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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3656/2024

JTAPI/631/2025 du 12.06.2025 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : ARBRE
Normes : LPA.65; LPMNS.1.alc; RCVA.3.al1; RCVA.14; RCVA.16
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3656/2024 AMENAG

JTAPI/631/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 juin 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCAN

 


EN FAIT

1.             Le 9 mai 2019, Monsieur B______ a déposé une requête en autorisation de construire portant sur la modification du taux de la villa existante et la construction d'une nouvelle villa sur la parcelle n° 1______ (ancienne parcelle n° 2______b) de la commune du ______[GE] (ci-après: la commune), à l'adresse ______[GE], dont il est propriétaire avec Monsieur A______. Cette requête a été enregistrée sous la référence APA 3______.

2.             Dans le cadre de son instruction, en date du 14 mai 2019, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après: OCAN) a rendu un préavis favorable, sous condition notamment de prendre, lors des travaux, toutes les précautions nécessaires afin de conserver valablement les arbres sis à proximité du chantier. Aucun décaissement ne pourrait se faire dans le domaine vital des arbres.

3.             L'autorisation de construire APA 3______ a été délivrée en date du ______ 2019, reprenant le préavis de l'OCAN précité à titre de condition.

4.             Le 24 août 2024, M. A______ a sollicité de l'OCAN l'autorisation d'abattre un sapin poussant sur la parcelle pour des motifs de salubrité et de proximité aux infrastructures.

Cette requête était motivée par le fait que cet arbre leur causait des nuisances ainsi qu'au voisinage. Ils ne pouvaient pas profiter de leur jardin à cause de l'écoulement du « miel » de cet arbre.

Un courrier de voisins appuyant cette requête était joint.

5.             Le 4 septembre 2024, sur demande de l'OCAN, M. A______ a produit des photographies de l'arbre en question.

6.             Par décision du ______ 2024, l'OCAN a refusé de délivrer l'autorisation d'abattage sollicitée au motif que l'arbre en question devait être maintenu car il avait été conservé dans le cadre du projet de construction.

7.             Par acte du 30 octobre 2024, M. A______ a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) sollicitant un « réexamen » de sa demande d'abattage compte tenu de l'impact significatif de cet arbre sur leur quotidien et leur environnement.

Bien qu'il comprenait l'importance de préserver la végétation, cet arbre causait des nuisances importantes et persistantes pour leur quotidien ainsi que pour le voisinage. Cet arbre imposait une ombre permanente, les privant de la jouissance de l'espace extérieur durant l'été, et relâchait une substance collante semblable à du miel, qui salissait et endommageait leurs meubles de jardin ainsi que les véhicules stationnés. La façade était également touchée par cette substance. Les chutes d'aiguilles étaient aussi un problème. En plus de nécessiter un entretien continu, elles bloquaient régulièrement les canalisations, causant des risques pour leur système d'évacuation. Le nettoyage régulier était couteux et insuffisant pour éliminer les blocages. Ces débris entraînaient aussi un manque d'hygiène pour leurs voisins directs.

8.             Par écriture du 5 décembre 2024, le recourant a fourni des informations complémentaires.

La substance collante était problématique pour leur mobilier extérieur et leur véhicule et rendait toute utilisation de l'espace extérieur désagréable. Durant l'été, ils avaient été contraints de rester à l'intérieur, les surfaces extérieures étant constamment souillées et collantes.

Leurs voisins subissaient aussi des nuisances à cause de cet arbre. Le feuillage tombait continuellement dans leur canalisation, augmentant les risques de blocage. Si les canalisations venaient à se boucher, cela pourrait causer des inondations.

Cet arbre, de par sa taille, représentait une source d'inquiétudes constante lors des périodes de vent fort. Les branches, fragilisées par les intempéries ou l'âge de l'arbre, risquaient de se détacher et de causer des dommages matériels ou des blessures. Ils avaient peur que l'arbre ne chute sur leur maison, leur voiture ou des passants en cas de tempête.

Cet arbre constituait une source constante de frustration et de désagrément, limitant leur capacité à profiter de la propriété et nuisant à leur bien-être psychologique.

Aucune solution alternative n'était viable sur le long terme.

9.             Le 10 février 2025, l'OCAN a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours sous suite de frais.

Les propriétaires étaient libres de planter les essences qu'ils souhaitaient, avec pour corollaire qu'ils devaient ensuite assumer les contraintes inhérentes à ces espèces. La chute d'aiguilles et l'écoulement de sève étaient des phénomènes normaux inhérents à tous les résineux et constituaient en définitive des inconvénients ordinaires qu'il convenait de pondérer avec les critères de maintien. Il en était de même de l'ombre provoquée par le sapin, étant précisé que vu la situation de l'arbre par rapport à la maison et la course du soleil, cette ombre n'était pas permanente. D'ailleurs, sur le plan d'abattage produit par le recourant, l'ombre du sapin était projeté sur la parcelle voisine de la sienne. Quant à la jouissance des espaces extérieurs et l'impact de l'arbre sur la qualité de vie, la conservation de cet arbre avait été demandée dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire APA 3______ et l'arbre était antérieur à ces travaux. C'était ainsi en pleine connaissance de cause que le recourant s'était installé dans sa maison. En comparant les photographies produites par le recourant et les plans déposés dans le cadre de l'APA 3______, on constatait que la terrasse aménagée sur dalles, en partie dans le domaine vital du sapin, ne figurait pas sur ces plans. Cet aménagement contrevenait dès lors au préavis de l'OCAN du 9 mai 2019 et partant à l'autorisation de construire délivrée. L'éventuel impact de l'arbre sur cette terrasse ne pouvait dès lors être pris en compte dans la pesée des intérêts entre la conservation et l'abattage de l'arbre. Quant à son état sanitaire, il avait été considéré comme satisfaisant par le technicien-arbre à la suite d'une inspection visuelle. Même si des pronostics absolus n'étaient pas possible en évaluant le vivant, il était raisonnable d'affirmer que l'arbre ne présentait aucun défaut apparent pouvant laisser penser un potentiel problème de sécurité.

Il s'agissait d'un arbre de grande taille, haut d'une quinzaine de mètres et dont la couronne atteignait une douzaine de mètres de diamètre. L'arbre litigieux possédait de surcroît une forte valeur paysagère en tant qu'arbre marquant le quartier, de par son élévation et sa silhouette. Par ailleurs, sous l'angle de sa valeur écosystémique, son volume permettait non seulement de séquestrer du carbone mais de diffuser de l'ombre et de la fraicheur pendant la période estivale et, dès lors, de lutter contre l'effet d'ilot de chaleur. Son remplacement même par plusieurs autres individus, ne permettrait pas de le compenser complètement. La pesée des intérêts amenait à conclure que la conservation de l'arbre devait être privilégiée face aux inconvénients ordinaires que subissaient le recourant.

10.         Invité par le tribunal à formuler une réplique, le recourant n'y a pas donner suite dans le délai imparti.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) et du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04) (art. 62 al. 2 LPMNS et 23 RCVA cum art. 6 al. 1 let. j du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2018 - ROAC - B 4 05.10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             L’art. 65 al. 1 LPA prévoit en outre que l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. Par ailleurs, l’art. 65 al. 2 LPA indique que l’acte de recours doit également contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité.

4.             Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions des recourants, notamment s'ils agissent en personne. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/64/2021 du 19 janvier 2021 consid. 2 ; ATA/1790/2019 du 10 décembre 2019 ; ATA/1199/2019 du 30 juillet 2019).

Pour y satisfaire, le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi et pourquoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2). En particulier, la motivation doit se rapporter à l'objet du litige tel qu'il est circonscrit par la décision attaquée (ATF 133 IV 119 consid. 6.4) et le recourant doit se référer à des motifs qui entrent dans le pouvoir d'examen de l'autorité de recours (ATA/32/2010 du 19 janvier 2010). Une brève motivation est suffisante, à condition toutefois que les motifs avancés se rapportent à l'objet de la contestation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.143/2005 du 21 avril 2005). Encore faut-il que cette motivation soit topique, à savoir qu'il appartient au recourant de prendre position par rapport à la décision attaquée et d'expliquer en quoi et pourquoi il s'en prend à celle-ci (ATA/596/2011 du 20 septembre 2011 consid. 5 ; ATA/32/2010 du 19 janvier 2010 et les références citées). Il serait contraire au texte même de la loi de renoncer à ces exigences minimales (ATA/239/2013 du 16 avril 2013 ; ATA/173/2004 du 2 mars 2004).

5.             Le formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1).

6.             En l’espèce, l’acte du 30 octobre 2024, déposé par le recourant, fait expressément référence à la décision attaquée. S'il est vrai qu'il ne formule pas explicitement de conclusions, hormis une demande de « réexamen », on comprend aisément qu'il sollicite l'annulation de la décision querellée et expose des griefs en lien avec la question de l'abattage du sapin litigieux en raison des inconvénients qu'il lui procure.

Ainsi, il convient de retenir que l’acte de recours précité contient les éléments essentiels pour constater sa recevabilité, sauf à verser dans le formalisme excessif.

Au vu de ce qui précède, le recours interjeté par le recourant remplit les conditions posées par l’art. 65 LPA, de sorte qu’il est recevable sous cet angle également.

7.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 515 p. 179).

8.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

9.             En matière administrative, les faits doivent en principe être établis d'office et, dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle procède à cette recherche, les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s'appliquent pas. Il n'en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l'on ne peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille, la règle de l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie. Pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 112 Ib 65 consid. 3 ; ATA/1240/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6).

10.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3). Ce devoir comprend en particulier l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3c et les références citées).

11.         En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 phr. 2 LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/791/2013 du 18 juillet 2023 consid. 6.1 et les références citées). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/791/2013 précité consid. 6.1 et les références citées).

12.         Le recourant fait valoir que le sapin existant sur sa parcelle lui causerait de nombreux désagréments, ainsi qu'à ses voisins, notamment les coulées de sève, la chute d'aiguilles, l'ombre permanente ainsi que de potentiels problèmes de sécurité lié à la présence de l'arbre.

13.         La LPMNS a notamment pour but d’assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l’espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c LPMNS). Les dispositions y relatives ne visent pas à permettre à des tiers d'obtenir la protection d'un droit ou d’une prescription de nature purement civile, à l’instar notamment des art. 684 ss CC (cf. ATA/552/2013 du 27 août 2013 consid. 8).

14.         Sont protégés conformément à la loi, les sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS).

15.         À teneur de l'art. 36 al. 1 LPMNS, le Conseil d’État édicte les dispositions nécessaires à la protection, la conservation et l’aménagement des sites visés à l’art. 35 LPMNS. Il peut n’autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l’élagage ou la destruction de certaines essences d’arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let. a LPMNS).

16.         En application de l'art. 35 al. 1 LPMNS, le Conseil d’État a adopté le règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04), qui a pour but d'assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvellement, de la végétation formant les éléments majeurs du paysage (art. 1 RCVA). Il est applicable aux arbres situés en dehors de la forêt, telle que définie à l'art. 2 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10), ainsi qu'aux haies vives et boqueteaux présentant un intérêt biologique ou paysager (art. 2 al. 1 RCVA).

17.         Selon l’art. 3 al. 1 RCVA, aucun arbre ne peut être abattu ou élagué, ni aucune haie vive ou aucun boqueteau coupé ou défriché, sans autorisation préalable du département, sous réserve de l’al. 2, non pertinent en l'occurrence.

Il ressort de l'art. 11 al. 1 RCVA que le département peut délivrer immédiatement une autorisation d'abattage ou d'élagage lorsqu'il constate, par lui-même, sur avis du propriétaire ou d'un tiers : qu'un arbre présente un danger imminent pour les personnes, les biens ou les milieux naturels sis alentour (let. a) ; qu'un arbre cause un danger d'infection ou de propagation d'une maladie à la végétation arborée (let. b) ; qu'un arbre est mort (let. c).

Il ressort de l'art. 14 RCVA que les propriétaires, mandataires, requérants, constructeurs ou autres usagers de terrains sont tenus de veiller avec la plus grande attention à la préservation des arbres, haies vives et boqueteaux existants (al. 1). Selon l'al. 2, il leur incombe : de traiter les arbres malades ou dépérissants (let. a) ; de prendre, notamment lors de travaux, toutes précautions utiles pour assurer la survie des arbres, haies vives et boqueteaux, en se conformant aux directives édictées par le département (let. b) ; d'appliquer les mesures arrêtées par le département destinées à prévenir et réparer les dégâts causés par des organismes nuisibles particulièrement dangereux (let. c).

L’autorisation d’abattage d’arbres ou de défrichage de haies vives et de boqueteaux est assortie, en principe, de l’obligation de réaliser des mesures compensatoires (art. 15 al.1 RCVA).

18.         Le département édicte des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l’exécution correcte des mesures compensatoires (art. 16 RCVA).

La directive d'août 2008 concernant la conservation des arbres (ci-après : la directive) précise les règles décisionnelles en matière de conservation du patrimoine arboré et vise à assurer la protection des arbres en place et simultanément le renouvellement du patrimoine arboré (art. 1 de la directive). La décision de maintenir un arbre est prise lorsque l’intérêt de maintien prime sur les motifs d’abattage et celle d'abattage seulement si des motifs valables empêchent le maintien de l'arbre (art. 2 de la directive).

Les critères de maintien sont évalués en relation directe avec l'espèce par une personne qualifiée du département du territoire (art. 2.1 de la directive). Les art. 2.1.1 à 2.1.4 de la directive énumèrent lesdits critères, à savoir : la beauté et l’intérêt du sujet (élément majeur du paysage, arbre remarquable, intérêt écologique), son état sanitaire (vigueur, absence de maladies, de blessures, qualité statique, couronne et charpente équilibrées) et son espérance de vie (potentialités de développement futur, espace disponible, conditions environnementales), ainsi que d’autres cas (impossibilité de compenser et de renouveler, maintien d’un espace plantable, situations particulières).

Les art. 2.2.1 à 2.2.5 de la directive énumèrent les motifs d’abattage, à savoir : les dangers et incidences de l’arbre sur les biens et les personnes, le type et l’importance de la construction ou de l’aménagement projeté, la mise en valeur d’autres arbres, l’entretien d’un ensemble végétal, la prévention phytosanitaire et le respect des lois, servitudes ou conventions, pour autant qu’un préjudice soit prouvé (ATA/552/2013 du 27 août 2013 ; ATA/398/2013 du 25 juin 2013 ; ATA/114/2010 du 16 février 2010).

19.         Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 129 V 205 consid. 3.2 ; 127 V 61 consid. 3a ; 126 V 68 consid. 4b ; 427 consid. 5a ; 121 II 478 consid. 2b et les références ; ATA/552/2013 du 27 août 2013 ; ATA/114/2010 du 16 février 2010). Émise par l'autorité chargée de l'application concrète d’une loi, l'ordonnance administrative est un mode de gestion : elle rend explicite une ligne de conduite, permet d'unifier et de rationaliser la pratique, assure ce faisant aussi l'égalité de traitement et la prévisibilité administrative et facilite le contrôle juridictionnel, puisqu'elle dote le juge de l'instrument nécessaire pour vérifier que l'administration agit selon des critères rationnels, cohérents et continus, et non pas selon une politique virevoltante du cas par cas (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, pp. 426-427).

Sous cet angle, la directive concernant la conservation des arbres peut être prise en considération (cf. ATA/552/2013 du 27 août 2013).

20.         De façon générale, le tribunal observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des instances de préavis spécialisées, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Il se limite à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (cf. not. ATA/636/2018 du 19 juin 2018 consid. 8c ; ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 5 ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 consid. 8c ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7c ; ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 ; ATA/694/2012 du 16 octobre 2012 et les références citées).

21.         L'OCAN est composé de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (cf. ATA/552/2013 du 27 août 2013 consid. 6b ; ATA/398/2013 du 25 juin 2013 consid. 6). Lorsqu’il examine une requête en abattage d’arbre, l'OCAN se fonde sur les critères définis dans la LPMNS, le RCVA et la directive (cf. ATA/552/2013 du 27 août 2013 consid. 8).

22.         En l’espèce, d'après les constatations de l'OCAN, l'arbre litigieux est de grande taille, mesurant approximativement 15 m de haut, et sa couronne atteint une douzaine de mètres de diamètre. Cet arbre possède une forte valeur paysagère, marquant le quartier de par son élévation et sa silhouette. Il est également visible depuis l'extérieur de la parcelle. Le recourant ne remet pas en cause cette appréciation quant au bon état sanitaire et à l'intérêt paysager de l’arbre litigieux. En l'absence d'éléments contradictoires au dossier, il n'y a donc pas de raison pour le tribunal de céans de s'en écarter.

En revanche, le recourant reproche à l'OCAN de ne pas avoir suffisamment tenu compte des nuisances importantes générées par le sapin litigieux, pour lui et ses voisins, et du danger qu’il constitue pour les personnes et le bâtiment qu’il couvre, avec le risque de dommages pour son habitation.

Certes, la sécurité et la dépréciation de biens privés font partie des motifs susceptibles de justifier un abattage. En l’occurrence, toutefois, aucun élément concret ne permet de retenir que l’arbre en question, qui se trouve à proximité d'habitations serait, en soi, une source de danger. Au contraire, dans ses observations du 10 février 2025, l'OCAN considère raisonnable d'affirmer que l'arbre ne présente aucun défaut apparent pouvant laisser penser à un potentiel problème de sécurité. Le recourant n'établit pas non plus que sa propriété ou celle de voisins aurait subi des dommages matériels concrets, hormis les désagréments subis en raison de la coulée de la sève et la chute des aiguilles. Il n’a pas non plus été constaté que des branches mortes menaçaient de tomber. Par ailleurs, les nuisances invoquées, à savoir la privation de lumière, les dégâts et salissures provoquées par la chute des aiguilles et l'écoulement de la sève, inconvénients que l'on peut raisonnablement qualifiés d'ordinaires, n’apparaissent pas non plus d’une gravité telle qu’elles justifieraient l'abattage d’un arbre en bonne santé, étant rappelé, pour le surplus, que la construction du recourant a été érigée alors que l'arbre était déjà présent depuis de très nombreuses années, ce en toute connaissance de cause. Il convient en particulier de relever que la conservation de cet arbre a été requise dans le cadre de l'autorisation de construire APA 3______, contrairement à l'aménagement de la terrasse, laquelle n'a fait l'objet d'aucune autorisation et s'inscrit dans le domaine vital de l'arbre, en contradiction avec le préavis de l'OCAN du 14 mai 2019 faisant partie intégrante de l'autorisation de construire APA 3______. Partant, les inconvénients liés à l'absence de jouissance de cet aménagement extérieur réalisé sans droit ne sauraient par principe justifier l'abattage de l'arbre en cause.

Le recourant fait également valoir les coûts élevés pour l’entretien de l’arbre et l’évacuation des déchets, sans toutefois chiffrer ces frais et démontrer qu’ils seraient disproportionnés. Il n'a également pas démontré qu'il aurait vainement tenté d'élaborer d'autres solutions alternatives à sa demande d'abattage.

Aussi, au regard des buts poursuivis par la LPMNS et le RCVA et compte tenu des critères d’appréciation pris en compte par l'OCAN pour évaluer la nécessité de maintenir ou d’abattre le sapin litigieux, les motifs d'abattage invoqués par le recourant doivent céder le pas à l’intérêt au maintien de cet arbre. Dans ces conditions, et compte tenu de la retenue qu'observe le tribunal pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle du service spécialisé, l'autorité n’a ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant l’autorisation d’abattre le sapin litigieux.

23.         Mal fondé, le recours est rejeté.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 octobre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature du ______ 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Kristina DE LUCIA, présidente, Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS et Patrick BLASER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Kristina DE LUCIA

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

Le greffier