Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/843/2025 du 05.08.2025 ( LOGMT ) , REJETE
En droit
| république et | canton de genève | |||
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 | POUVOIR JUDICIAIRE A/843/2025-LOGMT ATA/843/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 5 août 2025 2ème section | 
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dans la cause
A______ recourante
 
contre
OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE intimé
 
A. a. A______ et B______ ont pris à bail, le 4 septembre 2012, un appartement de 5 pièces sis rue C______ à Meyrin, pour un loyer annuel de CHF 16'812.‑, charges non comprises.
L’immeuble entre dans la catégorie HBM.
b. Depuis le 7 avril 2014, date de l’avenant au contrat de bail, A______ est la seule titulaire des droits et obligations du contrat de bail.
c. Par décision du 8 mai 2017, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci‑après : OCLPF) a rejeté la demande d’allocation de logement formée par A______ le 27 mars 2017, au motif que le nombre de personnes occupant le logement était inférieur au taux d’effort applicable.
Selon la demande du 27 mars 2017, le revenu déterminant global unifié pour la famille était de CHF 91'696.-, soit pour A______ CHF 63'765.-, D______ CHF 16'869.-, E______ CHF 11'062.-, F______ étant sans revenu.
d. De 2017 à 2024, l’OCLPF a adressé chaque année à A______ un avis de situation faisant état d’un revenu déterminant unifié total de CHF 91'696.- demeuré inchangé pour les quatre occupantes du logement. L’avis de situation mentionnait à chaque fois l’obligation de signaler toute modification de la situation.
e. Un contrôle des avis de taxation pour l’année 2022 de A______ et de ses trois filles a montré que le revenu total était passé à CHF 192'754.-.
f. Par décision du 11 octobre 2024, l’OCLPF a astreint A______ au paiement d’une surtaxe rétroactive de CHF 19'538.40 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2022.
Les revenus du groupe familial avaient augmenté. Elle bénéficiait par la voie d’une remise de l’application durant douze mois au maximum d’un taux d’effort en lien avec le taux d’occupation du logement en lieu et place de celui lié au dépassement du barème de sortie.
g. Le 11 novembre 2024, A______ a formé une réclamation contre cette décision.
La décision prenait en compte les revenus de F______, qui réalisait des revenus pour un total de CHF 74'122.- par an. Or, elle avait oublié de signaler que celle-ci avait quitté le domicile familial en 2020 pour aller vivre chez son père, ce dont celui-ci attestait et qu’elle pouvait démontrer par des factures relatives à ses achats par correspondance chez GALAXUS et ZALANDO, qu’elle produisait.
h. Par décision du 13 février 2025, l’OCLPF a rejeté la réclamation.
Le critère pertinent pour déterminer le nombre de personnes vivant dans le logement était l’inscription dans le registre « Calvin » de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) et non le domicile effectif. Il importait peu que le locataire ait accepté de bonne foi que le tiers concerné reçoive simplement le courrier à son adresse pour des raisons de commodité ou qu’il n’y ait aucune cohabitation effective. F______ était restée légalement domiciliée à son adresse sans interruption du 14 juillet 2006 au 21 octobre 2024.
B. a. Par acte remis à la poste le 11 mars 2025, A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).
La surtaxe qu’elle avait reçue la brisait. Sa fille F______ était partie à la suite d’un conflit familial. F______ aurait dû signaler son départ à l’OCPM, ce qu’elle n’avait pas fait. Elle avait elle-même gardé espoir qu’elle revienne. Pendant longtemps, elle n’avait plus eu de nouvelles d’elle. Elle n’aurait jamais imaginé qu’elle gagnait un tel salaire ni que son départ, si douloureux, allait un jour se retourner contre elle sous forme de surtaxe.
Elle ne pourrait payer CHF 20'000.- alors qu’elle peinait déjà à payer ses frais médicaux pour lesquels aucune assurance complémentaire n’acceptait de la couvrir.
Elle souhaitait être entendue pour expliquer sa situation plus en détail. Elle demandait un peu de compréhension et d’humanité et qu’une solution plus juste et plus humaine soit trouvée ensemble.
b. Le 9 avril 2025, l’OCLPF a conclu au rejet du recours.
La recourante avait reconnu avoir commis une négligence en omettant d’aviser l’OCLPF du départ de sa fille et de l’augmentation des revenus du groupe, alors que tous les avis de situation lui avaient rappelé de le faire. Elle ne démontrait pas des difficultés familiales qui l’auraient empêchée de communiquer les documents requis. Elle avait d’ailleurs pu produire des documents de sa famille à l’appui de son recours, et de telles difficultés ne l’auraient pas empêchée d’informer l’OCLPF.
La situation financière difficile dont elle se prévalait devait être examinée dans le cadre d’une demande de remise, exorbitante au litige.
c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti au 15 mai 2025.
d. Le 20 mai 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. La recourante demande son audition.
2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1), ni celui d’obtenir l’audition de témoins.
2.2 En l’espèce, la recourante a pu faire valoir son point de vue et produire toutes pièces utiles, tant devant l’OCLPF que la chambre de céans. Elle n’explique pas quels éléments utiles autres que ceux déjà exposés dans ses écritures son audition permettrait d’apporter à la solution du litige.
Le dossier est complet et en état d’être jugé. Il ne sera pas donné suite à la demande de comparution personnelle.
3. Le litige porte sur le bien-fondé de la surtaxe imposée à titre rétroactif à la recourante
3.1 Aux termes de l'art. 30 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), les logements visés par cette disposition sont destinés aux personnes dont le revenu, à la conclusion du bail, n'excède pas le barème d'entrée et dont le revenu, en cours de bail, n'excède pas le barème de sortie (al. 1). Le barème d'entrée s'obtient en divisant le loyer effectif du logement (à l'exclusion des frais de chauffage et d'eau chaude et du loyer du garage) par le taux d'effort (al. 2). Le locataire dont le revenu dépasse le barème d'entrée est astreint au paiement d'une surtaxe, qui correspond à la différence entre le loyer théorique et le loyer effectif du logement mais qui ne peut, ajoutée au loyer, entraîner des taux d'effort supérieurs à ceux visés à l'art. 30 LGL (art. 31 al. 1 et 2 LGL). Par revenu, il faut entendre le revenu déterminant résultant de la loi sur le RDU du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06).
3.2 Selon l'art. 9 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), il appartient au locataire de justifier sans délai au service compétent toute modification significative de revenu ainsi que tout changement dans la composition du groupe de personnes occupant le logement survenant en cours de bail (al. 2). En cours de bail, à défaut d'annonce de modification de situation par le locataire, le service compétent peut tenir compte des revenus pris en considération pour l'impôt des années précédentes (al. 3).
Comme en matière d’aide sociale (ATA/939/2015 du 15 septembre 2015 et les références citées), toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’OCLPF est une prestation perçue indûment (ATA/989/2023 du 12 septembre 2023 consid. 3.7 ; ATA/1698/2019 du 19 novembre 2019).
Le locataire qui ne renseigne pas en temps utile l'OCLPF s'expose au paiement d'une surtaxe rétroactive dont le principe a été maintes fois confirmé par la jurisprudence constante de la chambre administrative (ATA/491/2024 du 16 avril 2024 consid. 2.4 ; ATA/770/2020 du 18 août 2020 consid. 5d). La pratique de l'OCLPF en matière de surtaxe consiste à obtenir par le biais de l'administration fiscale cantonale genevoise, au début de chaque année, les indications des revenus déclarés l'année précédente. En raison de ce décalage, le bénéficiaire doit communiquer spontanément toute modification de sa situation à l'OCLPF ; dans ce cadre, toute modification de revenu, même si elle peut par la suite s'avérer temporaire, doit être considérée comme une modification significative de la situation, dès lors que toute hausse ou baisse de revenu est de nature à influer sur les barèmes d'entrée ou de sortie et ainsi sur l'éventuelle surtaxe due. Les bénéficiaires concernés sont ainsi tenus d'aviser l'OCLPF de chaque changement de situation, ce que rappelle d'ailleurs chaque avis de situation (ATA/491/2024 précité consid. 2.4).
La jurisprudence considère que des administrés qui recevaient depuis des années des décisions d’octroi d’allocation de logement faisant une référence expresse au devoir d’annonce des allocataires sous forme d’une remarque importante libellée en caractère gras et encadrée au verso du document ne pouvaient pas prétendre que cet élément leur était inconnu. Ils ne pouvaient se prévaloir de leur bonne foi et devaient rembourser à l’OCLPF l’allocation perçue indûment (ATA/989/2023 précité consid. 3.7 ; ATA/992/2020 du 6 octobre 2020 consid. 3c ; ATA/357/2016 du 26 avril 2016 ; ATA/323/2009 du 30 juin 2009).
3.3 Selon l’art. 31C al. 1 let. f LGL, sont considérées comme occupant le logement, les personnes ayant un domicile légal, déclaré à l’office cantonal de la population et des migrations, identique à celui du titulaire du bail, le critère du domicile effectif au sens des art. 23 et suivants du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CC - RS 210) n’entrant pas en ligne de compte (ATA/522/2020 du 26 mai 2020 consid. 2b ; ATA/243/2017 du 28.02.2017 consid. 4c).
L’art. 31C al. 1 let. f LGL a été introduit en 2001 afin de limiter le versement de prestations en matière de logement aux occupants effectifs d'un appartement, une personne ne pouvant résider dans deux logements simultanément et ne devant de ce fait pas pouvoir bénéficier deux fois de l'intervention de l'État à ce titre (MGC 1999 32/VI 4952-3).
Lorsqu’elle a jugé que le critère pour définir quelles étaient les personnes qui occupaient un logement était bien celui de l'inscription dans Calvin et non celui du domicile effectif au sens des art. 23 ss CC, la chambre de céans se penchait sur l’application de l’art. 31C al. 1 let. f LGL (ATA/522/2020 du 26 mai 2020 consid. 2b ; ATA/243/2017 du 28.02.2017 consid. 4c, ATA/357/2016 du 26 avril 2016). Elle a précisé que le texte légal clair de cette disposition permettait aux autorités administratives chargées de l'application de la LGL de vérifier que les conditions d'octroi d'une allocation de logement étaient réunies sur la base de renseignements officiels, qui leur étaient aisément accessibles et dignes de foi (ATA/462/2003 du 10 juin 2003 consid. 2). Cette jurisprudence s’appliquait également en matière de surtaxe HLM (ATA/24/2005 du 18 janvier 2005 consid. 3b) ainsi que de subvention personnalisée au logement (ATA/54/2021 du 19 janvier 2021 consid. 3b).
3.4 En l’espèce, l’OCLPF a retenu que F______ était domiciliée chez la recourante en se basant sur son inscription dans l’application « Calvin » et a pris en compte le revenu qu’elle réalisait pour arrêter la surtaxe.
Cette décision n’appelle aucune critique.
La recourante ne conteste ni les montants des revenus retenus par l’OCLPF ni le calcul de la surtaxe sur cette base, mais elle soutient que les revenus de sa fille F______ ne doivent pas être pris en compte dans le montant total pour le calcul de la surtaxe dès lors que celle-ci avait quitté son domicile en 2020 déjà.
Elle ne soutient toutefois pas avoir informé l’OCLPF ou l’OCPM du changement de domicile de sa fille en 2020. Or, elle avait été avertie chaque année de son obligation d’informer l’OCLPF de tout changement de situation déterminant.
La recourante ne fait pas valoir qu’elle se serait trouvée dans une situation exceptionnelle reconnue par la jurisprudence, qui a admis dans de très rares cas des dérogations aux principes précités lorsque le registre de l’OCPM ne reflétait pas la réalité pour des raisons que le locataire concerné ne maîtrisait pas.
Ainsi, par exemple, une recourante à laquelle le jugement de divorce avait accordé l’appartement et dont le mari n’avait pas effectué le changement de domicile à l’OCPM, mais qui avait fait tout ce qui était en son pouvoir et averti tant l’OCPM que l’OCLPF (ATA/329/2004 du 27 avril 2004 consid. 6c), ou encore une famille dont tous les membres ne pouvaient s’enregistrer à l’OCPM faute d’autorisation de séjour (ATA/727/2004 du 21 septembre 2004 consid. 4) et enfin une locataire qui avait informé l’autorité et fourni les pièces justificatives du changement d’adresse de son conjoint mais dont la procédure avait révélé qu’elle subissait des violences de celui-ci qui l’empêchaient de lui imposer les démarches nécessaires pour démontrer à l’autorité qu’il n’était plus domicilié avec elle (ATA/718/2005 du 25 octobre 2005 consid. 4 et 5).
La recourante explique certes s’être trouvée dans une situation douloureuse lorsque sa fille a subitement quitté le domicile familial pour aller vivre chez son père et n’avoir alors plus eu de relation avec elle. Si son désarroi ne saurait être remis en cause, il ne la dispensait toutefois pas de son obligation d’avertir l’OCLPF et elle pouvait par ailleurs également signaler elle-même à l’OCPM que sa fille ne vivait plus avec elle. Sa situation ne correspondait ainsi pas aux cas de locataires ayant tout tenté, mais en vain, pour faire correspondre le registre « Calvin » à la réalité.
Il résulte de ce qui précède que la décision sur réclamation attaquée est conforme au droit et ne procède ni d’un excès ni d’un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu la nature du litige, il ne sera pas prélevé d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue dudit litige, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
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PAR CES MOTIFS
 LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 11 mars 2025 par A______ contre la décision de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 13 février 2025 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| le greffier-juriste : 
 
 F. SCHEFFRE 
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 | le président siégeant : 
 
 C. MASCOTTO | 
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le 
 
 
 
 
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 | la greffière : 
 
 
 
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