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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/162/2025

JTAPI/81/2025 du 23.01.2025 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.75.al1.letg; LEI.76.al1.letb.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/162/2025 MC

JTAPI/81/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 janvier 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Naïma BOUAZIZ

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1996, originaire du Nigéria, en possession d'un passeport en cours de validité ainsi que d'une autorisation de séjour ("PROT. SUSSIDIARIA") délivrée par les autorités italiennes et valable jusqu'au 19 décembre 2027, a été condamné trois fois, entre le 25 février 2019 et le 8 août 2024, pour violation des règles de la sécurité routière, opposition aux actes de l'autorité, empêchement d'accomplir un acte officiel, délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (en raison de la violation de l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève qui lui avait été notifiée par le commissaire de police le 24 août 2019 pour une durée de douze mois). Une autre procédure pénale, pour empêchement d'accomplir un acte officiel et infraction à la LStup est par ailleurs pendante auprès du Tribunal de police.

2.             Le 18 janvier 2025, M. A______ a été arrêté par les forces de l'ordre genevoises dans le quartier de Plainpalais, après avoir vendu une boulette de cocaïne à un policier en civil. Lors de son interpellation, il était en possession de CHF 167,50.-. Entendu par les enquêteurs, il ne s'est prévalu d'aucun lieu de résidence fixe ni attache particulière en Suisse. S'agissant de ses moyens de subsistance, l'intéressé a déclaré travailler dans un bar en Italie.

3.             Le 19 janvier 2025, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public pour les faits ayant mené à son arrestation, en particulier pour trafic de stupéfiants, puis il a été libéré.

4.             Le même jour, par décision déclarée exécutoire nonobstant recours, dûment notifiée à son destinataire, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de l'intéressé, en application de l'art. 64 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et a chargé les services de police de procéder à l'exécution de cette mesure.

5.             Le 19 janvier 2025, à 16h50, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six semaines, fondant cette décision notamment sur le fait que le précité avait été condamné pour violation d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée. Cette décision précisait en outre que les démarches visant à la réadmission de l'intéressé en Italie avaient été immédiatement entreprises.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi en Italie.

6.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

7.             Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il s'était opposé à l'ordonnance pénale du 19 janvier dernier, car il contestait avoir vendu de la cocaïne.

Le conseil de M. A______ a produit un chargé de pièces relatif au véritable nom de l'employeur italien de ce dernier, à savoir un établissement du nom de B______, situé à C______, en Italie. Bien que cet objet ne figurait pas parmi les objets saisis dans le rapport d'arrestation du 18 janvier 2025, M. A______ lui avait indiqué également qu'il était porteur lors de son arrestation d'une carte bancaire relative à un compte sur lequel étaient déposées les économies issues de son emploi en Italie. Il lui avait également indiqué qu'il était lié à une amie vivant en Suisse mais dont il ne souhaitait pas indiquer l'identité. Il avait également un certain nombre d'amis en Suisse au sein de la diaspora nigériane mais il ne souhaitait pas non plus les impliquer, bien qu'ils seraient selon lui en mesure de l'héberger. En tout état, il ne pouvait pas envisager un retour au Nigéria, qu'il avait fui pour des raisons politiques.

Le représentant du commissaire de police a indiqué qu'il semblait découler du permis dont M. A______ était titulaire en Italie qu'il était un réfugié reconnu par ce pays, de sorte que sa réadmission n'était pas régie par l'accord bilatéral entre la Suisse et l'Italie mais par un accord multilatéral européen. Celui-ci, contrairement à l'accord bilatéral, ne prévoyait pas de délai particulier pour la réponse des autorités italiennes, qui, jusqu'à récemment, mettaient parfois trois mois à répondre et semblaient récemment avoir réduit ce délai à quelques semaines.

Il a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de six semaines.

Le conseil de M. A______ a conclu à l’annulation de l’ordre de mise en détention administrative et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à ce que la détention soit remplacée par une mesure d'assignation à résidence et une obligation de se présenter, plus subsidiairement encore à une réduction de sa détention administrative à une durée de trois semaines.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 19 janvier 2025 à 16h33.

3.            Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l’art. 75 al. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment lorsqu'elle menace sérieusement d'autre personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (let. g) ou a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (let. h) (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a).

Selon la jurisprudence constante, la participation à un trafic de stupéfiant comme de l'héroïne ou de la cocaïne constitue une menace pour les tiers et une grave mise en danger de leur vie ou de leur intégrité (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012; ATA/185/2008 du 15 avril 2008 ; ATA/65/2008 du 15 février 2008 ; ATA/39/2008 du 22 janvier 2008 ; ATA/352/2007 du 26 juillet 2007 et les arrêts cités).

4.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prononcée par l'OCPM le 19 janvier 2025. Il a été condamné une première fois, par jugement du tribunal de police de Genève du 9 février 2021 pour délit contre la LStup. En outre, il ressort clairement du rapport d'arrestation du 18 janvier 2025 que l'interpellation de M. A______ a eu lieu juste après la transaction lors de laquelle il a fourni une boulette de cocaïne contre de l'argent à un policier en civil. Par conséquent, même si le précité n'a pas encore été condamné définitivement pour ces faits, il fait néanmoins l'objet actuellement d'une poursuite pénale à ce titre, comme le prévoient les dispositions susmentionnées de la LEI. Quant à savoir s'il faut considérer que le comportement de M. A______ constitue une menace sérieuse pour la vie ou l'intégrité corporelle d'autres personnes, on rappellera d'une part que selon la jurisprudence rappelée plus haut, les drogues dures telle que la cocaïne permettent de retenir une telle mise en danger et, d'autre part, que M. A______, qui prétend venir d'Italie en Suisse simplement pour voir son amie ainsi que des connaissances et, tout en affirmant disposer d'économies issues de son emploi, se livre néanmoins au trafic de stupéfiants. Dans ces conditions, il faut constater qu'il commet ces infractions avec une légèreté qui permet de craindre la poursuite de telles activités, et donc, par leur multiplication, la mise en danger d'autres personnes au sens des dispositions susmentionnées.

Par conséquent, sur le principe, les conditions légales d'une détention administrative au sens des dispositions susmentionnées sont réalisées.

5.             Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

6.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

7.             Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

8.            Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

9.            En l'espèce, M. A______ considère qu'une détention administrative ne se justifie pas, car il souhaiterait lui-même retourner en Italie, de sorte qu'il suffirait de lever la détention pour qu'il effectue ce retour de lui-même. Il oublie cependant que la Suisse et l'Italie sont liées par un accord prévoyant une procédure spécifique en cas de réadmission dans l'un des deux pays et qu'il n'est donc pas possible pour la Suisse de le laisser retourner en Italie de son propre chef. Dans la période qui précède l'éventuel accord de réadmission de l'Italie, M. A______ devrait patienter en Suisse. La question se pose sous cet angle, de savoir si une mesure d'assignation assortie éventuellement d'un contrôle de présence pourrait suffire, mais le fait que le précité a par le passé enfreint une mesure au sens de l'art. 74 LEI, et qu'il a commis d'autres infractions pénales en Suisse, ne permet pas de placer une confiance suffisante dans son respect de nouvelles obligations qui seraient mises à sa charge. Par conséquent, la détention apparaît comme la seule mesure apte à assurer l'exécution de son renvoi le moment venu. Quant à l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_534/2008 du 13 août 2008, sur lequel M. A______ fonde sa conclusion subsidiaire relative au prononcé d'une assignation territoriale, il n'est pas applicable à son cas, dans la mesure où les liens personnels qu'avait le recourant avec une femme et un enfant dans l'affaire jugée par le Tribunal fédéral ne sont pas démontrés dans le cas présent, M. A______ n'ayant fait qu'allégué l'existence d'une compagne vivant à Genève.

Quant à la durée de la détention fixée par le commissaire de police à six semaines, il ne semble pas indiquer de la réduire. En effet, selon les explications données à l'audience par le représentant du commissaire de police, le dossier de M. A______ pourrait n'être traité par les autorités italiennes qu'au terme d'un délai de quelques semaines, qui était jusqu'à récemment de trois mois dans des cas semblables. Par conséquent, une réduction de la durée de détention à trois semaines, comme le demande le précité, risque manifestement d'être insuffisante.

10.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de six semaines.

11.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 19 janvier 2025 à 16h33 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 1er mars 2025 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière