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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/373/2023

ATA/906/2024 du 06.08.2024 sur ATA/880/2023 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/373/2023-FPUBL ATA/906/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 août 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé

 


EN FAIT

A. a. A______, né le ______1973, a été engagé au sein de l’État de Genève en 2004. Il a été détaché à B______ (ci-après : la prison) en juin 2015 et nommé directeur adjoint à compter du 1er novembre 2017. Il a fait partie des cadres supérieurs de l’État et du conseil de direction (ci-après : CODIR) de la prison.

En septembre 2021, A______ a assumé la fonction de directeur ad interim de la prison, fonction qu’il avait déjà occupée du 1er janvier au 31 août 2019.

b. Pendant de nombreux mois, des hauts cadres de la prison, ainsi que notamment des gardiens, ont dénoncé auprès de leur hiérarchie ce qu’ils considéraient comme des dysfonctionnements au sein de la prison, les conditions de travail ne permettant pas, à leur avis, d’assurer le respect de leur personnalité et de leur santé. L’attitude et le management de l’ancien directeur et du directeur général de l’office cantonal de la détention (ci-après : OCD), C______ (ci-après : le directeur de l’OCD), étaient notamment au cœur des doléances exprimées. La mise en œuvre du projet de réforme « Ambition » était aussi contestée.

c. Le 30 novembre 2021, le conseiller d’État en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé, devenu depuis lors le département des institutions et du numérique (ci-après : le département), a annoncé la mise en place d’un comité de pilotage (ci‑après : COPIL), présidé par le directeur général de l’OCD avec des représentants de la direction générale, du CODIR, de gardiens‑chefs et gardiens-chefs adjoints et des membres des organisations représentatives du personnel de B______. Le secrétaire général adjoint du département l’y représenterait.

d. Le 13 décembre 2021, veille de la première séance du COPIL, l’avocat du CODIR s’est adressé au secrétaire général du département. Comme il le lui avait expliqué de vive voix le jour même, « la maltraitance imposée au travail à mes mandants rend impossible – de l’avis aussi des médecins – toute perspective réaliste d’avancer en présence de la DG-OCD actuelle. Il aurait été facile de dispenser le directeur général actuel de cette tâche. Mais rien n’a été fait. Je serai ainsi présent comme unique représentant du CODIR, toute autre configuration étant objectivement et bien malheureusement, malgré mes efforts auprès de vous comme de mes mandants, impossible en l’état ».

e. Par courriel du 14 décembre 2021, adressé à A______ et au chef de l’état-major, le conseiller d’État leur a fixé un délai au 15 décembre 2021 pour lui faire connaître les raisons circonstanciées et étayées de leur absence respective et de la non-désignation de membres du CODIR, employés par l’État de Genève, pour participer au COPIL du même jour, dont les objectifs leur avaient été transmis par son courriel du 7 décembre 2021. Ils avaient délibérément décidé de ne pas honorer son invitation et de se faire représenter par un avocat, alors que ladite invitation avait précisément pour but de restaurer un dialogue professionnel et constructif dans le cas de la situation de la prison, selon les recommandations de l’audit quant à la réforme « Ambition ». Cette séance se tenait partiellement en sa présence et, de façon permanente pour les suivantes, par un membre de son secrétariat général. D’un point de vue institutionnel, ce procédé était inacceptable, compte tenu du devoir de loyauté et de fidélité que tout membre du personnel devait à son employeur, ce d’autant plus qu’ils exerçaient les fonctions les plus élevées à la prison. Dès lors, il considérait leur absence comme injustifiée et réservait en conséquence toute suite éventuelle à ce comportement qui s’apparentait, en l’état, à un refus d’assumer leurs tâches et responsabilités.

f. Par courrier du 15 décembre 2021, les membres du CODIR ont saisi le groupe de confiance (ci-après : GdC) d’une plainte à l’encontre de tous les échelons supérieurs de leur hiérarchie, sollicitant la prise de mesures provisionnelles visant à leur protection immédiate, alléguant subir un climat de travail inadmissible, empreint de harcèlement, pressions, graves atteintes à leur personnalité, injonctions paradoxales et autres vexations.

g. Par courrier du 17 décembre 2021, le conseiller d’État a informé A______ que « dans l’intérêt de toutes les parties, afin de garantir le bon fonctionnement de la prison de B______ et répondre à [sa] demande visant à préserver [sa]personnalité, [il] a[vait] demandé à la direction générale de l’OCD de [le] détacher provisoirement dans un autre établissement avec la même fonction, laquelle [lui] sera[it] communiquée à brève échéance ».

h. Par courriel du 21 décembre 2021, le directeur général de l’OCD a indiqué à A______ qu’en exécution du courrier du 17 décembre 2021, il était envisagé de le détacher provisoirement à l’établissement de D______ (ci‑après : D______) en tant que directeur adjoint ad interim, à compter du 3 janvier 2022, pour une durée initiale de six mois. Il lui serait notamment demandé de soutenir la direction dans le développement des ateliers. Un délai au 27 décembre 2021 lui était imparti pour faire part de ses observations écrites.

B. a. Par acte du 27 décembre 2021, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier précité, qualifié de « décision », dont il a conclu à l’annulation.

b. Par arrêt du 26 avril 2022, la chambre administrative a déclaré irrecevable ce recours, le détachement de l’intéressé devant être considéré comme une mesure organisationnelle. Les raisons invoquées par le conseiller d’État dans la missive litigieuse faisaient état, respectivement, « de l’intérêt de toutes les parties », « afin de garantir le bon fonctionnement de la prison de B______ » et « répondre à votre demande visant à préserver votre personnalité ». L’intérêt commun des parties à une situation différente, au vu de l’absence, en l’état, de dialogue, apparaissait raisonnable, étant rappelé que l’impasse concernait tant la participation du recourant à une séance dirigée par le directeur de l’OCD que la délégation à ladite séance d’un autre cadre de la prison. Le caractère provisoire du détachement était expressément relevé. Il appartiendrait au GdC, déjà saisi, d’établir l’éventuelle existence d’une atteinte à la personnalité du recourant. Ainsi, s’il y avait certes des effets juridiques sur ce dernier, son détachement avait été imposé par la nécessité que l’État puisse assurer le bon fonctionnement de ses institutions et la protection de la personnalité de ses employés.

c. A______ a interjeté recours le 1er juin 2022 contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral. La cause a été enregistrée sous la référence 8D_5/2022.

C. a. Par courrier du 27 juin 2022, le directeur général de l’OCD a annoncé à A______ que son détachement temporaire au sein de l’établissement de D______ était prolongé jusqu’au 31 août 2022, pour les mêmes motifs et aux mêmes conditions que ceux mentionnés dans son courrier du 29 décembre 2021. Il envisageait de l’affecter définitivement au poste de directeur adjoint de D______ à compter du 1er septembre 2022. Cela permettrait d’assurer une continuité au sein de l’établissement, particulièrement importante du fait des départs à la retraite prévus dès l’année suivante de deux personnes, dont la directrice de l’établissement. Un délai au 31 juillet 2022, prolongé ensuite au 18 août 2022, lui était imparti pour d’éventuelles observations au sujet du projet d’affectation.

b. Par courrier du 5 août 2022, le directeur général de l’OCD, faisant suite à l’échange de correspondance, a précisé que la rémunération de l’intéressé ne subirait aucune diminution. En revanche, la classe de traitement liée au poste était une classe 19. A______ conserverait son traitement en classe 25 annuité 08 en droits acquis statiques. Son statut de cadre supérieur ne pourrait pas être conservé.

D. a. Le 18 août 2022, A______ a déposé auprès de la chambre administrative une demande en révision avec requête en mesures provisionnelles, concluant au fond, sur rescindant, à l’annulation de l’arrêt de la chambre du 26 avril 2022 et, sur rescisoire, à ce que le recours déposé le 27 décembre 2021 soit déclaré recevable et que la décision du 17 décembre 2021 soit annulée. Sur mesures provisionnelles, il devait être fait interdiction au département de poursuivre la procédure de déplacement jusqu’à droit connu sur la demande de révision.

Des faits nouveaux étaient survenus en raison de la prolongation de son détachement jusqu’au 31 août 2022, l’intention ayant été exprimée de l’affecter définitivement à l’établissement de D______, le statut de cadre ne pouvant par ailleurs pas être conservé et la progression salariale étant définitivement bloquée. Le déplacement apparaissait ainsi définitivement comme de nature sanctionnatrice et n’avait jamais été envisagé comme provisoire. Son droit d’être entendu avait été violé puisqu’il n’était pas en mesure de se prononcer et de se défendre en connaissance de cause, faute de pouvoir accéder aux éléments sur lesquels l’autorité intimée s’était fondée, qu'il n’avait été invité à produire ses observations que le 1er  décembre 2021, dans un délai de moins de 24 heures, sans qu’il ne lui soit jamais indiqué qu’une décision de mutation dans une autre fonction était envisagée et n’avait pas été en mesure de faire valoir son point de vue à ce sujet. Le principe de la légalité avait également été violé, la décision du 27 septembre 2021 étant une sanction disciplinaire déguisée ayant pour effet, d’une part, de le destituer de son poste de directeur ad interim de la prison et, d’autre part, de lui attribuer celui de directeur adjoint ad interim de l’établissement de D______. Or, aucune de ces deux sanctions n’étaient prévues par le catalogue exhaustif de l’art. 25 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 (LOPP ‑ F 1 50).

b. Par pli du 30 août 2022, le directeur général de l’OCD, faisant suite au courrier du 18 août 2022 d’A______, l’a informé considérer que le détachement provisoire devait être maintenu et qu’il serait prolongé jusqu’au 31 décembre 2022, pour les mêmes motifs et aux mêmes conditions indiquées jusqu’alors.

c. Par ordonnance du 13 septembre 2022, le Tribunal fédéral a suspendu la cause 8D_5/2022 dans l’attente de l’arrêt de la chambre de céans sur la demande de révision.

d. Par arrêt du 18 octobre 2022 confirmé par le Tribunal fédéral par arrêt 8D_10/2022 du 2 mai 2023, la chambre administrative a rejeté la demande en révision au motif qu'il n’existait aucun fait nouveau ou moyen de preuve nouveau et important, de nature à modifier l’état de fait à la base de l’arrêt du 26 avril 2022.

e. Par arrêt 8D_5/2022 du 22 février 2023, le Tribunal fédéral a confirmé l’arrêt rendu le 26 avril 2022 par la chambre administrative.

Le grief relatif à l’établissement des faits était mal fondé dès lors qu’ils avaient été établis de manière intelligible, s’agissant du détachement litigieux et la motivation amplement suffisante, quant au fait que la communication du 17 décembre 2021 constituait une mesure organisationnelle et non une sanction déguisée à l’encontre du recourant. Le grief de violation de l’art. 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
(CEDH - RS 0.101) a également été rejeté, puisque le litige portait uniquement sur la question de savoir si l’acte du 17 décembre 2021 constituait une décision susceptible de recours, soit une pure question de droit ne suscitant pas de controverse quant aux faits de nature à requérir une audience et sur laquelle la juridiction cantonale pouvait se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et les pièces du dossier. Il ne pouvait pas non plus se plaindre d’une appréciation arbitraire des preuves, le litige portant uniquement sur le détachement à l’établissement de détention administrative de D______ tel que prévu en décembre 2021 pour une durée de six mois à compter du 3 janvier 2022, de sorte qu’il n’apparaissait pas insoutenable de retenir, malgré cette communication, que le détachement était provisoire.

Enfin, le Tribunal fédéral a rappelé que tout changement d’affectation n’ouvrait pas la voie d’un recours à l’autorité judiciaire. Un changement d’affectation d’un fonctionnaire constituait une décision attaquable lorsqu’il était susceptible de porter atteinte aux droits de la personnalité de l’employé, y compris le droit au respect de sa vie familiale, ou encore lorsqu’il était de nature à porter atteinte à la considération à laquelle il pouvait prétendre au regard notamment de ses aptitudes. Il en allait de même quand le changement d’affection représentait une sanction déguisée et constituait de ce fait un acte attaquable. En l’occurrence, le recourant avait été détaché à l’établissement de détention administrative de D______ dans la même fonction que celle exercée à la prison de B______ et son traitement n’avait pas été modifié. Quand bien même ses responsabilités de gestion de personnel avaient diminué du fait du nombre plus restreint de collaborateurs sous ses ordres, ses tâches étaient également restées identiques. Son cahier des charges n’avait pas été modifié et le poste de détachement apparaissait en parfaite adéquation avec ses aptitudes. Il n’avait pas été contraint de changer de domicile ou de s’organiser autrement sur le plan privé pour assumer sa nouvelle fonction dans un établissement situé à proximité immédiate de son précédent lieu de travail. Par ailleurs, au vu des tensions entre la direction de l’OCD et le recourant ainsi que des refus réitérés de celui-ci de collaborer avec cette dernière, la mesure prise par l’intimé en décembre 2021 apparaissait justifiée et appropriée, en ce sens qu’elle avait garanti le bon fonctionnement de la prison et des institutions tout en protégeant la personnalité du recourant, lequel se plaignait de ses conditions de travail. Le fait de séparer deux collaborateurs dont les relations étaient tendues pouvait en effet parfaitement se justifier par l’intérêt de l’administration et la protection des collaborateurs, y compris des personnes intéressées ; c’était un moyen adéquat de régler un conflit au sein de l’administration (arrêt 8D_1/2016 du 23 janvier 2017 consid. 5.5). Il ne s’agissait dès lors nullement d’une sanction déguisée à l’encontre du recourant. Le Tribunal fédéral a enfin noté qu’en vertu de l’art. 12 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), l’affectation d’un membre du personnel dépendait des besoins de l’administration ou de l’établissement et pouvait être modifiée en tout temps (arrêt 8D_4/2009 du 3 mars 2010 consid. 6.4). C’était ainsi à bon droit que la chambre administrative avait retenu que le détachement du recourant devait être considéré comme un acte interne non susceptible de recours.

f. Par courrier du 4 novembre 2022, E______, directeur des ressources humaines du département, est revenu sur les échanges qu'il avait eus avec A______ les semaines précédentes concernant sa situation professionnelle et l'entretien qu'ils avaient eu en commun avec le directeur de la Police. Ils avaient en particulier discuté de la « nécessité de changer de perspective afin d'éviter de poursuivre sur la voie actuelle, un retour en arrière n'étant pas envisagé, ni envisageable ». Parmi les alternatives, ils lui avaient offert une possibilité de transfert dans un autre office, en l'occurrence un poste auprès de la direction des ressources humaines de la police. A______ était dès lors invité à reprendre contact avec lui afin de finaliser les conditions de son changement d'affectation et les mesures à prendre pour lui permettre une reprise.

g. Le 5 décembre 2022, E______ a également écrit au conseil d'A______ s'agissant des modalités de transfert du poste précité et a précisé que sa classe de fonction serait maintenue au même niveau, avec la poursuite de l'évolution salariale au travers de annuités.

h. Le 8 décembre 2022, le directeur général de l’OCD a une nouvelle fois indiqué envisager une affectation définitive auprès de l'établissement de D______, à laquelle s'est opposé d'A______ le 16 décembre suivant, sollicitant une copie de son dossier.

i. Par arrêté du 14 décembre 2022, le Conseil d’État a confirmé l’avis de classement de la demande d’ouverture d’investigation pour atteinte à la personnalité formée par A______ à l’encontre de C______ rendue le 28 juillet 2022 par le GdC.

j. Par arrêt du 27 février 2024, définitif et exécutoire, la chambre administrative a rejeté le recours interjeté par A______ à l'encontre de cet arrêté (ATA/238/2024).

E. a. Par courrier du 23 décembre 2022, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseiller d’État en charge du département a indiqué à A______ qu’au vu de l’arrêté du Conseil d’État du 14 décembre 2022 et du temps écoulé entre ses premières allégations d’atteintes à la personnalité et sa demande de récusation, cette dernière apparaissait mal fondée, de sorte qu’il n’y serait pas donné suite, le courrier de C______ du 8 décembre 2022 n’étant pas de nature à remettre en question cette appréciation.

Au vu des courriers de C______ des 27 juin, 5 août et 8 décembre 2022 ainsi que les arguments présentés par A______ dans son envoi du 18 décembre 2022, ce dernier était affecté de manière définitive à la fonction de directeur adjoint de l’établissement de détention administrative de D______ dès le 1er janvier 2023 pour répondre aux besoins de l’établissement. Il ne bénéficiait plus de la progression de l’annuité, avait pour fonction celle de chef de service en classe 19, mais une rémunération en classe 25 position 8, et ses droits liés à son statut de cadre supérieur étaient supprimés à compter de la date de sa nouvelle affectation. La décision était exécutoire nonobstant recours.

F. a. Par acte du 1er février 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce courrier, concluant préalablement à l’apport de la procédure pénale P/1______/2022 et de toute autre procédure ouverte en lien avec l’espionnage électronique qu’il avait subi, à la tenue d’une audience publique d’audition du recourant et de plaidoiries conforme à l’art. 6 CEDH, et principalement à l’annulation de la décision.

L’effet suspensif devait être accordé dès lors que la situation durait depuis un an et qu’il n’existait aucune urgence à la modifier ni aucun intérêt public à exécuter immédiatement la décision dont était recours, qui avait un impact important sur sa situation financière.

Son recours était recevable, s’agissant d’une sanction déguisée et d’un déplacement qui portait atteinte à ses droits pécuniaires puisqu’il se retrouvait privé de son droit à la progression de son annuité et de tous les droits liés à son statut de cadre supérieur.

Son droit d’être entendu avait été violé, le département ne lui ayant jamais transmis son dossier et la décision entreprise ne comportant aucune motivation sur les motifs du déplacement ni sur l’examen des possibilités de poste.

Le principe de la légalité était également violé, les sanctions en destitution d’un poste et attribution d’un autre n’étant pas prévues par l’art. 25 LOPP. Le principe de la bonne foi n’avait pas été respecté, aucune des demandes de protection de sa personnalité n’ayant été prise en compte par l’autorité intimée, mais ayant au contraire mené à une sanction à son égard.

La décision était enfin disproportionnée, ses compétences n’ayant jamais été remises en cause et le déplacement faisant suite à la volonté de le sanctionner pour avoir démontré les graves failles de sa hiérarchie, qui avaient depuis lors été objectivées. L’autorité intimée n’avait pas cherché à trouver un autre poste correspondant à sa situation, à tout le moins ne le démontrait pas. Enfin, il avait appris que ses échanges électroniques, tant avec la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil qu’avec son avocat, avaient été espionnés par son employeur.

b. Le 15 mars 2023, le département a conclu au rejet du recours.

Le recourant était en incapacité de travail complète depuis le 11 janvier 2022 et divers échanges avaient eu lieu courant 2022 entre lui et E______ concernant sa situation professionnelle, lors desquels des alternatives pour son avenir professionnel avaient été évoquées. Parmi elles, une possibilité de transfert dans un autre office, soit un poste auprès de la direction des ressources humaines de la police, avait été proposée en avril 2022. Les modalités quant au transfert à ce poste avaient également été discutées et il avait notamment été précisé que la classe de fonction du recourant serait maintenue au même niveau, avec la poursuite de l'évolution salariale au travers des annuités. Aucune réponse n'avait depuis lors été donnée par le recourant concernant cette proposition de poste.

Le droit d’être entendu avait été respecté d’une part parce que le recourant ne précisait pas les documents qu’il souhaitait voir produits et que le dossier était constitué de nombreuses pièces qui avaient été versées à la procédure et qui étaient en sa possession, d’autre part parce que le recourant n’ignorait pas les motifs de son déplacement définitif, à savoir son refus d’assister à des séances et l’impossibilité de dialogue avec la direction générale de l’OCD, qui prétéritaient le bon fonctionnement institutionnel et la bonne marche de la prison de B______, de même que ses plaintes en lien avec une atteinte à sa personnalité nécessitant sa protection.

Le principe de la légalité avait également été respecté, dès lors que le recourant, qui travaillait dans le seul établissement pénitentiaire du canton de la taille de la prison de B______, ne pouvait qu’être déplacé dans un établissement de plus petite taille. Par ailleurs, au vu de l’impossibilité qu’il alléguait d’assister à une séance en présence du directeur général de l’OCD ou de désigner un remplaçant, un nouveau poste devait lui être trouvé. Il n’avait pas non plus été déplacé au seul motif qu’il avait contesté ses supérieurs, mais également parce qu’il convenait de protéger sa personnalité, une procédure étant en cours à la suite de la plainte qu’il avait déposée auprès du groupe de confiance pour atteinte à la personnalité. Le déplacement provisoire durant depuis presque un an, le département se devait de faire primer une solution pérenne. La décision du 23 décembre 2022 ne pouvait donc pas être considérée comme une sanction déguisée.

Le principe de la bonne foi avait été respecté, dès lors que le département n’avait pas refusé de protéger la personnalité du recourant, en le détachant à l’établissement de D______ et la décision entreprise ayant été prononcée pour faire primer une solution pérenne à une solution transitoire qui durait depuis près d’un an. Le déplacement avait au demeurant pris effet le 3 janvier 2022, soit avant que la direction générale de l’OCD n’ait appris l’existence de la plainte déposée au groupe de confiance le 16 mars 2022, de sorte qu’aucun lien entre ces deux évènements ne pouvait être fait. Ce grief du recourant ne faisait pas partie de la présente procédure et le classement de la demande d’ouverture d’investigation le 28 juillet 2022, confirmé par arrêté du Conseil d’État du 14 décembre 2022, faisait l’objet d’une autre procédure devant la chambre administrative.

Le principe de la proportionnalité avait également été respecté, le département ayant cherché et proposé un poste pour le recourant, générant des discussions durant une année, sans que la démarche ne puisse aboutir. Le département avait en outre entrepris toutes les démarches qui pouvaient être attendues de lui pour protéger sa personnalité et lui trouver un poste correspondant à ses compétences. À défaut d’accord, il n’avait eu d’autre choix que de le déplacer définitivement, la mesure permettant d’atteindre le but visé, à savoir de lui permettre de travailler dans un établissement dans lequel il n’existait pas de réforme majeure en cours. L’intérêt public recherché, soit le bon fonctionnement des institutions, était dans un rapport raisonnable avec l’intérêt privé du recourant, qui demandait d’occuper un poste correspondant à ses intérêts.

c. Par courrier du 23 mai 2023, le recourant a indiqué avoir repris son activité à 100%. Ses conditions de travail démontraient à nouveau le caractère inadmissible et sanctionnateur de la décision attaquée, la prison de D______ comptant treize détenus sur une capacité de 20, au lieu des 500 détenus à la prison de B______, et disposant d’une directrice, d’une directrice adjointe et d’un directeur adjoint dont les tâches relevaient d’un rôle surnuméraire assimilable à celui d’un commis administratif, récupération de l’épicerie de l’établissement comprise. Il sollicitait son audition à ce sujet.

d. Le département a répondu le 14 juillet 2023 que bien que deux directeurs adjoints étaient actuellement affectés à D______, l'actuelle directrice était absente depuis le 20 avril précédent, absence qui tendait à se prolonger de façon indéterminée. Les tâches ne manquaient donc en réalité pas. S'agissant de la seconde directrice adjointe, elle aurait droit à sa retraite le 30 juin 2024. Cette évolution les amenait à ne pouvoir compter sous peu sur des connaissances uniques du recourant quant à l'historique de cette direction. En outre, du fait des arrêts maladie des différents membres de la direction, dont ceux du recourant, il était parfois nécessaire de composer avec des situations passagères de sous ou de sureffectifs. Enfin, le recourant était un élément essentiel pour le bon fonctionnement de l'établissement de D______, en ce sens que sa présence permettrait d'assurer la relève après les départs des deux autres membres de direction, prévus respectivement au 31 janvier et au 30 juin 2024 ; il était ainsi nécessaire qu'il conserve son affection actuelle.

e. Par arrêt du 22 août 2023, la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours interjeté le 1er février 2023 par A______ au motif que la communication litigieuse relevait d'une mesure organisationnelle qui ne remplissait pas les conditions d'une décision formelle.

f. Par arrêt 1C_547/2023 du 21 mars 2024, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A______ à l'encontre de l'arrêt précité, l'a annulé et renvoyé la cause à la chambre administrative pour qu'elle entre en matière sur le recours déposé devant elle.

Le recourant avait été affecté définitivement au poste de directeur adjoint de l'établissement de D______. Il occupait désormais une fonction de chef de service en classe de salaire 19 tout en continuant à bénéficier de la rémunération correspondante à son ancienne fonction de directeur adjoint de la Prison de B______ en classe de traitement 25, position 8. Comme le relevait le département, le recourant ne faisait plus partie des cadres supérieurs et n'était plus soumis au règlement cantonal sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale (RCSAC - GE B 5 05.03). Il ne bénéficiait donc plus des droits liés au statut de cadre supérieur. Partant, le changement d'affectation litigieux avait des effets juridiques sur sa situation en tant que sujet de droit, même si le recourant n'indiquait pas concrètement le contenu des droits dont il se verrait privé dorénavant. Par ailleurs, le recourant perdrait les annuités auxquelles il aurait droit s'il avait été rétabli dans son poste de directeur adjoint à la prison dans la classe de traitement qui était la sienne (art. 2 al. 5 de la loi genevoise du 21 décembre 1973 concernant le traitement et les diverses prestations allouées aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers - LTrait - GE B 5 15). Dès lors que le changement définitif d'affectation avait des effets sur le traitement de l’intéressé, il revêtait manifestement le caractère d'une décision et devait pouvoir être soumis pour ce motif à un contrôle judiciaire. En considérant qu'il n'affectait pas le recourant en tant que sujet de droit, la chambre administrative était tombée dans l'arbitraire. La question de savoir si le cahier des charges de sa nouvelle fonction était identique ou non souffrirait de rester indécise tout comme celle de savoir si la mesure litigieuse ne devait pas être assimilée à une sanction disciplinaire déguisée au sens de la jurisprudence.

g. Invité par la chambre de céans à transmettre leur détermination, le recourant s'est limité à solliciter la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties.

h. Le département a pour sa part renvoyé la chambre administrative aux observations transmises en date du 15 mars et 14 juillet 2023 et a ajouté qu'il avait procédé d'une manière conforme au droit dès lors que le recourant avait conservé le même traitement en classe 25 annuité 8 dont il bénéficiait avant sa nouvelle affectation. Le seul impact financier lié à la perte des annuités de la classe de traitement supérieure ne saurait remettre en question la pertinence des analyses auxquelles la chambre de céans avait procédé dans son arrêt du 26 avril 2022, qui l'avait menée à constater que l'affectation du recourant au sein de l'établissement de détention administrative de D______ constituait une mesure organisationnelle ne pouvant être comprise comme une sanction déguisée. Il était enfin précisé que le recourant n'avait jamais donné suite à la proposition de la direction des ressources humaines du département concernant un poste au sein des services de police et qu'il donnait pleine satisfaction à son poste de directeur adjoint de D______.

i. Le 10 mai 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, également sur mesures d'instruction.

 

EN DROIT

1.             Dans son arrêt 1C_547/2023 du 21 mars 2024, le Tribunal fédéral a retenu que le courrier querellé du 23 décembre 2022 constituait une décision sujette à recours. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Il convient dès lors d'entrer en matière sur ledit recours.

2.             Le recourant sollicite la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties.

2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat (ATF 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 137 IV 33 consid. 9.2). Le droit d'obtenir qu'il soit donné suite à des offres de preuve ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3). L'art. 6 CEDH, pour autant qu’il trouve application dans la présente cause, ne confère pas une protection plus étendue que celle qui découle, sur le plan interne, de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 121 I 306 consid. 1b).

2.2 En l’espèce, le recourant n’indique pas dans sa détermination du 6 mai 2024 sur quel élément porterait la comparution personnelle des parties. Dans son courrier du 23 mai 2023, il avait indiqué solliciter son audition au sujet du fait qu'il avait repris son activité à 100% et que ses conditions actuelles de travail constituaient une démonstration supplémentaire du caractère inadmissible et sanctionnateur de la décision attaquée.

La chambre de céans considère être en possession d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige. Le recourant a eu l’occasion de faire valoir sa détermination à plusieurs reprises, tant dans la procédure non contentieuse, que devant la chambre de céans. Invité par cette dernière à transmettre des observations complémentaires suite au renvoi de la cause par le Tribunal fédéral, le recourant a choisi de se limiter à demander la tenue d'une audience de comparution personnelle, ce que le droit ne protège pas, et sans exposer en quoi les éléments qu'il entend exprimer ne pourraient l'être par écrit. Il n’a par ailleurs pas de droit à une audition orale, l’art. 6 CEDH ne trouvant pas application, les faits n'étant pas controversés et comme on le verra ci-après, la décision querellée ne constituant pas une sanction déguisée.

Il ne sera par conséquent pas fait droit à la requête du recourant.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du conseiller d’État du 23 décembre 2022 informant le recourant de son affectation définitive à la fonction de directeur adjoint de D______ dès le 1er janvier 2023 pour répondre aux besoins de l’établissement.

3.1 Dans un grief qu'il convient d'analyser préliminairement, le recourant se plaint d'une double violation de son droit d'être entendu, premièrement en tant que l'autorité intimée ne lui avait jamais transmis son dossier, pourtant sollicité à plusieurs reprises, deuxièmement en tant que la décision entreprise ne comporterait aucune motivation sur les motifs de ce déplacement, ni sur l'examen des possibilités de poste pour le recourant.

3.2 Le droit d’être entendu comprend également le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment et celui d’avoir accès au dossier. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2).

En tant que garantie générale de procédure, le droit d’être entendu permet au justiciable de consulter le dossier avant le prononcé d’une décision. En effet, la possibilité de faire valoir ses arguments dans une procédure suppose la connaissance préalable des éléments dont l’autorité dispose (ATF 126 I 7 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid. 3.2.2). Le droit de consulter le dossier, déduit de l'art. 29 al. 2 Cst., s'étend à toutes les pièces décisives figurant au dossier et garantit que les parties puissent prendre connaissance des éléments fondant la décision et s'exprimer à leur sujet (ATF 142 I 86 consid. 2.2 ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 I 85 consid. 4.1). L'accès au dossier peut être supprimé ou limité dans la mesure où l'intérêt public ou l'intérêt prépondérant de tiers, voire du requérant lui-même, exigent que tout ou partie des documents soient tenus secrets (ATF 126 I 7 consid. 2b ; 122 I 153 consid. 6a).

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATF 141 V 557 consid 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.1 et les références). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; ATA/250/2023 du 14 mars 2023 consid. 3.1 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 348 ss, n. 2.2.8.3).

3.3 En l'espèce, si le recourant ne précise pas les documents qu’il souhaite voir produits, il sera relevé, comme l'autorité intimée l'a indiqué, que le dossier est constitué de nombreuses pièces qui ont été versées à la procédure et qui sont en sa possession.

Par ailleurs, le recourant n’ignore pas les motifs de son déplacement définitif, à savoir son refus d’assister à des séances et l’impossibilité de dialogue avec la direction générale de l’OCD, qui prétéritaient le bon fonctionnement institutionnel et la bonne marche de la prison de B______, de même que ses plaintes en lien avec une atteinte à sa personnalité nécessitant sa protection, lesquelles ont fait l'objet de plusieurs séances, courriers et mêmes procédures judiciaires.

Aussi contrairement à ce qu'il soutient, le recourant a très bien saisi le sens et la portée de la décision querellée, comme le démontrent son acte de recours et ses écritures. Il a ainsi pu faire valoir ses arguments et se défendre en toute connaissance de cause. Il a également été en mesure de contester les motifs à l'origine de la décision querellée.

Ce grief d'ordre formel sera en conséquence écarté.

4.             Le recourant se plaint d’une violation du principe de la légalité. Il relève que les sanctions en destitution d’un poste et attribution d’un autre ne sont pas prévues par l’art. 25 LOPP.

4.1 La LOPP vise à assurer un statut unifié pour le personnel pénitentiaire de tous les établissements afin de garantir la mobilité interne (art. 2 al. 1 LOPP).

Le personnel pénitentiaire est soumis à la LPAC et à ses dispositions d’application, sous réserve des dispositions particulières de la LOPP (art. 6 al. 1 LOPP).

Le directeur ou son suppléant qui enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peut faire l’objet, selon la gravité de la faute, des sanctions disciplinaires suivantes : a) le blâme ; b) la réduction du traitement pour une durée déterminée ; c) le retour au statut d’employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans ; d) la révocation (art. 25 al. 2 LOPP).

4.2 Aux termes de l'art. 12 LPAC, l'affectation d'un membre du personnel dépend des besoins de l'administration ou de l'établissement et peut être modifiée en tout temps (al. 1). Un changement d'affectation ne peut entraîner de diminution de salaire (al. 2). Sont réservés les cas individuels de changements d'affectation intervenant comme alternative à la résiliation des rapports de service au sens de l'art. 21 al. 3 LPAC (al. 3).

4.3 Les prétentions pécuniaires des agents de la fonction publique, qu’il s’agisse de prétentions salariales ou relatives aux pensions, n’ont en règle générale pas le caractère de droits acquis. Les rapports de services sont régis par la législation en vigueur au moment considéré. L’État est en effet libre de revoir en tout temps sa politique en matière de salaire et d’emploi et les personnes qui entrent à son service doivent compter avec le fait que les dispositions réglant son statut puissent faire l’objet ultérieurement de modifications. Des droits acquis ne naissent dès lors en faveur des agents de la fonction publique que si la loi fixe une fois pour toutes les situations particulières et les soustrait aux effets des modifications légales ou lorsque des assurances précises ont été données à l’occasion d’un engagement individuel (ATF 143 I 65 consid. 6.2).

4.4 Il a été jugé que lorsque le changement d'affectation était motivé par la nécessité de garantir un fonctionnement optimal du service et que les relations entre le fonctionnaire et sa hiérarchie avaient évolué de telle façon qu'il leur était devenu impossible de collaborer, il a été jugé que ce changement d'affectation ne constituait pas une sanction déguisée, même si une sanction disciplinaire avait été prononcée parallèlement (ATA/226/2004 du 16 mars 2004 ; ATA/641/2000 du 24 octobre 2000).

Il est considéré qu'un transfert peut également constituer un moyen de régler un conflit de personnes au sein d'un service, la personne en prise à une situation conflictuelle pouvant être déplacée dans un autre service de l'administration afin d'apaiser les tensions au sein du service, respectivement de l'en épargner (arrêt du Tribunal fédéral 8D_1/2016 précité consid. 5.5 ; ATA/1054/2018 du 9 octobre 2018 consid. 3 ; ATA/69/2016 précité consid. 3b ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, p. 145 ss, spéc. 159).

Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, un changement d'affectation d'un fonctionnaire relève en principe de la gestion interne de l'administration. Les conditions pour admettre une sanction déguisée sont strictes. En principe, en l'absence de modification de traitement et en présence d'un poste concernant les sphères de compétences du fonctionnaire, il ne s'agit pas d'une sanction déguisée (ATA/575/2014 du 29 juillet 2014 consid. 9 et 10 et 11 ; ATA/221/2009 du 5 mai 2009 consid. 4, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2009 du 3 mars 2010), même si la mesure en cause est comprise comme une sanction par l'intéressé (ATA/69/2016 du 26 janvier 2016). Dans un cas où la réorganisation répondait aux besoins du service, principalement au motif que la fonction de juriste en charge des mesures de contrainte n'avait jamais fait l'objet d'une évaluation préalable, qu’elle se fondait sur une analyse détaillée, que le poste entrait dans les sphères de compétences du fonctionnaire, la chambre de céans a retenu que le « transfert » n'était pas une sanction déguisée, même avec une diminution du traitement (ATA/1572/2019 du 29 octobre 2019 consid. 7e).

4.5 En l'espèce, comme déjà relevé dans le cadre de la procédure relative au « détachement » provisoire du recourant, dans un raisonnement confirmé par le Tribunal fédéral dans son arrêt 8D_5/2022 du 22 février 2023 au consid. 6.3.3, détaché en qualité de directeur adjoint, sa fonction demeure inchangée, ce qu’il ne conteste pas. L’exécution des tâches qui lui incombent n’est pas modifiée, le recourant reste dans sa sphère d’activité habituelle et le poste de détachement apparaît en parfaite adéquation avec ses aptitudes. En outre, il n'a pas été contraint de changer de domicile ou de s'organiser autrement sur le plan privé pour assumer sa nouvelle fonction à l'établissement de D______. Par ailleurs, il sera relevé que le recourant a considéré être dans l’impossibilité de participer à une réunion en présence du directeur de l’OCD et ce, malgré la présence du conseiller d’État ainsi que d’un accompagnant externe dont la présence visait à assurer un dialogue constructif. Il allègue qu’une telle situation était incompatible avec la protection adéquate de sa personnalité.

Certes, comme le Tribunal fédéral l'a considéré dans son arrêt 1C_547/2023, le recourant ne bénéficie plus des droits liés au statut de cadre supérieur et il perd les annuités auxquelles il aurait droit s'il avait été rétabli dans son poste de directeur adjoint à la prison dans la classe de traitement qui était la sienne (art. 2 al. 5 LTrait). Par ailleurs, l’établissement où il est détaché accueille un nombre nettement moins élevé de détenus et ses responsabilités, en termes de gestion du personnel, sont largement moindres, étant précisé que le recourant ne conteste pas qu’il n’existe qu’un seul établissement de la taille de B______ dans le canton. Ainsi, sauf à rester au sein de ce dernier, le détachement s’effectue forcément dans un établissement plus restreint.

Toutefois, au vu de l’importance des postes occupés par le recourant et le directeur de l’OCD, de l’absolue nécessité de leur collaboration, de l’impossibilité alléguée par le recourant de se rendre à une séance en présence du directeur de l’OCD et même d’y désigner, pour son remplacement, des membres du CODIR, il ne peut être reproché à l’autorité intimée d’avoir, dans ces conditions et au vu du contenu des allégations du recourant, envisagé comme solution auxdites difficultés de le détacher dans un autre établissement. S’il a certes des effets juridiques sur le recourant, son détachement a été imposé par la nécessité que l’État puisse assurer le bon fonctionnement de ses institutions et la protection de la personnalité de ses employés, étant relevé que les droits liés au statut de cadre supérieur et ses annuités ne lui sont légalement pas acquis... Enfin, l'intimé a relevé, sans être contredit par le recourant, que ce dernier était un élément essentiel pour le bon fonctionnement de l'établissement de D______ en ce sens que sa présence permettrait d'assurer la relève après le départ de deux membres de la direction, prévu respectivement au 31 janvier et au 30 juin 2024. À cela s’ajoute que cette décision pérennise la solution temporaire mise en place depuis plus d’une année.

Au vu de ce qui précède, il ne peut pas être considéré que la décision querellée constitue une sanction déguisée.

5.             Le recourant se plaint ensuite d’une violation du principe de la bonne foi en lien avec la violation des art. 2A et 2B LPAC et art. 2 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC‑ B 5 05.01). Il soutient que son employeur n’a pas respecté ses demandes de protection de sa personnalité, n’a pris aucune mesure en sa faveur, et qu’il a prononcé la mesure litigieuse à titre de sanction de sa demande de protection.

5.1 L’art. 5 al. 3 Cst. oblige les organes de l’État et les particuliers à agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. L’art. 9 Cst. confère à toute personne le droit d’être traitée par les organes de l’État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.

5.2 Le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. L’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; 137 II 182 consid. 3.6.2). Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration, étant précisé qu’un renseignement ou une décision erronés de l’administration peut, selon les circonstances, intervenir tacitement ou par actes concluants (ATF 146 I 105 consid. 5.1.1 ; 143 V 341 consid. 5.2.1).

5.3 Selon l'art. 2A LPAC, les principes généraux suivants s'appliquent à l'administration cantonale : créer les conditions qui permettent aux collaboratrices et aux collaborateurs de travailler dans un climat de respect et de tolérance, exempt de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur une caractéristique personnelle, notamment l'origine, le sexe, l'orientation sexuelle, le handicap ou les particularités physiques, les convictions religieuses ou politiques (let. a) ; veiller à réaliser l'égalité entre femmes et hommes dans les faits (let. b) ; utiliser et développer le potentiel des collaboratrices et des collaborateurs en fonction de leurs aptitudes et de leurs qualifications (let. c) et prendre en considération, dans la mesure du possible et en tenant compte des impératifs des missions confiées aux services, les obligations familiales des collaboratrices et des collaborateurs en développant des moyens permettant de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle (let. d).

Selon l'art. 2B LPAC, il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel (al. 1). Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (al. 2). Les modalités sont fixées par règlement (al. 3).

5.4 En l'espèce, à l'instar de l'intimé, il convient de relever que ce grief ne fait pas partie de l'objet du présent litige. Suite à la plainte du recourant par-devant le GdC, ce dernier a classé la demande d'ouverture d'investigation le 28 juillet 2022, ledit classement ayant été confirmé par arrêté du conseil d'État le 14 décembre 2022 contre lequel le recourant a recouru. La chambre de céans a confirmé ledit arrêté par ATA/238/2024 du 27 février 2024, aujourd'hui en force en l'absence de recours à son encontre.

Il sera pour le surplus constaté non seulement que la mesure querellée avait d’ores et déjà été prononcée de manière temporaire avant que le recourant ne saisisse le GdC, mais en outre qu’elle ne fait que pérenniser une situation qui durait depuis près d’une année, en offrant au recourant un poste similaire à celui qu’il occupait auparavant et dans un contexte où il n’avait pas répondu à tout le moins à une autre offre de poste qui lui avait été faite. À aucun moment, il n'a été sanctionné comme il le soutient pour avoir soulevé des griefs en lien avec la protection de la personnalité.

Le grief est donc infondé.

6.             Le recourant reproche enfin une violation du principe de la proportionnalité en tant qu'aucun autre poste ne lui aurait été proposé et que son déplacement démontrerait une volonté de le sanctionner.

6.1 Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1).

6.2 Il résulte de la procédure, notamment des courriers produits par l'intimé, que durant l’année 2022, divers échanges et entretiens ont eu lieu et des alternatives professionnelles ont en réalité été évoquées, notamment auprès de la direction des ressources humaines de la police, à laquelle le recourant n’a jamais répondu. Pour sa part, il n'a à aucun moment démontré, ni même allégué, qu'il aurait collaboré à trouver une autre alternative professionnelle.

À cela s’ajoute que son ancien poste a été repourvu, qu'il a conservé le traitement en classe 25 annuité 8 dont il bénéficiait avant sa nouvelle affectation et, comme déjà relevé, qu'il ne bénéficie pas de droit acquis sur son statut de cadre et sur ses annuités. Enfin, comme déjà relevé, le recourant est un élément essentiel pour le bon fonctionnement de l'établissement de D______ après le départ de deux membres de la direction dans le courant 2024. S’il a certes des effets juridiques sur le recourant, son détachement a été imposé par la nécessité que l’État puisse assurer le bon fonctionnement de ses institutions et la protection de la personnalité de ses employés. Comme le Tribunal fédéral l'a retenu dans l'arrêt 8D_5/2022 précité au consid. 6.3.3, la mesure est apte à garantir le bon fonctionnement de la prison et des institutions mais également à protéger la personnalité du recourant, qui se plaignait de ses conditions de travail. Il sera rappelé que le fait de séparer deux collaborateurs dont les relations sont tendues peut en effet parfaitement se justifier par l’intérêt de l’administration et la protection des collaborateurs, y compris des personnes intéressées ; c’est un moyen adéquat de régler un conflit au sein de l’administration (arrêt du Tribunal fédéral 8D_1/2016 précité consid. 5.5).

Il découle de ce qui précède que la mesure querellée prise par l’intimé le 23 décembre 2022, dans le prolongement de l’affectation provisoire décidée le 21 décembre 2021, apparaît nécessaire, cohérente et appropriée. Elle ne constitue nullement une sanction déguisée, aucun élément autre que ceux précités n’ayant présidé au changement définitif d’affectation.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2023 par A______ contre le courrier du conseiller d’État en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé, du 23 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge d'A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'au département des institutions et du numérique.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :