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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1685/2024

JTAPI/12/2025 du 07.01.2025 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/891/2025

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;DÉLAI
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31; LEI.64d.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1685/2024

JTAPI/12/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 janvier 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Théo BADAN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1978, est ressortissante des Philippines.

2.             Le 8 novembre 2023, sous la plume de son conseil, Madame B______ a déposé une demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) en faveur de Mme A______. Dans son courrier d'accompagnement, elle expliquait que Mme A______ vivait et travaillait à Genève depuis le 19 août 2019, qu'elle était indépendante financièrement en raison d'un emploi fixe en qualité d'employée domestique depuis janvier 2021, qu'elle était intégrée professionnellement et socialement, que son casier judiciaire était vierge et qu'elle n'avait pas de dettes. Mme A______ parlait parfaitement l'anglais et suivait des cours de français dans le but d'atteindre le niveau de connaissances linguistiques A2 à l'oral.

À l'appui de sa demande, divers documents concernant Mme A______ ont été transmis à l'OCPM, notamment une copie de son passeport, un formulaire M complété et signé par son employeur, Mme B______, des preuves de son séjour en Suisse depuis 2019, un extrait de son casier judiciaire, un extrait du registre des poursuites, son contrat de travail et une preuve d'inscription à des cours de français.

3.             Le 19 janvier 2024, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de 30 jours pour faire valoir son droit d'être entendu.

4.             Dans le délai prolongé par l'OCPM, Mme A______ a transmis ses observations en date du 22 mars 2024.

En substance, elle exposait qu'elle résidait et travaillait à Genève depuis le 19 août 2019, que son employeur était entièrement satisfait de son travail et avait confiance en elle, qu'elle était indépendante financièrement, qu'elle participait à la vie économique en Suisse, qu'elle respectait l'ordre juridique suisse, qu'elle suivait des cours de français dans le but d'atteindre le niveau de français A2 à l'oral, qu'elle avait quitté les Philippines depuis 16 ans et n'y était retournée qu'une seule fois en vacances, qu'un départ de Suisse serait un réel déchirement pour elle et que si elle devait quitter le territoire, elle souhaitait obtenir un délai de départ de six mois afin de pouvoir préparer son retour aux Philippines.

5.             Par décision du 12 avril 2024, l'OCPM a refusé la demande d'autorisation de séjour de Mme A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

Si elle résidait sur le territoire suisse depuis le mois d'août 2019, avait un emploi stable, était indépendante financièrement et suivait des cours de français, elle ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuelle d'une extrême gravité.

Elle n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Elle résidait en Suisse depuis un peu plus de 4 ans et demi et n'avait pas démontré avoir atteint le niveau minimum de français requis. Le fait de travailler pour ne pas dépendre de l’aide sociale et de s’efforcer d’apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constituait un comportement ordinaire pouvant être attendu de tout étranger qui souhaitait obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait enfin pas été démontré qu’une réintégration aux Philippines aurait de graves conséquences pour elle.

Elle n'invoquait pas, et a fortiori, n'avait pas démontré l'existence d'obstacles au retour dans son pays d'origine. Le dossier ne faisait pas non plus apparaitre que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

6.             Par acte du 16 mai 2024, sous la plume de son conseil, Mme A______ a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) concluant à son annulation, subsidiairement au renvoi du dossier à l'OCPM, le tout sous suite de frais et dépens.

Elle séjournait et travaillait à Genève depuis le 29 août 2019. Bien qu'elle n'était pas très longue, cette durée devait être reconnue comme une longue période de vie dans un lieu donné, susceptible d'avoir une influence conséquente sur l'intégration d'une personne dans un État et au sein d'une communauté. Elle travaillait depuis plus de trois ans auprès de Mme B______, en qualité d'employée domestique. Elle s'occupait en particulier de la prise en charge des enfants en bas âge de cette dernière et avec lesquels elle avait développé une relation privilégiée et tissé de forts liens. Mme B______ avait une entière confiance en elle, qui s'était démarquée par ses excellentes compétences dans la garde d'enfant, compétence que Mme B______ n'avait pu trouver en personne d'autre. Il convenait de prendre en considération que le domaine de l'économie domestique connaissait une pénurie de main d'oeuvre et il ne fallait pas sous-estimer le besoin des personnes qui exerçaient dans ce secteur et leur contribution au développement de l'économie.

Elle percevait un salaire conforme aux règles applicables dans ce domaine et les cotisations sociales étaient payées. Elle était totalement indépendante financièrement et participait à la vie économique en Suisse. Elle n'émargeait pas à l'aide sociale.

Son casier judiciaire était vierge et elle n'avait pas de dettes. Elle respectait les valeurs de la Constitution.

Elle avait achevé une première partie de ses cours de français en décembre 2023 et avait atteint le niveau A1. Dès janvier 2024, elle avait débuté des cours plus avancés pour atteindre le niveau A2 et se montrait toujours très motivée à améliorer davantage ses connaissances.

Elle était ainsi parfaitement intégrée en Suisse et à Genève. Elle avait par ailleurs développée des relations d'amitié fortes avec les personnes qu'elle avait rencontrées en Suisse et s'était pleinement adaptée au mode de vie et aux coutumes locales.

Elle n'avait pas vécu aux Philippes depuis de nombreuses années. Elle avait quitté son pays d'origine 16 ans auparavant et n'y était retournée qu'une seule fois depuis, pour des courtes vacances, de sorte que ses perspectives de réintégration y étaient très mauvaises. Elle serait confrontée à de grandes difficultés d'adaptation si elle devait retourner vivre dans ce pays. En outre, un retour constituerait un déchirement pour elle, la contraignant à abandonner la vie qu'elle s'était construite en Suisse, de même que pour les enfants dont elle s'occupait avec soin depuis plusieurs années maintenant.

À titre subsidiaire, si le tribunal venait à confirmer la décision litigieuse, il conviendrait alors d'examiner la question du délai de départ convenable qui devait lui être octroyé, afin qu'elle put résilier les différents contrats qui la liaient, en particulier son contrat de travail et son contrat de bail. Elle devrait aussi pouvoir organiser son retour, notamment par le biais de l'ambassade des Philippines afin qu'elle ne se retrouva pas du jour au lendemain dans un pays où elle ne disposait pas d'un logement et de ressources pour vivre.

7.             Le 15 juillet 2024, l'OCPM a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

La situation de la recourante n'était pas constitutive d'un cas de rigueur. Elle était arrivée en Suisse en août 2019. Depuis 2021, elle était active dans l'économie domestique et la garde d'enfants. Son parcours personnel et professionnel n'apparaissait pas exceptionnel et les relations qu'elle avait nouées avec la Suisse n'était pas significatives au point de compromettre un retour dans son pays d'origine.

8.             Le 13 septembre 2024, la recourante a répliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.

Depuis son arrivée en Suisse, elle s'était rapidement intégrée à la communauté et adaptée au mode de vie ainsi qu'aux coutumes locales. Elle poursuivait ses efforts d'intégration. Les affirmations de l'autorité intimée, tant s'agissant de son intégration en Suisse que de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine ne reposaient que sur des considérations théoriques et abstraites. Son absence prolongée des Philippines depuis près de 16 ans avait profondément affecté ses attaches avec ce pays, tant sur le plan personnel que professionnel. Son centre de vie était désormais en Suisse.

9.             Par courrier du 15 octobre 2024, l'OCPM a informé le tribunal qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.

10.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b et les arrêts cités).

6.             En l’occurrence, la décision attaquée porte sur le refus de l'OCPM d’octroyer à la recourante une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

7.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants des Philippines.

8.             Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.

Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI ; il est notamment possible de déroger aux conditions d’admission dans le but de tenir compte des cas individuels d’extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs (let. b). En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

9.             L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Selon l’art. 58a al. 1 LEI, les critères d’intégration sont le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), ainsi que la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

10.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1).

11.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

12.         La reconnaissance de l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité implique que les conditions de vie et d’existence de l’étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d’autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l’on ne puisse exiger qu’il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage qu’il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3).

13.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4 ; F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3).

14.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l’examen d’un cas d’extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l’étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d’un cas de rigueur (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée, soit une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c ; ATA/1306/2020 du 15 décembre 2020 consid. 5b ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

15.         S’agissant de l’intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d’admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l’octroi d’un permis humanitaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées).

En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge de l'intéressé lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

16.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

17.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal doit parvenir à la conclusion que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que la recourante ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI, 31 et 32 OASA pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.

En effet, l’intéressée est arrivée en Suisse, selon ses propres déclarations, le 29 août 2019. Elle y séjourne ainsi depuis un peu moins de six ans, durée insuffisante pour justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, ce d’autant plus que ce séjour s’est déroulé dans l’illégalité, puis à la faveur d’une simple tolérance des autorités.

La recourante ne peut pas non plus se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle remarquable. Active dans l’économie domestique, elle ne peut se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu’elle ne pourrait les utiliser dans sa patrie. Elle n’a pas non plus fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse.

Même si elle parvient à subvenir à ses besoins, n’a jamais émargé à l’aide sociale, n’a pas de dettes et dispose du niveau de français A1 à l'oral, ces éléments ne sont pas encore constitutifs d’une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. À cela s’ajoute le fait qu’elle n’a pas démontré qu'elle se serait créée des attaches particulières avec la Suisse.

En outre, arrivée en Suisse à l’âge de 41 ans, elle a vécu dans son pays d’origine toute son enfance et son adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité, ainsi que la majeure partie de sa vie d’adulte, quand bien même son CV indique qu'elle a quitté son pays d'origine pour Singapore (2009-2014), puis pour la Russie (2014 à 2019) avant d'arriver à Genève depuis 2019. Elle maîtrise ainsi à l'évidence la langue et les codes culturels de son pays d'origine et y a par ailleurs manifestement conservé des attaches familiales, notamment du fait des nombreux versements d'argent à destination des Philippines qu'elle a effectué depuis le 1er octobre 2019, en grande partie au profit d'une certaine « C______ ». Actuellement âgée de 47 ans, sa réintégration dans son pays d’origine ne paraît au surplus pas gravement compromise en soi.

Au vu de ce qui précède, l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 96 LEI) en rejetant la demande formulée par la recourante. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.

18.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel une autorisation est refusée, révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d’une autorisation de séjour, l’autorité ne disposant à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

19.         En l’espèce, dès lors que l’autorité intimée a refusé de soumettre le cas de la recourante au SEM avec un préavis positif en vue de la délivrance d’un titre de séjour, c’est à juste titre que le renvoi de cette dernière a été prononcé.

Quant à l’exécution de ce renvoi, aucun élément au dossier ne laisse supposer que celle-ci ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

20.         La recourante se plaint du délai de départ que l’OCPM lui a imparti dans la décision querellée.

21.         Aux termes de l'art. 64d al. 1 LEI, la décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable de sept à trente jours. Un délai plus long est imparti ou le délai de départ est prolongé lorsque des circonstances particulières, telles que la situation familiale, des problèmes de santé ou la durée du séjour, le justifient.

La garantie d'un délai de départ raisonnable doit permettre à la personne concernée de résilier, selon les exigences légales, son contrat de travail et le bail de son logement, de mener à bien les autres formalités de départ et de préparer son arrivée dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal fédéral 2C 200/2017 du 14 juillet 2017 consid. 4.3).

Sous l'angle du principe de la proportionnalité, plus la durée du séjour est longue, plus le délai de départ devrait être généreux. À l'inverse, un délai de départ plus court peut se justifier lorsque la personne savait depuis longtemps qu'elle courait un risque sérieux d'être obligé de quitter la Suisse (cf. Danièle REVEY in Minh Son NGUYEN / Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, Vol. II 8 (loi sur les étrangers), 2017, n. 6, p. 660). Par ailleurs, lorsqu’un recours dirigé contre une décision de renvoi bénéficie de l’effet suspensif - autorisant l’étranger concerné à attendre en Suisse l’issue de la procédure -, son rejet n’entraîne pas automatiquement la conversion du délai de départ imparti en renvoi immédiat, si ce délai est écoulé entre-temps. Un nouveau délai de départ doit être imparti, suivant les critères énoncés aux al. 1 et 2 de l’art. 64d LEI (Minh Son NGUYEN /Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, n. 6 p. 660 s.).

22.         En l’espèce, le délai de départ fixé dans la décision attaquée étant écoulé, l’OCPM devra dès lors impartir un nouveau délai de départ raisonnable à la recourante, tenant compte des circonstances, pour lui permettre de préparer convenablement son retour dans son pays d’origine.

Cela étant, il sied de relever que le délai de deux mois imparti initialement n’apparaissait pas déraisonnable dans le cas d’espèce. Un tel laps de temps aurait en soi permis à la recourante d’accomplir sans réelle difficulté les formalités de son départ et de préparer son arrivée dans son pays d’origine. En outre, la recourante n’était pas sans ignorer, depuis le 19 janvier 2024 déjà, que l’OCPM avait l’intention de refuser sa demande d’autorisation de séjour.

23.         Entièrement mal fondé, le recours sera dès lors rejeté.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

25.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 mai 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 12 avril 2024;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier