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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3240/2023

ATA/1094/2025 du 07.10.2025 sur JTAPI/914/2024 ( LDTR ) , ADMIS

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;LOGEMENT;RÉNOVATION D'IMMEUBLE;TRAVAUX DE CONSTRUCTION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;CONSULTATION DU DOSSIER;DOSSIER;OBLIGATION DE CONSTITUER UN DOSSIER;CHANGEMENT D'AFFECTATION;LOYER;IMMEUBLE D'HABITATION;CHAMBRE MEUBLÉE;FIXATION DE L'AMENDE;AMENDE;SANCTION ADMINISTRATIVE;REMISE EN L'ÉTAT;RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR;PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst..5.al2; Cst..29.al2; Cst..36; CP.47; LCI.1; LCI.129.lete; LCI.130; LCI.137; LDTR.1; LDTR.2; LDTR.3.al3; LDTR.3.al4; LDTR.7; LDTR.8; LDTR.25; LPG.1; RDTR.4; LDTR.44.al1
Résumé : Ordre de remise en état prononcé par le département du territoire (DT) à l'endroit d'une société, contrainte de mettre fin à l’exploitation de son immeuble en résidences meublées, et amende de CHF 150'000.- infligée à ladite société (ramenée à CHF 100'000.- par le TAPI) pour changement d'affectation non autorisé de 29 logements destinés à la location. Recours de la société et du DT contre le jugement du TAPI. Confirmation du bien-fondé de l'ordre de remise en état, les indices qui ressortent du dossier (baux – rédigés en allemand – de courte durée, absence d'annonce des locataires à l'OCPM, prix de la location variable et fixé sur demande, absence de nom sur les portes, appartements loués meublés, location à des sociétés ou des personnes proches de la société et mise à disposition d'un service de nettoyage) révélant que les logements de l'immeuble ont été transformés, sans autorisation, en résidences meublées. Amende ramenée à CHF 150'000.-, la faute commise par la recourante étant objectivement très grave ; prise en compte de circonstances aggravantes (récidive et appât du gain) ; absence de bonne collaboration et avantage financier important retiré du changement d'affectation non autorisé. Rejet du recours de la société et admission de celui du DT.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3240/2023-LDTR ATA/1094/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 octobre 2025

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

A______

représentée par Me Mark MULLER, avocat recourants

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

A______
représentée par Me Mark MULLER, avocat intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2024 (JTAPI/914/2024)


EN FAIT

A. a. A______, dont le siège se trouve à Genève, a notamment pour buts l'exploitation d'une entreprise générale, l'achat, la vente, le courtage, la gestion et le financement en matière mobilière et immobilière.

b. Son administrateur est, depuis le 20 avril 2011, B______, domicilié à Zurich. C______ et D______, domiciliés respectivement à l'étranger et à Zurich, disposent d'une signature collective à deux.

B______ et C______ sont les parents d'E______, qui a été domiciliée à la rue ______ du 17 novembre 2014 au 10 juin 2021.

c. A______ est propriétaire de la parcelle n° 752 de la commune de Genève (section Cité), sise rue ______, en zone 2______, sur laquelle est érigé un immeuble de logements (ci-après : l'immeuble), avec activités au rez-de-chaussée. Celui-ci était à l’origine composé de 23 logements, comportant 66.5 pièces. À la suite de sa surélévation en 2006, il compte désormais trois logements supplémentaires, soit onze pièces de plus.

Les logements précités contiennent entre une et 3.5 pièces.

B. a. À la suite d'un contrôle sur place le 18 mai 2012, le département du territoire (ci‑après : DT) a considéré que des travaux importants avaient été exécutés dans l'immeuble sans autorisation de construire (démolition/reconstruction complète des sept étages, à l'intérieur). Un premier dossier d’infraction (I-3______) a été ouvert.

b. Le 11 octobre 2013, le DT a infligé à A______ une amende de CHF 3'000.- pour les travaux exécutés sans autorisation. Cette décision n'a pas été contestée.

c. Afin de régulariser la situation, la société a déposé, le 11 février 2013, une demande d’autorisation de construire portant sur lesdits travaux, enregistrée sous le numéro DD 4______, qui lui a été délivrée le 10 octobre 2013.

L'autorisation prévoyait notamment que tous les appartements transformés (du 1er au 8e étage) devaient être loués non meublés et que les loyers seraient contrôlés pendant cinq ans dès la remise en location après la fin des travaux (conditions nos 6 et 7). Les travaux impliquaient le départ des locataires.

À la suite de divers entretiens entre le DT et A______, ainsi qu'au dépôt d'un état locatif après remise en état, le DT a adressé à celle-ci un avenant établi le 1er septembre 2014 modifiant les conditions nos 6 et 7, mais maintenant, d'une part, que les appartements devaient être loués non meublés et, d'autre part, le contrôle de leur loyer pendant désormais trois ans dès la première mise en location des logements. La nullité de cet avenant a toutefois été constatée par les instances judicaires (cf. infra consid. B.l).

d. Lors de deux contrôles sur place des 22 décembre 2014 et 20 janvier 2015, un inspecteur du DT a constaté que trois personnes habitaient toujours dans l’immeuble et que des travaux étaient en cours, contrairement aux conditions de la DD 4______. Un deuxième dossier d’infraction a été ouvert (I-5______).

e. Le 20 janvier 2015, le DT a ordonné l'arrêt du chantier jusqu’à la régularisation de la situation.

À la suite de différents échanges entre le DT et A______, le dossier a été clos le 29 avril 2015 sans qu'une amende administrative soit prononcée. Des conditions étaient toutefois posées pour que certains locataires puissent rester dans leur logement pendant les travaux.

f. Le 20 mai 2016, le DT a été informé que A______ avait entrepris des travaux non autorisés dans son immeuble.

À la suite d’un constat effectué sur place le 6 juin 2016, une troisième procédure d’infraction a été ouverte (I-6______) et un nouvel ordre d’arrêt de chantier a été notifié à la société par courriel du 24 juin 2016, confirmé par décision du 28 juin 2016. L'ordre a ensuite été levé à la suite de discussions.

Le DT a informé la société des éléments portés à sa connaissance, à savoir notamment que les loyers fixés n’étaient pas respectés et que, selon une annonce trouvée sur Internet, les appartements étaient loués meublés. En outre, en l’absence d'attestation globale de conformité, les appartements ne pouvaient pas être loués.

g. Le 10 novembre 2016, le DT a informé A______ avoir appris que les appartements situés dans son immeuble étaient loués, via Internet, meublés, avec un service de nettoyage et à des prix largement supérieurs à ceux autorisés.

h. Dans le cadre d’un nouveau contrôle sur place du 15 décembre 2016, l’inspecteur du DT a constaté et transcrit dans le rapport d’infractions du 19 décembre 2016 que, notamment :

-          les appartements étaient déjà loués alors qu’aucune attestation globale de conformité n’avait été adressée au DT ;

-          les appartements étaient loués meublés, avec service de nettoyage (nettoyage des linges compris) contrairement à la condition n° 6 de la DD 4______ ;

-          à s'en tenir à l’annonce parue sur Internet, les loyers « plafond » n’étaient pas respectés.

i. Cette situation a entraîné l’ouverture d’un quatrième dossier d’infraction (I‑7______) ; une amende de CHF 10'000.- a été infligée par le DT le 13 février 2017 à A______, en sus de l'obligation de se conformer à la DD 4______, s'agissant en particulier des conditions de location des appartements rénovés.

j. Malgré trois interpellations et le prononcé de l’amende, A______ n’a pas donné suite aux demandes du DT. Une nouvelle amende de CHF 20'000.- lui a ainsi été infligée le 26 juin 2017.

k. Par jugement du 6 février 2018, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a rejeté le recours de A______ contre cette amende.

l. Par jugement du 9 avril 2019, le TAPI a constaté, à la suite d'un recours de l'Association genevoise des locataires (ASLOCA), la nullité de l'avenant du 1er septembre 2014. Ce jugement a été confirmé par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 11 février 2020 (ATA/140/2020).

m. Lors d’un contrôle sur place le 27 juin 2019, le DT a notamment constaté que :

-          l’état de l’immeuble n’était pas conforme à son « état légal » antérieur. La liste des éléments modifiés concernait notamment la rénovation et l’aménagement des logements du 1er au 7e étages et le réaménagement des 8e et 9e étages, ainsi que la modification du duplex ;

-          l’ensemble des appartements était meublé, décoré et équipé de manière identique et les serrures de chaque appartement étaient fermées par un badge auquel le propriétaire avait accès. Les appartements avaient quasiment tous fait l’objet d’une rénovation complète récente, identique, tant des locaux secs (revêtement de sols, murs, plafonds, finitions, réseau électrique et luminaire) que des locaux humides (sols, murs, plafonds, finitions, accessoires, douches, lavabo, meubles de cuisine, évier, réseau sanitaire) et des fenêtres ;

-          seul un numéro était indiqué sur les portes palières, à l'exclusion d'un nom.

n. À la suite de ces constats, le DT a ouvert un cinquième dossier d’infraction (I‑8______) et a, par courrier du 18 juillet 2019, fait part à A______ desdits constats en lui impartissant un délai pour transmettre ses observations.

o. Le 22 août 2019, la société s'est déterminée et a notamment indiqué se référer, s'agissant de l'équipement des appartements, de leur rénovation et des serrures fermées par un badge auquel le propriétaire avait accès, à « son courrier du 2 novembre 2017 ».

 

p. Par décision du 29 août 2019, le DT lui a ordonné de rétablir une situation conforme au droit en procédant dans un délai de six mois :

-          pour les 8e et 9e étages, à la reconstruction de l’escalier interne afin de recréer l’appartement en duplex avec le 8e étage, tout en supprimant la cuisine dans le séjour du 9e étage, la véranda, l’escalier extérieur en colimaçon et les garde‑corps installés sur la superstructure ;

-          pour l’appartement B du 7e étage, à une remise en état conformément aux plans de la DD 9______/2 ;

-          à la suppression au 4e étage de la porte supplémentaire sur le palier et de la cuisine dans la chambre donnant sur la cour arrière ;

-          à la remise en état des appartements B, C et D du 1er étage, afin qu’ils soient conformes aux appartements existants dans les étages supérieurs.

Pour le sous-sol, un dossier sous forme d’APA devait être déposé dans les 30 jours, afin de régulariser si possible les modifications typologiques et la modification de la chaudière.

En sus, A______ devait fournir un état locatif détaillé et l’intégralité des contrats de bail et avis de majoration des appartements « actuels » ainsi que du commerce-bureau sis au rez-de-chaussée.

q. Par courrier du 30 septembre 2019, A______ a indiqué ne pas recourir contre la décision du 29 août 2019. Elle souhaitait déposer une requête en autorisation de construire afin de tenter de régulariser la situation, sans devoir résilier les contrats de bail.

r. Le 15 octobre 2019, soit au-delà de l’ultime délai prolongé au 14 octobre 2019 à sa demande par le DT, elle lui a remis l’état locatif de l'immeuble et la copie des contrats de bail y relatifs.

s. Le 1er novembre 2019, le DT a relevé que les documents étaient incomplets et qu'ils avaient été remis tardivement.

En outre, aucune requête en autorisation de construire n’avait été déposée pour la chaudière dans le délai imparti. Un nouveau délai de 30 jours lui était octroyé pour déposer cette requête.

Une amende administrative de CHF 1'000.- était infligée à A______, laquelle tenait compte de son attitude consistant à ne pas se conformer à ses ordres.

 

t. La société s'est dite surprise de la teneur de ce courrier. Elle avait certes transmis les baux tardivement et n’avait pas déposé d’APA pour le sous‑sol. Elle souhaitait toutefois s’assurer que sa « proposition » de remise en état des étages 1 à 7 n’était pas refusée.

u. Par décision du 26 novembre 2019, le DT a précisé que l’ordre de déposer une requête visant le sous-sol n’avait pas fait l’objet d’une discussion. Par conséquent, la « dépose » groupée visiblement envisagée par A______ n’avait pas été validée et ne pouvait être prise en compte. Il confirmait les termes de sa décision du 1er novembre 2019 et refusait d’entrer en matière sur la proposition alternative de A______.

Les documents envoyés le 15 octobre 2019 étaient rédigés en allemand et en anglais alors que la langue officielle à Genève était le français. En outre, ils comportaient des irrégularités remettant en question leur force probante et ne répondaient pas aux exigences de la décision du 29 août 2019.

La personne représentant les sociétés locataires des logements nos 001, 101, 201, 301, 503 et 901 représentait également A______, en qualité de bailleur pour les logements nos 302 et 304 ; aucun contrat de bail ne faisait état de meubles alors que la grande partie des logements visités étaient loués meublés ; un contrat spécifiait l'absence de meubles ; une grande partie de ces logements était louée par des personnes morales locataires ayant une accointance étroite avec A______, si bien que se posait la question de l'occupation réelle des logements ; un seul des locataires, sur les 29 logements, était domicilié dans l'immeuble selon l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) ; l'état locatif ne faisait pas état de la totalité des locaux ; les baux étaient conclus pour une durée relativement courte, puisqu'inférieure à un an.

Une nouvelle amende de CHF 1'000.- était infligée à la société.

Un délai de 30 jours lui était imparti pour produire, dans un premier temps, les documents suivants :

-          la traduction des baux en français (1) ;

-          un état locatif détaillé concernant l’entier des locaux (2) ;

-          l’ensemble des dossiers de candidature des personnes morales et physiques occupant les logements considérés (3) ;

-          l’ensemble des demandes des autorisations de sous-location ainsi que les documents y relatifs (4) ;

-          les noms des personnes physiques occupant les logements loués à des personnes morales (5) ;

-          tous les justificatifs de paiement des loyers pendant la durée des divers baux portant sur les logements considérés (6) ;

-          l’ensemble des conventions annexes aux contrats produits y compris celles liées aux meubles (7).

C. a. Par jugement du 9 février 2021, le TAPI a rejeté le recours déposé par A______ contre la décision du 26 novembre 2019.

b. Par arrêt du 6 juillet 2021 (ATA/709/2021), la chambre administrative a rejeté le recours déposé par la société contre le jugement du TAPI du 9 février 2021.

Celle-ci ne pouvait être suivie lorsqu'elle soutenait que le DT ne pouvait exiger de sa part la production des documents mentionnés dans sa décision du 29 novembre 2019. Le DT disposait en effet de nombreux indices, depuis les mois de mai-juin 2016, qui s'étaient confirmés en novembre 2016, que la quasi‑totalité des appartements de l'immeuble, si ce n'était la totalité, serait louée au titre de résidence meublée, via Internet, avec un service de nettoyage et à des prix largement supérieurs à ceux autorisés, ce donc à des fins commerciales. Or, il ne s'agissait pas de l'affectation initiale des 26 logements ayant existé depuis 2006.

Au rang des soupçons de changement d'affectation non autorisé des logements de l'immeuble, le DT, sans être contredit, avait relevé que les chambres étaient meublées, alors qu’aucun contrat ne mentionnait des meubles, qu'une partie des logements était louée par des personnes morales proches de la société et qu'un seul locataire était inscrit à l'OCPM comme habitant l'immeuble qui comptait pourtant près de 30 logements. Les serrures des portes palières étaient équipées de systèmes à badges, permettant à la propriétaire d'accéder aux appartements, et lesdites portes palières ne comportaient aucun nom, mais uniquement des numéros. Des contrats d'une durée inférieure à une année, dont certains avaient été produits, étaient déjà échus et constituaient un indice plaidant tant pour la location de résidences meublées que pour le caractère incomplet des documents et de l'état locatif produits, lequel ne comporterait pas la totalité des locaux concernés par la procédure. L'ensemble de ces éléments laissait suspecter que bon nombre des appartements, si ce n'était la totalité, étaient loués en tant que résidences meublées, à des fins commerciales, affectation soumise à une autorisation spécifique que la recourante ne soutenait au demeurant pas détenir.

c. Le recours contre l'ATA précité a été rejeté par le Tribunal fédéral le 14 avril 2023 (arrêt du Tribunal fédéral 1C_523/2021).

D. a. Le 2 mai 2023, A______ a sollicité du DT un délai de 60 jours pour « rassembler l’ensemble des nombreuses pièces requises ».

b. À la suite d'un échange de courriels, le DT lui a accordé un délai au 12 juin 2023 pour produire ces pièces, précisant qu’aucune prolongation ne serait octroyée et que tout retard ou absence de réponse serait sanctionné, toute autre mesure ou sanction étant par ailleurs réservée.

c. Par décision du 19 juin 2023, le DT a infligé une amende de CHF 5'000.- à A______, au motif que l’intégralité des pièces qu’il lui réclamait depuis le 26 novembre 2019 ne lui avait toujours pas été transmise.

Il lui a également imparti un nouveau délai au 26 juin 2023 pour produire tous les documents manquants.

d. Par courrier du 26 juin 2023, A______ a donné suite à la demande du DT, s’agissant des documents requis aux chiffres 3 à 7 de la décision du 26 novembre 2019, comme suit :

-          Ch. 3 : elle ne disposait pas des dossiers de candidature des personnes morales et physiques occupant les logements en cause car les locataires lui étaient connus.

-          Ch. 4 : La bailleresse n’avait pas exigé que des demandes de sous-location soient faites, étant précisé que le bailleur n’avait pas l’obligation de conditionner la sous-location à son accord.

-          Ch. 5 : elle produisait l’état locatif (état au 1er décembre 2019) que le DT avait déjà reçu le 29 septembre 2019 (sic), complété par les noms des habitants des logements qui avaient pu être identifiés.

-          Ch. 6 : elle n’avait pas encore pu obtenir tous les justificatifs de paiement de sa banque. Ils remontaient à plusieurs années et des recherches étaient nécessaires.

-          Ch. 7 : il n’y avait pas de conventions annexes aux contrats produits.

e. Par décision du 28 juin 2023, le DT a infligé une amende de CHF 10'000.- à la société car, malgré sa relance du 19 juin 2023, l’intégralité des pièces sollicitées dans la décision du 26 novembre 2019 ne lui avait toujours pas été transmise.

Il lui a imparti un nouveau délai au 7 juillet 2023 pour produire l’intégralité des pièces manquantes, sous peine de nouvelles mesures et/ou sanction, précisant que le document joint au courrier du 26 juin 2023 était semblable à celui qu’elle avait produit le 15 octobre 2019, sous réserve des indications relatives au 9e étage de l’immeuble qui n’y figuraient plus.

La sanction administrative portant sur l'exécution de travaux sans droit restait expressément réservée et pourrait faire l'objet d'une décision séparée, à l'issue du traitement du dossier d’infraction I-8______.

f. Le 7 juillet 2023, la société a notamment invité le DT à retirer ses deux dernières décisions qui étaient « parfaitement injustifiées » car seuls manquaient les justificatifs de paiement de loyer. En effet, certaines des pièces demandées n’existaient pas et d’autres avaient déjà été remises en 2019.

g. Le 21 juillet 2023, le DT a répondu à la société qu’il maintenait ses décisions.

h. Par décision du 1er septembre 2023, le DT a imparti un délai de 90 jours à A______ pour rétablir une situation conforme au droit, en mettant fin à l’exploitation de l’immeuble en résidences meublées, et lui a ordonné de lui transmettre, à l’échéance de ce délai, les baux ordinaires, exempts de location de mobilier et de services hôtelier, ainsi que les avis de fixation des loyers portant sur chacun des 29 logements de l’immeuble. Il lui a également infligé une amende de CHF 150'000.-.

La décision se référait aux faits retenus par les juridictions administratives et faisant partie intégrante de la procédure I-8______.

Les éléments qui ressortaient de l’instruction qu’il avait menée et qui avaient été retenus par les juridictions constituaient un faisceau d’indices confinant à la certitude que les logements en cause étaient exploités en tant que résidences meublées. Cette situation constituait manifestement une infraction grave qui justifiait le prononcé, en sus de l’ordre de remise en conformité au droit, d’une amende administrative.

La faute commise était objectivement et subjectivement grave. En effet, la société, qui avait le statut de professionnelle de l’immobilier, ne pouvait ignorer ses obligations s’agissant du respect de la destination des logements concernés. De plus, le dossier mettait en évidence le comportement constant de l’intéressée qui ne faisait aucun cas de la législation applicable et avait fait preuve d’un manque de coopération. Il convenait également de rappeler les nombreuses infractions qu’elle avait déjà commises en lien avec cet immeuble, les sanctions déjà prononcées et sa cupidité, qui constituaient des circonstances aggravantes. Elle avait également soustrait un nombre important de logements au marché locatif genevois en période de pénurie et sa situation financière n’apparaissait pas obérée.

E. a. A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision, concluant à son annulation.

b. Après que le DT a conclu au rejet du recours et produit son dossier, qui ne contenait que les éléments postérieurs à l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_523/2021 précité, A______ a relevé que le DT n’avait pas produit les pièces qui prouvaient les faits sur lesquels il s'était fondé pour prononcer la décision attaquée. Partant, le TAPI devait ordonner l’apport du dossier I-8______, puis lui octroyer un délai pour se déterminer.

c. Après une duplique du DT, le TAPI a admis partiellement le recours par jugement du 27 août 2024, en réformant la décision du 1er septembre 2023 en tant qu’elle fixait le montant de l’amende à CHF 150'000.- et en le réduisant à CHF 100'000.-. Il a confirmé la décision pour le surplus.

L'amende était fondée dans son principe. Tous les éléments pris en compte par le DT, qui révélaient en particulier l'inefficacité des sanctions prononcées jusqu'ici, justifiaient qu'une sanction sévère fût prononcée.

Toutefois, l'historique de ces sanctions n'était pas sans incidence, sous l'angle du principe de la proportionnalité, pour évaluer s'il se justifiait que le DT prononçât l'amende la plus élevée prévue par la loi. Il découlait de cet historique que les amendes qui sanctionnaient spécifiquement le refus de produire les documents requis étaient passées de CHF 1'000.- (deux fois), à CHF 5'000.-, puis à CHF 10'000.-.

Le DT avait fait preuve jusque-là d'une retenue qui ne manquait pas de surprendre, au vu de la gravité du comportement adopté depuis plusieurs années par A______. Dans ces conditions, le TAPI comprenait difficilement la raison pour laquelle le DT avait soudainement décidé de prononcer l'amende la plus élevée prévue par la loi, multipliant par quinze celle qu'elle avait prononcée la fois précédente. Ce faisant, le DT semblait oublier que la récidive était certes un facteur aggravant qui justifiait également une aggravation de la sanction, mais qu'en l'occurrence, les faits incriminés, en eux-mêmes, étaient du même niveau de gravité que ceux qui avaient déjà été sanctionnés. Or, pour des infractions de gravité constante, le principe de la proportionnalité impliquait de respecter une certaine gradation lors de la commission de récidives, qui devait signifier pour le contrevenant que sa persistance à enfreindre la loi lui vaudrait une sanction plus sévère la fois suivante. Cette gradation découlait de l'exigence de prévisibilité du droit et de son application. Dès lors, une réduction de l'amende s'imposait.

F. a. Par acte remis à la poste le 18 octobre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant principalement à son annulation, à l'annulation de l'ordre de rétablissement d'une situation conforme au droit du 1er septembre 2025, à l'annulation de l'ordre de production de documents du 1er septembre 2023 et à l'annulation de l'amende de CHF 150'000.-. Elle a conclu subsidiairement à ce que l'amende soit réduite à CHF 10'000.-.

Le TAPI avait violé les règles relatives à l'établissement de faits, constaté les faits de manière inexacte, violé son droit d'être entendue et retenu à tort qu'elle avait changé l'affectation des logements. Le prononcé de l'amende était injustifié.

b. Le DT a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, la recourante a relevé que l'ATA/709/2021 avait un autre objet que la présente affaire, puisqu'il portait sur la validité d'un ordre de production de documents. La présente procédure concernait la validité d'un ordre de rétablissement d'une situation conforme au droit ainsi que le bien-fondé de l'amende. Le TAPI ne pouvait ainsi pas faire l'économie d'établir les faits pertinents.

d. Le 4 mars 2025, la chambre administrative a invité le DT à lui faire parvenir l'entier des dossiers d'infraction I-3______, I-5______, I-6______, I-7______ et I-8______, ce que ce dernier a fait le 11 avril 2025.

e. Le 16 avril 2025, la chambre administrative a averti les parties que les pièces pouvaient être consultées au greffe par la recourante et qu'un délai au 27 mai 2025 leur était imparti pour formuler d'éventuelles déterminations, après quoi la cause serait gardée à juger.

f. Après avoir consulté le dossier, la recourante a indiqué persister dans son argumentation et ses conclusions.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

G. a. Par acte remis à la poste le 18 octobre 2024, le DT a également interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 27 août 2024, concluant à son annulation ainsi qu'à la confirmation de sa décision du 1er septembre 2023 (I-8______).

En réduisant le montant de l'amende à CHF 100'000.-, le TAPI avait abusé de son pouvoir d'appréciation. Il ne fallait pas faire l'amalgame entre les sanctions prononcées durant la phase d'instruction du dossier en raison du non-respect des ordres de produire les documents manquants et celle qui était venue sanctionner, une fois que les éléments à charge avaient pu être établis au terme de l'instruction, le fait d'avoir soustrait au parc locatif près de 30 appartements en les louant comme des résidences meublées de manière illicite.

b. A______ a contesté la position du DT, se référant en grande partie à son mémoire de recours.

c. Après que le DT a répliqué, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte, d'une part, sur la conformité au droit de l'ordre prononcé par le DT visant à ce que la recourante mette fin à l’exploitation de l’immeuble en résidences meublées et, d'autre part, sur le bien-fondé de l'amende de CHF 150'000.- infligée à la recourante puis ramenée à CHF 100'000.- par le TAPI, réduction que le DT conteste.

Bien que la recourante conclue également à l'annulation de l'ordre de production de documents du 1er septembre 2023, elle ne formule aucun grief à l'encontre de cet ordre. La chambre de céans considère donc que celui-ci n'est plus litigieux.

3.             La recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue, le TAPI ayant selon elle fait abstraction des preuves qu'elle avait offertes et n'ayant pas ordonné l'apport du dossier I-8______. Elle se plaint également d'une violation de la maxime d'office, dans la mesure où la juridiction précédente aurait tenu pour avérés des faits contestés et non prouvés. Ces griefs étant en grande partie liés, ils seront traités ensemble.

3.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision touchant sa situation juridique ne soit prise, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3 ; 145 I 73 consid. 7.2.2.1). Il sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique (ATA/1026/2025 du 18 septembre 2025 consid. 6.1).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1).

3.2 Le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2024 du 15 novembre 2024 consid. 3.2).

3.3 La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recours sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/952/2025 du 2 septembre 2025 consid. 3.1 ; ATA/151/2023 du 14 février 2023 consid. 3b).

3.4 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité établit les faits d’office art. 19 LPA sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA).

La maxime inquisitoire oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Toutefois, elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2 ; 2C_84/2012 du 15 décembre 2012 consid. 3.1) ; il leur incombe d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître ou qui relèvent de leur sphère d’influence. La jurisprudence considère à cet égard que le devoir de collaboration des parties à l’établissement des faits est spécialement élevé s’agissant de faits que celles-ci connaissent mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées), faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; ATA/621/2025 du 3 juin 2025 consid. 7.9 et l'arrêt cité).

En outre, en l’absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d’éléments probants au dossier, l’autorité qui met fin à l’instruction du dossier en considérant qu’un fait ne peut être considéré comme établi ne tombe ni dans l’arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3 ; ATA/637/2025 du 10 juin 2025 consid. 3.1 et l'arrêt cité).

3.5 En l'espèce, le TAPI a rappelé que, dans son arrêt du 6 juillet 2021 (ATA/709/2021 précité consid. 11), confirmé le 14 avril 2023 par le Tribunal fédéral (1C_523/2021), la chambre administrative avait jugé que l’ensemble des indices relevés par le DT laissait suspecter que de nombreux appartements, si ce n'était la totalité, étaient loués par la recourante à des fins commerciales en tant que résidences meublées. Il a ensuite indiqué que les éléments suivants avaient notamment été mis en évidence : les chambres étaient meublées, alors qu’aucun contrat ne mentionnait de meubles ; une partie des logements était louée par des personnes morales proches de la société ; un seul locataire était inscrit à l’OCPM comme habitant de l'immeuble qui comptait près de 30 logements ; les serrures des portes palières étaient équipées de systèmes à badges, permettant à la propriétaire l'accès aux appartements, et ces portes palières ne comportaient que des numéros et pas de nom ; des baux de courte durée, dont certains étaient déjà échus, sans compter le service de nettoyage (nettoyage des linges compris). Enfin, le TAPI a considéré qu'au vu de la jurisprudence fédérale, une partie seulement de ces éléments auraient déjà suffi pour retenir que la recourante exploitait les logements litigieux en tant que résidences meublées, ce d’autant plus qu'elle avait échoué à démontrer le contraire, malgré les nombreux et longs délais dont elle avait bénéficié.

Dans ces conditions, la recourante ne peut reprocher au TAPI d'avoir tenu pour avérés des faits non prouvés. En effet, pour conduire son raisonnement, celui-ci s'est fondé sur des faits dont l'existence a été constatée par la chambre de céans puis par le Tribunal fédéral dans une procédure antérieure. S'il était, dans ces procédures, question « d'indices » laissant suspecter que des appartements étaient loués par la recourante à des fins commerciales en tant que résidences meublées, il ne s'agissait toutefois pas de simples soupçons mais d'éléments factuels avérés et constatés par le DT dont il était manifestement possible de tirer une conséquence juridique, sous réserve de l'apport d'éléments contraires par la recourante.

En revanche, et nonobstant ce qui précède, la question du changement d'affectation des logements de l'immeuble en lien avec l'ordre de rétablir une situation conforme au droit, qui fait l'objet du présent litige, n'a pas été tranchée par les juridictions administratives ou le Tribunal fédéral. En effet, il ressort de l'ATA/709/2021 précité que l'objet du litige portait sur un ordre de production de différents documents et une amende de CHF 1'000.-. Ainsi, afin de pouvoir statuer sur la question qui lui était soumise mais également de permettre à la recourante de se prononcer sur celle‑ci, le TAPI ne pouvait pas faire l'économie de demander au DT, comme requis par la recourante, l'apport de l'entier du dossier d'infraction I/8______ concernant la société, voire des autres dossiers d'infraction. Dans cette mesure, le droit d'être entendu de la recourante a été violé.

Cette violation est toutefois sans conséquence. En effet, elle doit être considérée comme étant réparée devant la chambre de céans. D'une part, une telle réparation est, sur le principe, admissible puisque celle-ci dispose du même pouvoir d'examen que le TAPI portant sur les faits et le droit, à l’exclusion de l’opportunité (art. 61 al. 1 et 2 LPA ; ATA/898/2025 du 19 août 2025 consid. 3.5.3). D'autre part, le DT a produit les dossiers d'infraction I-3______, I-5______, I-6______, I‑7______ et I-8______ (bien que le dossier I-5______ semble concerner une autre parcelle, ce qui n'a toutefois pas d'incidence sur l'examen du cas) le 11 avril 2025, et la recourante a pu se déterminer sur ceux-ci, et ce aussi efficacement qu'elle aurait pu le faire devant le TAPI. Elle a également pu réitérer les arguments qu'elle avait déjà fait valoir devant celui-ci et qui n'ont, selon elle, pas été traités. Le renvoi constituerait finalement une vaine formalité aboutissant à un allongement inutile de la procédure.

3.6 La recourante reproche ensuite au TAPI de ne pas s'être référé à l'état locatif, qui démontrait que la plupart des baux ont été établis pour des durées supérieures à un an.

Il est vrai que la juridiction précédente ne l'a pas mentionné dans sa partie en droit. Or, d'une part, cela ne constitue pas nécessairement une violation du droit d'être entendu, puisque l’autorité n’est pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties.

D'autre part, le TAPI, se référant aux faits constatés par la chambre administrative, a en l'occurrence relevé que « des baux de courte durée avait été conclus », étant précisé que ceux-ci ont été transmis par la recourante au DT le 15 octobre 2019. Dès lors, le TAPI pouvait renoncer à mentionner l'état locatif. Pour le surplus, la motivation de celui-ci permettait à la recourante de comprendre pour quelle raison il a retenu que des baux de courte durée avaient été conclus et d'attaquer cette motivation en connaissance de cause.

3.7 La recourante fait enfin grief au TAPI de ne pas avoir tenu compte de « l'absence totale de service d'hôtellerie dans l'immeuble » ni de ses explications relatives aux sociétés locataires et aux sous-locations qu'elles opéraient, qui auraient permis au TAPI de comprendre l'absence d'avis de fixation de loyer et de la difficulté qu'elle rencontrait à produire l'état locatif complet.

Or, comme cela a été relevé, l’autorité n’est pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties et le TAPI a expressément indiqué qu'une partie seulement des éléments constatés par la chambre administrative aurait déjà suffi pour retenir que la recourante exploitait les logements litigieux en tant que résidences meublées. Le TAPI a ainsi implicitement considéré que la prétendue absence de service d'hôtellerie dans l'immeuble et les explications de la recourante relatives aux sociétés locataires et aux sous-locations qu'elles opéraient n'étaient pas susceptibles de modifier son appréciation, ce que la recourante, représentée par un avocat, était en mesure de comprendre.

Le grief sera donc écarté.

4.             La recourante se plaint d'une constatation inexacte des faits.

4.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

4.2 En l'espèce, la recourante prétend, en premier lieu, que la durée des baux a été mal établie.

Le TAPI n'a pas expressément mentionné leur durée dans sa partie en droit, retenant uniquement que celle‑ci était courte. À la lecture du jugement, on comprend toutefois que le TAPI s'est implicitement référé à sa partie en fait et donc aux procédures antérieures et aux explications du DT, dont il ressort que la durée de certains baux était inférieure ou égale à une année. La consultation des dossiers d'infraction produits par le DT permet effectivement de le confirmer. Les baux produits par la recourante devant la chambre de céans n'excèdent pas non plus une année.

La recourante allègue toutefois que l'examen des pièces versées au dossier d'infraction I-8______ et les états locatifs annexés aux pièces qu'elle avait produites permettraient de constater que la majorité des baux de l'immeuble avaient été conclus pour des durées indéterminées.

Or, le dossier d'infraction I-8______ ne contient aucun contrat de bail et l'état locatif jusqu'au 1er décembre 2019, qui constitue l'un des deux seuls états locatifs versés au dossier, ne donne aucune information sur la question de savoir si les baux ont été conclus pour une durée déterminée ou indéterminée.

Par conséquent, le TAPI n'a pas constaté les faits de manière inexacte en retenant implicitement que la plupart des baux avaient été conclus pour une durée inférieure ou égale à une année. Pour le surplus, la question de savoir si cette durée doit être considérée comme courte relève du droit et non pas de l'établissement des faits.

En second lieu, la recourante soutient que les portes sont équipées de serrures à digicode dont seuls les locataires disposent.

Or, non seulement cette affirmation est contredite par les observations faites dans les précédentes procédures, où il a été constaté que les serrures des portes palières étaient équipées de systèmes à badges (ce que le TAPI a retenu), mais l'intéressée ne fournit aucune preuve de son allégation, ce qu'elle pouvait aisément faire en produisant des photographies par exemple.

Le grief sera donc écarté.

5.             La recourante conteste avoir procédé à un changement d'affectation des locaux de l'immeuble et en particulier exploiter les logements en tant que résidences meublées. Dès lors, l'ordre de rétablir une situation conforme au droit serait infondé.

5.1 Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (art. 1 al. 1 let. b de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14  avril  1988  -  LCI - L 5 05).

5.2 Selon son art. 1, la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées à son art. 2 (al. 1). À cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d’appartements, elle prévoit notamment des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d’affectation des maisons d’habitation (al. 2).

5.3 Selon l'art. 2 al. 1 LDTR, est soumis à cette loi tout bâtiment : situé dans l’une des zones de construction prévues par l’art. 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), ou construit au bénéfice des normes de l’une des 4 premières zones de construction en vertu des dispositions applicables aux zones de développement (let. a) ; comportant des locaux qui, par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l’habitation (let. b).

5.4 Aux termes de l'art. 3 al. 3 LDTR, par changement d’affectation, on entend toute modification, même en l’absence de travaux, qui a pour effet de remplacer des locaux à destination de logements par des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel (phr. 1). Sont également assimilés à des changements d’affectation le remplacement de locaux à destination de logements par des résidences meublées ou des hôtels (let. a).

Il n’y a pas de changement d’affectation au sens de la LDTR lorsque des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel sont affectés à l’habitation. Il n’y a pas non plus de changement d’affectation lorsque ces locaux retrouvent leur destination commerciale, administrative, artisanale ou industrielle antérieure (art.  3  al. 4 LDTR).

Sous réserve de l'art. 3 al. 4 LDTR, nul ne peut, sauf si une dérogation lui est accordée au sens de l’art. 8 LDTR, changer l’affectation de tout ou partie d’un bâtiment au sens de l'art. 2 al. 1 LDTR, occupé ou inoccupé (art. 7 LDTR).

5.5 Pour remédier à la pénurie d'appartements locatifs dont la population a besoin, tout appartement jusqu'alors destiné à la location doit conserver son affectation locative, dans les limites du chapitre relatif aux mesures visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs (art. 25 al. 1 LDTR). Il y a pénurie d'appartements lorsque le taux des logements vacants considéré par catégorie est inférieur à 2% du parc immobilier de la même catégorie (art. 25 al. 2 LDTR). Les appartements de plus de sept pièces n'entrent pas dans une catégorie où sévit la pénurie (art. 25 al. 3 LDTR).

5.6 Les catégories de logements où sévit la pénurie sont déterminées chaque année par arrêté du Conseil d'État en fonction du nombre de pièces par appartement (art. 11 al. 1 du règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 29 avril 1996 - RDTR - L 5 20.01). Le Conseil d'État a constaté en 2013 ainsi que de 2015 à 2025 qu'il y avait pénurie, au sens des art. 25 et 39 LDTR, dans toutes les catégories des appartements d'une à sept pièces inclusivement (arrêtés du Conseil d'État déterminant les catégories de logements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 LDTR des 20 mars 2013, 14 janvier 2015, 13 janvier 2016, 11 janvier 2017, 29 novembre 2017, 19 décembre 2018, 1er juillet 2020, 9 décembre 2020, 12 janvier 2022, 21 décembre 2022, 15 novembre 2023 et 18 décembre 2024 - ArAppart - L 5 20.03).

5.7 L'art. 4 RDTR prévoit qu'à l’exclusion des chambres meublées isolées, la résidence meublée est un logement qui est loué meublé à des fins commerciales dans une maison d’habitation (al. 1). Les appartements meublés loués par un employeur au profit de ses employés ne sont pas assimilés à des résidences meublées dans la mesure où cette location n’implique pas de prise de bénéfice (al. 2). L’autorisation de remplacer des locaux à destination de logements par une résidence meublée est limitée à la durée maximum de dix ans. Elle est renouvelable (al. 3).

La différence entre la location de logements et l'exploitation d'une résidence meublée ou d'un hôtel réside notamment dans la mise à disposition par l'exploitant, dans le second cas, d'un certain nombre de services, tels que nettoyage des chambres, réception centrale téléphonique, literie, téléphone dans les chambres, service de repas, etc. Les résidences meublées sont des établissements hébergeant principalement des hôtes en studios ou en appartements meublés. Leur exploitation est soumise à autorisation comme l'est celle des hôtels. Des services de nettoyage ou de ménage ne suffisent pas à eux seuls à qualifier de « résidences meublées » des chambres d'habitation, en particulier lorsque celles-ci ne sont pas louées sur une base journalière mais au moyen de baux d'habitation. De telles prestations ne relèvent pas spécifiquement de l'hôtellerie, même si elles peuvent constituer un indice dans l'appréciation du caractère commercial et hôtelier de l'activité déployée. Si aucun service hôtelier n'est rendu et qu'en outre les baux d'une certaine durée ont été conclus avec les occupants des locaux, on se trouve en présence de logements meublés et non de résidences meublées ou d'hôtels (arrêt du Tribunal fédéral 1C_235/2023 du 11 mars 2024 consid. 5.3 et les références citées ; ATA/346/2023 du 4 avril 2023 consid. 4d et les références citées).

5.8 Dans un arrêt du 11 mars 2024, le Tribunal fédéral a confirmé la position de la chambre administrative, qui avait retenu l’existence de nombreux indices permettant de considérer que les six logements visés par la décision litigieuse étaient exploités en tant que résidences meublées, au sens de la LDTR. Il a rappelé que la chambre administrative avait notamment mis en évidence les éléments suivants : la présence de porte-savons, de produits cosmétiques, de serviettes, de linges et de papier hygiénique, de même marque et identiques dans tous les logements visités ainsi que la présence à l'étage d'un chariot de recharge de ces produits, accompagné d'un sac de linge sale ; six boîtes aux lettres de l'immeuble qui ne comportaient aucun nom, ce qui indiquait que les personnes ayant utilisé les locaux l'avaient fait de manière brève et temporaire et ne les avaient d'ailleurs a priori pas donnés comme adresse de correspondance ; la durée des séjours, telle qu'elle ressortait de la trentaine de contrats fournis, qui était très inférieure à celle des baux usuels (pour 21 d'entre eux inférieures ou égales à 31 jours, le plus court séjour étant de sept jours) ; les contrats produits étaient rédigés en anglais, tout comme les conditions générales qui les accompagnaient, et contenaient des éléments qui ne correspondaient pas à ceux d'un contrat usuel de bail mais bien plus à ceux d'une réservation de type hôtelier (prix de location par nuitée, les modalités de paiement n'étaient pas celles d'un loyer, notamment par l'absence de garantie de loyer) ; les quatre baux qui ne concernaient pas les six logements litigieux étaient complètement différents, dès lors qu’ils étaient rédigés selon la formule usuelle dans le canton, en français et accompagnés d'un avis de fixation du loyer en bonne et due forme (arrêt du Tribunal fédéral 1C_235/2023 précité consid. 5.4).

Le Tribunal fédéral a jugé que trois éléments suffisaient à démontrer que les appartements concernés devaient être qualifiés de résidences meublées. D'abord, le critère de la durée des séjours, telle qu'elle ressortait des contrats précités, suffisait comme indice de bail de courte durée. Le fait que certains baux avaient duré plus d'un mois voire une année ne rendait pas insoutenable l'appréciation de la cour cantonale. Ensuite, constituaient d'autres indices le prix de la location donné par nuitée (et variable), auquel s’ajoutaient l'absence de versement de garantie de loyer, l'absence d'avis de fixation du loyer obligatoire selon le droit cantonal genevois et la rédaction du contrat en anglais. Enfin, sur six boîtes à lettres ne figurait aucun nom (arrêt du Tribunal fédéral 1C_235/2023 précité consid. 5.5).

5.9 Celui qui contrevient aux dispositions de la LDTR est passible des mesures et des sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 LCI et des peines plus élevées prévues par le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

Lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le DT peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le DT en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

5.10 De façon générale, la restriction de propriété liée à un ordre de remise en état n'est admissible que si elle repose sur une base légale, si elle est d'intérêt public et si elle est proportionnée (art. 36 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_653/2023 du 13 mai 2025 consid. 7.1).

De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit en outre respecter les cinq conditions cumulatives suivantes :

-          l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

-          les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

-          un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux, sauf en zone agricole, où la prescription ne court pas (ATF 147 II 309 consid. 4 et 5) ;

-          l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

-          l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/540/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.2.1 ; ATA/1134/2022 du 8 novembre 2022 consid. 11b).

Selon le Tribunal fédéral, l'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence. C'est ainsi qu'il peut être renoncé à une remise en état des lieux lorsque la violation est de peu d'importance, lorsque cette mesure n'est pas compatible avec l'intérêt public ou encore lorsque le propriétaire a pu croire de bonne foi qu'il était autorisé à édifier ou à modifier l'ouvrage et que le maintien d'une situation illégale ne se heurte pas à des intérêts publics prépondérants (arrêt du Tribunal fédéral 1C_391/2007 du 18 février 2008 consid. 3 et la référence citée). Il en va de même s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle, et même un constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité. Toutefois, celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1 et les arrêts cités ; ATA/927/2025 du 26 août 2025 consid. 4.9.3 ; ATA/540/2023 précité consid. 3.2.2).

Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et qu’ils ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées). Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude – qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/278/2025 du 18 mars 2025 consid. 5.6.3).

6.             En l'espèce, il ressort des constats effectués sur place par le DT et de l'état locatif versé au dossier que les logements concernés, affectés à l'habitation et destinés à la location depuis 2006, comptent entre une et 3.5 pièces. Ils sont situés en deuxième zone de construction. Ils sont ainsi soumis à la LDTR et entrent dans la catégorie des appartements où sévit la pénurie. Par conséquent, ils doivent en principe conserver leur affectation locative et tout changement d'affectation est soumis à dérogation (art. 8 LDTR).

6.1 Comme cela a été relevé supra, le TAPI a considéré qu'une partie seulement des éléments constatés par le DT et les juridictions tant cantonales que fédérales suffirait pour retenir que la recourante exploite les logements litigieux en tant que résidences meublées, ce d’autant qu'elle avait échoué à démontrer le contraire, malgré les nombreux et longs délais dont elle a bénéficié. Pour ces raisons, c’était à bon droit que le DT avait retenu un changement d’affectation des logements visés, effectué sans autorisation, en violation de la LDTR.

6.2 Malgré le caractère incomplet de l'instruction menée par le TAPI, son raisonnement ne prête pas le flanc à la critique.

Premièrement, il ressort du constat de la visite du 27 juin 2019 et des dossiers d'infraction I-6______ et I-7______ que les chambres sont effectivement meublées, et ce de la même manière. D'une part, bien que ladite visite ne semble pas avoir fait l'objet d'un reportage photographique, la recourante ne conteste pas que les chambres sont meublées de la même manière. D'autre part, le dossier d'infraction I-6______ contient la photographie d'une affiche sur laquelle est écrit ce qui suit : « recherche logement temporaire pour artisans-ouvriers au plus vite : studio meublé, cuisine équipée […] ». Le dossier d'infraction I-6______ contient également une annonce rédigée par une employée de F______, société affiliée à la recourante (les administrateurs étant les mêmes selon le site du registre du commerce de Lucerne [https://lu.chregister.ch/cr-portal/auszug/auszug.xhtml?uid=CHE-268.941.508]), selon lequel tous les appartements sont entièrement meublés par le partenaire officiel. Enfin, le dossier I-7______ contient une annonce du site Internet « Homegate.ch » pour un appartement de 3.5 pièces dans l'immeuble. Il y est notamment indiqué les « appartements haut de gamme offrent beaucoup de plus‑value ; des plans de travail en Neolithe ainsi que de nombreuses armoires encastrées, des placards et des bureaux sont des détails additionnels pour votre confort. Nos différents styles de décoration intérieure dépasseront vos attentes ».

Deuxièmement, les contrats de bail transmis par la recourante qui figurent au dossier ont été conclus en partie avec des sociétés qui lui sont proches, telles que G______, H______ ou encore I______, dont B______ et C______ font partie du conseil d'administration (pour les trois sociétés), ce que la recourante ne conteste pas. Ils sont de surcroît rédigés en allemand, ce qui n'est pas usuel à Genève.

Troisièmement, sur la vingtaine de noms de locataires que la recourante a transmis, seuls deux, L______ et E______, qui est d'ailleurs la fille des administrateurs de la société, ont été inscrits à l’OCPM comme habitants de l'immeuble, et ce pour une période limitée, alors que celui-ci compte près de 30 logements. Les autres locataires dont le nom a été communiqué ou avec qui des contrats ont été conclus sont soit introuvables dans le registre « Calvin » de l'OCPM (M______, N______, O______, P______, Q______, B______, R______, S______, T______, U______, V______, W______, X______, Y______, Z______, AA______ et AB______) soit n'ont jamais été enregistrés comme ayant été ou étant domiciliés à la rue ______ (AC______, AD______, AE______ et AF______). Dans la mesure où les bailleurs, sous‑bailleurs et gérants d'immeubles doivent communiquer à l'OCPM, dans un délai de quatorze jours, chaque emménagement et déménagement de locataires et sous-locataires habitant dans leurs immeubles, en précisant s'il s'agit de leur lieu de résidence (art. 7 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'harmonisation des registres des habitants et d'autres registres officiels de personnes du 3 avril 2009 - LaLHR - F 2 25), l'absence d'annonce est un sérieux indice que les locataires n'étaient que de passage à Genève. Par ailleurs, les contrats produits ont été conclus pour la plupart entre 2017 et 2019, soit depuis au moins six ans. S'ils devaient être de longue durée ou durée indéterminée, comme le soutient la recourante, on peine à comprendre pourquoi aucune annonce à l'OCPM n'a été faite ou n'a toujours pas été faite. Enfin, s'ils ont certes été conclus pour la plupart pour une durée d'un an au minimum, rien ne permet toutefois de retenir, au vu de ce qui précède, qu'ils auraient été prolongés au-delà de cette durée. Il y a donc lieu de considérer qu'ils n'ont été conclus que pour un an, durée qui doit être considérée comme courte.

Quatrièmement, il ressort du constat de la visite du 27 juin 2019 que les serrures des portes palières sont équipées de systèmes à badges, permettant à la propriétaire l'accès aux appartements, et que ces portes palières ne comportent que des numéros et pas de nom. Si aucune photographie allant dans ce sens n'a certes été versée au dossier, la recourante n'a pas contesté cela dans sa réponse du 22 août 2019 qui faisait suite à la prise de connaissance du rapport du 27 juin 2019, se référant simplement à son courrier du 2 novembre 2017 qu'elle n'a pas produit et qui ne figure pas non plus au dossier produit par le DT. Ce n'est que bien plus tard, soit dans le cadre de son recours devant le TAPI, qu'elle a soutenu que les portes étaient équipées de serrures à digicode dont seuls les locataires disposaient. Or, elle ne fournit aucune preuve de son allégation. Par conséquent, il sera retenu que les serrures des portes palières sont équipées de systèmes à badges et que ces portes palières ne comportent que des numéros, à l'exclusion d'un nom.

Cinquièmement, il n'est pas contesté que l'immeuble propose un service de nettoyage. L'annonce rédigée par F______, contenue dans le dossier d'infraction I-6______, mentionne d'ailleurs la possibilité d'un nettoyage hebdomadaire de l'appartement.

Enfin, l'annonce sur le site Internet « Homegate.ch » précitée prévoyait que le loyer par mois était fixé sur demande.

Cumulés, ces indices, soit des baux – rédigés en allemand – de courte durée, l'absence d'annonce des locataires à l'OCMP, le prix de la location variable et fixé sur demande, l'absence de nom sur les portes, le fait que les appartements soient loués meublés, et ce de la même manière, la location à des sociétés ou à des personnes proches de la recourante (notamment la fille de ses administrateurs) et la mise à disposition d'un service de nettoyage, quand bien même il ne serait que « sommaire », commandent de retenir que les logements de l'immeuble, affectés à la location depuis 2006, ont été transformés en résidences meublées, étant précisé que la recourante n'apporte pas la preuve que les appartements loués par les sociétés concernées le seraient au profit de leurs employés (art. 4 al. 2 RDTR).

À cela s'ajoute que, comme l'a relevé à juste titre le TAPI, la recourante n'a pas transmis d'éléments permettant de retenir que les locaux auraient conservé une affectation à du logement au sens de la LDTR, malgré les demandes du DT. Elle n'a en particulier pas transmis les justificatifs de versement de garantie de loyer, ceux de paiement des loyers ou encore les avis de fixation du loyer, lesquels sont obligatoires selon le droit cantonal genevois (art. 207 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 - LaCC - E 1 05).

La recourante prétend que la durée des baux était très supérieure à celle qui ressortait de l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_235/2023 précité (soit entre sept et 31 jours). Or, bien que tel soit le cas, le fait de retenir qu'une durée de sept à 31 jours soit courte n'empêche pas de considérer, surtout vu les circonstances, qu'une durée d'une année le soit aussi, ce d'autant que dans son arrêt 1C_235/2023, le Tribunal fédéral a indiqué que le fait que certains baux aient duré plus d'un mois voire une année ne suffisait pas à rendre insoutenable l'appréciation de la chambre de céans. À cela s'ajoute que des baux principaux ne doivent pas cacher des sous-locations de courte durée.

D'ailleurs, vu les circonstances du cas d'espèce, notamment l'absence d'annonce à l'OCPM, le contenu des annonces et affiches versées aux dossiers d'infraction ainsi que la non-production de documents obligatoires dans le cadre d'un contrat de bail, l'hypothèse que des locataires aient également occupé des appartements pour une durée ne dépassant pas quelques mois voire quelques semaines ne peut manifestement pas être exclue.

Pour le surplus, le seul fait que l'immeuble n'ait ni réception, ni salle commune, ni service de restauration, ni centrale téléphonique ne suffit pas à contrebalancer les indices allant dans le sens d'une affectation des logements en résidences meublées, étant au demeurant relevé que l'annonce rédigée par F______, versée au dossier d'infraction I‑6______, indique que l'immeuble propose un « Standard WI-FI connexion Internet 24/jour », ce qui contredit l'affirmation de la recourante selon laquelle l'immeuble n'a pas de wifi commun.

En définitive, c'est conformément au droit que le DT a retenu que les logements visés ont fait l'objet d'un changement d’affectation.

6.3 Reste à déterminer si l'ordre de remise en état est fondé.

Celui-ci repose sur les art. 129 let. e et 130 LCI ainsi que 44 LDTR, qui sont des bases légales formelles, si bien que l'exigence de la base légale est remplie.

La recourante est la propriétaire de l'immeuble. C'est donc de manière conforme au droit que la mesure a été dirigée contre elle.

Le changement d'affectation nécessitait une dérogation (art. 7 et 8 LDTR), que la recourante n'a toutefois pas demandée ni a fortiori obtenue. Par conséquent, ledit changement n'a pas été autorisé en vertu du droit en vigueur au moment de sa réalisation.

Rien ne permet de considérer que le DT aurait créé chez la recourante, que ce soit par des promesses, des assurances ou encore un comportement, des conditions telles qu’il serait lié par la bonne foi. L'intéressée ne le prétend du reste pas.

Le changement d'affectation ayant eu lieu au plus tôt dès 2016, la prescription trentenaire n'est pas acquise.

La mesure querellée poursuit des intérêts publics importants, à savoir assurer le respect de la LDTR mais aussi et surtout préserver l'habitat et les conditions de vie existants (art. 1 al. 1 LDTR ; ATF 128 I 206 consid. 5.2.4) ainsi que réintroduire dans le parc locatif presque 30 logements à des loyers abordables pour la majorité de la population (arrêt du Tribunal fédéral 1C_71/2024 du 11 octobre 2024 consid. 3).

La mesure est apte à atteindre le but visé, en tant qu'elle conduira à un retour à l'état initial et à la fin de l'exploitation de l'immeuble en résidences meublées. Il n'existe manifestement pas de mesures moins incisives que celle ordonnée par le DT, ce que la recourante ne soutient du reste pas.

Les intérêts économiques et financiers de la recourante à la continuation de l'exploitation de l'immeuble en résidences meublées entrent en conflit avec les intérêts publics précités. Toutefois, dans la mesure notamment où la recourante a contrevenu à la LDTR et n'est pas empêchée de louer les appartements en conformité avec les conditions des autorisations qu'elle a obtenues, notamment la DD 4______, ils ne sauraient primer les intérêts publics majeurs précités, notamment celui à la réintroduction dans le parc locatif de presque 30 appartements à des loyers abordables pour la majorité de la population. À cela s'ajoute que la recourante a mis le DT devant le fait accompli et qu'il est vraisemblable qu'elle a retiré un avantage financier important en louant sans droit les appartements en tant que résidences meublées à des prix plus avantageux que ceux qu'elle aurait dû pratiquer en application de la DD 4______ notamment.

Le principe de la proportionnalité a dès lors été respecté.

Le DT n'a donc pas abusé de son pouvoir d'appréciation en ordonnant la remise en état des appartements. Par conséquent, celui-ci est conforme au droit.

Mal fondé, le grief sera écarté.

7.             La recourante conteste avoir commis une infraction et se plaint subsidiairement, s'agissant du montant de l'amende, d'une violation du principe de la proportionnalité. Le DT allègue que le TAPI a abusé de son pouvoir d'appréciation en ramenant à CHF 100'000.- le montant de l'amende, fixé initialement à CHF 150'000.-.

7.1 L’art. 44 al. 1 LDTR prévoit, pour celui qui contrevient aux dispositions de la LDTR, des mesures et des sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 LCI.

7.2 Aux termes de l'art. 137 al. 1 LCI, est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à LCI (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la LCI (let. b) aux ordres donnés par le DT dans les limites de la LCI et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c).

Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7, non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI). Si l’infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale, d’une société en commandite, d’une société en nom collectif ou d’une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom, la personne morale, la société ou le propriétaire de l’entreprise individuelle répondant solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu’il n’apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (art. 137 al. 4 LCI).

Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut exister. Par conséquent, la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/8/2025 du 7  anvier  2025 consid. 3.10.2).

7.3 En vertu de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG ‑ E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de proportionnalité (ATA/8/2025 précité consid. 3.10.2 et l'arrêt cité).

L’autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d’appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu’elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1). Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

7.4 L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (notamment état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/ 2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7e) et ses capacités financières (ATA/1042/2025 du 23 septembre 2025 consid. 2.1.3 ; ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 consid. 20 et les références citées).

Doivent être notamment prises en compte au titre de circonstances aggravantes la qualité de mandataire professionnellement qualifié (MPQ) ainsi que celle de professionnel de l’immobilier (arrêt du Tribunal fédéral 1C_209/2020 du 16  octobre 2020 consid. 2.3.2 ; ATA/706/2022 du 5 juillet 2022 consid. 5 et les références citées, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_468/2022 du 21  avril  2023), le fait de mettre l’autorité devant le fait accompli (ATA/174/2023 du 28 février 2023 consid. 2.2.1 et les références citées), le fait d’avoir agi par cupidité, la récidive ainsi que le nombre élevé ou la proportion importante des appartements ou immeubles concernés par la violation. Au titre de circonstances atténuantes, doit être prise en compte notamment l’absence de volonté délictuelle (ATA/1042/2025 précité consid. 2.1.4).

7.5 En matière de sanctions pénales, le condamné peut certes en principe faire valoir une inégalité de traitement injustifiée. Toutefois, les comparaisons ne sont possibles que dans des cas limités, en règle générale lorsque plusieurs coaccusés sont jugés dans la même procédure pour des infractions commises en commun (ATF 121 IV 202 consid. 2d/bb ; 116 IV 292). Dans les autres cas, toute comparaison d'une affaire à une autre est délicate vu les nombreux paramètres entrant en ligne de compte pour la fixation de la peine. Le principe de l'individualisation des peines et le large pouvoir d'appréciation reconnu en cette matière à l'autorité cantonale peuvent conduire à une certaine inégalité, inhérente au système et qui est acceptée par le législateur (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2). Au demeurant, les cas qui apparaissent semblables peuvent se distinguer sur des points essentiels pour la fixation de la peine (ATF 123 IV 150 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_191/2021 du 21 mars 2022 consid. 3.3.2).

7.6 Il ressort de la jurisprudence cantonale que le montant maximum de l’amende, de CHF 60'000.- en vigueur jusqu’au 1er septembre 2010, a été infligé à un administrateur de sociétés immobilières pour avoir loué, après des travaux non autorisés, des appartements à des loyers bien plus élevés que ceux bloqués par le département dans les autorisations rétroactives (ATA/195/2005 du 5 avril 2005 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 11P.309/2005 du 1er novembre 2005).

Dans un arrêt du 23 février 2021, la chambre administrative a confirmé une amende de CHF 225'000.- infligée au recourant, qui était rompu au domaine de l'immobilier, les quatre sociétés – également recourantes – dont ce dernier était administrateur‑président en répondant solidairement, pour infractions à la LDTR à la suite de quatre arrêts, confirmés par le Tribunal fédéral. Le but des opérations montées par le recourant, dont l'objectif était de pouvoir individualiser des appartements dont il savait que l'aliénation ne répondait pas à un intérêt privé prépondérant, consistait à éluder l'examen visant à la protection du parc locatif et donc à violer l'art. 39 al. 1 LDTR. Le recourant avait répété le montage à l'échelle de quatre sociétés et quatre immeubles, pour un total de 70 appartements, soit 70 infractions et tentatives d'infractions, ce qui justifiait d'ailleurs l'application des règles sur le concours d'infractions. L'amende pouvait ainsi aller jusqu'à CHF 225'000.-. La faute était très lourde et relevait d’un mépris total du but de la loi et des intérêts publics protégés. La solidarité entre les quatre entreprises était toutefois réduite proportionnellement au nombre d'appartements concernés leur appartenant (ATA/186/2021 du 23 février 2021, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_191/2021 du 21 mars 2022).

7.7 Dans un jugement du 16 novembre 2021 (JTAPI/1156/2021), le TAPI a réduit de CHF 150'000.- à 100'000.- une amende infligée à une propriétaire (la recourante) pour avoir exécuté des travaux de rénovation dans treize appartements sans autorisation et avoir encaissé, à la suite de ces travaux, des loyers en trop pour CHF 212'501.50. La réduction tenait compte de la prescription concernant deux appartements, du montant « correct » des loyers trop perçus en violation de la loi (les montants initialement retenus par le DT à titre de trop-perçus ayant été revus à la baisse, puisqu'ils s'élevaient, après correction, à CHF 212'501.50 et non à CHF 411'518.-) et des antécédents limités aux seules infractions reprochées.

Par arrêt du 22 mars 2022 (ATA/292/2022), la chambre administrative a confirmé le jugement précité. Les circonstances aggravantes de la cupidité, de la récidive et de la gravité de la faute étaient établies. Elle a relevé que la recourante avait été sanctionnée à deux reprises, la première fois d’une amende à hauteur de CHF 1'000.- et la seconde de CHF 3'000.-. Ces infractions ne portaient que sur un seul logement. Il apparaissait dès lors conforme à la jurisprudence qu’une nouvelle série d’infractions fût sévèrement sanctionnée, les précédentes amendes n’ayant pas eu l’effet escompté sur la recourante, qui avait persisté à violer la loi, cette fois-ci à beaucoup plus large échelle, compte tenu de la durée (trois ans), du nombre d’appartements concernés et partant de la répétition des agissements, et avait commis de la sorte une faute lourde.

Le Tribunal fédéral a confirmé l'ATA/292/2022 par arrêt du 7 mars 2023. Il a relevé que la recourante avait effectué des travaux de rénovation sans autorisation et avait encaissé, à la suite de ces travaux, des loyers en trop pour CHF 212'501.50. La recourante avait donc, lors d'une même activité délictueuse, réalisé les éléments constitutifs de deux infractions, dont l'une était la conséquence de l'autre. Il s'agissait de travaux exécutés sans autorisation, contraires à la LCI et dont les conséquences étaient constitutives d'une infraction réprimée par la LDTR, entraînant l'obligation de restitution des loyers perçus en trop. Dès lors, la chambre administrative pouvait sans arbitraire considérer que le DT était fondé à retenir la circonstance aggravante de la récidive (arrêt du Tribunal fédéral 1C_264/2022 du 7 mars 2023).

7.8 En l'espèce, il a été constaté supra que la recourante a effectué, sans obtenir ni même demander de dérogation, un changement d'affectation des appartements concernés en les exploitant désormais comme des résidences meublées. Dans cette mesure, elle a contrevenu à la LDTR. En sa qualité de professionnelle de l'immobilier, elle ne pouvait ignorer la nécessité de demander une dérogation avant de pouvoir éventuellement procéder au changement d'affectation. Elle a donc agi intentionnellement et ainsi commis une faute. Le principe de l'amende prononcée à son endroit est donc fondé.

7.8.1 Pour en fixer le montant, le DT a retenu que l'intéressée avait le statut de professionnelle de l’immobilier, que le dossier mettait en évidence son comportement constant faisant « peu de cas » de la législation applicable, qu'elle avait fait preuve d’un manque de coopération, qu'elle avait déjà commis de nombreuses infractions en lien avec l'immeuble et avait déjà été sanctionnée en raison de ces infractions. Il a également relevé sa « cupidité » et le fait qu'elle avait soustrait un nombre important de logements au marché locatif genevois en période de pénurie. Enfin, sa situation financière n’apparaissait pas obérée.

Les éléments retenus par le DT sont fondés. En effet, la recourante se livrant, de par ses statuts, à l'achat et la gestion d'immeubles, le statut de professionnelle de l'immobilier doit lui être reconnu. Son comportement a donné lieu à l'ouverture de cinq dossiers d'infractions depuis 2013 ainsi qu'au prononcé de huit amendes (amende litigieuse non comprise), notamment pour refus de se conformer aux ordres du DT, lesquelles sont toutes entrées en force. Enfin, la recourante a soustrait 29 logements au parc locatif depuis plusieurs années dans le seul but de s'enrichir.

Compte tenu des éléments, la faute commise par la recourante est objectivement très grave. Le nombre de logements soustraits au parc locatif genevois est élevé et une telle soustraction se heurte à l'intérêt public important poursuivi par la LDTR. Le mode opératoire est grave puisqu’il consiste à mettre les autorités devant le fait accompli avec l’éventualité que celles-ci ne découvrent que tardivement, voire pas, les infractions. Les mobiles de la recourante consistent dans l’appât du gain, celle‑ci s'étant intentionnellement enrichie, de manière indue, et un mépris du respect des dispositions légales applicables dans le canton en matière de constructions. Ceci est d’autant plus grave qu'elle est active dans le domaine immobilier et se doit, à ce titre, d’être bien informée et respectueuse de ses obligations et des contraintes légales.

Tous ces éléments, en plus de l'inefficacité des sanctions prononcées jusqu'ici pour CHF 50'000.- contre la recourante, justifient qu'une sanction sévère soit prononcée, étant précisé que la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité et les cas de récidive, comme en l'espèce, constituent des circonstances aggravantes. La recourante prétend toutefois que la circonstance de la récidive ne pourrait pas être retenue, dès lors qu'elle n'a jamais été sanctionnée pour un changement d'affectation illicite. Or, aucune disposition légale, ni même l'art. 137 al. 3 LCI, ne prévoit que la récidive doit être spécifique, à savoir concerner la même infraction. Ainsi, la circonstance de la récidive peut être retenue dès lors que la recourante a déjà contrevenu à la LCI ou à la LDTR.

7.8.2 Le TAPI a ramené le montant de l'amende à CHF 100'000.-. De son point de vue, l'historique des sanctions prononcées jusqu'ici par le DT n'était pas sans incidence, sous l'angle du principe de la proportionnalité, pour évaluer s'il se justifiait que le DT prononce l'amende la plus élevée prévue par la LCI. Les amendes qui sanctionnaient spécifiquement le refus de produire les documents requis étaient passées de CHF 1'000.- (deux fois), à CHF 5'000.-, puis à CHF 10'000.-. Le DT avait ainsi fait preuve jusque-là d'une retenue qui ne manquait pas de surprendre au vu de la gravité du comportement adopté durant plusieurs années par la recourante. Dans ces conditions, le TAPI comprenait difficilement la raison pour laquelle le DT avait soudainement décidé de prononcer l'amende la plus élevée prévue par la loi. Ce faisant, le DT semblait avoir oublié que la récidive était certes un facteur aggravant qui justifiait également une aggravation de la sanction, mais qu'en l'espèce, les faits incriminés, en eux-mêmes, étaient du même niveau de gravité que ceux qui avaient déjà été sanctionnés. Or, pour des infractions de gravité constante, le principe de la proportionnalité impliquait de respecter une certaine gradation lors de la sanction de récidives.

Le TAPI ne peut toutefois pas être suivi lorsqu'il affirme que les faits incriminés, en eux-mêmes, sont du même niveau de gravité que ceux qui ont déjà été sanctionnés. En effet, la décision du 1er septembre 2023 sanctionne exclusivement le changement d'affectation, celui-ci n'ayant jusque-là pas fait l'objet d'une sanction. Comme le relève le DT dans son recours, les sanctions prononcées durant la phase d'instruction du dossier l'ont été en raison du non-respect des ordres de produire les documents manquants, et non pas en raison du changement d'affectation. Or, il apparaît que le changement d'affectation constitue en principe une circonstance plus grave que la non-remise de documents.

Dès lors, le raisonnement du TAPI en lien avec la nécessité de respecter une certaine gradation lors de la sanction de récidives portant sur des mêmes infractions n'est pas pertinent in casu.

7.8.3 Reste ainsi à déterminer si le DT pouvait prononcer le montant maximal de l'amende selon l'art. 137 al. 1 LCI.

Il ressort de la jurisprudence précitée que des amendes dont le montant atteignant le maximum légal ont déjà été prononcées, voire davantage lorsque les règles sur le concours ont été appliquées. Tel a été le cas lorsque des appartements ont été soustraits au contrôle de l'État en vertu de la LDTR. Ainsi, et contrairement à ce que prétend la recourante, le prononcé d'une amende dont le montant atteint le maximum légal ne dépend pas nécessairement de la commission d'une infraction aux normes de protection du patrimoine ou à la règlementation à la zone agricole. Il n'est pas non plus nécessairement lié à l'existence d'un « montage frauduleux complexe ». Soustraire du parc locatif des appartements à des loyers abordables pour la majorité de la population est grave. Au demeurant, toute comparaison d'une affaire à une autre est délicate vu les nombreux paramètres entrant en ligne de compte pour la fixation de la peine.

Comme cela a été relevé, la faute de la recourante est très grave. Le nombre de logements soustraits au parc locatif genevois, près de 30, est important et du reste plus élevé que celui soustrait dans l'ATA/292/2022 précité. La recourante doit se voir imputer des circonstances aggravantes (récidive et appât du gain) et ne peut se prévaloir d'aucune circonstance atténuante. En particulier, et vu son statut de professionnelle de l'immobilier, sa thèse selon laquelle elle avait estimé de bonne foi que les baux proposés aux locataires étaient ceux de simples locaux d'habitation n'emporte pas conviction. Compte tenu de sa réticence à produire les documents demandés et du fait qu'elle a tardé à indiquer qu'il lui en manquait certains, ce qu'elle ne pouvait ignorer, il ne peut pas être considéré qu'elle a fait preuve d'une bonne collaboration.

En outre, le changement d'affectation non autorisé lui a permis de retirer un avantage financier important. Si le DT n'a pas été en mesure de le chiffrer, cela ne lui est toutefois pas imputable, la recourante n'ayant, quelles qu'en soient les raisons, pas transmis les avis de fixation de loyers ni aucun justificatif du versement des loyers et n'a produit que deux états locatifs (dont un pour 2019), au demeurant approximatifs. Enfin, la recourante n'a pas démontré, ni même allégué, que l'amende infligée la placerait dans une situation financière difficile.

À cela s'ajoute que le DT doit veiller à détourner un propriétaire ayant déjà commis des infractions d’en commettre de nouvelles. Dans cette mesure, le montant de l’amende fixé par le DT à CHF 150'000.- apparaît apte à atteindre ce but et est nécessaire pour que la recourante se conforme dorénavant à la LDTR. Au vu des éléments relevés supra, et bien qu'il constitue le maximum légal, il apparaît également proportionné afin de garantir le but de la LDTR, soit notamment des restrictions au changement d'affectation des maisons d’habitation, tout en assurant la protection des locataires (art. 1 al. 2 let. a et b LDTR). Le seul fait que la réaffectation des appartements en logement soit « facile » ne suffit pas à retenir le montant de l'amende fixé par le DT pour disproportionné.

Celui-ci n'a donc pas abusé de son pouvoir d'appréciation en prononçant à l'endroit de la recourante une amende de CHF 150'000.- et le TAPI ne pouvait pas la ramener à CHF 100'000.-.

Le grief du DT est fondé, ce qui conduit à l'admission de son recours et au rejet de celui interjeté par la recourante. Le jugement du TAPI sera partiellement annulé en tant qu'il fixe l'amende à CHF 100'000.- et la décision du 1er septembre 2023 sera rétablie sur ce point.

8.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art.  87  al. 2  LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 18 octobre 2024 par le département du territoire‑OAC et A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2024 ;

au fond :

rejette le recours de A______ ;

admet le recours du département du territoire-OAC ;

annule partiellement le jugement du TAPI en tant qu'il ramène l'amende infligée à A______ à CHF 100'000.- ;

le confirme pour le surplus ;

rétablit la décision du département du territoire-OAC du 1er septembre 2023 en tant qu'elle fixe le montant de l'amende à CHF 150'000.- ;

met un émolument de CHF 3'000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au département du territoire-OAC, à Me Mark MULLER, avocat de A______, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le présidente siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :