Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/860/2024 du 29.08.2024 ( LCI ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 29 août 2024
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dans la cause
Madame A______, représentée par Me Nicolas CASADA, avocat, avec élection de domicile
Madame B______ et Monsieur C______
contre
Mesdames D______, E______, F______, G______, H______ et I______, Messieurs J______, K______, L______, M______, Madame N______ et Monsieur O______, Madame P______ et Monsieur Q______, et Madame R______ et Monsieur S______
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
COMMUNE DE T______, représentée par Me Stéphane GRODECKI, avocat, avec élection de domicile
1. Madame A______ est propriétaire des parcelles n°s 1______ et 2______ de la commune de T______.
2. Madame B______ et Monsieur C______ sont copropriétaires de la parcelle n° 3______.
3. Le ______ 2023, la commune de T______ a déposé une requête en autorisation de construire auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) portant sur la démolition et la reconstruction d’une passerelle sur U______ (passerelle piétonne, PMR, cycles) – aménagements pour la mobilité douce sur la route de T______ et chemin V______ – aménagements paysagers et renaturation partielle de U______ – défrichement temporaire et définitif – abattage et/ou élagage d’arbres hors forêt (RCVA), réglementation locale de la circulation, sur la parcelle n°s 4______ – propriété de Madame I______ – 5______ et 6______ – propriétés de l’Etat de Genève, - 7______ – propriété de la commune de T______ – et 8______ – propriété de Madame N______ et Monsieur O______, Madame D______, Madame G______, Madame H______ et Monsieur H______, Monsieur K______, Monsieur M______, Monsieur L______, Madame F______, Madame E______ et Monsieur J______, Madame R______ et Monsieur S______, Madame P______ et Monsieur Q______, et 9______ – propriété de Madame I______, sises en zone 5 et en zone bois et forêt (DD 10_____).
Elle a notamment produit un certain nombre de rapports, notamment un rapport technique du projet.
4. Dans le cadre de l’instruction de cette requête, tous les préavis recueillis étaient favorables, notamment :
- préavis de l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) du 22 juin 2023 : favorable avec dérogation selon l’art. 27 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) ;
- préavis de la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) du 24 septembre 2023 : favorable avec dérogation selon les art. 15 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05) et 11 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) et 27 LaLAT ;
- préavis de la commune de T______ du 2 août 2023 : favorable ;
- préavis de l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau) du 17 juillet 2023 : favorable avec dérogation selon l’art. 15 al. 3 LEaux-GE et sous conditions ;
- préavis de l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) du 15 août 2023 : favorable avec une dérogation au sens des art. 5 et 6 de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0) et 7 LForêt, et sous conditions et réserve des conditions mises à l’autorisation de défrichement n° 11_____ ;
Le même jour, il a rendu un préavis favorable liant relatif aux arbres hors forêts, sous conditions, autorisant l’abattage de neuf thuyas avec obligation de replanter pour un montant d'au moins CHF 1'700.- et de fournir un projet chiffré de replantation à l'OCAN pour accord préalable ;
- préavis liant de l’office cantonal des transports (ci-après : OCT) du 9 août 2023 relatif à la réglementation locale de la circulation et du stationnement : favorable sans observations ;
- préavis de l’OCT du 11 août 2023 – précédé d’un premier préavis favorable sous condition du 27 juin 2023 : favorable sous conditions, notamment le respect du préavis liant y relatif.
5. L’OCAN a également délivré une autorisation n° 12_____ relative au défrichement temporaire et définitif de deux surfaces dans le cadre de la construction de la passerelle, laquelle décrit les divers éléments pris en considération pour conduire à sa délivrance.
6. Par décision globale du ______ 2023, le département a délivré l’autorisation de construire sollicitée.
7. Par acte du 5 octobre 2023, Mme B______ et M. C______ (ci-après : les recourants) ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant à ce que des chicanes soient mises en place sur le V______ à la hauteur environ du milieu du réduit en bois bâtiment n°s 13_____ et 14_____ de la parcelle n° 15_____ et que les problèmes de sécurité aux deux débouchés de ce projet soient résolus. Ce recours a été ouvert sous le n° de cause A/3223/2023.
Les remarques qu’ils avaient formulées le 18 juillet 2023 à l’OAC avaient été ignorées.
La commune prévoyait de maintenir la circulation venant du village sur le chemin W______ et de supprimer celle qui allait au village. La visibilité du débouché du chemin V______ sur le chemin W______ était précaire. Malgré le 30 km/h pour le chemin W______, il y avait des cycles, des motos, des trottinettes électriques et des voitures qui venaient trop vite vu que le chemin W______ était en pente et que ce débouché se situait dans un léger virage dudit chemin. Pour une meilleure visibilité de ce débouché, il faudrait juste faire l’inverse pour la circulation du chemin W______ à cet endroit. De plus, une voiture roulant dans le chemin V______ avait de la peine à croiser un cycle à la hauteur des voitures garées le long du chemin.
Il était regrettable que le projet cachât tant de non-dits.
8. Par acte du même jour, Mme A______ (ci-après : la recourante) a également recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant à son annulation. Ce recours a été ouvert sous le n° de cause A/3230/2023.
Sa famille avait cédé il y avait plusieurs décennies du terrain pour faire du sentier V______ un chemin pour permettre l’accès aux riverains mais pas pour permettre un trafic de transit, fut-ce des cyclistes.
Le projet présentait des inconvénients majeurs.
Concernant la sécurité, le projet était accidentogène car mettant en confrontation des cyclistes et des riverains motorisés devant manœuvrer en marche arrière sans visibilité dans un chemin sans issue. Ni la sécurité sur le chemin V______ ni celle au débouché sur le chemin W______ n’était abordée par l’autorisation. Suite au refus de certains riverains de céder du terrain, il n’était pas possible de garantir une largeur homogène de la passerelle : cette dernière se terminera donc « en entonnoir » après une légère pente, ce qui rendra la cohabitation piétons-cyclistes difficile.
Le projet créera par ailleurs une trouée dans un couloir en zone forêt en partie dans la zone inconstructible, ce qui portera atteinte à la biodiversité.
Pour terminer, il existait des alternatives puisque deux passerelles en amont et en aval existaient déjà.
9. La commune de T______ s’est déterminée sur le recours déposé par Mme B______et M. C______ (cause n° A/3223/2023) par écriture du 8 décembre 2023, concluant préalablement à la jonction des causes et, au fond, à son rejet, sous suite de frais et dépens.
La réalisation du projet X______ l’avait incitée à prévoir l’aménagement d’une passerelle piétonne et cyclables au niveau du secteur V______ permettant aux habitants du nord de la commune de rejoindre le centre du village. La passerelle et le chemin existants n’étaient pas conformes aux normes en vigueur et aux contraintes actuelles de mobilité douce. Tous les préavis recueillis étaient favorables.
Les recourants estimaient qu’il existait un risque de collision et des problèmes de sécurité aux deux débouchés du projet : toutefois, ils ne faisaient qu’opposer leur propre appréciation sur l’opportunité du projet, qui ne pouvait être revue par le juge. Par ailleurs, il n’existait aucun droit à manœuvrer de la manière dont ils l’entendaient sur le domaine public : il leur appartenait d’y apporter l’attention nécessaire pour éviter toute collision. Leur seule convenance personnelle devait céder le pas face à l’intérêt public au développement de la mobilité douce. L’OCT n’avait du reste émis aucune réserve quant à la sécurité : il n’y avait aucun motif de s’écarter du préavis favorable de cette instance.
10. Par écriture du même jour, elle s’est déterminée sur le recours déposé par Mme A______ (cause n° A/ 3230/2023), prenant les mêmes conclusions.
La parcelle de la recourante ne se situant pas à proximité directe de la passerelle, il était discutable qu’elle disposât d’un intérêt à recourir.
L’argument selon lequel la famille de la recourante avait cédé du terrain pour faire du sentier V______ un chemin à destination des riverains était manifestement une problématique de droit privé ne devant pas être examinée par le tribunal.
Concernant les atteintes à la biodiversité, le défrichement avait été autorisé et une compensation prévue. La largeur de la passerelle avait été déterminée afin de conserver trois arbres majeurs. Sa hauteur avait été décidée afin de garantir un couloir écologique, précisément en vue d’améliorer les développements de la faune et de la flore. L’éclairage sera intégré à la main courante, ce qui n’engendrera pas de rayonnement direct en direction de U______ et ne pourra ainsi pas être considéré comme nuisible pour la faune. Le projet aura par ailleurs pour effet de rétablir le lit naturel de U______ et remodeler la berge et le talus en rive droite pour restituer une topographie naturelle : il assurera également une meilleure continuité des berges. En tout état, la recourante ne faisait que substituer sa propre appréciation sur l’opportunité du projet : or, tous les préavis étaient favorables, notamment ceux de l’OCEau et de l’OCAN.
La recourante jugeait la cohabitation entre les cyclistes et les riverains motorisés dangereuse sur le chemin, ainsi qu’entre les cyclistes et les piétons sur la future passerelle : à nouveau, elle ne faisait qu’opposer sa propre appréciation sur l’opportunité du projet. L’OCT n’avait émis aucune réserve quant à la sécurité et le juge n’avait aucun motif pour s’écarter du préavis favorable, et ne pouvait en tout cas pas examiner l’opportunité du projet.
11. Le 8 décembre 2023, le département a transmis ses observations sur les deux recours, concluant préalablement à la jonction des causes et, au fond à leur rejet, sous suite de frais. Il a produit son dossier.
Les inconvénients graves soulevés par les recourants avaient été étudiés par l’OCT et dûment écartés. La congestion du trafic routier répondait d’avantage aux inquiétudes injustifiées des recourants qu’à de véritables motifs sécuritaires liés à la passerelle envisagée et n’était dès lors pas pertinente. Quant à la problématique du débouché sur le chemin V______, elle existait avant le projet, ce qui ne saurait justifier son refus. Quant au danger de collision avec les passants, il relevait de l’ordre de l’hypothétique. Par ailleurs, les faits invoqués, notamment la vitesse des véhicules et le comportement des cyclistes, ne relevaient à l’évidence pas du projet ni de son exploitation ; le comportement inadapté des utilisateurs excédait les compétences du tribunal et sortait du champs d’application de l’art. 14 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). La vitesse était par ailleurs déjà réduite de 20 km/h. Enfin, aucun accident n’avait été relevé sur le chemin W______ ou celui du chemin V______.
La largeur de la passerelle passerait de 1.48 m à 2.97 m, puis se réduirait à 2.60 m pour finalement atteindre 2.40 m avant de desservir une bande cyclable redessinée et un large passage piétons sur la route de T______. Elle rendait la configuration actuelle du chemin nettement plus visible et réduirait le risque d’accident : les recourants n’indiquaient pas quelle base légale serait violée.
Concernant l’atteinte à la biodiversité, l’OCAN avait rendu un préavis favorable avec dérogation ; le tracé de la passerelle était identique à celui du pont piéton actuel et minimisait au maximum l’impact sur l’espace environnant avec un empiétement de 6 m2 au maximum au-dessus du cadastre forestier : la nécessité de réaliser le projet à l’endroit prévu était ainsi établie. Selon l’autorisation de défrichement, le projet envisagé était inscrit au plan directeur de la commune et au plan cantonal 2030 : les conditions posées par l’art. 5 al. 2 let. b LFo étaient remplies. Par ailleurs, les exigences primant l’intérêt à la conservation de la forêt selon l’art. 5 al. 2 LFo étaient avérées.
Les diverses inquiétudes des recourants relatives aux arbres présents sur la parcelle et ceux à remplacer n’étaient à l’évidence ni étayées ni fondées.
Pour terminer, lorsqu’il recevait une requête en autorisation, si les conditions d’octroi étaient remplies, il avait l’obligation de délivrer l’autorisation sollicitée ; l’examen de potentielles variantes n’était dès lors pas de son ressort.
12. Par dix courriers séparés, Mmes D______, N______, G______, H______, F______ et I______, MM. L______ et O______, et Mmes et MM. S______, K______ et M______ ont informé le tribunal s’en rapporter à justice sur la recevabilité des recours et, sur le fond, confirmé, en leur qualité de propriétaires, leur accord avec l’autorisation de construire et leur appui aux conclusions de la commune de T______.
13. Par décision du 20 décembre 2023, le tribunal a joint les deux procédures sous le n° de procédure A/3223/2023 (DITAI/569/2023).
14. Mme A______, sous la plume de son conseil, a répliqué le 23 février 2024.
Elle était propriétaire de deux parcelles jouxtant immédiatement la parcelle n° 7_____ appartenant au domaine public communal. De plus, la passerelle débouchera sur la voie sans issue V______, ce qui aura inévitablement des conséquences sur cette voie sans issue sur laquelle stationnaient de nombreux véhicules, ce qui entrainera des nuisances pour elle dont la parcelle longeait cette voie. Dès lors, elle disposait bien d’un intérêt à recourir.
Selon le rapport technique du 5 juin 2023, aucun aménagement autre que la signalisation n’avait été prévu s’agissant du débouché de la passerelle sur la voie V______, contrairement au débouché sur la route de T______ . Elle s’étonnait de la non prise en considération de cet aspect sécuritaire. Par ailleurs, la largeur de 1.48 m au débouché de la voie V______ créera un risque d’accident entre piétons/cycles et voitures, ce qui pourrait être évité par des aménagements. Cette nouvelle voie de mobilité et l’accroissement de trafic qui l’accompagnera sera inévitablement source d’inconvénients graves pour les riverains dont elle faisait partie. L’OCT ne s’était par ailleurs pas déterminé sur cet accroissement. Ainsi, le département ne pouvait être suivi quand il affirmait que l’accroissement du trafic sera raisonnable et ne créera pas de gêne durable.
La commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) n’avait pas été consultée alors que l’art. 15 al. 4 LEaux-GE, dans sa teneur jusqu’au 4 novembre 2023, prévoyait expressément sa consultation, en sus de celle de la commune.
15. Le département a dupliqué le 20 mars 2024, persistant dans son argumentation et ses conclusions.
Aucune violation de l’art. 14 LCI ne pouvait être retenue. Par ailleurs, le grief de la violation de l’art. 15 al. 3 LEaux-GE en force avant la modification entrée en vigueur le 4 novembre 2023 ayant été invoqué au stade de la réplique, il était irrecevable. Enfin, Mme A______ ne faisait pas valoir d’intérêt digne de protection à l’annulation de l’autorisation de construire querellée puisqu’elle ne démontrait pas que sa situation de fait ou de droit serait modifiée dans une mesure plus notable que celle des autres habitants de la collectivité.
16. La commune de T______ a également dupliqué, par écriture du 26 mars 2024.
Les arguments évoqués par Mme A______ ne permettaient pas de considérer que le département aurait abusé de son pouvoir d’appréciation en délivrant l’autorisation de construire querellée, de sorte qu’aucune violation de l’art. 14. LCI n’était donnée.
Par ailleurs, le tribunal était tenu d’appliquer la nouvelle version de l’art. 15 al. 4 LEaux-GE actuellement en vigueur, laquelle ne prévoyait plus la consultation de la CMNS, de sorte qu’aucune violation ne pouvait être retenue.
17. A la demande du tribunal, le département a produit, le 24 juin 2024, un préavis de la CMNS portant la date du 18 juin 2024 concernant le projet. Ce préavis était favorable avec dérogation selon l’art. 15 al. 3 let. a LEaux-GE- par les autorités compétentes. La CMNS, suite à l’analyse du dossier, constatait la vétusté de l’installation existante ; la reconstruction de la passerelle d’intérêt général, imposée par sa destination, était approuvée sans observation complémentaire.
18. La commune a informé le tribunal, le 26 juin 2024, persister dans ses conclusions tendant au rejet du recours.
19. Les recourants se sont déterminées le 8 juillet 2024, persistant également intégralement dans ses conclusions.
Le préavis de la CMNS avait un poids certain et ils s’étonnaient de la motivation sommaire dudit préavis édité a posteriori. Le projet étant celui de la commune, qui était amené à rendre un préavis, le département aurait dû se montrer particulièrement exigeant s’agissant de la motivation du préavis.
Le préavis, produit à la hâte, n’apportait aucun élément pertinent au regard de la motivation sommaire et lacunaire, permettant d’affirmer que l’autorité intimée n’aurait pas abusé de son pouvoir d’appréciation en accordant l’autorisation querellée.
20. Le contenu des écritures et le détail des pièces seront repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. La recevabilité du recours suppose encore que ses auteurs disposent de la qualité pour recourir.
4. La qualité pour recourir est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose d’un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 60 let. b LPA).
5. Le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d’être prise en considération avec l’objet de la contestation et retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision en cause, qui permette d’admettre qu’il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général, de manière à exclure l’action populaire. Cet intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 143 II 506 consid. 5.1 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_206/2019 du 6 août 2019 consid. 3.1).
6. En matière de droit des constructions, le voisin direct de la construction ou de l’installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2019 du 20 janvier 2021 consid. 1). La distance constitue ainsi un critère essentiel, la jurisprudence reconnaissant généralement la qualité pour agir lorsque l'opposant est situé à une distance allant jusqu'à 100 mètres environ du projet litigieux (ATF 140 II 214 consid. 2.3 p. 219 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_112/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3.1.3).
7. La proximité avec l’objet du litige ne suffit cependant pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir contre la délivrance d’une autorisation de construire. Les tiers doivent en outre retirer un avantage pratique de l’annulation ou de la modification de la décision contestée, qui permette d’admettre qu’ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_727/2016 du 17 juillet 2017 consid. 4.2.3 ; 1C_226/2016 du 28 juin 2017 consid. 1.1). Le recourant doit ainsi rendre vraisemblables les nuisances qu’il allègue et sur la réalisation desquelles il fonde une relation spéciale et étroite avec l’objet de la contestation (ATF 125 I 173 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_469/2014 du 24 avril 2015 consid. 2.2 ; 1C_453/2014 du 23 février 2015 consid. 4.2 et 4.3).
8. En l’espèce, les parcelles, propriétés des recourants, se situent toutes les trois le long du chemin V______ sur lequel la nouvelle passerelle va déboucher. Ils font par ailleurs tous valoir des griefs tirés du droit des constructions qui, s'ils sont admis, peuvent avoir une influence sur leur situation concrète. Leur qualité pour recourir contre l'autorisation de construire sera donc admise.
9. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
10. Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).
11. La question de la recevabilité des griefs se distingue de celle de la recevabilité des conclusions, qui doivent être formées dans le délai de recours. En effet, l’absence de conclusions ne peut être réparée que dans le délai de recours. Hors ce délai, le fait d’être autorisé à compléter une écriture ne permet pas de suppléer le défaut de conclusions. De nouvelles conclusions ne peuvent pas non plus être présentées dans le mémoire de réplique (ATA/991/2021 du 27 septembre 2021 consid. 2b et les références citées).
Partant, un recourant est en droit de faire valoir un nouvel argument au stade de sa réplique si celui-ci s’insère dans le cadre de sa conclusion initiale.
12. Selon le système prévu par la LCI, les préavis des communes, des départements et des organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif. L'autorité de décision, qui n'est pas liée par ces préavis, reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur (art. 3 al. 3 LCI). Néanmoins, lorsque la consultation d'une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/456/2022 du 3 mai 2022 consid. 4b; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 4b ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 consid. 8c).
13. La délivrance d’autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département à qui il appartient de statuer en prenant en compte tous les intérêts en présence (ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).
Le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/332/2022 du 29 mars 2022 consid. 4b ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).
14. Une recourante estime que la passerelle créera une atteinte à la biodiversité car se situant en partie dans la zone inconstructible. Elle retient une violation de la LFo, de même que de la LEaux-GE.
15. Selon l’art. 1 al. 1 let. a LCI, nul ne peut, sur tout le territoire du canton, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation. De même il n’est pas possible de modifier, même partiellement, le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation sans autorisation (art. 1 al. 1 let. b LCI).
16. A teneur de l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente. L’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT).
17. Selon l'art. 15 al. 1 LEaux-GE, aucune construction ou installation, tant en sous-sol qu’en élévation, ne peut être édifiée à une distance de moins de 10, 30 et 50 m de la limite du cours d’eau, selon la carte des surfaces inconstructibles annexée à cette loi (s'il existe un projet de correction du cours d'eau, cette distance est mesurée à partir de la limite future). Cette carte et ses modifications ultérieures sont établies selon la procédure prévue par la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957.
Toutefois, dans le cadre de projets de construction, le département peut accorder des dérogations, pour autant que celles-ci ne portent pas atteinte aux fonctions écologiques du cours d'eau et de ses rives ou à la sécurité des personnes et des biens, notamment pour des constructions ou installations d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination (al. 3 let. a) ou pour des constructions ou installations en relation avec le cours d'eau (al. 3 let. b).
Ces dérogations doivent être approuvées par le département et faire l’objet d’une consultation de la commune (al. 4). Selon le texte de l’al. 4 en vigueur au moment de la délivrance de l’autorisation de construire, la commission des monuments, de la nature et des sites devait également être consultée.
18. Il ressort des travaux qui ont présidé à la révision de la LEaux-GE et à l'adoption de l'art. 15 LEaux-GE que le législateur a traité les dérogations visées par cette disposition comme relevant des art. 24 et ss LAT (Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'État modifiant la loi sur les eaux - PL 8547, p. 7 ; premier débat, séance 5 du 15 novembre 2002). L'art. 15 al. 3 let. a LEaux-GE reprend la condition figurant à l'art. 24 let. a LAT, selon laquelle l'implantation de l'installation litigieuse hors de la zone à bâtir doit être imposée par sa destination. L'analyse de cette condition implique une évaluation du site et ne peut être séparée de l'examen des intérêts s'opposant au projet (Rudolf MUGGLI, Commentaire de la LAT, ad art. 24 LAT ; n° 6 ss).
Cela étant, l'art. 15 al. 6 LEaux-GE (art. 15 al. 7 aLEaux-GE) prévoit que les constructions et installations existantes dûment autorisées, qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont pas conformes à l'affectation de la zone, bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise. Le département peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction.
19. Selon l’art. 5 LFo, les défrichements sont interdits (al. 1).
Selon l’al. 2, une autorisation peut être accordée à titre exceptionnel au requérant qui démontre que le défrichement répond à des exigences primant l’intérêt à la conservation de la forêt à condition que l’ouvrage pour lequel le défrichement est sollicité ne puisse être réalisé qu’à l’endroit prévu (let. a), l’ouvrage remplisse, du point de vue matériel, les conditions posées en matière d’aménagement du territoire (let. b) et que le défrichement ne présente pas de sérieux dangers pour l’environnement (let. c).
20. En vertu de l’art. 7 LForêts, les dérogations à l'interdiction de défricher sont régies par la loi fédérale (al. 1). Les défrichements relevant de la compétence du canton sont autorisés par le département (al. 2).
L’art. 8 LForêts règle les questions de compensation des défrichements.
21. Conformément à l’art. 11 al. 1 LForêts, l’implantation de constructions à moins de 20 m de la lisière de la forêt, telle que constatée au sens de l’art. 4 LForêts, est interdite.
L’art. 11 al. 2 LForêts prévoit que le département peut accorder des dérogations pour des constructions ou installations d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination (let. a), des constructions de peu d'importance contiguës au bâtiment principal ou des rénovations, reconstructions, transformations, ainsi que pour un léger agrandissement de constructions existantes (let. b) ou des constructions respectant l’alignement fixé par un plan d’affectation du sol, un plan d’alignement, ou s’inscrivant dans un alignement de constructions existantes, pour autant que la construction nouvelle soit réalisée sur un terrain en zone à bâtir et située à 10 m au moins de la lisière de la forêt et qu’elle ne porte pas atteinte à la valeur biologique de la lisière (let. c).
22. Les demandes d’autorisation de construire sont soumises, pour préavis, à la commune concernée ainsi qu’à l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (art. 11 al. 3 LForêts). Selon le texte de l’al. 3 en vigueur au moment de la délivrance de l’autorisation de construire, la commission des monuments, de la nature et des sites devait également être consultée.
L’octroi de dérogations est subordonné aux intérêts de la conservation de la forêt et de sa gestion, au bien-être des habitants, ainsi qu’à la sécurité de ces derniers et des installations ; ces dérogations peuvent être assorties de conditions relatives à l’entretien de la lisière et faire l’objet de compensations en faveur de la protection de la nature et du paysage (art. 11 al. 5 LForêts).
23. De jurisprudence constante, l'autorité administrative jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d'une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. Leur intervention n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l'octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/792/2022 du 9 août 2022 consid. 6e; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d).
24. En l’espèce, toutes les instances de préavis, même la CMNS consultée dans le cadre de la présente procédure, se sont déclarées favorables au projet, y compris aux dérogations nécessaires.
25. Concernant la violation de la LEaux-GE, hormis l’absence de préavis de la CMNS, la recourante ne fait valoir aucun grief de fond concernant la dérogation accordée selon l’art. 15 al. 3 LEaux-GE. Dès lors que la CMNS a rendu un préavis favorable à ladite dérogation même s’il a été rendu ultérieurement à la délivrance de l’autorisation, aucune violation de la LEaux-GE ne peut être retenue et ce grief sera écarté.
Concernant le respect de la LFo, une autorisation no 11_____ relative au défrichement temporaire et définitif a également été délivrée, laquelle analyse avec précision les différents considérations prises en compte pour autoriser le défrichement.
Il en ressort que le projet de passerelle sera adapté à la mobilité douce et répondra précisément aux contraintes du secteur et au besoin de sécurisation des usagers, piétons et cyclistes. Le tracé prévu est identique à celui du pont piéton actuel et minimise au maximum l'impact sur l'espace environnant avec un empiétement de 6 m2 au maximum au-dessus du cadastre forestier. Le projet est inscrit au plan directeur communal de T______ et au plan directeur cantonal 2030. Ainsi, la nécessité de réaliser le projet à l'endroit prévu selon l'art. 5 al. 2 LFo est établie et les conditions posées en matière d'aménagement du territoire sont remplies (art. 5 al. 2 let. b LFo).
De plus, toujours selon cette autorisation, la construction de la passerelle en zone forêt est exclusivement aérienne, hormis les socles d'installation. L'aménagement envisagé permettra d'avoir une structure qui répond aux normes pour les crues centennales et ne présente pas de danger particulier pour l'environnement (ex : érosion, catastrophes naturelles ou glissements de terrain). Les conditions relatives aux dangers pour l’environnement selon l’art. 5 al. 2 let. c LFo sont donc également remplies.
Enfin, l’intérêt prépondérant à ce projet est de fournir un accès cyclable et piéton loin des routes à grande circulation pour rejoindre le centre du village de T______ en toute sécurité. Les impacts, même faibles sur la zone de forêt est ainsi inévitable mais le défrichement définit a été minimisé au maximum et sera compensé dans le secteur, ce qui permet de retenir que les exigences primant l'intérêt à la conservation de la forêt (art 5 al. 2 LFo) sont avérées.
Pour terminer, les travaux envisagés et les modes de construction ont été adapté pour minier l’impact sur le sol forestier ; les conditions de la protection de la nature et du paysage sont donc respectés (art. 5 al. 4 LFo).
Concernant les arbres hors forêt, force est de constater que l’OCAN a rendu un préavis liant favorable le 15 août 2023 autorisant sous conditions l’abattage de neuf thuyas. De plus, le plan d’aménagement paysager produit dans le dossier prévoit la conservation d’un important cordon boisé.
Enfin l’éclairage de la passerelle sera intégré à la main courante avec une faible intensité et quatre mats d’éclairage situés uniquement sur chaque côté de la route sont prévus.
Au vu de ce qui précède, le dossier a été analysé avec minutie et précision par les différentes instances de préavis qui ont toutes, comme déjà indiqué, rendu un préavis favorable. L’analyse faite par l’OCAN dans le cadre de l’autorisation de défrichement temporaire et définitif est elle aussi détaillée et précise. En définitive, la recourante ne fait qu’opposer sa propre appréciation à celle de l’autorité.
26. Ces griefs seront donc rejetés.
27. Les recourants se plaignent des dangers et des nuisances que le projet engendrera, notamment en terme de sécurité des usagers du chemin V______ – visibilité du débouché du chemin V______ sur le chemin W______, cohabitation dangereuse entre les riverains motorisés manœuvrant dans le chemin V______ et les cyclistes venant de la passerelle, cohabitation entre les cyclistes et les piétons difficile du fait de la largeur non homogène de la passerelle.
28. L’art. 14 LCI stipule que le département peut refuser une autorisation lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c), offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection (let. d) ou peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e).
29. Selon la jurisprudence, cette disposition n'a pas pour but d’empêcher toute construction dans une zone à bâtir qui aurait des effets sur la situation ou le bien-être des voisins. La construction d’un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d’inconvénients graves, notamment s’il n’y a pas d’abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/828/2015 du 11 août 2015 consid. 12a et références citées).
30. Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée. Elle n’a toutefois pas pour but d’empêcher toute construction dans une zone à bâtir, qui aurait des effets sur la situation ou le bien-être des voisins (ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 8a ; ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a ; ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017 consid. 16c ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 9b). La construction d’un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d’inconvénients graves, notamment s’il n’y a pas d’abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/1060/2023 du 26 septembre 2023 consid. 5.2. et l'arrêt cité ; ATA/448/2021 du 27 avril 2021 consid. 8a ; ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a).
La notion d'inconvénients graves est une norme juridique indéterminée, qui doit s'examiner en fonction de la nature de l'activité en cause et qui laisse à l'autorité une liberté d'appréciation. Celle-ci n'est limitée que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/1060/2023 précité consid. 5.2. et la référence citée). Le pouvoir d'examen du tribunal s'exerce dans les limites précitées, sous réserve du respect du principe de proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et de l'intérêt public en cas d'octroi d'une autorisation (cf. not. ATA/1101/2022 du 1er novembre 2022 consid. 5b et les références).
31. En l’espèce, le projet vise le remplacement d’une passerelle existante sur U______ en l’agrandissant et en la sécurisant, permettant la création d’une voie à mobilité douce, soit pour les piétons et les cyclistes. Aucune modification n’est apportée au débouché du chemin V______ sur le chemin W______.
Toutes les instances de préavis consultées dans le cadre de l’instruction de la requête, composées de spécialistes, ont préavisé favorablement le projet. En particulier, l’OCT a analysé le projet à deux reprises, rendant un premier préavis favorable le 26 juin 2023 et un second le 11 août 2023, sous conditions : il a notamment posé comme condition, côté V______ le respect de son préavis liant relatif de la réglementation de la circulation sur la future passerelle. Il n’a relevé aucun problème concernant la largeur de la passerelle. Aucun élément ne permet par ailleurs de retenir que la cohabitation entre les cyclistes et les véhicules empruntant le chemin V______ serait dangereuse, chaque utilisateur devant faire preuve de l’attention nécessaire, étant rappelé que les recourants n’ont pour leur part pas un droit à manœuvrer dans le chemin en marche arrière ni à se parquer.
Concernant le grief relatif à la mauvaise visibilité du débouché du chemin V______ sur le chemin W______, force est de constater il n’est pas concerné par le projet et donc exorbitant au présent litige.
Enfin, si les recourants entendent se plaindre du comportement inadapté des futurs utilisateurs de la passerelle, il leur sera toujours possible, cas échéant, de saisir les autorités civiles ou pénales compétentes, ce qui ne relève pas du champ d’application de l’art. 14 LCI (ATA/653/2021).
32. Ce grief sera ainsi rejeté.
33. Enfin, les recourants estiment que le département aurait dû analyser si d’autres alternatives existaient.
34. Selon l’art. 1 al. 6 LCI, dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire.
35. En l’espèce, dès lors que les conditions d’autorisation étaient remplies, comme cela a été confirmé dans les considérants qui précèdent, c’est à juste titre que le département a délivré l’autorisation querellée et il ne lui revenait, pas plus qu’au tribunal, d'examiner si d'autres alternatives au projet étaient envisageables
36. Au vu de ce qui précède, les recours seront rejetés et la décision querellée confirmée.
37. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’300.- ; il est couvert par les avances de frais versées à la suite du dépôt du recours. Le solde des avances de frais leur sera restitué.
Ayant eu recours au service d'un avocat pour les besoins de la procédure et conclu à l'allocation de dépens, la commune de T______, qui compte moins de 10'000 habitants, se verra allouer, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, une indemnité de procédure arrêtée à CHF 2'500.- (ATA/187/2021 du 23 février 2021, art. 87 al. 2 LPA). Aucune indemnité ne sera versé aux autres parties intimées.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevables les recours interjetés le 5 octobre 2023 par Madame A______ et Madame B______ et Monsieur C______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;
2. les rejette ;
3. met à la charge de Madame A______, et Madame B______ et Monsieur C______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’300.-, lequel est couvert par les avances de frais ;
4. ordonne la restitution à Madame A______ du solde de son avance de frais de CHF 250.- ;
5. ordonne la restitution à Madame B______ et Monsieur C______ du solde de leur avance de frais de CHF 250.- ;
6. condamne Madame A______, et Madame B______ et Monsieur C______, pris conjointement et solidairement, à verser à la Commune de T______ une indemnité de procédure de CHF 2’500.- ;
7. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |