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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1760/2024

ATA/1014/2024 du 27.08.2024 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1760/2024-FORMA ATA/1014/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée

 



EN FAIT

A. a. A______, domicilié à Vercorin en Valais, suit le cursus de maîtrise en sciences de l’éducation - formation des adultes (ci-après : la maîtrise) au sein de la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (ci-après : la faculté) depuis le semestre d’automne 2022.

b. Au semestre d’automne 2023, il s’est inscrit à l’unité de formation (ci-après : UF) à option « Analyse de l’activité et formation : méthodes » valant trois crédits ECTS (European Credit Transfer and Accumulation System, ci-après : crédits).

c. Lors de la session de janvier – février 2024, il a obtenu la note de 3.25 à l’UF. Ce résultat a été publié sur le portail des étudiants le 14 février 2024.

d. À la demande de l’étudiant, l’évaluation de l’UF a fait l’objet d’une discussion entre A______ ainsi que B______ et C______, enseignantes responsables de la branche (ci-après : les enseignantes), en visioconférence, le 27 février 2024. L’entretien a duré une heure trente.

e. A______ a fait opposition à cette évaluation le 13 mars 2024, concluant à son annulation et à la réévaluation de son travail par un expert neutre et/ou à la validation de l’UF.

Il avait sollicité une synthèse de son évaluation et un retour sur les raisons de son échec. Un feed-back écrit sur l’évaluation (grille, synthèse, commentaire général) lui avait été refusé par les deux enseignantes avant l’entretien. Lors de ce dernier, il lui avait été expliqué que son travail était trop général et qu’il manquait des éléments. Une ébauche de grille d’évaluation lui avait été présentée sous la forme d’un partage d’écran. Les enseignantes avaient refusé de lui remettre la grille commentée. Il ne disposait toujours pas, au moment de son opposition, des critères d’évaluation, d’indicateurs, ni de la pondération utilisée.

Lors de l’entretien, il avait expliqué s’être inspiré d’un travail réalisé l’année précédente récompensé d’un 5.75. Son mémoire répondait aux mêmes exigences et consignes d’évaluation. Les enseignantes avaient répondu qu’il n’était pas possible de faire une comparaison, un autre enseignant ayant évalué les travaux de la session de l’année précédente. Elles avaient évoqué la possibilité d’une troisième lecture. Elles n’avaient toutefois pas donné suite à cette offre, malgré ses relances.

En l’absence d’information sur les critères indicateurs et la pondération, il lui était difficile de situer le niveau d’objectivité et d’équitabilité de l’évaluation. Un écart de deux points sur six sur la note finale avec le travail présenté l’année 2022 – 2023 était difficilement objectivable.

f. Dans le cadre de l’instruction de l’opposition, les enseignantes ont détaillé leur position dans un rapport de quatre pages, lequel a été soumis à A______.

Le travail de l’étudiant n’avait pas été validé aux motifs que : a) il n’était pas complet en l’absence du formulaire de consentement ; b) la problématique n’était pas suffisamment spécifiée ; c) il y avait des lacunes dans la description de la méthodologie et un manque de la description des éléments conceptuels sur lesquels s’appuie la méthode ; d) le traitement des données est lacunaire ; e) l’analyse n’était pas appuyée sur les résultats des données, restait à un niveau trop général et ne répondait pas à la problématique.

g. Faisant valoir son droit d’être entendu, l’étudiant a notamment relevé que le critère n° 3 de la grille d’évaluation était nouveau et n’apparaissait pas dans les consignes d’évaluation transmises aux étudiants.

Les critères utilisés en 2022 – 2023 par le professeur D______ étaient identiques à ceux utilisés par les enseignantes en 2023 – 2024, ce que l’une d’entre elles savait pour être intervenue dans le cours l’année précédente.

h. Par décision du 25 avril 2024, la doyenne a rejeté l’opposition. L’évaluation se basait sur des critères objectifs et valables pour tous les étudiants. L’égalité de traitement avait été respectée, les modalités et les critères d’évaluation ayant été appliqués à l’ensemble des étudiants. L’évaluation litigieuse avait fait l’objet d’une double correction. L’étudiant avait eu accès à sa copie et avait bénéficié du feed‑back pédagogique.

B. a. Par acte du 24 mai 2024, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 25 avril 2024. Il a conclu à son annulation.

Les critères utilisés pour l’évaluation ne correspondaient pas aux critères fournis en début de session de cours. Les indicateurs utilisés pour l’évaluation et leur pondération n’avaient pas été communiqués et avaient été élaborés a posteriori. Aucun procès-verbal et grille d’évaluation ou autre document du même type n’avait été transmis aux étudiants. Le rectorat n’était enfin pas en mesure d’attester le respect des consignes prescrites en matière d’évaluation. La démarche d’évaluation ainsi que les exigences formelles entre les différents enseignants et les différentes sessions de formation avaient été modifiées malgré des critères et des considérations cadres identiques.

b. L’université a conclu au rejet du recours. Elle a notamment précisé que le recourant bénéficierait d’une seconde tentative lors de la session d’août-septembre 2024. Dans l’hypothèse d’une non-validation, les trois crédits de l’UF seraient enregistrés en échec sur le total des douze crédits tolérés à ce titre selon le règlement d’études de la maîtrise en sciences de l’éducation – Formation des adultes, entré en vigueur le 14 septembre 2020 (ci-après : RE). L’étudiant disposerait du choix soit de se réinscrire à cette UF l’année suivante, avec deux nouvelles tentatives de validation, soit de remplacer cette UF par une autre UF avec deux tentatives d’examens.

c. Dans sa réplique, A______ a persisté dans ses arguments : le critère n° 3 de la grille d’évaluation avait été ajouté sans être annoncé. Le barème et la pondération n’avaient jamais été communiqués aux étudiants. Rien ne démontrait le respect du principe de l’égalité de traitement, seule la note finale étant communiquée aux « apprenants ». La grille d’évaluation n’ayant été transmise qu’une fois le recours déposé, malgré plusieurs demandes préalables, il subsistait un doute raisonnable sur le fait qu’elle ait été rédigée après l’annonce des résultats. La proposition d’une relecture par un troisième expert avait été faite par les enseignantes lors de l’entretien du 27 février 2024. Malgré ses relances, elle n’avait jamais eu lieu. Dans un contexte où les enseignantes reprenaient pour la première année cette session de cours seules, il semblait régner des écarts significatifs entre les évaluations des années précédentes et la session 2024, faisant douter du respect d’un traitement équitable des candidats.

d. Interpellé par la juge déléguée, le recourant a précisé qu’il ne représenterait pas son travail pour une nouvelle évaluation avant de connaître l’issue de la présente procédure judiciaire.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. Il ressort des pièces produites :

- Selon le support PowerPoint présenté lors du premier cours le 21 septembre 2023 et publié sur moodle en début d’année, il est précisé sous « évaluation et modalités de travail » qu’il conviendrait de produire un document individuel, « qui rende compte de l’analyse de l’activité d’une personne ou d’un groupe de personnes engagées dans une pratique sociale, dans le cadre d’une interaction explicitement destinée à l’analyse de l’activité d’acteurs sociaux (et non pas d’une observation clandestine ou "à la sauvette") ». La partie écrite du document, d’un maximum de 20’000 signes (espaces compris), présenterait le questionnement initial, la méthode d’observation et de recueil de traces de l’activité, d’analyse du corpus, les résultats et les interprétations.

- Un document de trois pages, en complément au support précité, détaille les « consignes du travail de validation ». La note est constituée « à 100% » du « travail individuel avec les enregistrements vidéo de référence et de l’entretien d’autoconfrontation qui l’accompagne ». Chaque travail comprend deux parties : une écrite et l’autre composée d’enregistrements vidéo.

Chaque travail serait évalué selon les critères suivants : 1) un travail complet : chaque travail sera constitué d’une partie écrite avec les annexes, de l’enregistrement vidéo de la situation étudiée et de l’enregistrement vidéo d’un entretien d’autoconfrontation réalisé avec un acteur engagé dans la situation initiale et des formulaires de consentement signés par les deux parties (les acteurs filmés et les étudiants) ; 2) la qualité de l’enregistrement et de l’entretien d’autoconfrontation réalisé ; 3) la pertinence de la problématique face aux enregistrements et la manière dont les données permettent d’y répondre ; 4) la qualité de la méthode employée et de sa description ; 5) la qualité du traitement des données ; 6) la qualité des analyses ; 7) la qualité de la forme (structure du dossier, qualité de la rédaction, bibliographie).

g. Il ressort de la grille d’évaluation du travail du recourant qu’il a été évalué selon huit critères :

1) un caractère complet du travail : le recourant a obtenu 0.5 sur un maximum de 0.75 au motif que : le formulaire de consentement manque ;

2) la qualité de l’enregistrement et de l’entretien d’auto confrontation : le recourant a obtenu 1/1 au motif que l’entretien était bien réalisé, les traces étaient intéressantes et pertinentes, même si la vidéo de la situation source était courte ;

3) la qualité de la présentation des concepts théoriques (« enaction, conscience préréflexive, activité – signe ») : le recourant a obtenu 0 sur 0.5 au motif que l’explication des concepts théoriques était absente ;

4) la qualité et la pertinence de la problématique : le recourant a obtenu 0 sur 0.5 au motif qu’il était difficile de décerner une problématique ; il était mentionné que les pratiquants du sport étaient souvent considérés comme marginaux et comme prenant des risques importants, tandis que la communauté avait constitué des règles, procédures et formalismes qui formalisaient la pratique. L’étudiant partait donc du constat que la communauté des Base-jumpeurs était en train de se professionnaliser et on pouvait donc deviner qu’il proposait de s’intéresser à ce mouvement de professionnalisation, mais le lecteur « restait dans le noir en ce qui concernait à quoi l’étudiant s’intéressait concrètement » ;

5) la qualité de la description de la méthodologie : le recourant a obtenu 0.25/1 au motif qu’il y avait une description de la situation de prise des images et du contexte mais que la méthode employée n’était pas décrite ;

6) la qualité du traitement des données : le recourant a obtenu 0.5/1 au motif que les signes hexadiques ne répondaient pas aux exigences du cours : « USE et U » ne correspondaient pas, les actualités étaient plutôt des engagements, les interprétants ne correspondaient pas à ce qui était attendu ;

7) la qualité des analyses : le recourant a obtenu 0.25 sur 1 au motif que l’analyse était très courte et que la moitié contenait des généralités qui représentaient plus des hypothèses sur l’activité (« les compétences développées sont praxéologiques » …) ; l’analyse ne répondait pas à la problématique et ne mobilisait pas les signes hexadiques ;

8) la qualité de la forme : le recourant a obtenu l’entier des 0.25 point au motif que le dossier était de bonne facture sur le plan de la forme quand bien même certaines « USE » n’étaient pas lisibles dans les tableaux.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 43 al. 1 et 2 de la loi sur l’université du 13 juin 2008 LU - C 1 30 ; art. 36 al. 1 et 37 du règlement relatif à la procédure d’opposition au sein de l’université du 16 mars 2009 - RIO-UNIGE ; art. 18 al. 2 RE ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur l’évaluation obtenue en première tentative à l’UF « Analyse de l’activité formation : méthode » lors de la session de janvier – février 2024.

3.             Dans un premier grief, le recourant se plaint que les critères utilisés pour l’évaluation du travail ne correspondent pas à ceux transmis aux étudiants.

3.1 La Faculté prépare à la Maîtrise, second cursus de la formation de base (art. 1 al. 1 RE).

La Maîtrise correspond à 120 crédits. Un crédit correspond à 25 - 30 heures de travail de la part de l’étudiant (présence aux cours, travail personnel, stages, projets indépendants, préparation aux évaluations, etc.) (art. 1 al. 2 RE). Pour obtenir la Maîtrise l’étudiant doit acquérir 120 crédits correspondant en principe à une durée d’études de quatre semestres. La durée totale ne peut excéder six semestres (art. 8.1 RE).

Les études sont organisées selon le principe des unités capitalisables. Pour obtenir le diplôme de la Maîtrise l’étudiant doit accumuler un nombre déterminé de crédits. Ces crédits lui sont octroyés lorsqu’il a satisfait aux conditions d’évaluation d’une UF. Les UF peuvent s’organiser de différentes manières : elles peuvent s’étendre sur un semestre ou une année, à raison d’une ou plusieurs heures par semaine, ou se condenser avec un nombre d’heures plus important pendant des périodes plus brèves, ou encore combiner ces deux modalités. L’évaluation liée à une UF est enregistrée au terme d’un semestre ou d’une année (art. 10 al. 1 RE). Le plan d’études comprend des UF obligatoires, des UF à option, des UF libres et le mémoire (art. 10 al. 2 RE). Les UF des projets indépendants sont des travaux personnels conduits sous la direction d’un membre du corps professoral ou du corps intermédiaire de la Faculté, à l’exception des assistantes et assistants. Ils correspondent à 3 ou 6 crédits (art. 10 al. 3 RE).

L’inscription à une UF vaut automatiquement comme inscription aux deux sessions d’évaluation de cette UF (janvier/février ou mai/juin pour la première passation ; août/septembre pour la seconde passation en cas de non-réussite à la première passation) (art. 11 al. 3 RE).

Les UF sont validées par une évaluation. La forme et les modalités de l’évaluation sont communiquées aux étudiants par l’enseignant, par écrit, au début de l’enseignement (art. 12 al. 1 RE). Les connaissances des étudiants sont évaluées par des notes comprises entre 0 et 6, la note suffisante étant 4 et la meilleure note 6. La notation s’effectue au quart de point (art. 12 al. 2 RE). Les notes égales ou supérieures à 4 ou la mention « acquis » permettent l’obtention des crédits alloués à une UF. Les notes inférieures à 4 ou la mention « non-acquis» ne donnent droit à aucun crédit (art. 2 al. 4 RE).

S’il obtient un résultat insuffisant à l’issue de la première évaluation d’une UF ou ne se présente pas à cette première évaluation, un étudiant peut faire une seconde et dernière tentative. Cette dernière tentative a lieu lors de la session d’examens d’août-septembre qui suit la fin de l’enseignement. Cette session fait partie du semestre de printemps précédent (art. 12 al. 6 RE).

Lorsqu’une UF est évaluée comme insuffisante lors de la seconde tentative, l’UF est considérée en échec. L’étudiant a alors la possibilité soit d’inscrire une nouvelle fois (et une seule) cette UF, soit de s’inscrire à une ou d’autres UF lui permettant d’atteindre le nombre de crédits requis dans le respect des délais prévus par le RE et selon les dispositions prévues dans le plan d’études. Le plan d’études précise le statut des UF à cet égard, en particulier pour ce qui concerne les UF obligatoires. La nouvelle inscription à une UF donne lieu à deux nouvelles tentatives d’évaluation, conformément au présent article (art. 12 al. 7 RE).

Lorsqu’une UF est échouée au terme de la deuxième évaluation, l’échec et le nombre de crédits correspondant restent inscrits dans la situation de l’étudiant ou étudiante jusqu’à l’obtention du diplôme et ce, même si l’UF est réussie lors d’une seconde inscription (art. 12 al. 8 RE).

Les résultats des évaluations sont communiqués aux étudiants à la fin de chaque session (art. 12 al. 9 RE).

3.2 Les directives facultaires applicables en matière d’évaluation du 11 juin 2020 (ci-après : les directives) précisent que les modalités d’évaluation de l’enseignement doivent être identique à celles annoncées au début du cours et sur les descriptifs des cours en ligne (let. A directives).

Les étudiants ont le droit de consulter leurs copies d’examen jusqu’à 15 jours après publication des résultats sur le portail. Les enseignants ont la responsabilité d’assurer un accès en copie durant ce laps de temps et de donner un feed-back pédagogique (let. E directives).

3.3 En matière d’examens, le pouvoir d’examen de l’autorité de recours est restreint, sauf pour les griefs de nature formelle, qu’elle peut revoir avec un plein pouvoir d’examen. En effet, l’évaluation des résultats d’examens entre tout particulièrement dans la sphère des décisions pour lesquelles l’administration ou les examinateurs disposent d’un très large pouvoir d’appréciation et ne peut faire l’objet que d’un contrôle judiciaire limité (ATA/1214/2020 du 1er décembre 2020 consid. 4). La chambre de céans n’annule donc le prononcé attaqué que si l’autorité intimée s’est laissée guider par des motifs sans rapport avec l’examen ou d’une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/692/2024 du 10 juin 2024 consid. 3.3).

La chambre administrative ne revoit l’évaluation des résultats d’un examen qu’avec une retenue particulière, dès lors qu’une telle évaluation repose non seulement sur des connaissances spécifiques mais également sur une composante subjective propre aux personnes expertes ou examinatrices, ainsi que sur une comparaison des candidats. En outre, à l’instar du Tribunal fédéral (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_38/2011 du 9 novembre 2011 consid. 4.1), et par souci d’égalité de traitement, la chambre de céans s’impose cette retenue même lorsqu’elle possède les connaissances spécifiques requises qui lui permettraient de procéder à un examen plus approfondi de la question, comme c’est le cas en matière d’examens d’avocats ou de notaires (ATA/354/2019 du 2 avril 2019 consid. 5b). En principe, elle n’annule donc le prononcé attaqué que si l’autorité intimée s’est laissée guider par des motifs sans rapport avec l’examen ou d’une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/354/2019 précité consid. 5b).

Cette retenue respecte la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui admet que l’autorité judiciaire précédente fasse preuve d’une certaine retenue (« gewisse Zurückhaltung »), voire d’une retenue particulière (« besondere Zurückhaltung »), lorsqu’elle est amenée à vérifier le bien-fondé d’une note ou d’un résultat d’examen (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_212/2020 du 17 août 2020 consid. 3.2 ; 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.6). Notamment, dans le cadre de l’évaluation matérielle d’un travail scientifique, il existe des marges d’appréciation, qui impliquent forcément qu’un même travail ne soit pas apprécié de la même manière par les spécialistes. Les tribunaux peuvent faire preuve de retenue tant qu’il n’y a pas d’éléments montrant des appréciations grossièrement erronées (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1). Faire preuve de retenue ne signifie toutefois pas limiter sa cognition à l’arbitraire. Une telle limitation n’est compatible ni avec l’art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ni avec l’art. 110 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), qui garantissent pour tous les litiges l’accès à au moins un tribunal qui peut contrôler exhaustivement les questions de fait et de droit (arrêts du Tribunal fédéral 2C_212/2020 du 17 août 2020 consid. 3 ; 2D_45/2017 du 18 mai 2018 consid. 4.1 ; 2D_38/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.4).

3.4 En l’espèce, l’UF litigieuse s’est déroulée pendant le semestre d’automne 2023. Il était demandé aux étudiants de mener une enquête de terrain (construction des données) et de rédiger un travail individuel qui devait rendre compte des différentes phases de cette enquête.

Le recourant produit un tableau comparatif des critères transmis en début de session et « de la grille d’évaluation non divulguée ». Le premier en comporte sept alors que la seconde en compte huit.

Les enseignantes ont indiqué que le critère n° 3 transmis en début de session, soit « la pertinence de la problématique face aux enregistrements et la manière dont les données permettent d’y répondre » méritait d’être davantage explicitée aux étudiants. Elles en avaient alors précisé deux volets à savoir : a) la description des éléments conceptuels sur lesquels s’appuie la méthode et b) la description de la méthode utilisée tant sur le terrain que dans les analyses par l’étudiant. Ces éléments avaient été abordés lors de quatre séances sur six et avaient fait l’objet d’un travail pratique spécifique, lors du dernier cours, les étudiants travaillant en sous-groupes. Le critère avait été largement respecté par ces derniers dans leur travail de validation.

Il en ressort que le critère « supplémentaire » découle de ces précisions. Le critère n° 3 précité transmis en début de session s’est ainsi divisé en deux « sous-critères » dans la grille d’évaluation finale, soit les nos 3 et 4, respectivement « la qualité de la présentation des concepts théoriques (« enaction, conscience préréflexive, activité – signe », critère n° 3) et la qualité et la pertinence de la problématique (critère n° 4).

Il ressort par ailleurs de la grille d’évaluation que parmi les sept critères annoncés en début d’année, les nos 2, 5, 6 et 7 valent chacun un point. Le caractère complet du travail (critère n° 1) vaut 0.75, et le critère n° 8, relatif à la qualité de la forme, 0.25. Le critère n° 3 initial, litigieux, précisé en cours de semestre et divisé en deux « sous critères » dans la grille finale, vaut un point au total, chacun des sous-critères valant 0,5. En conséquence, le critère initial n° 3 a conservé dans l’évaluation finale une pondération cohérente avec les autres critères, soit un point au total. La pondération des critères apparaît harmonieuse tant dans la grille finale qu’au regard des critères d’évaluation initialement annoncés.

Enfin, si le recourant n’obtient aucun point pour ces deux sous-critères, force est de constater qu’il perd 0.75/1 au critère n° 5, 0.5/1 au critère n° 6 et 0.75/1 au critère n° 7. Pour ces seuls trois critères, il perd déjà deux points. L’absence du formulaire de consentement lui enlevant un quart de point, ce qui suffit à ce que sa note ne donne plus droit aux crédits au sens de l’art. 2 al. 4 RE, indépendamment du critère n° 3 initial litigieux. À cela s’ajoute qu’à teneur de la grille d’évaluation fournie par les enseignantes l’addition des points obtenus tend à donner une note de 2.75 qui lui serait plus défavorable que le 3.25 indiqué.

Mal fondé, le grief sera rejeté

4.             Le recourant se plaint que les indicateurs utilisés pour l’évaluation et la répartition des points n’auraient pas été transmis aux étudiants et auraient été élaborés a posteriori. Le recourant se plaint de même qu’il n’aurait pas obtenu différents documents (procès-verbal de l’évaluation, grille d’évaluation), sans faire de procédure d’opposition.

4.1 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références). Il suffit cependant, selon la jurisprudence, que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_429/2021 du 16 décembre 2021 consid. 3.1 ; ATA/966/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a et les références).

Conformément à ces principes, lorsque la décision porte sur le résultat d’un examen et que l’appréciation des experts est contestée, l’autorité satisfait aux exigences de l’art. 29 al. 2 Cst. si elle indique au candidat, de façon même succincte, les défauts qui entachent ses réponses et la solution qui était attendue de lui et qui eût été tenue pour correcte. Par ailleurs, si le droit cantonal n’en dispose pas autrement, la Constitution n’exige pas que la motivation soit fournie par écrit ; selon les circonstances, elle peut être orale. De même, l’art. 29 al. 2 Cst. ne permet pas à un candidat d’exiger des corrigés-types et des barèmes (ATA/1745/2019 du 3 décembre 2019 consid. 4a ; ATA/1588/2019 du 29 octobre 2019 consid. 3a et les références). En matière d’examens, la jurisprudence admet que la non-remise de documents internes, comme les grilles de corrections, l’échelle des notes ou les notes personnelles des examinatrices et examinateurs lors des examens oraux, ne viole pas le droit d’être entendu des personnes candidates, à condition qu’elles aient été en mesure de comprendre l’évaluation faite de leur travail. À ce sujet, le droit d’être entendu n’impose aucune obligation de tenir un procès-verbal d’une épreuve orale ou de l’enregistrer sur un support audio ou vidéo. Cependant, l’autorité doit pouvoir exposer brièvement, même oralement, quelles étaient les attentes et dans quelle mesure les réponses de la personne candidate ne les satisfaisaient pas pour remplir son obligation de motivation (arrêts du Tribunal fédéral 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.3 ; 2D_17/2013 du 21 août 2013 consid. 2.1 ; ATA/1745/2019 précité consid. 4a ; ATA/476/2016 du 7 juin 2016 consid. 4a).

4.2 Le recourant ne conteste pas que la faculté a informé les étudiants via le portail des étudiants, le 14 février 2024, en même temps que la communication des résultats, qu’ils pouvaient consulter leur copie d’examen pendant quinze jours, des copies, photos ou captures d’écran de l’épreuve n’étant toutefois pas autorisées. Elle a précisé que les enseignants concernés par les examens avaient la responsabilité notamment de donner un feed-back pédagogique.

Le recourant ne conteste pas avoir pu bénéficier de ces mesures, ni que les enseignantes se sont entretenues pendant une heure trente avec lui le 27 février 2024 pour évoquer l’évaluation de son travail.

En application de la jurisprudence précitée, la revendication du recourant d’obtenir un procès-verbal de l’évaluation et la grille d’évaluation tombe à faux, n’ayant pas de droit à obtenir des corrigés types ou des barèmes. Le feed-back de 1h30 effectué oralement, conjointement, par les deux examinatrices répond aux exigences de motivation précitées. Rien ne démontre que les critères auraient été élaborés a posteriori, au vu de leur conformité aux critères annoncés en début d’année.

Le grief n’est pas fondé.

5.             Le recourant se plaint d’une violation du principe de l’égalité de traitement.

5.1 Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art.  Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 145 I 73 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_449/2022 du 3 février 2023 consid. 2.2.1 ; 1C_695/2021   du 4 novembre 2022 consid. 3.1.2).

5.2 Le recourant compare son travail avec celui d’un étudiant ayant suivi la même UF l’année précédente et ayant obtenu 5.75. Or, l’enseignant n’était pas le même. Par voie de conséquence, les examinateurs ne l’étaient pas non plus. S’il n’est pas contesté que les critères d’évaluation sont restés les mêmes, ces derniers sont énoncés de façon générale. Les enseignantes du semestre d’hiver 2023 – 2024 ont expliqué, sans être contredites, avoir, tout au long du semestre, détaillé les différents critères. Rien ne démontre que les précisions apportées au fil des semaines aient été identiques à l’approche de l’enseignant en charge du cours pendant le semestre 2022 – 2023. Par ailleurs, même à retenir que les critères soient identiques, l’appréciation d’un travail par chacun des examinateurs peut différer, sans qu’elle n’en soit erronée. En procédant à une telle comparaison, et en considérant qu’au vu de l’évaluation obtenue au semestre 2022 – 2023 sa note aurait dû être largement supérieure, le recourant se limite à substituer sa propre appréciation à celle des examinatrices, ce que les dispositions légales et règlementaires applicables n’autorisent pas.

Le recourant se plaint de ne pas connaître la détermination des enseignantes sur le travail produit par l’autre étudiant en 2022 – 2023. À juste titre au vu des motifs précités, les enseignantes ont indiqué ne pas souhaiter émettre d’avis sur le mémoire sanctionné d’un 5.75. Il ressort de l’opposition que l’étudiant avait souhaité leur transmettre le dossier sur lequel il s’était appuyé pour élaborer son travail de validation dans le but de comprendre sa notation. Il ne pouvait dès lors se plaindre de ne pas avoir obtenu de réponse de la part des enseignantes, qui avaient clairement indiqué ne pas souhaiter se prononcer sur un travail effectué pour un autre enseignant.

6.             Le recourant reproche aux enseignantes de ne pas avoir donné suite à leur proposition de relecture de son travail par une tierce personne.

6.1 Ancré à l’art. 9 Cst., et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1 ; ATA/175/2023 du 28 février 2023 consid. 4b). En particulier, l’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1).

6.2 En l’espèce, les enseignantes indiquent avoir proposé à l’étudiant, lors de la visioconférence, d’y réfléchir. Elles indiquent, sans être contredites, que l’étudiant n’y a pas répondu. Il ne ressort en effet pas du dossier que le recourant y aurait donné suite. Seul le reproche d’une absence de réponse des enseignantes est mentionné dans son opposition.

Même à considérer qu’un malentendu soit survenu à ce propos, il aurait appartenu à l’intéressé de reprendre contact avec ses enseignantes à ce propos pour pouvoir valablement se prévaloir du principe de la bonne foi.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, pas plus qu’à l’université, qui dispose de son propre service juridique
(art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2024 par A______ contre la décision de l’Université de Genève du 25 avril 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge de A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de
l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu’à l’Université de Genève.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :