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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3894/2024

JTAPI/1184/2024 du 03.12.2024 ( MC ) , ADMIS

Descripteurs : MISE EN LIBERTÉ DÉFINITIVE;REJET DE LA DEMANDE;DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LPA.17.al5; LPA.64.al2; LEI.80.al5; LEI.83.al4; LEI.80.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3894/2024 MC et A/3963/2024

JTAPI/1184/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 décembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Pascal STEINER, avocat

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1987, est originaire du Maroc. Il est démuni de tout document d'identité.

2.             Le 7 août 2022, il a été arrêté pour la première fois par les services de police genevois, après s'être introduit dans une maison privée, sis B______(GE), pour, notamment, y prendre un bain. Il a alors été prévenu d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de violation de domicile au sens de l'art. 186 du code pénal suisse (CP - RS 311.0).

3.             Le 1er septembre 2022, l'intéressé a derechef été arrêté par les services de police genevois, après avoir été vu agressant, sur le pont du Mont-Blanc, un homme, afin de lui voler une chaîne en or et avoir pris la fuite à leur vue.

4.             M. A______ a été conduit au poste de police où il s'est refusé à toute déclaration, hormis la suivante : « Vous êtes devenus des ignorants et d'ici 30 à 50 ans, vous n'utiliserez plus de voiture mais des ânes. Je refuse de répondre à toutes vos questions, je viens d'une autre planète ».

5.             Prévenu de brigandage (art. 140 CP) et d'infractions à la LEI, M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police, puis maintenu en détention provisoire dans l'attente de son jugement.

6.             Par jugement du 21 novembre 2022, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a déclaré M. A______ coupable de brigandage (art. 140 ch. 1 al. 2 CP), de violation de domicile (art. 186 CP), d'entrée illégale (art. 115 al. let. a LEI) et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et l’a condamné à une peine privative de liberté de 11 mois, sous déduction de 84 jours de détention avant jugement (art. 40 CP). Il a également ordonné son expulsion de Suisse de l’intéressé pour une durée de cinq ans, avec signalement dans le système d'information Schengen (SIS ; art. 20 de l'ordonnance N-SIS ; RS 362.0).

7.             Par jugement du 29 mars 2023, le Tribunal d'application des peines et des mesures a refusé la libération conditionnelle de M. A______, après avoir constaté que l'établissement pénitentiaire, le service de l'application des peines et des mesures et le Ministère public s'y étaient tous les trois opposés et que le pronostic de l’intéressé - lequel n'entreprenait aucune démarche aux fins de se procurer des pièces de légitimation et refusait de collaborer avec les autorités chargées de l'exécution de son expulsion - se présentait sur un jour fort défavorable.

8.             Le 25 juillet 2023, M. A______ s'est vu notifier, par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), la décision du 24 juillet 2023 de non-report de son expulsion judiciaire, après que la possibilité de s'exprimer à cet égard lui a été donnée. Un délai arrivant à échéance le lendemain de sa fin de peine, soit le 30 juillet 2023, à 23h59, lui était imparti pour quitter le territoire helvétique afin de rejoindre un pays dont il possédait la nationalité ou tout autre pays où il serait légalement admissible.

9.             Le 3 août 2023, l'intéressé, demeuré en Suisse, a été arrêté par les services de police genevois, à la rue de Berne, après avoir menacé de mort une personne, agressé deux individus et voulu blesser les intervenants.

10.         Prévenu de rupture de ban (art. 291 CP), de lésions corporelles simples (art. 123 CP), de menaces (art. 180 CP), d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP) et d'infractions à la LEI, M. A______ a été détenu provisoirement à la prison de Champ-Dollon avant d'être remis en liberté le 10 octobre 2023.

11.         Le 8 décembre 2023, M. A______ a derechef été arrêté par les services de police genevois, après avoir été observé remettre un caillou de crack de 0.1 gramme à une toxicomane.

12.         M. A______, toujours démuni de document d'identité, mais en possession de divers médicaments soumis à ordonnance (dont il n'était pas au bénéfice), d'un téléphone de provenance douteuse et de la somme de CHF 254.50, a été détenu provisoirement à la prison de Champ-Dollon, après avoir été prévenu de rupture de ban (art. 291 CP), d'infractions à la LEI, d'infractions loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (loi sur les stupéfiants, LStup ; RS 812.121) et de contraventions à la LStup.

13.         Par communication du 30 avril 2024, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : le SEM) a informé les autorités genevoises de l'identification, par les autorités marocaines, de M. A______ comme étant leur citoyen. Il leur précisait :
« Si vous n’avez pas connaissance de procédures en cours pour la personne concernée, nous vous prions de bien vouloir lui réserver un vol. Nous aurons besoin d’au moins trois semaines pour obtenir les documents de voyage, ou au moins six semaines pour les rapatriements sous escorte policière (DEPA) ».

14.         M. A______ a été libéré le 11 juin 2024 par le Ministère public, lequel a envoyé son dossier devant le Tribunal pénal de jugement par un acte d’accusation.

15.         Le 11 juin 2024 toujours, à 17h55, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois.

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Maroc. Il n’était pas en bonne santé du fait de problèmes psychiatriques pour lesquels il suivait actuellement un traitement médicamenteux.

16.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

17.         Par courriel du 12 juin 2024, le commissaire de police a transmis au tribunal copie de sa demande de rapport médical et d’autorisation de consultation du dossier médical concernant M. A______.

18.         Entendu par le tribunal le 13 juin 2024, M. A______ a confirmé qu’il n’était pas d’accord d’être renvoyé au Maroc. Il était d’accord de quitter la Suisse mais pour l’Allemagne où vivait son enfant. En 2022, il avait tenté de quitter la Suisse, mais sans succès. Il avait ensuite été arrêté à la suite d’une bagarre. Lors de sa détention, sa jambe avait été doublement fracturée suite à une bagarre en prison. Il était convoqué prochainement à une audience du Ministère public pour être confronté à son agresseur. Il n’avait pas d’autorisation de séjour lui permettant de séjourner en Allemagne. Il faudrait d’abord qu’il renoue avec son ex, C______, née en 1996, et qu’il initie une procédure en reconnaissance de paternité.

Sur question de son conseil, avant son arrestation, il logeait dans un foyer D______ à Genève, à proximité d’une église ronde, au numéro 10. Il ne lisait pas le français et n’arrivait pas à lire ce qui était écrit sur la pièce 6 du dossier du commissaire de police que lui soumettait son conseil. Il n’avait pas compris la teneur de ce document et en particulier le fait qu’il devait quitter la Suisse dans les 24 heures. Il confirmait être resté en Suisse afin de se rendre à des rendez-vous médicaux. C’était dans ce cadre qu’il avait été agressé à la tête. La police lui avait alors indiqué qu’il fallait qu’il reste à Genève en vue de la confrontation avec son agresseur. S’il devait être libéré ce jour, il s’engageait à se présenter régulièrement auprès d’un poste de police ou de l’OCPM et à dormir tous les soirs à D______.

Le conseil de M. A______ a versé à la procédure un chargé de pièces dont un récapitulatif des problématiques médicales de son client des HUG du 28 mars 2024.

La représentante du commissaire de police a expliqué que pour le renvoi de M. A______, il leur fallait d’abord attendre une réponse à leur demande d’évaluation médicale qui permettrait d’attester si l’intéressé était apte ou non au vol. Au besoin, un vol avec assistance médicale devrait être organisé. A réception du rapport d’évaluation médicale, il fallait compter entre trois et six semaines, selon le type de vol organisé, pour obtenir les documents de voyage. Dans le cas de M. A______, c’était d’abord un vol DEPU qui était envisagé. Toutefois, lorsqu’un accompagnement médical était nécessaire, le renvoi se ferait obligatoirement par vol DEPA. Sur question du conseil de M. A______, les démarches en vue de l’obtention du laissez-passer étaient en cours. Ils devraient l’obtenir dans les délais de trois à six semaines annoncés, une fois l’évaluation médicale reçue. Si M. A______ était d’accord de lever les médecins de leur secret médical, il fallait compter au maximum une semaine pour obtenir l’évaluation médicale. Sinon cela prendrait plus de temps, puisqu’il leur faudrait insister jusqu’à l’obtention de l’accord de l’intéressé. Elle ne pouvait pas dire combien de laissez-passer avaient été obtenu jusqu’ici pour des ressortissants marocains. Elle a plaidé et conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative tant sur le principe que sur la durée.

M. A______ a indiqué être d’accord de lever ses médecins de leur secret médical.

Son conseil a plaidé et conclu à sa mise en liberté immédiate, soit subsidiairement à son assignation à résidence dans un foyer de D______ avec obligation de se présenter régulièrement devant la police ou l’OCPM.

19.         Par jugement du 14 juin 2024 (JTAPI/581/2024), le tribunal a confirmé l’ordre de détention administrative pour une durée de trois mois, jusqu’au 10 septembre 2024 inclus.

20.         Par requête du 26 juillet 2024, parvenue le 9 août 2024 au tribunal, M. A______ a requis sa mise en liberté. Il ne se sentait pas bien et souhaitait pouvoir être suivi par un psychiatre ainsi que traiter ses problèmes familiaux.

21.         Entendu le 14 août 2024 par le tribunal, M. A______ a indiqué qu'il suivait un traitement psychiatrique depuis sa mise en détention. Il avait des idées noires. Lorsqu'il se sentait agité, il allait voir l'infirmière, qui était toujours là. S'il devait rentrer dans son pays, il ne disposerait ni des moyens pour s'y faire soigner ni d'une maison où loger. Si sa libération était ordonnée, il s'engageait à dormir tous les jours au foyer des E______ et à se présenter quotidiennement à la police.

Son conseil a produit divers documents médicaux le concernant, soit un certificat médical des HUG du 18 décembre 2023 et plusieurs « notes de suite » des 3 mai, 15 mai, 16 mai, 24 mai et 10 juin 2024, une liste des médicaments prescrits (Valium, Temesta, Nozinan, Zyprexa, Sertraline et Stilnox) ainsi qu'une attestation établie le 12 août 2024 par la docteure F______, psychiatre-psychothérapeute FMH, selon laquelle, depuis son arrivée à l'établissement de détention administrative de Frambois le 11 juin 2024, il y bénéficiait d'un suivi psychiatrique régulier ainsi que d'un traitement médicamenteux ; selon la Dre F______, son état psychique était fluctuant, il présentait une grande anxiété et son traitement était régulièrement adapté en fonction de ses besoins.

La représentante du commissaire de police a pour sa part produit une évaluation médicale (« medical information form ») établie le 17 juin 2024 sur mandat du SEM par le docteur G______, dont il ressort qu'aucun élément ne fait obstacle à l'exécution du renvoi au Maroc de A______, pour autant qu'il soit accompagné par un infirmier pendant le vol et que des médicaments couvrant une période transitoire de 30 jours lui soient fournis. Elle a également versé à la procédure copie d'un échange de courriels avec le SEM, dont il résulte que le vol de retour initialement prévu pour le 4 juillet 2024 avait dû être annulé dès lors que les autorités marocaines ne délivraient à ce moment pas de laissez-passer pour les vols de retour avec accompagnement médical ; une réunion avec les autorités marocaines, prévue dans un premier temps en septembre 2024, avait été repoussée au mois d'octobre 2024. En relation avec ces pièces, elle a indiqué que le refus des autorités marocaines de délivrer un laissez-passer pour les cas médicaux était vraisemblablement dû à la crainte de maladies contagieuses, de telle sorte que les discussions avec ces autorités concernant M. A______, qui n'était a priori pas contagieux, aboutiraient vraisemblablement à la délivrance d'un laissez-passer en sa faveur. Elle a conclu au rejet de la demande de mise en liberté, faisant valoir l'absence d'éléments nouveaux et le risque que, s'il était libéré, il ne se présente pas pour l'exécution du renvoi. Sur question, elle a ajouté que depuis l'été 2024 les autorités marocaines n'avaient à sa connaissance délivré aucun laissez-passer pour des cas médicaux.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à la mise en liberté immédiate de celui-ci, accompagnée de mesures de substitution sous forme d'une obligation de présentation quotidienne auprès des autorités, subsidiairement d'un traitement psychiatrique. Au vu de son état psychologique et en l'absence de mesures d'accompagnement, il n'était pas apte à retourner au Maroc, pays où il ne pourrait être suivi de manière adéquate. Une fois remis en liberté, il serait plus à même de se prendre en charge et d'accomplir les démarches nécessaires pour pouvoir rejoindre son fils en Allemagne.

22.         Par jugement du 14 août 2024 (JTAPI/776/2024), le tribunal a rejeté la demande de mise en liberté. La détention administrative demeurait justifiée au regard notamment de l'art. 76 al. 1 let. b LEI en relation avec l'art. 75 al. 1 let. g (recte : let. h) LEI. Elle continuait par ailleurs de répondre à un intérêt public consistant à assurer l'exécution du renvoi, et aucune autre mesure moins incisive ne permettait d'atteindre ce but. Au vu de l'évaluation médicale produite, le renvoi était raisonnablement exigible, l'intéressé pouvant obtenir les soins nécessaires au Maroc.

Ce jugement a été confirmé par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative ; ATA/1060/2024 du 4 septembre 2024) qui a, en substance, retenu, que rien ne permettait de considérer aujourd'hui que les discussions entre le SEM et les autorités marocaines seraient d'emblée vouées à l'échec, et donc que la perspective d'obtention d'un laissez-passer d'ici à la fin du mois d'octobre ou dans le courant du mois de novembre serait illusoire. Dans la mesure où le premier laissez-passer sollicité avait semble-t-il été refusé pour des raisons médicales, vraisemblablement par crainte d'une maladie potentiellement contagieuse, on pouvait au contraire penser que les autorités marocaines, rassurées sur l'absence de risque de contagion lié au rapatriement du recourant, entreraient en matière sur la demande du SEM.

Il ne pouvait par ailleurs être retenu que le Maroc refuserait explicitement, ou du moins de manière clairement reconnaissable et cohérente, de reprendre ses ressortissants, et ce même si les démarches pouvaient s'avérer – surtout, comme en l'espèce, en l'absence de collaboration de l'intéressé qui n’avait rien entrepris pour se procurer des documents de légitimation – longues et compliquées. Son renvoi était pour le surplus exigible aux conditions posées par le médecin mandaté par le SEM pour examiner son aptitude médicale au renvoi et son maintien en détention administrative constituait enfin la seule mesure susceptible d'assurer sa disponibilité effective au moment de l'exécution du renvoi.

23.         Par requête motivée du 26 août 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 10 décembre 2024, indiquant qu'à ce jour, ils étaient dans l'attente de la rencontre entre les autorités suisses et marocaines prévue au mois d'octobre 2024.

24.         Lors de l’audience du 4 septembre 2024 devant le tribunal, M. A______ ne s'est pas présenté pour raisons de maladie.

La représentante de l'OCPM a produit l'arrêt de la chambre administrative du 4 septembre 2024 précité. Sur question du conseil de M. A______, elle a indiqué qu’une réunion était prévue au mois d'octobre 2024 entre les autorités suisses et marocaines, afin de discuter notamment du cas de l’intéressé. Elle attendait encore une confirmation du SEM. Une prolongation de trois mois était requise dès lors qu’il fallait planifier un vol six semaines à l'avance. La question du laissez-passer serait discutée au mois d'octobre 2024. Dès qu'un vol pourrait être planifié suite à cette discussion, les autorités marocaines émettraient formellement un laissez-passer, quelques jours avant le vol. Sur question du conseil de M. A______, un laissez-passer avait été délivré pour un cas médical au mois de juin 2024. Il s'agissait d'un cas vaudois. Le vol ne s'était finalement pas concrétisé pour des raisons d'organisation. Le laissez-passer était valable deux mois. Elle a conclu à l’admission de la demande de prolongation pour une durée de trois mois.

Le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son client et à la mise en place en lieu et place d’une assignation à résidence avec l'obligation de se présenter à l'OCPM ou au Vieil hôtel de police quotidiennement.

25.         Par jugement du 4 septembre 2024 (JTAPI/874/2024), le tribunal a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 10 décembre 2024 inclus.

Le risque de suicide soulevé par son conseil avait déjà été traité par la Cour de justice et les démarches en cours de l'OCPM avec les autorités marocaines étaient convaincantes, étant rappelé qu’un rendez-vous aurait lieu au mois d'octobre 2024.

26.         Le 5 novembre 2024, le SEM a informé l’OCPM qu'aucune solution n'avait encore été trouvée concernant les rapatriements sous escorte médicale. Les discussions se poursuivaient.

27.         Par requête du 22 novembre 2024, M. A______ a, sous la plume de son conseil, déposé une demande de mise en liberté auprès du tribunal.

28.         Par courrier du 25 novembre 2024, le SEM a confirmé à l’OCPM qu’actuellement les rapatriements DEPA avec assistance médicale n’étaient pas possibles au Maroc. Les rapatriement DEPA avec escorte policière étaient en revanche possible.

29.         Par requête motivée du 28 novembre 2024, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 10 février 2025. Cette mesure constituait l’unique moyen afin de mener à terme le rapatriement de l’intéressé dans son pays d’origine, étant relevé que les discussions avec les autorités marocaines se poursuivaient concernant les cas médicaux.

30.         Lors de l'audience du 2 décembre 2024 devant le tribunal, M. A______ a indiqué qu'il n'était toujours pas d'accord de retourner au Maroc car il avait des problèmes de santé physiques et psychiques. Il avait par ailleurs un enfant en Allemagne qu'il souhaitait voir. Il entendait des voix dans sa tête, ce qui le dérangeait dans sa vie privée. Cela allait beaucoup mieux depuis qu'il était suivi par un médecin et qu'il prenait un traitement. Il n'avait pas les moyens de payer un médecin, son traitement ou même de survivre au Maroc. Autrement, il y serait retourné. Il n'avait aucune aide au Maroc où il avait des problèmes avec sa famille, notamment avec sa belle-sœur. Il avait déposé une demande de mise en liberté parce qu'il souffrait de l'enfermement. Il aimerait pouvoir poursuivre son traitement à l'extérieur. Chaque fois qu'il était en prison, il sentait qu'il rechutait. Cela valait tant pour la détention administrative que pénale. Il n'avait pas entrepris de démarches auprès des autorités marocaines en vue de se procurer des documents de légitimation. Pourquoi le ferait-il… Sur question de son conseil, il avait des problèmes avec sa belle-sœur car il avait eu une relation sexuelle avec cette dernière après le décès de son frère. C'était elle qui l'avait provoqué. Cela ne se faisant pas au Maroc, il était désormais obligé de l'épouser. Il poursuivait le même traitement médicamenteux que celui indiqué lors de la dernière audience devant le tribunal mais avec des doses inférieures. Son encadrement médical était le même. S’il était remis en liberté, il s'engageait à se rendre quotidiennement à un poste de police ou auprès de l'OCPM ainsi qu'à dormir au foyer des E______.

La représentante du commissaire de police a indiqué que la rencontre envisagée en octobre 2024 avec les autorités marocaines n'avait finalement pas eu lieu. Les démarches continuaient cependant avec ces dernières et elle versait à la procédure un courrier du 28 novembre 2024 de la spécialiste retour du SEM pour le Maroc le confirmant. Le Maroc avait rencontré d'importants problèmes durant l'épidémie COVID-19, raison pour laquelle les renvois avec escorte médicalisée avaient été bloqués pendant un certain temps. La situation était désormais débloquée avec certains pays européens, avec lesquels un accord ministériel avait été signé. La Suisse était sur le point de signer un tel accord, lequel devrait intervenir dans le délai de deux mois de prolongation requis. Un nouveau rapport médical devrait être demandé avant et en vue de son renvoi, afin d'évaluer l'aptitude au vol de l'intéressé, la validité du précédant étant échue. Sur question du conseil de M. A______, à sa connaissance aucun laissez-passer n'avait été délivré par les autorités marocaines, pour des cas de renvoi avec escorte médicale, depuis juin 2024. Elle ignorait ce qu'il en était dans d'autres cantons. En revanche, comme dit plus haut, la situation s'était récemment débloquée pour ce type de renvois dans plusieurs pays européens. Elle n’avait pas le souvenir de situations de blocage avec le Maroc avant le COVID. Les choses se déroulaient plutôt bien avec ce pays. Elle a conclu au rejet de la demande de mise en liberté de M. A______ et à la confirmation de la demande de prolongation de sa détention administrative, pour une durée de deux mois.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à sa mise en liberté immédiate, assortie d'une mesure d'assignation à résidence au foyer des E______ avec obligation de se présenter à l'OCPM ou au Vieil Hôtel de police ainsi qu'au rejet de la demande de prolongation de sa détention. Son renvoi était impossible tant matériellement que juridiquement. Il était par ailleurs inexigible du fait de son état de santé. Subsidiairement, il a conclu à ce qu'une nouvelle expertise médicale soit ordonnée et à ce que son client ne soit pas maintenu en détention au-delà du temps nécessaire, à l'obtention de cette dernière.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            Selon l'art. 80 al. 5 LEI, l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.

Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.

Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).

Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).

3.            En l'espèce, la demande de levée de la détention administrative formée par M. A______ le 22 novembre 2024 est recevable et la décision du tribunal intervient dans le respect du délai légal susmentionné.

4.            S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).

5.            En l'occurrence, le 28 novembre 2024, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

6.            Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

7.            Selon l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

8.            En l'occurrence, les causes A/3894/2024 et A/3963/2024 se rapportant à un complexe de faits connexes et opposant les mêmes parties, leur jonction sous la cause A/3894/2024 sera ordonnée.

9.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

10.        Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI). Concrètement, dans ces deux circonstances, la détention administrative peut donc atteindre dix-huit mois (cf. not. ATA/848/2014 du 31 octobre 2014 ; ATA/3/2013 du 3 janvier 2013 ; ATA/40/2012 du 19 janvier 2012 ; ATA/518/2011 du 23 août 2011).

11.        Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées).

12.        Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

13.        Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

Celle-ci doit en particulier être levée lorsque son motif n'existe plus ou si, selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, l'exécution du renvoi s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ou qu'elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l'art. 83 al. 1 à 4 LEI.

Selon ces dispositions, l'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans l'un de ces États (al. 2), n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3) et ne peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

14.        L'impossibilité peut être juridique (refus de l'État d'origine de reprendre la personne; ATF 125 II 217 consid. 2 = RDAF 2000 I 811) ou matérielle (état de santé grave et durable ne permettant pas de transporter la personne). La jurisprudence fédérale exige qu'un pronostic soit établi dans chaque cas. Si l'exécution dans un délai prévisible paraît impossible ou très improbable, la détention doit être levée (ATF 127 II 168 consid. 2c = RDAF 2002 I 390 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.312/2003 du 17 juillet 2003 ; ATA/92/2017du 3 février 2017 consid. 5b).

L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/43/2020 du 17 janvier 2020 consid. 8b ; ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 ; ATA/221/2018 du 9 mars 2018).

15.        En l’espèce, s'agissant de la légalité de la détention de M. A______, confirmée à plusieurs reprises par le tribunal, ainsi que par la chambre administrative, la dernière fois le 4 septembre 2024, elle ne saurait être remise en cause sur le principe, aucun changement pertinent n’étant intervenu depuis lors dans sa situation.

La proportionnalité de sa détention doit également être retenue, en l’absence de circonstance nouvelle intervenue depuis lors justifiant une autre appréciation, et étant souligné que lors de l’audience de ce jour, l’intéressé à une nouvelle fois indiqué ne pas vouloir retourner au Maroc et souhaiter voir son fils en Allemagne.

Pour le surplus, comme déjà relevé par la chambre administrative dans son arrêt du 4 septembre 2024, rien ne permet de considérer aujourd'hui que les discussions entre le SEM et les autorités marocaines seraient d'emblée vouées à l'échec ou que le Maroc refuserait explicitement, ou du moins de manière clairement reconnaissable et cohérente, de reprendre ses ressortissants, et ce même si les démarches prennent beaucoup de temps. Au contraire, des discussions en vue de la délivrance de laissez-passer pour les rapatriements avec assistance médicale sont toujours en cours avec ces autorités, comme cela ressort de trois courriels du mois de novembre 2024 du SEM adressés à l’OCPM. Par ailleurs, selon les explications données par la représentante de l’OCPM en audience, la situation s’est déjà débloquée concernant plusieurs pays européens et devrait l’être ces prochaines semaines pour la Suisse. Partant, s’il est exact que le laissez-passer n’a pas pour autant été délivré à ce jour, rien ne permet d’exclure que sa délivrance ne pourrait pas intervenir dans un avenir proche. Il pourrait au demeurant même l’être très rapidement si l’intéressé entreprenait lui-même les démarches auprès des autorités marocaines, ce qui mettrait par là-même fin à sa détention.

La situation médicale de l’intéressé - qui n’a fondamentalement pas changé depuis le jugement du tribunal et l’arrêt de la chambre administrative du 4 septembre 2024 -, a enfin également été prise en compte par les juridictions précitées, sans qu’elles ne considèrent qu’elle rendrait son renvoi inexigible ni qu’elle justifierait sa mise en liberté, respectivement son assignation à résidence avec l'obligation de se présenter à l'OCPM ou au Vieil hôtel de police quotidiennement.

Son maintien en détention administrative apparait ainsi toujours comme la seule mesure susceptible d'assurer sa disponibilité effective au moment de l'exécution du renvoi et le tribunal retiendra qu'il n’existe aucune impossibilité à l’exécution du renvoi de l’intéressé, renvoi qui demeure par ailleurs exigible.

16.        Au vu de ce qui précède, la demande de mise en liberté sera rejetée et la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ admise pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 10 février 2025 inclus.

17.        Concernant enfin la conclusion subsidiaire de M. A______ tendant à ce qu'une nouvelle expertise médicale soit ordonnée le concernant, la représentante de l’OCPM a indiqué qu’un nouveau rapport médical, serait demandé afin d'évaluer son aptitude au vol, préalable nécessaire à son renvoi. Il lui en sera donné acte.

18.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             joint les procédures A/3894/2024 et A/3963/2024 sous le numéro de procédure A/3894/2024 ;

2.             déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 22 novembre 2024 par Monsieur A______ ;

3.             la rejette et confirme en tant que de besoin la détention jusqu'au 10 décembre 2024 ;

4.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 28 novembre 2024 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

5.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______  pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 10 février 2025 inclus ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière