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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3997/2023

ATA/7/2024 du 09.01.2024 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3997/2023-FPUBL ATA/7/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 9 janvier 2024

sur effet suspensif

 

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE L'EMPLOI intimé
représenté par Me Serge FASEL, avocat



Vu, en fait, la décision, déclarée exécutoire nonobstant recours, du département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département ) du 17 novembre 2023, informant A______ de l’ouverture d’une procédure de reclassement ; qu’il en ressort que sa hiérarchie lui avait reproché notamment lors de l’entretien de service en deux phases les 21 et 28 juillet 2023 l’insuffisance de ses prestations ainsi que son inaptitude à remplir les exigences de son poste ; que contrairement à ce qu’il soutenait, les manquements reprochés n’étaient pas « fondés sur des informations inexactes, des omissions trompeuses ou des constats incohérents » ni « le fruit inévitable des manquements propres » de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : CCGC) ; qu’en lien avec une prétendue surcharge de travail chronique qu’il aurait rencontrée, un suivi quotidien des dossiers entrants était effectué par la hiérarchie ; que s’agissant de son ressenti d’être l’unique gestionnaire ayant fait l’objet de reproches, ce n’était que lorsque les erreurs commises par un gestionnaire se répétaient régulièrement, malgré des rappels, qu’un suivi spécifique était mis en place, avec une prédilection pour le dialogue et, en cas de nécessité, un coaching ; que s’agissant de son ressenti de conflit avec sa supérieure hiérarchique, celle-ci avait toujours agi de manière transparente et selon les instructions de sa propre hiérarchie, dans le respect de ses cahiers des charges, étant relevé que ce grief ne contenait aucune mention susceptible d’être considérée comme une atteinte à sa personnalité ;

vu le recours interjeté le 28 novembre 2023 par A______ auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision incidente, dont il demande l’annulation, concluant à ce qu’il soit constaté qu’il n’existe aucun motif fondé justifiant la résiliation des rapports de service et partant l’ouverture d’une procédure de reclassement ;

que, selon lui, son recours était recevable, dès lors que la décision attaquée lui causait un préjudice irréparable en tant que la procédure de reclassement avait pour vocation d’aboutir à un licenciement pour motif fondé, alors qu’il contestait fermement les reproches formulés à son encontre ;

qu’il a conclu à la restitution de l’effet suspensif, exposant qu’il était en incapacité de travail alors prévue jusqu’au 27 décembre 2023 ; que le bilan définitif de la procédure de reclassement était fixé dans deux mois, soit a priori à fin janvier 2024, de sorte que si la procédure de reclassement venait à s’ouvrir, il serait de facto empêché d’y participer ; que les chances de succès du recours étaient par ailleurs manifestes dans la mesure où ses droits avaient été violés de manière évidente ; que la décision querellée ne contenait enfin pas la moindre motivation « à pareille entorse au principe général de l’effet suspensif du recours », le prononcé exécutoire nonobstant recours figurant uniquement dans son dispositif ; qu’aucune circonstance ne justifiait l’exécution immédiate de la décision ;

qu’au fond, son droit d’être entendu ainsi qu’à une enquête effective avaient été violés ; que la décision attaquée ne revenait que très laconiquement sur les observations détaillées dont il avait fait part à la suite de l’entretien de service du mois de juillet 2023 ; qu’il n’avait pas été informé que B______, directeur de la CCGC, aurait reçu les personnes dont il avait demandé l’audition ;

que la décision litigieuse violait également l’art. 22 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) de même que le principe de la proportionnalité ; que les manquements reprochés étaient inexacts ou le fruit de manquements propres à l’employeur, soit en particulier les changements incessants de procédure et la surcharge chronique de travail à la CCGC ; que la décision s’inscrivait également dans le cadre de mesures de rétorsion de la hiérarchie à son égard et devait être assimilée à une mesure de représailles ;

que le département a conclu au rejet de la requête d’effet suspensif ; que la décision querellée avait été déclarée exécutoire nonobstant recours au vu de l’intérêt public prépondérant à son exécution immédiate afin, notamment, de garantir la bonne marche du service ; que la procédure de reclassement n’en était qu’à ses débuts et que l’on ignorait quel en serait l’issue ; que l’intérêt public à la poursuite de la procédure de reclassement pour le bon fonctionnement de la CCGC était manifestement important et primait l’intérêt privé du recourant dont l’incapacité de travail ne justifiait à lui seul pas qu’il soit renoncé à l’exécution immédiate de la procédure de reclassement ;

que dans sa réplique sur effet suspensif, le recourant a ajouté qu’à la suite de sa demande de report de l’entretien de point de situation devant avoir lieu le 28 novembre 2023, il avait été décidé que ledit entretien se déroule sous la forme écrite ; que le 8 décembre 2023, le département l’avait convoqué à deux entretiens pour les 2 janvier et 2 février 2024 ; qu’à teneur d’un certificat médical du 19 décembre 2023, son incapacité de travail était complète du 19 décembre 2023 au 19 janvier 2024 ; que le 20 décembre 2023, son médecin avait expressément attesté que son état de santé ne lui permettait plus de gérer le stress de la procédure de reclassement en cours, qu’il présentait un état d’épuisement, une anxiété aiguë, des troubles de la concentration et des difficultés de sommeil, de sorte qu’il était recommandé d’interrompre la procédure jusqu’à ce que son état de santé « le lui permette » ; que son incapacité de travail imposait donc de suspendre la procédure de reclassement, à défaut de quoi il encourrait le préjudice irréparable d’être privé de la possibilité de bénéficier d’une réelle procédure de reclassement dont l’échec mènerait à la résiliation des rapports de service ; que son état de santé avait pour conséquence qu’il ne pourrait pas se rendre aux entretiens prévus ; qu’il persistait dans ses conclusions visant à la restitution de l’effet suspensif, respectivement à l’octroi de mesures provisionnelles et, subsidiairement, concluait à la prolongation de la période de reclassement aussi longtemps qu’il était en incapacité de travail ;

que les parties ont été informées, le 2 janvier 2024, que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président ou la vice-présidente de ladite chambre ou en cas d'empêchement de celle-ci par un juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que dans sa jurisprudence rendue avant 2017, la chambre de céans a en général nié l'existence d'un préjudice irréparable en cas d'ouverture d'une procédure de reclassement, une telle décision étant au contraire destinée, dans l’hypothèse où le reclassement aboutirait, à éviter ou à atténuer les effets de la décision de licencier envisagée (ATA/1149/2015 du 27 octobre 2015 ; ATA/923/2014 du 25 novembre 2014) ;

que le Tribunal fédéral a néanmoins admis l'existence d'un préjudice irréparable dans un cas dans lequel le recourant n'avait eu d'autre choix que d'accepter une rétrogradation comme alternative à son licenciement, si bien que l'irrecevabilité prononcée revenait à priver le recourant de la possibilité de contester les motifs qui avaient conduit à son changement d'affectation (au sens de l'art. 12 al. 3 LPAC), et que le recourant ne pouvait en définitive les contester que s'il provoquait la résiliation de ses rapports de service, en s'opposant d'emblée à tout reclassement ou en cas d'échec d'un reclassement (ATF 143 I 344 consid. 7 et 9) ;

que plus récemment, la chambre de céans a admis la recevabilité d'un recours interjeté contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement (ATA/37/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2b), tandis que dans d'autres cas elle a déclaré les recours sans objet ou irrecevables, soit parce que la décision au fond avait été rendue dans l'intervalle (ATA/1356/2021 du 14 décembre 2021 consid. 2 et les arrêts cités), soit parce que la partie recourante n'avait pas de perspectives concrètes de reclassement (ATA/1019/2023 du 19 septembre 2023 ; ATA/821/2023 du 9 août 2023), ou encore a laissé la question de la recevabilité ouverte (ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2c) ;

que le recours contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement, préalable au prononcé d'un licenciement administratif, n’est ouvert qu’à des conditions restrictives (ATF 143 I 344 consid. 7.5 et 8.3 ; ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 3), dès lors qu’il s’agit d’une décision incidente au sens de l’art. 57 let. c LPA ;

que la chambre administrative a refusé la restitution de l'effet suspensif à un recours formé contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement, considérant que l’intérêt public à la poursuite de la procédure de reclassement en cours apparaissait d'autant plus important que la libération de l’obligation de travailler de la fonctionnaire concernée durait depuis huit mois (ATA/807/2022 du 16 août 2022) ;

qu’en l’espèce, la question de savoir si les conditions restrictives permettant de recourir contre une décision incidente sont remplies est délicate ; qu’il n’apparaît, à ce stade, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas d’emblée que le recours soit recevable, la procédure de reclassement n’ayant pas (encore) abouti, deux entretiens étant apparemment prévus le 2 janvier 2024 passé et le 2 février 2024 ;

que, cela étant, même si le recours était recevable, il conviendrait de rejeter la requête de restitution de l’effet suspensif ;

qu’en effet et contrairement au souhait du recourant, aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit de poursuivre une procédure de reclassement en cas d’incapacité de travail du fonctionnaire concerné (ATA/1117/2022 précité consid. 8 ; ATA/544/2021 du 25 mai 2021 consid. 12d) ;

que suivre le raisonnement du recourant, selon lequel la procédure ne pourrait être engagée ou poursuivie tant qu'il serait en incapacité de travail, permettrait de repousser indéfiniment ladite procédure (ATA/1066/2023 du 26 septembre 2023 consid. 9) ;

qu’au vu des éléments qui précèdent, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué avec la décision au fond sur les frais de la présente décision.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution d’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Lausanne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Serge FASEL, avocat du département de l'économie et de l'emploi.

 

La vice-présidente :

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :