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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/171/2025

ATA/531/2025 du 13.05.2025 ( MARPU ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/171/2025-MARPU ATA/531/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 mai 2025

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Pascal AEBY, avocat

contre

B______ intimée
représentée par Me Steve ALDER, avocat



EN FAIT

A. a. Par avis du 8 novembre 2017, la B______ (ci-après : la commune) a publié sur la plateforme SIMAP un appel d'offres intitulé « Mandats d'études parallèles en procédure sélective pour entreprise totale constituée en pool pluridisciplinaire » portant sur la transformation et l'agrandissement de l'école de Tivoli, sise sur la parcelle n° 3'611 de la commune.

Le début des travaux était prévu pour le printemps 2019.

b. Le cahier des charges de l'appel d'offres prévoyait comme travaux d'agrandissement un restaurant scolaire d'une surface d'environ 300 m2, des locaux parascolaires avec notamment trois ou quatre salles d'activités, un espace d'accueil, une cuisinette, et une salle d'arts martiaux, des travaux intérieurs, ainsi que des travaux d'aménagement extérieur, tels que le réaménagement de l'ensemble des talus, une réfection globale des revêtements ou l'assainissement des canalisations.

Il mentionnait que le montant total des travaux (excluant les aménagements extérieurs) était estimé à CHF 19'700'000.- hors taxes (ci-après : HT) par le bureau BERIC, dont CHF 10'400'000.- concernaient la rénovation de l'enveloppe et CHF 2'000'000.- la rénovation des installations CVSE (Chauffage, ventilation, sanitaire et électricité).

c. Les critères d'adjudication pour le deuxième tour, dans l'ordre d'importance, étaient les suivants : 1. Qualité architecturale et technique de l'offre : 45% ; 2. Qualité économique de l'offre : 30% ; 3. Performance énergétique : 20% ; 4. Délai d'exécution des prestations de la phase conception-réalisation et planning du projet : 5%.

d. A______S SA (ci-après : A______), entreprise générale inscrite au registre du commerce genevois depuis 2008, a déposé une offre d'un coût total de CHF 22'654'037.- HT, comprenant les prix suivants :

-          travaux de rénovation des blocs A, B, C, D et aménagements extérieurs : CHF 14'289'692.- ;

-          extension au-dessus du gymnase (restaurant, dojo) : CHF 5'190'344.- ;

-          variante rénovation de l'enveloppe du secteur B (blocs E, F, G) : CHF 2'910'000.- ;

-          variante de production de chaleur : CHF 264'000.-.

e. Trois soumissionnaires à savoir C______ SA (ci‑après : C______), D______ AG et A______, ont été sélectionnés pour le deuxième tour des offres.

Selon le tableau récapitulatif des notes, A______ a obtenu la note de 4.20 sur 5, C______ la note de 3.68 et D______ AG, celle de 3.79.

f. Au terme de la procédure, la commune a, le 6 juillet 2018, adjugé le marché pour le montant de CHF 22'654'037.- HT à A______.

B. a. Le 30 août 2019, A______, par l'intermédiaire de son architecte E______ SA (ci-après : E______), a déposé une demande d'autorisation de construire DD 1______.

b. Le 4 novembre 2019, la commission d'architecture (ci-après : CA) a rendu un préavis défavorable sur ce projet au motif que la proposition volumétrique et sa forme étaient en rupture avec le dispositif spatial existant. Elle souhaitait que la qualité architecturale du bâtiment existant soit prise en considération et préservée.

c. S'en sont ensuivies plusieurs séances avec l'architecte d'A______ et le Conseil administratif de la commune qui a, le 13 août 2020, approuvé la surélévation des blocs A, B et F et demandé une extension de trois à quatre classes placées en surélévation de ces blocs.

d. Après diverses révisions, la commune a approuvé le projet définitif le 26 janvier 2021.

e. Le 23 février 2021, la CA a rendu un préavis favorable sur ce second projet prévoyant la construction d'un étage (au lieu de deux) sur la salle de gym.

C. a. Lors de la séance du 26 octobre 2022, la commune est revenue sur ce projet et a demandé l'étude d'une variante supplémentaire du bâtiment des sports.

b. Le 22 novembre 2022, une nouvelle variante a été transmise à la commune.

c. Le 31 janvier 2023, la CA a rendu un préavis favorable sous condition de garantir l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite et de se rapprocher de la matérialité et de la modénature existantes.

d. Lors de la séance du comité de pilotage (ci-après : COPIL) du 13 juin 2023, A______ a présenté un tableau comparatif entre le premier et le second projet concernant l'évolution des coûts, s'étendant de la période de juillet 2018 à juin 2023, les chiffrant désormais à CHF 27'745'548.- HT avec le renchérissement des coûts. Cette estimation financière prévoyait une marge d'erreur de ± 15%.

e. Le 10 novembre 2023, une nouvelle demande d'autorisation de construire portant sur ce second projet de rénovation et agrandissement, approuvé par la commune, a été déposée.

f. Le 16 avril 2024, A______ a obtenu l'autorisation de construire relative à l'installation du pavillon provisoire, de sorte qu'elle a signé avec la commune un contrat d'entreprise totale portant sur cette installation. Elle l'a depuis réalisée.

g. Le 10 septembre 2024, l'autorisation de construire DD 2______a été délivrée.

h. Par courriel du 23 septembre 2024, la commune a remercié A______ pour l'investissement et le travail important effectué par ses équipes et lui a demandé de poursuivre les efforts pour les prochaines étapes à venir (descriptif, chiffrage, contrat et démarrage de chantier).

i. Lors de la séance du COPIL du 12 novembre 2024, A______ a à nouveau présenté un tableau récapitulatif des coûts relatifs au second projet, mettant en évidence les prestations supprimées par rapport au premier projet, les adaptations et les demandes complémentaires de la commune, ainsi que le renchérissement des coûts sur les années 2018 à 2024, soit un total de CHF 29'320'000.- HT.

À la fin de la séance, la commune a informé les représentants d'A______ de ce qu'elle envisageait de révoquer la décision d'adjudication en raison de l'augmentation devisée des coûts.

j. Le 15 novembre 2024, la commune a émis une directive de circulation effective dès le 6 janvier 2025, en prévision des travaux.

k. Par courrier du 19 novembre 2024, la commune a informé A______ de sa volonté de révoquer la décision d'adjudication du 6 juillet 2018 et de lancer une nouvelle procédure de mise en concurrence.

Il incombait à A______ de préparer et d'obtenir l'autorisation de construire nécessaire à la réalisation des travaux en lien avec l'école de Tivoli. Ensuite notamment d'un préavis défavorable de la CA, l'autorisation sollicitée n'avait pu être délivrée, ce qui avait nécessité d'importantes modifications du projet, notamment quant à sa volumétrie et son implantation dans le site, et avait entraîné un important retard dans le planning initial du chantier. À la suite de l'obtention du permis de construire le 10 septembre 2024, A______ avait présenté un devis général daté du 8 novembre 2024 chiffrant le coût initial du projet à CHF 32'305'941.- HT [en prenant en compte les coûts relatifs au pavillon provisoire], ce qui représentait une augmentation de plus de 42% du prix figurant dans son offre initiale. En raison de la modification du projet et surtout de l'augmentation substantielle du prix, les conditions n'étaient plus réunies pour poursuivre l'exécution de la décision d'adjudication initiale. Il n'était plus possible de considérer que cette décision initiale valait encore autorisation, pour la commune, de conclure un contrat avec A______ portant sur la réalisation de la rénovation, la transformation et l'agrandissement de l'école.

l. Le 4 décembre 2024, A______ a fait valoir son droit d'être entendue.

Elle était liée par actes concluants avec la commune par un contrat d'entreprise totale. Malgré l'augmentation des coûts de 22.6% indiquée à la commune en juin 2023, la commune avait sollicité d'elle la continuation du travail et même son intensification, afin de pouvoir démarrer les travaux début 2025. Par ailleurs, en tant que maître d'ouvrage assistée par des spécialistes en maîtrise d'ouvrage déléguée et en toute connaissance de cause, elle avait opéré des choix qui avaient contribué à augmenter de manière significative la valeur et le prix de l'ouvrage. Il paraissait contradictoire, et en ce sens contraire à la bonne foi, de venir soudainement soutenir qu'une hausse substantielle des coûts du projet constituerait un motif de révocation.

m. Le 9 janvier 2025, A______ a tenu une séance de travail concernant la coordination de la chaufferie avec les SIG.

n. Par décision du 7 janvier 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours, la commune a révoqué la décision d'adjudication du 6 juillet 2018.

C'était sur la base de l'offre initiale estimée par A______ – et donc de ce prix – que le choix de la commune s'était porté sur elle. La nouvelle estimation transmise lors du COPIL du 13 juin 2023 n'avait jamais fait l'objet d'une validation par la commune. Ce n'était que le 8 novembre 2024, et après plusieurs demandes, qu'A______ avait remis un devis général chiffrant le nouveau coût du projet à CHF 32'305'941.- HT, ce qui représentait une augmentation de 42% du coût initial et consistant en près du double de l'estimation réalisée par le bureau d'ingénieurs F______, mandaté par la commune et qui avait estimé le coût total de l'ouvrage à CHF 17'674'350.- (± 25%) avec CHF 432'400.- d'options. La commune ne saurait par ailleurs appliquer l'art. 15 al. 3 let. e ou f du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) et adjuger à A______ un marché complémentaire via une procédure de gré à gré. Un nouvel appel d'offres serait organisé dans les meilleurs délais, auquel A______ pourrait participer.

D. a. Par acte déposé le 20 janvier 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant principalement à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à la commune de recourir à la procédure de gré à gré pour les prestations complémentaires au marché initial. À titre préalable, elle a demandé l'octroi de l'effet suspensif au recours, et qu'interdiction soit faite à la commune d'organiser un nouvel appel d'offres et d'adjuger de gré à gré un marché en lien avec la transformation et/ou l'agrandissement de l'école à une autre entreprise qu’elle.

En obtenant la note de 4.20 sur 5, l'offre d'A______ avait largement devancé celle de ses deux concurrentes, et ce sur la quasi-totalité des critères d'évaluation, de sorte qu'il était faux de prétendre que l'attribution de ce marché public se fondait principalement sur la qualité économique de son offre.

L'augmentation du prix par rapport à celui de base s'expliquait notamment par le renchérissement des coûts durant la période de 2018 à 2024 et par les modifications qui avaient dû être apportées au second projet de construction, de même que par les demandes complémentaires de la commune. Cette dernière n'avait soulevé la problématique de l'évolution des coûts qu'en novembre 2024 alors qu'elle en avait une parfaite connaissance depuis juin 2023. Elle pouvait par ailleurs parfaitement prévoir que les modifications qui avaient dû être apportées au second projet et ses demandes complémentaires augmenteraient les coûts. Ce n'était que le 19 novembre 2024, soit seulement deux mois avant le début des travaux, que la commune l'avait informée de son intention de mettre fin à cette collaboration professionnelle de six ans.

Ces adaptations et ajouts étaient des prestations supplémentaires nécessaires indissociables du marché initial, de sorte que le pouvoir adjudicateur pouvait poursuivre le marché public en recourant à la procédure de gré à gré.

Le recours apparaissait suffisamment fondé car la décision querellée ne se fondait sur aucun motif justificatif et ne respectait pas les principes généraux de bonne foi et de proportionnalité. Il existait par ailleurs un intérêt public important à ce que la décision d'adjudication du 6 juillet 2018 ne soit pas révoquée et, partant, à un démarrage des travaux dans les plus brefs délais, afin que les citoyens puissent bénéficier au plus vite de la transformation et de l'agrandissement de l'école.

b. La commune a conclu au rejet de la requête sur effet suspensif et au rejet du recours.

La nouvelle estimation présentée au COPIL le 13 juin 2023 n'était ni justifiée ni documentée ni complète car certains postes n'étaient pas chiffrés. La commune avait ainsi fait part de son incompréhension et contesté devoir la supporter. À la suite de cette réunion, elle avait mandaté le bureau d'ingénieurs F______ qui avait estimé le coût total de l'ouvrage à CHF 17'674'350.- (± 25%) avec CHF 432'400.- d'option, soit une différence de plus de CHF 10'000'000.- dans son rapport du 14 août 2023. Elle avait alors à plusieurs reprises sollicité qu'A______ lui transmette un devis complet, justificatifs à l'appui. Lors du COPIL du 5 décembre 2023, E______ avait indiqué être dans l'attente d'un retour du département du territoire, sans quoi le dossier technique, qui devait aboutir au chiffrage du projet, ne pouvait être développé. Toutefois, les carences des différents sous-traitants d'A______ avaient considérablement retardé la finalisation du projet et la délivrance de l'autorisation de construire, comme cela avait notamment été relevé lors des COPIL des 6 février et 5 mars 2024. Lors de la séance du COPIL du 7 mai 2024, elle avait rappelé qu'elle avait relevé à plusieurs reprises des incohérences dans les dossiers du mandataire CVSE d'A______ et son insatisfaction quant au travail effectué. Ce n'était que le 8 novembre 2024 qu'A______ lui avait remis un devis général chiffrant le coût total du projet à CHF 32'305'941.- HT. Ce coût représentait une augmentation de plus de CHF 42% du prix articulé dans l'offre initiale d'A______. Ce devis général n'était pas détaillé et était totalement opaque sur la manière dont le chiffrage avait été effectué. Sa seule demande complémentaire consistait en l'ajout de quatre salles de classes supplémentaires pour un montant total de CHF 2'243'250.-.

Elle avait fréquemment rappelé à A______ – soit depuis le mois de juin 2023 – que l'augmentation des coûts constituerait un réel problème et il ne faisait aucun doute qu'une telle augmentation constituait une modification importante d'un élément essentiel du marché initial. Au regard du principe de l'utilisation parcimonieuse des deniers publics, elle ne pouvait décemment accepter une pareille augmentation. La décision querellée respectait donc le principe de la bonne foi, mais également les principes de l'interdiction de discrimination entre les soumissionnaires ainsi que celui de la transparence. Le principe de proportionnalité était par ailleurs respecté car il n'existait pas de mesure moins incisive qu'elle aurait pu prendre qui lui aurait permis d'atteindre le même but, étant précisé que les conditions pour recourir à la procédure de gré à gré comme le suggérait la recourante n'étaient manifestement pas remplies.

c. Dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a relevé que lors de la nouvelle estimation présentée au COPIL le 13 juin 2023, ses représentants avaient décrit oralement l'évolution des coûts en présentant les trois critères d'augmentation, à savoir l'indexation des prix, la modification du projet et les prestations complémentaires demandées par la commune. Celle-ci n'avait par ailleurs pas évoqué l'étude réalisée par F______ avant son courrier du 9 janvier 2025. Cette estimation n'incluait ni les phases SIA 3.31 à 3.33 de développement du projet ni les honoraires des mandataires ni les frais d'entreprise totale. De plus, elle reposait sur des ratios empiriques et non sur les spécificités exigées dans ce projet de rénovation et de transformation.

C'étaient les nombreuses demandes d'étude de variantes de la commune qui avaient nécessité un travail supplémentaire de plusieurs sous-traitants d'A______, prolongeant ainsi les délais. Le projet n° 2 était substantiellement différent du projet n°1 puisque divers éléments avaient été adaptés et modifiés (intégration du restaurant scolaire et du parascolaire dans le bloc B, changements des revêtements de façades) et d'autres ajoutés (ascenseur bloc B, amélioration du concept de sécurité incendie, dépollution, modification des menuiseries extérieures, rénovations intérieures, déplacement des pavillons provisoires). Dès lors qu'il s'agissait de deux projets totalement différents, la comparaison des coûts et la différence de 42% n'étaient pas pertinentes. Un projet modifié, avec comme variante un bâtiment d'un niveau au‑dessus du gymnase, avait reçu un préavis favorable de la CA le 23 février 2021 mais la commune n'avait pas donné suite à ce projet. Le 25 mai 2022, elle avait demandé au département du territoire de prolonger la mise en suspens du dossier mais cette demande avait été refusée, entraînant le classement de la demande d'autorisation de construire DD 1______. Le retard dans l'instruction du premier projet était notamment dû à la lenteur de la commune dans l'étude des variantes soumises par A______, ainsi que sa restructuration à l'interne, notamment le départ de deux collaborateurs chargés du dossier. Le préavis défavorable de la CA s'expliquait en partie par le fait que la commune ne l'avait pas consultée lors de l'élaboration de l'appel d'offres quand bien même la diligence le lui aurait commandé.

Le 20 septembre 2022, la possibilité de voter un nouveau budget en raison de la modification du projet à apporter à la suite du classement de la première demande d'autorisation de construire avait été évoquée par la commune. Lors de la séance du COPIL du 11 octobre 2022, elle avait aussi signalé l'augmentation des coûts en raison des modifications apportées au projet. La version finale du devis général ne pouvait être finalisée qu'après avoir obtenu la validation du descriptif des travaux par la commune, soit le 26 septembre 2024 dans le cadre de la première version qu'A______ avait soumise. Lors de la séance technique du 9 janvier 2025, la commune avait encore une fois agi de manière contraire à la bonne foi en lui demandant de poursuivre son travail alors que la décision de révocation querellée parvenait ce jour-là à son conseil.

d. Par décision du 18 février 2025, la chambre de céans a refusé d'octroyer l’effet suspensif au recours mais a fait interdiction à la commune d'organiser un nouvel appel d'offres sur la transformation et l’agrandissement de l’école de Tivoli jusqu’à droit jugé au fond.

e. Dans sa réponse au fond, la commune a précisé que les quatre écoles du secteur « Petit-Lancy » disposaient, en l'état, des capacités nécessaires pour accueillir les élèves selon les prévisions du rapport relatif aux prévisions localisées d'effectifs d'élèves de l'enseignement primaire pour la période 2024 à 2027. Elle souhaiterait que l'école de Tivoli, rénovée et agrandie, puisse être mise en service pour la rentrée des classes de l'année scolaire 2029-2030. Le coût de l'organisation d'un nouvel appel d'offres était estimé à environ CHF 60'000.-.

La commune n'avait pas pu rendre la décision querellée avant d'avoir pris connaissance du coût définitif des travaux et elle avait attendu un chiffrage des coûts de l'ouvrage depuis la fin de l'année 2022. Elle n'avait eu de cesse de relancer la recourante afin qu'un devis général lui soit transmis. Elle ne pouvait être tenue pour responsable du préavis négatif délivré par la CA le 23 juin 2020. Il appartenait au contraire à la recourante d'obtenir l'autorisation de construire et donc de faire en sorte que la CA ne s'opposât pas au projet. Les conséquences, notamment financières, des modifications et adaptations exigées par la CA étaient à la charge de l'entreprise chargée d'obtenir l'autorisation de construire nécessaire pour que les travaux puissent débuter. En toute hypothèse, il ne pouvait être prétendu que la commune aurait conforté la recourante dans l'idée qu'elle accepterait tout dépassement des coûts et que cette thématique n'était pas, pour elle, de première importance. Finalement, une pesée des intérêts en présence permettait d'aboutir à la conclusion que les intérêts publics à la bonne application des principes cardinaux des marchés publics, et en particulier à la bonne utilisation des deniers publics – à savoir que le marché puisse être remis en concurrence –, devaient l'emporter sur l'intérêt privé, purement économique, de la recourante au maintien de la décision d'adjudication. Il était encore précisé que la commune avait récemment découvert que la recourante faisait l'objet, au 19 février 2025, de 21 poursuites frappées d'opposition, pour un montant total de CHF 5'623'162.-, ce qui laissait craindre que la recourante ne puisse être en mesure de mener à bien le chantier en cause.

f. Dans sa réplique du 25 mars 2025, A______ a relevé qu'elle ne pouvait pas fournir un devis plus précis des coûts en phases 3.31 et 3.32 SIA. Selon les normes SIA, la phase 31 prévoyait que l'estimation des coûts comprenait une marge d'erreur de ± 15% et les phases 32 et 33 une marge d'erreur de ± 10%. Lors de la séance de présentation du devis général V1 du 4 octobre 2024, la commune avait demandé à A______ d'ajouter les prestations suivantes : les frais d'énergie, une kitchenette supplémentaire, un contrôle d'accès et des armoires supplémentaires. Lors de celle du devis général V2 du 6 novembre 2024, la commune lui avait encore demandé d'ajouter les prestations suivantes : les coûts d'étude du premier projet des pavillons provisoires, le nettoyage des réseaux de chauffage/ventilation et la rénovation d'un bloc sanitaire supplémentaire de l'aile Jura.

Le 15 décembre 2023, A______ lui avait communiqué en toute transparence un tableau récapitulatif des poursuites intentées à son encontre, toutes frappées d'opposition mais la commune avait tout de même souhaité aller de l'avant avec elle.

La commune ne pouvait pas justifier la révocation de la décision d'adjudication en se fondant sur l'évolution financière du projet et l'étude F______ prévoyait expressément une marge d'erreur de ± 25% dans son estimation, de sorte que les projections financières faites par A______ se situaient dans une moyenne acceptable. Il convenait de toute manière de prendre en considération la mauvaise gestion de ce projet par la commune et son comportement contradictoire et contraire à la bonne foi. Elle portait en effet également une part de responsabilité en tant qu'elle avait manqué à ses obligations relatives à l'appel d'offres puisque le projet d'A______, parfaitement conforme aux exigences dudit appel d'offres, avait été rejeté par la CA.

Par ailleurs, elle avait tardé à révoquer la décision d'adjudication – si elle reposait réellement sur le motif de l'augmentation des coûts – dès lors qu'elle avait déjà pu prendre conscience dès le 14 juillet 2022 de l'ampleur du travail nécessaire à l'élaboration d'un second projet et des coûts qui seraient de facto engendrés. Enfin et en toute hypothèse, les intérêts s'opposant à la révocation de l'adjudication prévalaient, afin que la population puisse bénéficier dans les meilleurs délais de cette école et qu'elle ne doive pas supporter les frais occasionnés par une révocation infondée.

g. Le 9 avril 2025, la commune a déposé une duplique spontanée.

h. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 15 al. 1bis let. e et al. 2 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 RMP).

2.             La recourante requiert l'audition de son directeur, G______, de H______, employé en charge du dossier, et de I______, administrateur président de la société E______. Leur audition attesterait qu'elle avait en toute transparence communiqué à la commune un tableau récapitulatif des poursuites intentées à son encontre mais que cette dernière avait toutefois souhaité aller de l'avant, qu'il était usuel dans le domaine de la construction que les maîtres d'ouvrage intentent des poursuites à l'encontre des entreprises pour des prétentions découlant du service après-vente, qu'elle s'était appliquée à répondre aux exigences de la commune et à suggérer plusieurs variantes durant l'étude de ce projet, en mettant notamment en place une équipe afin de pouvoir débuter en janvier 2025 comme le souhaitait la commune, et que les représentants de la commune en charge d'effectuer les études préliminaires étaient des personnes expérimentées dans ce domaine.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, la recourante a eu l’occasion de s’exprimer et de produire toute pièce utile devant la chambre de céans. Les allégués sur lesquels elle entend faire porter les auditions sont, soit sans pertinence pour l'issue du litige (s'agissant de la question des poursuites comme on le verra ci-après), soit déjà démontrés par les pièces versées au dossier. La chambre de céans considère disposer de tous les éléments lui permettant de statuer en toute connaissance de cause.

Par conséquent, il ne sera pas donné suite à la demande d'actes d’instruction formée par la recourante.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la révocation par la commune de sa décision d'adjudication en faveur de la recourante.

3.1 L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés et à transposer les obligations découlant de l’accord GATT/OMC ainsi que de l’accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP).

3.2 L’art. 48 RMP prévoit que l'adjudication peut être révoquée, sans indemnisation, pour l'un des motifs énoncés à l'art. 42 RMP. Il doit s’agir de motifs qui rendent la conclusion d’un contrat avec l’adjudicataire impossible, inexigible ou contraire au droit des marchés publics (ATA/852/2024 du 17 juillet 2024 consid. 5c ; ATA/232/2016 du 15 mars 2016 consid. 5 ; Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2e éd., 2023, n. 364 ; Martin BEYELER, Der Geltungsanspruch des Vergaberechts, 2012, n. 2738).

L’art. 48 RMP utilisant une formule potestative concernant l’exercice du droit de révocation, une liberté d’appréciation est reconnue au pouvoir adjudicateur dans la prise d’une telle décision, que celui-ci exerce à la suite d’une pesée des intérêts pour respecter le principe de la proportionnalité (ATA/623/2023 du 13 juin 2023 consid. 2.5 ; ATA/490/2017 du 2 mai 2017 consid. 5).

3.3 Selon l'art. 42 al. 1 RMP, l'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a) a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges ; b) ne répond pas ou plus aux conditions pour être admis à soumissionner ; c) a fourni de faux renseignements ; d) a conclu un accord qui porte atteinte à une concurrence efficace ; e) n'a pas justifié les prix d'une offre anormalement basse ; f) fait l'objet, à la date du dépôt de l'offre ou en cours de procédure, d'une sanction.

L'al. 2 prévoit que l'autorité adjudicatrice peut également écarter l'offre d'un soumissionnaire qui : a) n'est pas à jour dans le paiement de ses impôts ; b) ne respecte pas les prescriptions concernant la santé et la sécurité au travail ; c) ne remplit pas les garanties de bienfacture, de solvabilité et de correction en affaires ; d) ne respecte pas les obligations légales en matière de protection de l'environnement ; e) a commis des infractions graves dans le cadre de son activité professionnelle ; f) ne respecte pas la liberté d'association ou le droit de grève.

Selon l’art. 47 al. 1 RMP, la procédure peut être interrompue pour de justes motifs ou raisons importantes, notamment lorsque l'autorité adjudicatrice a reçu un nombre insuffisant d'offres pour adjuger le marché dans une situation de concurrence efficace (let. a) ; les offres ont été concertées (let. b) ; un abandon ou une modification importante du projet est nécessaire (let. c) ; toutes les offres dépassent le montant du budget prévu ou octroyé pour le marché (let. d).

3.4 Lorsque l'adjudication a déjà été prononcée, l'interruption de la procédure suppose au préalable une révocation de la décision d'adjudication. La nuance est avant tout juridique, car on admet que les motifs d'interruption du marché peuvent aussi constituer des motifs de révocation de la décision d'adjudication qui, selon leur nature, peuvent avoir pour conséquence une interruption de la procédure et un renouvellement de celle-ci (ATF 141 II 353 consid. 6.2 ; 134 II 192 consid. 2.3; Étienne POLTIER, op. cit., n. 358 p. 226 et n. 363 p. 230).

L'interruption, la répétition ou le renouvellement de la procédure n'est possible qu'à titre exceptionnel et suppose un motif important (ATF 134 II 192 consid. 2.3). L'interruption du marché – ce qui suppose l'annulation de tous les actes déjà accomplis – apparaît donc comme une ultima ratio (ATF 141 II 353 consid. 6.1; Peter GALLI/André MOSER/Élisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 2013, n. 799). Le caractère exceptionnel de l'interruption du marché, qu'elle soit suivie ou non de la répétition de la procédure découle aussi du fait que cette mesure implique, selon le moment où elle intervient, de revenir sur des décisions déjà entrées en force (Stefan SUTER, Der Abbruch des Vergabeverfahrens, 2010, ch. 20 p. 11), ce qui nuit à la sécurité juridique (ATF 141 II 353 consid. 6.1).

La formulation potestative des textes de loi implique que, même s'il existe un juste motif ou un motif important, il appartient en premier lieu au pouvoir adjudicateur de décider s'il convient d'interrompre ou non la procédure, soit définitivement soit en la répétant ou en la renouvelant. En ce domaine, celui-ci dispose d'un large pouvoir d'appréciation (Martin BEYELER, op. cit., p. 787; Stefan SUTER, op. cit., n. 28 p. 14; cf. ATF 134 II 192 consid. 2.3). La solution à adopter dépend des besoins de l'autorité adjudicatrice, qui jouit d'une liberté de manoeuvre étendue pour les définir (Etienne POLTIER, op. cit., n. 358 p. 225). Ainsi, l'existence d'un motif important ou juste motif n'oblige en principe pas le pouvoir adjudicateur d'annuler toute la procédure. Par exemple, lorsque les offres dépassent le montant prévu, le pouvoir adjudicateur doit conserver la possibilité de rechercher une solution, par exemple une rallonge de crédit, plutôt que d'annuler un projet qu'il juge indispensable aux besoins de la collectivité. Il n'est toutefois pas exclu que la nature du juste motif en cause impose au pouvoir adjudicateur d'annuler la procédure déjà accomplie (par exemple, si la procédure choisie l'a été en violation des règles sur les marchés publics ou si, depuis le début, la procédure est entachée de vices qui rendent impossible l'attribution du marché sur des bases correspondant aux exigences légales (Martin BEYELER, op. cit., p. 788 ; ATF 141 II 353 consid. 6.3).

La liberté d'appréciation de l'adjudicateur dans le choix des conséquences à tirer de l'existence d'un juste motif ou motif important est toutefois limitée par le respect de la bonne foi et des principes généraux applicables au droit des marchés publics, notamment l'interdiction de discrimination entre les soumissionnaires, la proportionnalité, la transparence et l'interdiction de la modification du marché sur des éléments essentiels (ATF 141 II 353 consid. 6.4 ; ATA/501/2016 du 14 juin 2016 consid. 6d).

3.5 S'il est vrai qu'en de révocation, les adjudicataires pourront à nouveau déposer une offre si la procédure est répétée, mais cela engendre des coûts supplémentaires et, selon les circonstances, une diminution des chances d'obtenir le marché dans cette seconde procédure au cas où le nombre de soumissionnaires serait plus important ou si de nouvelles exigences les désavantageaient. S'ajoute à cela que la mise en oeuvre d'une seconde procédure peut produire des effets contraires aux règles sur les marchés publics et à l'objectif de libre concurrence poursuivi, notamment parce que les précédents soumissionnaires auront pu (à tout le moins partiellement) prendre connaissance des premières offres formulées par leurs concurrents (ATF 129 I 313 consid. 10).

Il existe un intérêt public à ce que la procédure de marché public puisse se dérouler avec toute la célérité requise, ce que confirment notamment l'instauration de délais de recours relativement brefs et l'absence d'effet suspensif automatique à différents recours, tandis que la réorganisation d'une procédure d'appel d'offres et d'adjudication ab ovo a pour conséquence de fortement retarder l'avancement d'un marché public et d'entraîner des coûts supplémentaires. Or, ces intérêts publics militent eux aussi en faveur d'un maniement très restrictif de la possibilité de réinitier ab ovo les procédures d'appel d'offres et d'adjudication (ATF 141 II 353 consid. 6.1).

En résumé, s'il n'est certes pas exclu d'emblée qu'une autorité judiciaire saisie d'un recours contre une décision d'adjudication puisse non seulement annuler celle-ci, mais aussi prononcer l'interruption du marché en annulant toute la procédure et en renvoyant le dossier à l'adjudicateur pour qu'il la recommence, ce procédé doit rester exceptionnel. En effet, il revient à supprimer tout pouvoir d'appréciation de l'autorité adjudicatrice. Il est donc subordonné à l'existence de motifs d'intérêt public qualifiés et implique que le pouvoir adjudicateur n'aurait pas eu d'autre choix (ATF 141 II 353 consid. 6.5).

3.6 Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir conformément aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_145/2019 du 3 juin 2020 consid. 6.3.2). De ce principe découle notamment le droit de toute personne à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_145/2019 du 3 juin 2020 consid. 6.3.2), l'administration devant ainsi adopter un comportement cohérent et dépourvu de contradiction (ATF 111 V 81 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2020 du 11 mars 2021 consid. 3.4.1). L'art. 9 in fine Cst. protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration et qu'il a pris sur cette base des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (ATF 137 I 69 consid. 2.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1).

3.7 En l'espèce, ces principes supposent de se demander, tout d'abord, si l'évolution financière du projet de rénovation et d'agrandissement de l'école de Tivoli constitue un juste motif de révocation de la décision d'adjudication, en force, puisque c'est sur cette base que la commune a motivé la décision querellée. Puis, le cas échéant, il conviendra se demander si ladite décision respecte les principes de proportionnalité et de la bonne foi.

Il ressort du dossier et des pièces produites que la commune a, le 6 juillet 2018, adjugé le marché à A______ pour le montant de CHF 22'654'037.- HT. Les parties collaborent depuis cette date à l'élaboration du projet de construction et de rénovation de l'école de Tivoli. Le 4 novembre 2019, la CA a rendu un préavis défavorable sur le projet déposé par l'architecte de la recourante. Comme la commune l'admet dans ses écritures du 30 janvier 2025, le premier projet a dû être abandonné en raison de ce préavis défavorable, qui a nécessité d'importantes modifications, notamment quant à sa volumétrie et à son implantation dans le site. Il n'est pas contesté que le premier projet déposé par la recourante a été élaboré sur la base des études de faisabilité réalisées par la commune, était conforme aux exigences imposées par son cahier des charges et avait été validé par la commune.

Il ressort encore de la chronologie des faits que la CA avait rendu un préavis favorable le 23 février 2021 sur un second projet qui avait été validé par la commune mais sur lequel elle est revenue lors de la séance qui a eu lieu le 26  octobre 2022, demandant l'étude d'une variante supplémentaire du bâtiment des sports, ce qui a entraîné le classement de la demande DD 1______. Le 22  novembre 2022, la recourante a proposé une nouvelle variante à la commune et, le 10 novembre 2023, elle a déposé une demande d'autorisation de construire portant sur ce second projet de rénovation et agrandissement. Le 10 septembre 2024, l'autorisation de construire DD 2______a été délivrée.

Il ressort de ce qui précède que la demande de modifications du projet par la commune le 26 octobre 2022 a prolongé la procédure d'autorisation de construire d'environ trois ans et entraîné des prestations supplémentaires augmentant, de facto, les coûts.

3.8 Lors de la séance du COPIL du 13 juin 2023, la recourante a présenté un tableau comparatif entre le premier et le second projet concernant l'évolution des coûts, s'étendant de la période de juillet 2018 à juin 2023, les chiffrant désormais à CHF 27'745'548.- HT avec le renchérissement des coûts. Cette estimation financière prévoyait une marge d'erreur de ± 15%.

Malgré cette augmentation des coûts de 22.6% par rapport au prix proposé en mai 2020, la commune a sollicité de la recourante la continuation du travail afin de pouvoir démarrer les travaux début 2025. Si l'intimée fait valoir dans ses écritures qu'elle n'avait pas accepté l'estimation présentée au COPIL le 13 juin 2023 au motif qu'elle n'était ni justifiée ni complète, cela ne l'a pas empêchée d'aller de l'avant avec la recourante en lui demandant de déposer la seconde demande d'autorisation de construire en novembre 2023 et de faire réaliser l'installation de pavillons provisoires à la suite de la délivrance de l'autorisation de construire y relative le 16  avril 2024.

Lors de la séance du COPIL du 12 novembre 2024, la recourante a présenté à la commune un tableau récapitulatif des coûts relatifs au second projet, mettant en évidence les prestations supprimées par rapport au premier projet, les adaptations et les demandes complémentaires de la commune, ainsi que le renchérissement des coûts sur les années 2018 à 2024, soit un total de CHF 29'320'000.- HT (sans compter le coût relatif aux pavillons provisoires). Suite à cette nouvelle estimation, la commune a informé la recourante de son intention de révoquer la décision d'adjudication, en force depuis plus de six ans.

3.9 S'agissant de l'étude du bureau d'ingénieurs F______ du 14 août 2023 sur laquelle se fonde la commune pour retenir que le devis de la recourante dépasse de 25% les coûts nécessaires à la réalisation du projet, qui fait état d'un coût total de l'ouvrage de CHF 17'674'350.-, il convient de relever que cette estimation n'inclut pas les phases de développement du projet et de demande d'autorisation. Elle n'inclut pas non plus les honoraires des mandataires ni les frais d'entreprise totale, de même que tous les frais non inclus cités sous ch. 3.2 de l'étude (tels que l'équipement, les frais d'étude), alors que toutes ces prestations doivent être chiffrées. De plus, elle repose sur des « ratios » se rapportant au Code des Frais de Construction (CFC) et sur les « prix moyens statistiques », et non sur les spécificités exigées dans ce projet de rénovation et de transformation. Il est d'ailleurs intéressant de relever que le coût évalué par cette étude est plus bas que le coût adjugé à l'origine par la commune en juillet 2018 à CHF 22'654'037.-, et même à celui estimé à CHF 19'700'000.- HT par le bureau BERIC ressortant du cahier des charges de l'appel d'offres, de sorte que la valeur de cette étude doit être relativisée. Quoi qu'il en soit, cette étude prévoit expressément une marge d'erreur de ± 25% dans son estimation.

Il est par ailleurs notoire que les coûts de la construction ont augmenté depuis quelques années. Aussi, si en principe, il appartient à l'adjudicataire de s'en tenir au prix fixé dans son offre, il sera ici retenu, à l'instar de la recourante, que l'augmentation du prix calculé en novembre 2024 avec celui de base s'explique par les modifications qui ont dû être apportées au second projet de construction, tant à la suite des exigences de la CA qu'aux demandes complémentaires de la commune, et par le renchérissement des coûts sur la période de 2018 à 2024. Il ressort des pièces au dossier, notamment du nouveau projet et du plan comparant les deux projets établis par E______, que le projet n° 1 et le projet n° 2 soumis à la CA sont très différents puisque divers éléments ont été adaptés et modifiés (intégration du restaurant scolaire et du parascolaire dans le bloc B, changements des revêtements de façades) et d'autres ajoutés (ascenseur bloc B, amélioration du concept de sécurité incendie, dépollution, modification des menuiseries extérieures, rénovations intérieures, déplacement des pavillons provisoires). Dans l'étude F______, il est d'ailleurs expressément relevé que « le projet remanié est très différent du projet d'origine, qui a fait l'objet du crédit de construction et nécessite d'être entièrement rechiffré » (p. 2). Par conséquent, la comparaison des coûts et la différence de 42% calculée par l'intimée s'expliquent ici pour les raisons susvisées.

3.10 Il ressort de tous les éléments qui précèdent que la commune n'a pas été en mesure de démontrer ni que l'augmentation des coûts serait imputable à une faute de la recourante, ni que son devis définitif de novembre 2024 ferait ressortir des coûts excessifs ou mal fondés.

De même, à l'instar de la recourante, il convient de retenir que la commune a tardé à révoquer les travaux projetés alors qu'elle pouvait déjà prendre conscience bien avant de l'ampleur du travail nécessaire à l'élaboration du second projet et des coûts qui seraient de facto engendrés, même si elle n'avait pas reçu un devis définitif. Il ressort notamment du procès-verbal de la séance du 20 septembre 2022 que la recourante avait annoncé que « les coûts des travaux ont considérablement évolué entre 2018 et 2022 », que la commune avait retenu que « ces coûts peuvent encore évoluer en plus ou en moins dans les deux années à venir », délai de réalisation du projet et que « le cadre financier ayant été défini sur le projet de base, une demande de crédit complémentaire devra être présentée par le STE [soit la commune] pour la modification du projet » s'agissant de la modification demandée d'ajout de quatre classes. Contrairement encore à ce que soutient la commune, se référant notamment aux pièces 12, 15 et 20 de son chargé, il ne ressort nullement de ces documents que si, certes, elle a effectivement demandé à la recourante un devis final pour approbation et lui a à plusieurs reprises indiqué que la thématique du coût de l'ouvrage était importante, la recourante devait en conclure qu'elle risquait de voir révoquer la décision d'adjudication, en force, tant que le devis complet et justifié du coût de l'ouvrage ne lui serait pas soumis pour approbation.

3.11 L'intimée fait valoir dans le cadre de ses écritures du 21 février 2025 la problématique en lien avec les poursuites dont la recourante fait l'objet. Dans la mesure où il ne s'agit pas d'un motif énoncé dans la décision de révocation querellée, cette question sort de l'objet du litige. Quoi qu'il en soit, et à titre superfétatoire, il ressort du dossier que l'intimée avait déjà connaissance depuis décembre 2023 des poursuites dont faisait l'objet la recourante mais qu'elle avait tout de même décidé de poursuivre sa collaboration avec cette dernière.

Il sera encore relevé qu'A______ avait devancé ses concurrents sur la quasi-totalité des critères d'évaluation, et pas seulement sur le critère du prix.

Il ressort de tous ces éléments que l'on ne saurait suivre la commune qui considère que cette évolution financière constitue une modification importante d'un élément essentiel du marché initial justifiant la révocation de la décision d'adjudication du marché à la recourante.

Annuler la décision d'adjudication « dans le but de mieux maîtriser les dépenses publiques » comme le fait valoir la commune pourrait paradoxalement entraîner de nouveaux frais supplémentaires, liés notamment au lancement d'une nouvelle procédure mais aussi à l'indemnisation due à la recourante qui n'est à n'en pas douter importante au vu du travail effectué depuis six ans, alors qu'il n'est nullement démontré qu'une nouvelle offre serait plus avantageuse. L'intérêt public à ce que la procédure de marché public puisse se dérouler avec toute la célérité requise afin que les élèves puissent bénéficier sans tarder de la transformation et de l'agrandissement de l'école doit primer. Il sera rappelé que selon le Tribunal fédéral, ces intérêts publics militent en faveur d'un maniement très restrictif de la possibilité de réinitier ab ovo les procédures d'appel d'offres et d'adjudication, cette possibilité apparaissant comme une ultima ratio. En l'occurrence, aucun motif objectif ne commande de mettre à néant toute la procédure du marché public, initiée en 2018 déjà.

Il s’ensuit que la décision litigieuse sera annulée.

3.12 S'agissant enfin des conclusions de la recourante tendant à ce qu'il soit ordonné à la commune de recourir à la procédure de gré à gré pour les prestations complémentaires au marché initial, celles-ci sortent de l'objet du litige, circonscrit à l'objet de la décision attaquée, à savoir la révocation de la décision d'adjudication.

Le recours sera ainsi admis, dans la mesure de sa recevabilité.

4.             La recourante obtenant gain de cause, aucun émolument ne sera perçu, l’intimée en étant dispensée de par la loi (art. 87 al. 1 2e phr. LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, à la charge de l’intimée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 20 janvier 2025 par A______ SA contre la décision de la B______ du 7 janvier 2025 ;

annule la décision de la B______ du 7 janvier 2025 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à A______ SA une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de la B______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal AEBY, avocat de la recourante, à Me Steve ALDER, avocat de la B______, ainsi qu’à la Commission de la concurrence.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :