI QU'UNE PAROLE !!!!", propos qui ont apeuré la curatrice, laquelle s'est inquiétée pour sa personne, y compris du comportement qu'elle devait adopter durant la pause de midi, dès lors que le prévenu n'avait pas encore été interpellé, étant précisé qu'elle n'avait jamais été confrontée à un tel degré de violence verbale de la part de son protégé (chiffre 1.1.2.2. de l'acte d'accusation).

Ces faits ont été qualifiés de violence ou menace contre les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 CP).

B. Les faits suivants, encore pertinents au stade de l'appel, ressortent de la procédure :

a. Le 16 mars 2022, vers 10h30, A______ s'est présenté devant les locaux du SPAd, a lancé plusieurs cailloux contre la vitre du rez-de chaussée, puis a donné deux coups de pieds dans la porte d'entrée en verre avant de quitter les lieux (cf. PP B-18).

Vers 15h45, il est revenu devant le bâtiment du service et a jeté d'autres pierres contre les vitres (cf. PP A-28), avant d'être interpellé par la police à 16h55.

b. Quatre cailloux d'un poids variant entre 118 et 302 grammes (cf. PP C-10 à 14) ont été saisis par la police. Un profil ADN correspondant à celui du prévenu se trouvait sur chacun d'entre eux (cf. PP C-17 et ss.).

c. Plusieurs vitres du bâtiment occupé par le SPAd, au niveau du rez-de chaussée, ont été brisées du côté du boulevard Georges-Favon et de la rue de Hesse, tel que cela ressort des clichés composant le cahier photographique (cf. PP B-19 et ss.)

Plaintes pénales et conclusions civiles

d. Le 16 mars 2022, à 11h30, le SPAd, représenté par ______ [fonction], F______, a déposé plainte pénale contre inconnu pour les bris survenus dans la matinée. À 16h32, le précité a formé une seconde plainte pénale au nom du service et expliqué que l'auteur, identifié par des collaborateurs comme A______, était revenu lancer des cailloux sur plusieurs vitres du bâtiment. Ce dernier s'était montré très menaçant à l'égard des employés.

e. Par courrier du 18 mars 2022, le SPAd, sous la plume de G______, ______ [fonction], a dénoncé les faits au Ministère public (MP) et exposé que A______ faisait l'objet d'une curatelle de portée générale depuis le 27 mai 2004 (cf. PP A-18), dont avaient la responsabilité depuis le 24 septembre 2021 E______ et H______ (cf. PP A-20). Il a produit plusieurs courriels échangés entre A______ et les collaborateurs précités :

-          le 14 mars 2022 à 16h29, A______ a écrit à H______ : "Je veux prendre des vacances car je deviens violent et suicidaire. Rien à perdre !!! N'oubliez pas le code pénal pour ça et la plainte pour retintion d'argent on est 2. OK M. I______ qui est de mon côté et moi même que vous radicalizez par la haine. Si vous ou un tier me mettez dans la situation de vous attaquer corporellement ou au bout la loi Suisse me donne raison. Je suis au bout de votre reteintion de mon argent. […] Demain si vous me mettez à bout je ne réponds plus de mon corps et vous le regreterez. Récoltez ce que vous semez. Et assumez vos degats. Ok moi j'ai rien à perdre. Ok je ne suis pas né pour soufrir !!!! Je ne suis pas né pour être enfermé!!!!!! Liberté ou MOURREZ !!!!! […] ALORS LIBERTE A MES FINANCES OU MOURREZ!!! LIBERTE RECOLTEZ VOS RECOLTES !!! […] Mais je vous verrais morts avant moi!!! Même si c'est moi qui dois vous tuer un à un !!! […] Donc cette citation du CHE deviens mienne en suivent certains d'entre vous que je vais tuer pour défendre ma vie. Si on me tue autre citation du CHE je tue d'abord!!! Si jamais vous me mettez à mettre ces citations à mon éscient du style à m'envoyer la police alors que j'ai rien fait je me defendrai!!!! […]" (cf. PP A-21 et s.) ;

-          le lendemain à 8h40, H______ a prié A______ de s'adresser à eux sur un ton adéquat et lui a rappelé que les menaces contre les fonctionnaires étaient pénalement répréhensibles (cf. PP A-21) ;

-          le même jour à 16h50, A______ a écrit à E______ : "Je n'ai rien vu sur mon compte dès demain vous commencerais à regretter!!!! Ca va chier pour vous!!!!" (cf. PP A-23) ;

-          le même jour à 17h51, E______ a informé l'intéressé de ce qu'elle n'appréciait pas ses menaces et lui a demandé de mesurer ses propos (cf. PP A-23) ;

-          le 16 mars 2021 à 11h07, H______ a écrit à A______ qu'il avait été aperçu en train de casser les vitres du SPAd, qu'une plainte pénale allait être déposée et qu'une interdiction de locaux était prononcée à son encontre jusqu'à nouvel avis (cf. PP A-26), étant précisé que le tout lui a été répété par un courrier du 31 mars (cf. PP C-15) ;

-          le même jour à 12h41, A______ a écrit à E______ le courriel dont la teneur est reprise dans l'acte d'accusation (cf. supra A.b.b. et PP A-23), et, à 12h43 : "ET VA CHIER!!!" (cf. PP A-27).

Les collaborateurs, menacés et injuriés, avaient eu peur et envisagé de rentrer chez eux de crainte de croiser A______ en sortant à l'heure du déjeuner.

f. Par courrier du 16 mai 2022, l'État de Genève, représenté par le Département des infrastructures (DI), a déposé une plainte pénale pour les dommages occasionnés aux vitres du bâtiment du SPAd. Le plaignant concluait au remboursement des coûts de réparation qui s'élevaient à CHF 3'598.25, estimant le dommage à CHF 33'000.-, et a produit, à l'appui de sa plainte :

-          une facture de l'entreprise C______ pour la pose en urgence de 12 panneaux de bois le jour des bris (CHF 3'372.10 TTC) ainsi qu'un devis pour le remplacement des vitres (CHF 31'477.- TTC) ;

-          une facture de la société D______ pour la surveillance effectuée le jour des bris de 17h30 à 21h00 (CHF 226.15) ;

-          des clichés des dégâts et des panneaux de bois de protection (cf. PP A-41 et ss.).

g. Par courriers des 28 novembre 2022 (au MP) et 28 février 2023 (au TP), l'État de Genève, toujours représenté par le DI, a actualisé ses conclusions civiles, se prévalant d'un dommage de CHF 36'372.97 TTC, et a produit cinq pièces :

-          une facture de l'entreprise J______ AG (CHF 161.55) ;

-          deux factures de la société K______ SÀRL pour la fourniture et le remplacement des vitres d'un montant (CHF 28'939.80) et pour les frais d'utilisation du domaine public (CHF 1'249.32 selon décompte de la commune) ;

-          deux factures de l'entreprise L______ (CHF 2'312.05 et CHF 338.15).

Auditions

h. Lors de sa première audition, A______ a exercé son droit de ne pas répondre aux questions des policiers.

Le lendemain, par-devant le MP, il a admis avoir jeté des pierres contre le bâtiment du SPAd ainsi qu'avoir adressé les courriels litigieux à sa curatrice. Il était énervé contre le service car il était resté quatre semaines sans le sou. Les curateurs faisaient de la "rétention" d'argent. Il avait jeté les pierres pour casser les vitres, mais cela allait au-delà, en ce sens qu'il avait agi en réponse à ce que le SPAd lui faisait subir. Il ne pouvait plus le supporter, c'était de la "radicalisation". Il avait attendu de voir si les intervenants allaient avoir l'humanité de lui donner de l'argent pour ses vacances, puis était allé sur place en sachant que le service était fermé "pour leur lancer une petite race". Questionné sur le sens de cette expression, A______ a répondu que c'était une réponse à leur absence d'humanité, étant précisé que c'était la première fois qu'il réagissait ainsi. Habituellement, il calmait sa haine en brûlant des mégots sur ses bras ou en se scarifiant. Il avait décompensé, ce qui ne serait pas arrivé s'il avait pu se procurer du TEMESTA. Il n'en pouvait plus et ressentait encore plus de haine.

Plus tard, A______ a évoqué des regrets par rapport à son passage à l'acte ainsi que celui de ne pas avoir été en mesure d'expliquer la teneur de son courriel précédent en raison du fait qu'il était épuisé. Il avait voulu reprendre les citations de Che GUEVARA afin de les appliquer à sa propre vie, sans intention de menacer les destinataires des courriels. Il était toutefois conscient qu'il s'agissait d'un livre de guerre et que ses écrits pouvaient avoir un impact sur ses interlocuteurs. Questionné au sujet du courriel du 16 mars 2022 à 12h41, il a confirmé que le texte n'était pas tiré d'un ouvrage du révolutionnaire argentin et expliqué qu'il était "excédé" d'avoir été désargenté depuis trois semaines. Le message contenait des insultes et était vulgaire, ce qu'il assumait, de même que les dommages causés, dans la mesure du possible puisqu'il avait été "poussé" à agir de la sorte. Il existait une loi selon laquelle si on était provoqué et qu'on ne pouvait pas se retenir, il n'y avait pas de responsabilité. Au moment des faits, il avait eu besoin d'argent pour décompresser loin de Genève, acheter quelques affaires, voir des filles et des amis, étant précisé qu'il se sentait comme un "parasite" quand ceux-ci devaient l'inviter au restaurant.

Lors des débats de première instance, A______ a admis avoir mis deux coups de pied dans une porte vitrée. Il avait eu besoin d'un "défouloir", sinon il se serait mutilé ou aurait commis une tentative de suicide. En réponse à la remarque selon laquelle il aurait pu blesser quelqu'un, il a rétorqué que personne ne se trouvait autour et qu'il avait regardé à travers la vitre. Une dame dans un bureau avait été effrayée parce qu'il avait utilisé la même force que pour briser d'autres vitres, alors que le verre était plus fin. Elle n'avait pas été touchée, et le projectile était tombé "en bas du bureau". Il avait arrêté ses médicaments parce qu'il s'était senti "torturé", mais il savait désormais qu'il ne devait plus stopper sa médication et ne pensait pas qu'il se retrouverait à l'avenir dans un état comparable. Il assumait l'envoi des courriels ainsi que les injures, précisant qu'il avait déjà agi de la sorte par le passé et été convoqué chez le directeur pour avoir dit qu'il allait en "venir aux mains". Dans sa tête, les courriels avaient uniquement un but juridique ; il avait menacé les curateurs d'un procès. Il n'avait jamais tapé quiconque, n'était pas violent ou agressif. Il concédait toutefois que le texte avait pu effrayer, ce d'autant qu'il n'avait fait aucune allusion à une action en justice, précisant qu'il avait voulu "provoquer".

i. Entendu par le MP et le TP, F______ a déclaré que les collaborateurs avaient eu peur et avaient été choqués. L'épisode avait été violent, seule une vitre renforcée ayant résisté lors de la seconde "attaque". Par chance, personne ne se trouvait derrière, ce qui était impossible à déterminer de l'extérieur. La taille des cailloux ainsi que le lien avec les courriels avaient augmenté le stress et le sentiment d'insécurité des employés. Il avait été proposé à certains de rentrer. E______ avait été accompagnée à son véhicule. Ce n'était pas la première fois que les vitres étaient endommagées, mais il n'y avait jamais eu de tels dégâts, surtout en présence des employés.

j. M______ et N______, collaborateurs du SPAd, ont été entendus par la police. Le premier a déclaré être sorti pour voir ce qu'il se passait et avoir aperçu A______ avec un caillou dans la main droite. Le prévenu l'avait lancé en direction d'un collègue, sans toutefois l'atteindre. La seconde a expliqué que A______ avait endommagé dans l'après-midi les mêmes vitres que plus tôt et visé une vitre près de l'entrée, laquelle avait résisté.

k. Entendue par le MP, E______ a rapporté que la gestion de la curatelle n'était pas toujours facile. A______ demandait régulièrement de l'argent et n'acceptait pas les refus, ce qui le rendait très agressif et violent verbalement à son égard ainsi qu'à celui de ses collègues. Contrairement à ce qu'il alléguait, ses requêtes n'étaient pas ignorées et il avait toujours reçu de l'argent pour couvrir ses besoins vitaux, autre était l'affectation concrète des montants alloués par l'intéressé. Il l'avait déjà menacée d'agression et injuriée, ce qu'elle avait signalé à l'Autorité de protection de l'adulte, mais jamais dans une telle proportion. Le 16 mars 2022, elle avait eu peur, s'était inquiétée pour sa personne et demandée comment elle allait sortir à midi, tout en sachant que A______ n'avait pas encore été appréhendé.

Expertise judiciaire

l. À teneur du rapport d'expertise du 27 octobre 2022, A______ souffrait, de longue date, d'un trouble schizo-affectif ayant nécessité plus d'une cinquantaine d'hospitalisations en milieu psychiatrique. Il présentait une dépendance à de multiples substances psychoactives depuis des années. Sa pathologie était chronique et sévère. Elle altérait nettement sa fonctionnalité au quotidien dans tous les domaines de sa vie et nécessitait un traitement psychotrope au long cours, étant précisé qu'au moment des faits, l'expertisé était en rupture avec ledit traitement depuis trois mois. Si sa pathologie pouvait être stabilisée par la médication, elle ne pouvait cependant pas guérir. A______ avait la faculté de percevoir le caractère illicite de ses actes, mais sa capacité à se déterminer d'après celle-ci était altérée par une irritabilité, une impulsivité et un sentiment général de persécution ainsi qu'une altération du système logique. Ces éléments étaient directement en lien avec sa pathologie mentale et avaient été majorés par l'abandon de son traitement psychotrope. Il n'y avait toutefois pas eu de rupture totale avec la réalité au moment des faits, de sorte que sa responsabilité pénale apparaissait moyennement diminuée.

A______ présentait un risque légèrement plus élevé que la population de commettre des infractions, y compris contre la vie ou l'intégrité physique (ce qui pouvait diminuer si l'expertisé prenait son traitement), et un risque plus élevé que la moyenne de commettre des dommages à la propriété eu égard à son passage à l'acte. Les faits étaient en rapport avec son état mental. Une mesure ambulatoire auprès d'un CAPPI était adaptée et permettait de diminuer le risque de récidive.

m. Entendue par le MP, l'experte a confirmé la teneur de son rapport et ajouté que A______ souffrait d'une pathologie psychiatrique lourde qui se caractérisait par des épisodes de décompensation aiguë, durant lesquels il se trouvait hors de la réalité, et par une tendance à ne pas raisonner de manière logique ou à difficilement contrôler son impulsivité. Au moment des faits, l'expertisé n'avait pas perdu totalement le lien avec la réalité, mais la rupture d'avec son traitement l'avait rendu plus irritable et en proie à des sentiments de persécution. Il affirmait avoir cessé sa médication "pour ne ressentir un sentiment d'injustice vis-à-vis de la curatelle avec laquelle il rencontrait déjà des difficultés en lien avec la gestion de son argent". Sa maladie pouvait compliquer la prise régulière du traitement dans la mesure où elle se caractérisait par une certaine forme de désorganisation, de repli sur soi et de difficultés à aller vers l'extérieur. Le suivi ambulatoire était adapté aux besoins du patient, un traitement en milieu institutionnel n'ayant pas lieu d'être imposé. La psychiatre préconisait de passer par un CAPPI vu les moyens qui pouvaient être déployés (suivi social de la personne et/ou visite à domicile).

À l'audience, A______ s'est dit d'accord avec le traitement recommandé par l'experte, à condition qu'il soit suivi par le même psychiatre.

Mesures de substitution et suivi du prévenu

n. À teneur des attestations médicales des 8 mars et 19 mai 2023 établies par le CAPPI O______ suivant A______ depuis décembre 2022, le patient était, selon les observations du mois de mars, globalement collaborant et abstinent et, selon celles du mois de mai, il manquait des rendez-vous sans se justifier et n'était venu qu'une fois au centre en urgence pour une ordonnance. Il n'avait pas montré de
signe d'une décompensation psychotique, de désorganisation comportementale ou d'imprégnation toxique. Le suivi infirmier au domicile avec l'Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD) avait dû être interrompu puisque le patient n'avait pas accueilli à plusieurs reprises l'intervenant.

o. Par courriers des 18 août 2023 et 30 août 2023, le SPI a informé la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) de ce que A______ ne s'était pas présenté à ses deux dernières convocations et que son dossier allait être clôturé. Il ressortait des entretiens avec le prévenu que celui-ci estimait n'avoir fait que répondre à la provocation du SPAd et que les conséquences pénales étaient injustes.

Selon l'attestation médicale du CAPPI O______ du 16 août 2023, l'adhérence au suivi était fluctuante. Le patient ne se rendait pas souvent aux rendez-vous, mais se présentait au centre à d'autres moments pour recevoir son traitement et parler de sa situation personnelle. Il démontrait globalement un attachement aux soins, ne refusait pas le traitement et écoutait les conseils des soignants. Il n'avait pas développé de signe de désorganisation comportementale et du processus de la pensée, ni présenté d'élément de décompensation psychotique. Des signes d'imprégnations toxiques n'avaient pas été observés, mais aucun test toxicologique n'avait pu être effectué depuis septembre en raison de ce suivi irrégulier.

p. Par courrier du 4 septembre 2023 adressé à son mandataire, la CPAR a enjoint A______ de se conformer aux mesures de substitution, lui rappelant les conséquences éventuelles de leur violation.

q. Sous la plume de son conseil, le 19 septembre suivant, A______ a répondu qu'il avait l'intention de respecter les mesures de substitution. Il avait pris conscience de l'importance de ces entretiens et des répercussions en cas de non-conformité, et était convenu avec le SPI d'un nouveau rendez-vous le 28 septembre (entretien qu'il a honoré à teneur du courrier du SPI du lendemain à la CPAR).

r. Par courrier du 16 novembre 2023, le SPI a exprimé que A______, en raison de sa souffrance et de sa maladie psychique, vivait les entretiens avec les collaborateurs du service comme un "harcèlement". Dans ce contexte, son intervention était limitée et, sans changement, il serait proposé au juge compétent que le SPI soit relevé de son mandat d'assistance.

À teneur de l'attestation médicale du 15 novembre 2023 établie par le CAPPI O______, l'adhérence au suivi par le patient était "quasi-nulle". Son dernier rendez-vous médical remontait au 2 août 2023. Une visite chez le patient avait été organisée le 18 septembre 2023, mais il n'était pas présent. Il se présentait sur "sollicitation extrême" des soignants pour son injection mensuelle, la dernière fois remontant au 2 novembre 2023. Les médecins ne pouvaient se déterminer sur une consommation d'alcool ou de substance psychoactives, les derniers examens datant du mois de février de la même année. De l'avis du SPI, A______ ne pouvait pas être tenu pour unique responsable de l'absence d'examen depuis lors, puisqu'il se présentait chaque mois pour son injection.

C. a. Par-devant la CPAR, A______ a répété admettre les faits. Il était passé devant les locaux, sans intention de s'en prendre physiquement à quelqu'un, et avait eu la rage. Il n'acceptait toutefois pas la responsabilité de ses actes du fait que le SPAd l'avait mis dans cet état. On le maintenait en colère en ne lui octroyant pas de vacances, en n'augmentant pas son argent de poche, comme il l'avait demandé, et en l'affamant. C'était de la "maltraitance et de la persécution". Il en avait marre. Il avait arrêté de prendre son traitement en réaction à l'attitude des curateurs. Il était conscient qu'il était très important de recevoir son injection mensuelle. Il s'était toutefois dit que cela ne servait à rien de prendre sa médication, escomptant une réaction du service.

b. La CPAR a procédé à l'audition de la Dre P______, experte, laquelle a déclaré qu'il était difficile de déterminer pour quelles raisons le prévenu s'était retrouvé en rupture thérapeutique. Questionnée sur la dangerosité de A______ eu égard notamment à une sanction disciplinaire qui lui avait été infligée dans le cadre de sa détention pour "violence physique exercée sur un détenu, trouble à l'ordre de l'établissement", la psychiatre a expliqué que le patient se trouvait à ce moment en rupture de traitement, avec des symptômes "florides" et qu'il avait évoqué des idées délirantes de persécution lors de l'altercation avec son codétenu. La mesure ambulatoire apparaissait toutefois suffisante, étant précisé qu'elle devait être exécutée sous l'égide d'un CAPPI pour les motifs évoqués devant le MP. La dernière attestation du CAPPI O______ montrait une certaine réticence du patient, mais celui-ci réalisait l'importance du traitement qu'il recevait chaque mois, ce qui était positif, et n'avait pas manifesté de symptôme d'une décompensation psychotique depuis sa libération. Il y avait peut-être des adaptations à faire au vu de sa difficulté à se mobiliser, symptôme typique de sa pathologie, par exemple par l'organisation, avec l'aide de l'IMAD, d'injections mensuelles à son domicile plutôt que dans un CAPPI.

c. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.

L'infraction à l'art. 285 CP n'était pas réalisée dans la mesure où les fonctionnaires n'avaient pas été entravés dans la réalisation de leurs tâches et le résultat escompté, soit le fait d'obtenir de l'argent, n'avait pas abouti. Son état psychique au moment des faits l'avait empêché d'agir avec conscience et volonté, de sorte que l'élément subjectif faisait défaut, y compris sous l'angle du dol éventuel. À ses yeux, il faisait face à une situation intolérable, s'était trouvé désargenté, avait agi progressivement, puis avait cru qu'il n'avait d'autre choix que de passer à l'acte pour s'exprimer et attirer l'attention du service sur sa détresse. L'aggravante de l'infraction de l'art. 144 CP n'était pas remplie du seul fait que le dommage dépassait CHF 10'000.-. Sa responsabilité civile ne pouvait en outre avoir été engagée dans la mesure où il était incapable de discernement au moment des faits.

La peine prononcée était disproportionnée compte tenu des motifs d'atténuation de la peine (responsabilité restreinte, détresse profonde et profond désarroi) et de sa situation personnelle. Il devait être mis au bénéfice du sursis puisqu'il respectait les mesures de substitution, n'avait pas récidivé et souhaitait continuer son traitement. L'assistance de probation était disproportionnée, ce qui était également l'avis du SPI.

Il requérait une indemnité de CHF 150.- fois 197 jours, soit un montant de CHF 29'550.-, dans la mesure où sa détention avait été illicite à compter du 23 mai 2022, étant précisé qu'il avait beaucoup souffert de sa privation de liberté.

D. A______, ressortissant suisse, est né le ______ 1979 à Q______ en Roumanie et vit en Suisse depuis l'âge de 11 ans. Il est célibataire.

Il est au bénéfice d'une rente de l'assurance-invalidité depuis l'âge de 23 ans et perçoit des prestations complémentaires, sans connaître leur montant total.

Ses charges se composent de son loyer (CHF 900.-) ainsi que de son assurance-maladie, dont il ne connaît pas le montant. Ces frais sont réglés par le SPAd au moyen de la rente précitée. Il affirme avoir une dette envers un ami de la famille d'un montant de CHF 3'000.-, étant précisé que le SPAd a déjà versé CHF 1'000.- en remboursement de celle-ci. Il n'a pas de fortune, mais des économies dont il ne connaît pas le montant.

Lors des débats d'appel, A______ a expliqué avoir l'intention de contester le congé au 31 décembre 2024 reçu pour son logement et que l'IMAD faisait son ménage une fois par semaine. Confronté aux derniers courriers du SPI et à l'attestation du CAPPI O______, il a répondu que cela allait bien, mais qu'il n'arrivait pas à se lever. Il préférait donc ne pas mettre de réveil pour ne pas arriver stressé et se rendre au CAPPI quelques jours plus tard. Il n'était pas d'accord avec l'expression "sur sollicitation extrême", dans la mesure où il y allait de lui-même et avait seulement de la peine à se lever ou à être ponctuel. Il supportait bien son injection mensuelle, étant précisé qu'il avait un autre médicament en réserve à prendre lorsqu'il n'allait pas bien.

Selon l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamné par le MP du canton de Genève :

-          le 11 novembre 2013, à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, à CHF 40.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans) pour incendie par négligence (art. 222 al. 1 CP) et dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) ;

-          le 24 juillet 2018, à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, à CHF 60.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans) et à des amendes (CHF 540.- et CHF 1'200.-) pour conduite en incapacité de conduire, violation des règles de la circulation routière et contravention à l'art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup).

E. Le défenseur d'office de A______ dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, deux heures et cinq minutes d'activité de collaborateur, soit des discussions internes avec les stagiaires (0.6 heures) et la préparation des débats d'appel (1.5 heures), ainsi que 26 heures et cinq minutes d'activité de stagiaire, hors débats d'appel, lesquels ont duré une heure et 30 minutes, dont des discussions internes (avec le collaborateur et entre stagiaires) (0.8 heures), la préparation, la rédaction ainsi que deux "relecture[s] et amendement[s]" de la déclaration d'appel (4.65 heures), des courriels au client (0.65 heures) et la préparation des débats d'appel (17.7 heures).

Il a été indemnisé pour dix heures et 30 minutes en première instance.

 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Quiconque en usant de violence ou de menace, aura empêché une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions, les aura contraints à faire un tel acte ou se sera livré à des voies de fait sur eux pendant qu'ils y procédaient, est passible des peines de droit (art. 285 ch. 1 aCP).

2.1.2. L'art. 285 aCP réprime deux infractions différentes : la contrainte contre les autorités ou les fonctionnaires et les voies de fait contre ceux-ci (arrêts du Tribunal fédéral 6B_182/2022 du 25 janvier 2023 consid. 2.1.1 ; 6B_366/2021 du 26 janvier 2022 consid. 3.1 ; 6B_1191/2019 du 4 décembre 2019 consid. 3.1).

Selon la première variante, l'auteur empêche, par la violence ou la menace, l'autorité ou le fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions. Il n'est pas nécessaire que l'acte soit rendu totalement impossible : il suffit qu'il soit entravé de telle manière qu'il ne puisse être accompli comme prévu, qu'il soit rendu plus difficile ou différé (ATF 133 IV 97 consid. 4.2 et consid 5.2 ad art. 286 CP ; 120 IV 136 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1009/2014 du 2 avril 2015 consid. 5.1.1 et 6B_659/2013 du 4 novembre 2013 consid. 1.1).

La loi exige la menace d'un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action (ATF 120 IV 17 consid. 2a/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_386/2022 du 20 décembre 2022 consid. 3.1).

2.1.3. L'infraction exige la réalisation d'un résultat, soit l'empêchement d'accomplir un acte officiel, et qu'il soit en lien de causalité avec le comportement violent ou menaçant de l'auteur (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017 n. 26 ad art. 285 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 137-392 StGB, Jugendstrafgesetz, 4ème éd., Bâle 2019 n. 5 ad art. 285).

2.1.4. L'infraction à l'art. 285 CP est intentionnelle, le dol éventuel suffit (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017 n. 48 ad art. 285).

2.2.1. Se rend coupable de dommages à la propriété au sens de l'art. 144 al. 1 CP, celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui. Le juge peut aggraver la peine si l'auteur a causé un dommage considérable (art. 144 al. 3 CP).

2.2.2. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un préjudice de CHF 82'000.- ou CHF 40'000.- constitue un dommage considérable (ATF 117 IV 437 consid. 2.a et ATF 106 IV 24). Dans un arrêt plus récent, en référence à la doctrine majoritaire, notre Haute Cour a tranché qu'un préjudice de plus de CHF 10'000.- était considérable, laissant ouverte la question de savoir s'il fallait prendre en considération la situation personnelle du lésé (ATF 136 IV 117 consid. 4.3.1).

Une partie de la doctrine estime qu'il faut s'en tenir à un montant objectif, tandis qu'une autre opinion est d'avis qu'il faut considérer la situation personnelle du lésé pour autant que le montant du préjudice ne dépasse pas CHF 10'000.-, un dommage objectif dépassant ce seuil devant toujours être reconnu comme considérable (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017 n. 16 ad art. 144 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 137-392 StGB, Jugendstrafgesetz, 4ème éd., Bâle 2019 n. 102 ad art. 144)

2.2.3. L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (ATF 116 IV 145 consid. 2b).

2.3.1. Il est établi, dans la mesure où l'appelant ne le conteste pas, qu'il a adressé, notamment à sa curatrice, les courriels litigieux, comme décrit supra (cf. A.b.b.).

2.3.2. Quoi qu'il en dise, ses écrits, y compris les citations provenant de l'ouvrage sur la guerre, étaient constitutifs d'une menace d'un dommage sérieux, dans la mesure où il a explicitement averti ses interlocuteurs de risques pour leur intégrité physique et/ou leur vie s'ils ne s'exécutaient pas comme il le requérait.

On ne saurait le suivre lorsqu'il affirme avoir voulu manifester son intention d'ouvrir une action judiciaire, dès lors qu'il n'y a aucune allusion à un éventuel procès, ce qu'il a lui-même concédé, de même le fait que ses messages pouvaient générer l'effroi.

À cela s'ajoute le fait que les courriels ont été envoyés dans le contexte des dommages à la propriété commis, ce dont on ne saurait faire abstraction, ce qui ajoute aux mots une dimension concrète et d'autant plus effrayante. Achève de convaincre le fait que la curatrice a perçu les propos de son protégé comme menaçants et a eu peur pour sa personne au point d'hésiter à quitter les locaux de son employeur durant sa pause déjeuner.

2.3.3. La défense plaide encore que les fonctionnaires n'ont pas été entravés dans la réalisation de leurs tâches et que le résultat escompté, soit l'obtention d'une somme d'argent, n'a pas abouti, de sorte que l'infraction n'est pas réalisée.

Dans la mesure où la première variante de l'art. 285 CP, soit celle qui sera retenue à l'encontre de l'appelant, n'exige comme résultat que l'entrave d'un fonctionnaire dans la réalisation de ses tâches, il est sans importance que celui-ci n'ait pas obtenu l'argent exigé.

Outre le fait que les courriels étaient objectivement de nature à entraver les fonctionnaires dans la réalisation de leurs tâches au vu de la violence des propos, il ressort des déclarations de la curatrice, de même que de celles du directeur et de la lettre du chef de service, que les employés visés par les injures et les menaces ont été perturbés au point de ne plus oser sortir ou de vouloir rentrer chez eux. On ne peut qu'en conclure, vu leur bouleversement, que leur activité au service de l'État a été entravée, ne serait-ce que par le fait qu'elle a été différée ou rendue moins aisée.

2.3.4. Contrairement à ce que plaide la défense, l'expertise, dont aucune raison ne justifie de s'écarter, retient que l'appelant était en mesure d'apprécier le caractère illicite de son comportement, ce qui permet d'établir qu'il a, à tout le moins, envisagé et accepté d'entraver les collaborateurs dans la réalisation de leurs tâches. Il sera tenu compte de son degré de responsabilité dans la fixation de la peine.

2.3.5. Au vu de ce qui précède, les faits décrits sous point 1.1.2.2. de l'acte d'accusation sont établis et constitutifs de l'infraction de l'art. 285 ch. 1 aCP.

L'appel doit être rejeté sur ce point.

2.4.1. Il est établi, dans la mesure où l'appelant ne le nie pas, qu'il s'est présenté en date du 16 mars 2022 par deux fois devant les locaux du service intimé et a brisé plusieurs vitres du bâtiment en lançant des cailloux dessus.

Il est également établi que le dommage résultant de son comportement se chiffre à CHF 36'372.97, le plaignant ayant produit six factures pour démontrer son préjudice, et l'appelant ne le contestant pas.

2.4.2. L'appelant argue toutefois qu'il n'a eu d'autre choix que d'agir comme il l'a fait pour attirer l'attention du service sur sa situation de détresse.

2.4.3. Quoi qu'il en dise, faute de danger imminent, il ne peut se prévaloir d'aucun motif justificatif, en particulier pas de l'état de nécessité (art. 17 CP). Cela d'autant moins qu'il prétend avoir voulu avertir par les courriels litigieux de ce qu'il allait porter le différend devant un juge, concédant à demi-mot qu'il y avait d'autres options que de s'en prendre au patrimoine de l'État pour s'exprimer.

2.4.4. Les considérations sur l'élément subjectif développées supra (cf. consid. 2.3.3) valent mutatis mutandis pour les dommages à la propriété, de même que le fait que sa limitation de responsabilité sera examinée dans le cadre de la fixation de la peine.

2.4.5. Contrairement à ce que plaide la défense, l'infraction est réalisée dans sa forme aggravée dans la mesure où le seuil fixé par la jurisprudence fédérale de CHF 10'000.- est très largement dépassé, étant précisé que, pour la même raison, il ne se justifie pas d'examiner à ce stade la situation personnelle du plaignant.

2.4.6. Au vu de ce qui précède, les faits décrits sous points 1.1.1.1. et 1.1.1.2. de l'acte d'accusation sont établis et constitutifs de l'infraction de l'art. 144 al. 1 et al. 3 CP.

L'appel doit être rejeté sur ce point.

3. 3.1. L'infraction de l'art. 144 al. 3 CP est, depuis le 1er juillet 2023, passible d'une peine privative de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire, tandis que celle de l'art. 285 aCP, applicable à titre de lex mitior en vertu de l'art. 2 CP, est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

3.3. La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1).

3.4.1. Le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation (art. 19 al. 2 CP).

3.4.2. Il atténue également la peine si l'auteur a agi dans une détresse profonde et s'il a agi en proie à une émotion violente que les circonstances rendent excusables ou s'il a agi dans un état de profond désarroi (art. 48 let. a ch. 2 CP et let. c CP).

Il y a détresse profonde lorsque l'auteur est poussé à transgresser la loi pénale par une situation proche de l'état de nécessité, c'est-à-dire que, sous la pression d'une détresse particulièrement grave, il croit ne pouvoir trouver d'autre issue que dans la commission de l'infraction (ATF 147 IV 249 consid. 2.1 ; 107 IV 94 consid. 4a). Le fait qu'elle résulte d'une faute ou d'une négligence de l'auteur de l'infraction ne suffit pas à exclure l'application de l'art. 48 let. a ch. 2 CP. Le bénéfice de cette circonstance atténuante ne peut être accordé que si l'auteur a respecté une certaine proportionnalité entre les motifs qui le poussent et l'importance du bien qu'il lèse (ATF 147 IV 249 consid. 2.1).

Le profond désarroi, formulation qui correspond à celle de l'art. 113 CP relatif au meurtre passionnel, vise un état d'émotion qui mûrit progressivement pendant une longue période, qui couve pendant longtemps jusqu'à ce que l'auteur soit complètement désespéré et ne voie d'autre issue que d'agir ainsi qu'il le fait
(ATF 119 IV 202 consid. 2a ; ATF 118 IV 233 consid. 2a). Il doit être rendu excusable par les circonstances (ATF 119 IV 203 consid. 2a ; ATF 118 IV 233 consid. 2a). Le plus souvent, il est rendu excusable par le comportement blâmable de la victime à l'égard de l'auteur, mais il peut aussi l'être par le comportement d'un tiers ou par des circonstances objectives (ATF 147 IV 249 consid. 2.3 ; 119 IV 202 consid. 2a). Pour que son état soit excusable, l'auteur ne doit pas être responsable, ou principalement responsable, de la situation conflictuelle qui le provoque
(ATF 119 IV 202 consid. 2a.).

Les deux circonstances atténuantes de la détresse profonde et du profond désarroi sont ainsi similaires en ce qu'elles résultent d'un mûrissement progressif et d'un sentiment d'impuissance de l'auteur face à une situation ressentie comme injuste. Toutefois, la détresse profonde peut être fautive, alors que le profond désarroi doit avoir un caractère excusable. Les deux notions ne visent pas la même situation. D'une part, la détresse profonde privilégie la représentation subjective de l'auteur mais doit respecter une certaine proportionnalité. Elle concerne donc des infractions moins graves. On peut commettre un vol dans un supermarché dans un état de détresse profonde, alors même qu'objectivement il existe toujours d'autres issues pour sortir du dénuement, du moins dans notre pays. D'autre part, le profond désarroi est un état psychologique que chacun est susceptible de ressentir et qui est fondé sur des éléments éthiques objectifs. C'est cet état psychologique et non l'acte qui doit être excusable, ce qui permet d'envisager la circonstance atténuante, même pour des infractions objectivement très graves. Il y a donc place, dans un ensemble cohérent, pour les deux circonstances atténuantes (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 16 ad art. 48).

3.5. Si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).

3.6. La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante (ATF 137 II 297 consid. 2.3.4 ;
ATF 134 IV 97 consid. 4.2 ; ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_420/2017 du 15 novembre 2017 consid. 2.1), pas plus que sa situation économique ou le fait que son insolvabilité apparaisse prévisible (ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3).

3.7. La culpabilité de l'appelant est sérieuse. Il s'en est pris au patrimoine de l'État en jetant des pierres, à plusieurs reprises, sur les vitres d'un service d'intérêt public. Il a ainsi pris le risque, pour manifester sa colère, de blesser les collaborateurs dudit service et les a effrayés. Il a également proféré des menaces à l'égard de sa curatrice et d'autres fonctionnaires dont la mission était de lui apporter de l'aide et les a objectivement empêchés de mener à bien leurs tâches pour obtenir de l'argent.

Ses mobiles sont égoïstes. Il a agi par convenance personnelle, en étant incapable de faire preuve de maîtrise de soi et après avoir volontairement omis de prendre son traitement.

Sa collaboration a été mauvaise au début de la procédure, puis elle s'est améliorée puisqu'il a admis tous les faits qui lui étaient reprochés.

Sa prise de conscience est inexistante ; il persiste à se retrancher derrière la prétendue responsabilité du service incriminé qui l'aurait poussé à agir.

Les éléments précités, en particulier son mobile et son absence de prise de conscience, peuvent néanmoins s'expliquer par sa situation personnelle, notamment son état de santé, et permettent de relativiser d'autant sa faute.

Sa responsabilité aux moment des faits était moyennement restreinte à teneur de l'expertise psychiatrique, dont il n'y pas de raison de s'écarter.

Aucun motif d'atténuation de la peine au sens de l'art. 48 CP n'entre en ligne de compte. L'appelant ne peut se prévaloir d'une détresse profonde dans la mesure où l'importance des biens qu'il a lésés, ne serait-ce qu'en raison du montant des dommages occasionnés et surtout du risque pour l'intégrité physique des employés, n'est pas dans un rapport de proportionnalité avec les motifs qu'il évoque (obtention d'argent de poche), sans compter qu'il bénéficiait d'autre moyens pour se faire entendre du service, notamment par la voie judiciaire comme il l'a lui-même indiqué. Il ne saurait pas non plus invoquer un profond désarroi dans la mesure où son état n'était pas excusable. Il a, à le suivre, à dessein, mis fin à son traitement qu'il savait indispensable, ce qui a entraîné sa crise de décompensation et impacté négativement son comportement.

Il y a deux infractions passibles d'une peine du même genre, d'où l'application du principe d'aggravation.

L'appelant a plusieurs antécédents dont un spécifique qui est toutefois ancien.

3.8. Vu ce qui précède, en particulier sa situation personnelle et ses antécédents, les deux infractions doivent être sanctionnées par une peine privative de liberté.

3.9. Une peine privative de liberté de huit mois sera prononcée, soit cinq mois pour sanctionner les dommages à la propriété d'importance considérable, infraction objectivement la plus grave, et trois mois pour réprimer l'infraction de l'art. 285 aCP (peine théorique : six mois), en tenant compte de sa responsabilité moyennement diminuée, ce qui impacte sa faute.

3.10. Compte tenu de ses antécédents, du risque de récidive mis en évidence par l'expertise ainsi que le fait qu'une mesure est préconisée, l'appelant ne remplit pas les conditions du sursis, son pronostic étant défavorable (art. 42 al. 1 CP a contrario).

3.11.1. Aux termes de l'art. 63 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, est toxicodépendant ou souffre d'une autre addiction, le juge peut ordonner un traitement ambulatoire au lieu d'un traitement institutionnel, si l'auteur a commis un acte punissable en relation avec son état et s'il est à prévoir que ce traitement le détournera de nouvelles infractions en relation avec son état.

Si la peine n'est pas compatible avec le traitement, le juge peut suspendre, au profit d'un traitement ambulatoire, l'exécution d'une peine privative de liberté ferme prononcée en même temps que le traitement, l'exécution d'une peine privative de liberté devenue exécutoire à la suite de la révocation du sursis et l'exécution du solde de la peine devenu exécutoire en raison d'une décision de réintégration. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pendant la durée du traitement (art. 63 al. 2 CP)

3.11.2. Il n'y a aucune raison de s'écarter des conclusions de l'experte, qui a développé son opinion dans un rapport complet et circonstancié, et selon lesquelles une mesure ambulatoire est suffisante, ce qu'elle a à nouveau répété en appel après avoir pris connaissance des dernières attestations médicales. Celles-ci montrent, comme l'a relevé la psychiatre, une certaine réticence du patient qui est d'après elle inhérente à sa pathologie. L'appelant suit malgré tout son traitement mensuel, n'a pas présenté de symptômes de décompensation depuis sa libération et se dit preneur des soins proposés, évoquant, en appel uniquement, ses difficultés à se lever ou être à l'heure.

3.11.3. Il sera renoncé à l'exécution de la sanction – laquelle est au demeurant entièrement compensée avec la détention subie avant jugement (cf. infra consid. 6) – au profit de la mesure, afin de favoriser la réussite du traitement ambulatoire. Il en ira de même de l'assistance de probation, laquelle n'apparaît plus utile en l'état, étant observé que le service en charge a évoqué avoir atteint les limites de l'aide qu'il pouvait apporter à l'appelant vu sa condition.

4. 4.1. Le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il condamne le prévenu (art. 126 al. 1 let. a CPP).

4.2.1. Selon l'art. 41 al. 1 de la Loi fédérale complétant le Code civil suisse (CO), celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer. La responsabilité délictuelle instituée à l'art. 41 CO requiert que soient réalisées cumulativement quatre conditions, soit un acte illicite ou contraire aux mœurs, une faute de l'auteur, un dommage et un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l'acte fautif et le dommage. La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO ; ATF 132 III 122 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_986/2008 du 20 avril 2009 consid. 4.2).

4.2.2. Si l'équité l'exige, le juge peut condamner une personne même incapable de discernement à la réparation totale ou partielle du dommage qu'elle a causé (art. 54 al. 1 CO). Quiconque a été frappé d'une incapacité passagère de discernement est tenu de réparer le dommage qu'il a causé dans cet état, s'il ne prouve qu'il y a été mis sans sa faute (art. 54 al. 2 CO).

4.3. Vu la condamnation de l'appelant, il sera fait droit aux conclusions civiles de l'intimé, dont le dommage a été démontré par les factures produites.

La défense plaide en vain que l'appelant était incapable de discernement au moment des faits. Même à considérer que tel était le cas, il n'est pas démontré que ce dernier ne s'est pas mis dans cet état sans sa faute : il a stoppé sa médication à dessein pour faire réagir le service intimé, alors qu'il connaissait l'importance de celle-ci et le risque d'un arrêt brutal de son traitement. De surcroît, au vu de l'ampleur des dégâts et du caractère disproportionné de sa réaction, l'équité exige qu'il répare le préjudice causé en toute hypothèse.

5. Vu l'issue de la procédure d'appel, il n'y a pas lieu de revenir sur les mesures de confiscation ordonnées par le premier juge (art. 69 CP).

6. 6.1. L'art. 431 al. 2 CPP vise l'indemnisation de la détention excessive dans la mesure où elle dépasse la sanction ou la peine privative de liberté prononcée par la suite. Une indemnisation est notamment possible si le nombre des jours de détention avant jugement dépasse celui de la peine prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_558/2013 du 13 décembre 2013 consid. 1.6).

6.2. Aux termes de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. Un jour de détention correspond à un jour-amende.

Il découle de cette disposition qu'une peine privative de liberté doit, si possible, être compensée avec la privation de liberté déjà intervenue, même dans une autre procédure (ATF 133 IV 150 consid. 5.1). La détention avant jugement doit être imputée sur la peine, indépendamment du fait que celle-ci soit assortie du sursis ou non et qu'il s'agisse d'une peine pécuniaire, privative de liberté ou d'une amende (ATF 135 IV 126 consid. 1.3.6 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_389/2018 du 6 septembre 2018 consid. 1.2 sur l'imputation sur une peine prononcée avec sursis). La question de l'indemnisation d'une détention injustifiée ne se pose donc en principe que si une imputation suffisante de cette détention sur une autre sanction au sens de l'art. 51 CP n'est plus possible ; l'indemnisation financière est ainsi subsidiaire à l'imputation (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_431/2015 du 24 mars 2016 consid. 2.2).

L'art. 51 CP doit être appliqué d'office, l'imputation étant obligatoire et inconditionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1033/2018 du 27 décembre 2018 consid. 2.4).

Les mesures de substitution doivent être imputées sur la peine à l'instar de la détention avant jugement subie. Afin de déterminer la durée à imputer, le juge prendra en considération l'ampleur de la limitation de la liberté personnelle découlant pour l'intéressé des mesures de substitution, en comparaison avec la privation de liberté subie lors d'une détention avant jugement (ATF 140 IV 74 consid. 2.4).

6.3.1. L'appelant a subi 265 jours de détention avant jugement et a été astreint à des mesures de substitution durant 416 jours, dont 169 jours jusqu'au premier jugement.

À l'instar du premier juge, l'impact desdites mesures de substitution sur la liberté personnelle de l'appelant peut être pondéré comme équivalent à 10% d'autant de jours de détention, soit un total de 42 jours, étant rappelé, d'une part, que l'appelant n'a pas contesté cette appréciation, d'autre part, qu'il ne s'est pas conformé en tous points aux mesures de substitution ordonnées.

6.3.2. La peine prononcée en appel (huit mois ou 240 jours) dépasse la durée de la détention avant jugement exécutée par l'appelant, y compris les jours imputés à titre de mesures de substitution (265 jours plus 42 jours).

Les 307 jours seront ainsi d'abord imputés sur la sanction prononcée en appel à raison de 240 jours et les 67 jours restant, à due concurrence, sur la peine pécuniaire de 100 jours-amende prononcée le 24 juillet 2018 par le MP.

Ainsi, les conclusions en indemnisation de l'appelant seront rejetées.

7. Les motifs ayant conduit le premier juge à prononcer, par ordonnance séparée, le maintien des mesures de substitution sont toujours d'actualité, ce que l'appelant ne remet pas en question, de sorte que la mesure sera reconduite mutatis mutandis jusqu'à l'entrée en force du présent arrêt (ATF 139 IV 277 consid. 2.2 à 2.3).

8. L'appelant, qui succombe en grande partie, supportera 75% de frais de la procédure de l'appel envers l'État (art. 428 CPP), y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'500.-. Au vu de la confirmation des verdicts de culpabilité, la répartition des frais de première instance ne sera pas revue.

9. 9.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique. Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus, avocat stagiaire CHF 110.- (let. a) et collaborateur CHF 150.- (let. b).

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

9.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Il en va de même d'autres documents ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, telle l'annonce d'appel (AARP/184/2016 du 28 avril 2016 consid. 5.2.3.2 et 5.3.1 ; AARP/149/2016 du 20 avril 2016 consid. 5.3 et 5.4 ; AARP/146/2013 du 4 avril 2013), la déclaration d'appel (ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2014.51 du 21 novembre 2014 consid. 2.1 ; décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.165 du 24 janvier 2014 consid. 4.1.3 et BB.2013.127 du 4 décembre 2013 consid. 4.2). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

9.3. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public est arrêtée à CHF 55.- pour les stagiaires, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats d'appel.

9.4. Le travail consistant en des recherches juridiques, sauf questions particulièrement pointues, n'est pas indemnisé, l'État ne devant pas assumer la charge financière de la formation de l'avocat stagiaire, laquelle incombe à son maître de stage, ou la formation continue de l'avocat breveté (AARP/147/2016 du 17 mars 2016 consid. 7.3 ; AARP/302/2013 du 14 juin 2013 ; AARP/267/2013 du 7 juin 2013).

9.5. Les séances internes entre le défenseur d'office et son stagiaire ne sont pas indemnisées par l'assistance juridique (AARP/57/2016 du 9 février 2016 consid. 7.2 et 7.3 ; AARP/307/2014 du 2 juillet 2014 ; AARP/20/2014 du 7 janvier 2014).

9.6. Lorsque tant le maître de stage que le stagiaire assistent à l'audience, seule l'activité de l'un d'eux, soit celui étant concrètement intervenu, sera indemnisée, au taux réservé à son statut (AARP/504/2015 du 17 novembre 2015 consid. 7.2 ; AARP/262/2015 du 29 mai 2015 consid. 4.2.1 ; AARP/186/2015 du 2 avril 2015 consid. 10.2 ; AARP/146/2013 du 4 avril 2013).

9.7.1. En l'occurrence, ne sera pas indemnisé le temps consacré par les stagiaires à la rédaction ainsi qu'à la révision de la déclaration d'appel et à l'envoi de deux courriels au mandant, l'activité adéquate à ce titre étant couverte par le forfait.

Seront écartées les discussions internes entre le collaborateur et les stagiaires – dans la mesure où elles relevaient de la formation de ceux-ci, laquelle n'a pas à être rémunérée pas l'assistance judiciaire – ainsi qu'entre stagiaires, le travail de deux élèves avocats n'apparaissant pas nécessaire eu égard à la difficulté relative du dossier.

Sera réduit à dix heures le temps consacré par les stagiaires à la préparation des débats d'appel, ce qui est déjà considérable au vu de la difficulté de l'affaire, mais demeure acceptable pour un travail effectué en formation. Le temps consacré par le collaborateur à la préparation des débats d'appel ne sera pas indemnisé, l'appelant ayant été accompagné par les stagiaires aux débats d'appel, l'un d'entre eux ayant du reste requis une attestation de plaidoiries. Cela étant, une double présence était superflue, de sorte qu'il se justifie de ne tenir compte que de la présence d'un seul stagiaire et d'un unique forfait de déplacement.

9.7.2. En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 2'021.10 correspondant à 13.8 heures d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 1'518.-) plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 303.60), le déplacement à l'audience d'appel (CHF 55.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 144.50).

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/635/2023 rendu le 23 mai 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/6146/2022.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 CP) s'agissant des faits visés sous chiffre 1.1.2.1. de l'acte d'accusation.

Déclare A______ coupable de dommages à la propriété d'importance considérable (art. 144 al. 1 et 3 CP) et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 aCP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de huit mois, sous déduction de 240 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Dit que la détention avant jugement de 67 jours subie en trop dans la présente procédure sera imputée sur la condamnation prononcée le 24 juillet 2018 par le Ministère public du canton de Genève (art. 51 CP).

Ordonne que A______ soit soumis à un traitement ambulatoire (art. 63 CP).

Suspend l'exécution de la peine privative de liberté au profit du traitement ambulatoire (art. 63 al. 2 CP).

Renonce à ordonner une assistance de probation pendant la durée du traitement ambulatoire.

Ordonne la transmission du présent arrêt, du procès-verbal de l'audience d'appel, du rapport d'expertise psychiatrique du 27 octobre 2022 ainsi que du procès-verbal de l'audition de l'experte du 25 novembre 2022 au Service d'application des peines et mesures (SAPEM) ainsi qu'au Centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrées (CAPPI) O______.

Condamne A______ à payer à l'État de Genève CHF 36'372.97 à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Ordonne la confiscation et la destruction des objets figurant sous chiffres 1 à 3 de l'inventaire n° 1______ (art. 69 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 431 al. 1 CPP).

Ordonne le maintien des mesures de substitution ordonnées le 5 décembre 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte jusqu'à l'entrée en force du présent arrêt (art. 231 al. 1 et 237 al. 4 CPP).

Prend acte de ce que le Tribunal de police a arrêté l'indemnité due à MB______, défenseur d'office de A______, à CHF 1'670.45, TVA comprise, pour ses diligences dans la procédure préliminaire et de première instance.

Prend acte de ce que le Tribunal de police a arrêté les frais de la procédure préliminaire et de première instance à CHF 8'999.- et les a mis à charge de l'appelant à raison de 4/5èmes ainsi que l'émolument complémentaire de jugement dans sa totalité, soit CHF 600.-.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 2'540.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'500.-.

Met 75% de ces frais, soit CHF 1'905.-, à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Arrête à CHF 2'021.10, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) et au Service de probation et d'insertion (SPI).

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

9'599.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

240.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

100.00

Etat de frais

CHF

700.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'540.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

12'139.00