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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1398/2022

ATA/1232/2022 du 06.12.2022 sur JTAPI/1021/2022 ( LCI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ;DÉCISION INCIDENTE;DÉCISION DE RENVOI;DOMMAGE IRRÉPARABLE;COMPÉTENCE;REFUS DE STATUER;DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION
Normes : LPA.57.letc; LOJ.116.al1; LCI.145.al1; LCI.151.letd; LPA.4.al4; LPA.62.al6; Cst.29.al1; LPA.69.al4; RChant.233; RChant.235; RChant.236; RChant.237
Résumé : Recours du DT contre un jugement du TAPI admettant le recours de la société intimée pour déni de justice et renvoyant le dossier pour décision formelle sous l'angle de l'ancien RChant. Jugement de renvoi constitutif d'une décision incidente. DT contraint à rendre une décision qu'il considère comme fausse et qu'il ne pourrait plus contester par la suite : il y a un préjudice irréparable. Recours recevable. TAPI compétent pour connaître d'un recours fondé sur le RChant. La société intimée avait droit à une décision tant sur la reconnaissance en tant que centre de formation de machinistes que sur l'habilitation à délivrer des permis de machiniste, décision qu'elle a tentée d'obtenir en vain. Il y a déni de justice. Confirmation du jugement du TAPI sur ce point. Le TAPI a outrepassé sa compétence en renvoyant le dossier pour application de l'ancien RChant, ce qui relève du fond du litige, qui n'a pas à être tranché dans un recours pour déni de justice. Admission partielle du recours sur ce point.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1398/2022-LCI ATA/1232/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 décembre 2022

3ème section

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

contre

A______
représentée par Me Christian D'Orlando, avocat

et

B______

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 septembre 2022 (JTAPI/1021/2022)


EN FAIT

1) a. A______ (ci-après : A______), société fondée le 12 mai 2014 dont le siège se trouve dans le canton de Vaud, a pour but de tenir un centre de formation et de conseils spécialisés dans le domaine des transports et de la sécurité au travail. Elle a, depuis le 9 octobre 2020, une succursale dans le canton de Genève, à ______.

b. B______ (ci-après : B______), association suisse de composition paritaire, a été fondée en novembre 2009. Ses membres sont la C______, en tant qu'association d'employeurs, ainsi qu'D______ et E______, en tant qu'associations de travailleurs. Elle promulgue un règlement sur le cours de base et l’examen de grutier, édicte un règlement sur l’examen de conducteur de machines de chantier et surveille les procédures de qualification.

c. F______ (ci-après : F______) est une association genevoise qui a pour but de participer au financement des tâches suivantes : organisation des activités qui relèvent de la formation initiale des maçons à Genève, telles que les cours interentreprises, coordination et administration des examens des maçons, surveillance de la formation professionnelle, promotion et mise sur pied de dispositifs de formation et de perfectionnement professionnel. Selon son site internet, l'F______ est rattaché à la section genevoise de la C______ (ci-après : C______) et est financé par des subventions provenant de l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue, de la Fondation pour la formation professionnelle et continue, du Fonds paritaire et du Fonds patronal du gros-œuvre.

L'F______ est l'un des trois centres qui dispensent des cours conformément à la réglementation de B______ pour les conducteurs de machines de chantier et le seul à Genève.

2) Le 6 avril 2019, A______ a sollicité auprès du conseiller d'État en charge du département du territoire (ci-après : DT) l'autorisation de former des machinistes dans le canton de Genève.

Son centre de formation était actif dans le canton de Vaud depuis 2009. Elle formait déjà des machinistes conformément à la réglementation sur la prévention des accidents dans d'autres cantons. Ses attestations de formation remplissaient le cahier des charges de la formation des machinistes.

3) Le 6 mai 2019, le conseiller d'État en charge du DT a informé A______ que ce dernier s'était engagé à adapter les permis de machiniste aux normes de B______, avec la volonté d'harmoniser les pratiques de formation au niveau romand dans un premier temps, puis fédéral au terme du processus. A______ devait certifier être en mesure de fournir de telles prestations à la direction de l'inspection de la construction et des chantiers (ci-après : DIC), rattachée à l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC), lui-même rattaché au DT. La DIC reviendrait le cas échéant à elle afin de donner la suite qui convenait à sa demande.

4) Le 5 novembre 2019, A______ a déposé auprès du DT sa candidature pour obtenir la reconnaissance en tant que centre de formation pour les machinistes de chantiers.

Elle avait créé son propre système de formation qui était en tous points conforme aux exigences de la réglementation fédérale sur la prévention des accidents et aux exigences de formation établies par B______, comme le démontraient le règlement de formation et les documents annexés.

5) Le 14 décembre 2019, A______ a demandé à B______ quelles étaient les démarches pour être reconnue par elle.

6) Le 23 décembre 2019, l'OAC a pris bonne note que A______ répondait aux exigences de formation établies par B______ et voulues par le DT, de sorte que les permis qu'elle octroierait seraient reconnus à Genève. En ce qui concernait sa candidature en tant que centre de formation pour le canton de Genève, le choix du DT s'était porté sur l'F______.

7) Le 23 octobre 2020, B______ a informé A______ que la coopération entre elles n'était pas possible, afin de ne pas mettre en péril l'accord d'harmonisation élaboré dans toute la Suisse. Si A______ souhaitait organiser des cours dans les cantons de Vaud, Valais, Neuchâtel et Genève, elle devait contacter ces cantons au préalable.

8) Le 2 novembre 2020, A______ a sollicité auprès de l'OAC la délivrance d'une reconnaissance formelle en tant que centre de formation agréé pour les machinistes de chantier sur le canton de Genève (attestations M1, M1SO, M2 à M7) et l'a prié, en cas de refus, de bien vouloir rendre une décision formelle et dûment motivée.

Elle avait constitué sa succursale et avait mis en place, depuis le mois de juillet 2020, des cours de formation de machinistes M1.

9) Le 24 novembre 2020, l'OAC a pris acte que, malgré la réglementation en vigueur, A______ avait pris l'initiative de former, sans concertation, des candidats au permis de machiniste M1 sur le canton de Genève et l'a informée que le DT ne reconnaîtrait pas les attestations, ni ne permettrait en l'état à un machiniste de conduire les machines décrites dans la réglementation sur les chantiers. Cela étant, il n'était pas opposé au dépôt d'une candidature formelle et officielle de A______ concernant la formation de machinistes sur le canton de Genève. Pour ce faire, elle devait fournir les agréments ou reconnaissance de B______ pour l'ensemble de ses formations et des sites utilisés et fournir, en parallèle, une proposition de contrat de prestations concernant la délivrance des permis et leur gestion, l'État ayant décidé d'externaliser cette prestation. Une fois en possession de l'intégralité de ces pièces, sa candidature serait soumise à la commission des cours prévue par la réglementation sur les chantiers (ci-après : la commission des cours) afin de valider son centre de formation et formaliser ainsi la reconnaissance de la société.

10) Le 2 décembre 2020, A______ a déposé auprès de l'OAC une demande d'autorisation de donner des cours de formation de machinistes dans le canton de Genève, accompagnée d'une proposition de contrat de prestations concernant la délivrance des permis et leur gestion.

11) a. Le 28 janvier 2021, A______ a demandé à B______ de lui confirmer qu'elle remplissait bien toutes les conditions de son règlement d'examens de conducteur de machines de chantier.

b. Le 15 février 2021, B______ a accepté, contre indemnité, d'appliquer les quatre premières étapes de conclusion d'une convention de collaboration pour donner à A______ le « feed-back » souhaité.

c. Le 15 avril 2021, B______ a confirmé la réception du dossier de A______. Elle allait vérifier l'exactitude des documents et leur exhaustivité, ce qui prendrait au minimum deux mois à compter du 6 avril 2021.

d. Le 23 mai 2021, B______ a demandé des compléments.

e. Le 30 juin 2021, B______ a confirmé être en possession de presque tous les documents dont elle avait besoin. Lors de sa séance du 22 juin 2021, le comité avait décidé d'inclure, après la phase d'analyse des documents, un pré-audit sous la forme de visites des lieux d'examen et des lieux de formation ainsi qu'un entretien avec le responsable du centre d'examens.

12) La commission des cours a entendu A______ le 25 mars 2021.

13) Les 6 mai et 14 juin 2021, A______ a demandé à l'OAC à être informée des prochaines étapes de la procédure afin que sa candidature puisse être traitée et qu'une décision puisse être rendue. Elle n'avait plus de nouvelles alors qu'elle remplissait manifestement toutes les conditions requises. Cette situation n'était certainement pas étrangère à la position de l'F______ qui exerçait toujours seul cette activité.

14) Le 27 juillet 2021, l'OAC a informé A______ que la réglementation sur les chantiers avait été modifiée, prévoyant désormais l'obligation pour les instituts candidats d'être affiliés et certifiés par un organisme reconnu par le DT en matière de formation de conductrices et conducteurs d'engins et machines de chantier, soit actuellement B______. Les permis de machiniste délivrés par les autres cantons romands et par les instituts de formation affiliés à B______ étaient déjà reconnus par convention, depuis 2019. L'enjeu essentiel d'un contrat de prestations de A______ avec le DT résidait dès lors dans la possibilité de délivrer, au nom du canton, des permis spéciaux tels que définis dans la réglementation sur les chantiers. A______ était invitée à effectuer toutes les démarches auprès de B______ et à prendre ensuite contact avec le DT lorsqu'il serait utile de définir la suite du processus et d'établir les documents nécessaires.

15) En octobre et novembre 2021, A______, B______ et le chef de la DIC ont échangé des courriels sur le lieu de dispensation des formations de A______, dans la perspective du pré-audit de B______, initialement prévu le 3 novembre 2021. Les lieux indiqués par A______ n'étaient pas propres à l'affectation prévue, une autorisation de construire étant nécessaire pour le changement d'affectation.

16) Le 1er décembre 2021, le DT a délivré l'autorisation de construire en procédure accélérée APA 1______ concernant le réaménagement de bureaux au premier étage inférieur au ______ à ______, adresse de la succursale genevoise de A______.

17) Le 28 janvier 2022, B______ a informé A______ qu'elle avait décidé de poursuivre les mois à venir sa discussion sur les critères d'accréditation et sur les normes de qualité recherchées. Cette réflexion concernait toutes les demandes d'accréditation déposées et celles à venir. Il lui était malheureusement impossible de donner pour l'heure plus d'informations au sujet de sa demande d'accréditation. Elle reprendrait contact avec A______ dès qu'elle en saurait plus.

18) Le 3 février 2022, A______ a demandé à l'OAC d'intervenir auprès de B______ pour qu'elle poursuive immédiatement l'examen de son accréditation selon les dispositions de son règlement en vigueur. À défaut de l'achèvement par B______ de son audit à bref délai, A______ devait être autorisée à donner des cours de formation de machinistes et être reconnue comme centre agréé par le canton de Genève pour délivrer le permis.

Il n'était pas acceptable qu'une association, sous prétexte d'être reconnue par les différentes autorités cantonales à raison de sa composition, puisse librement freiner, empêcher ou rendre plus difficile l'accès au marché de la formation des machinistes en annonçant réfléchir pendant plusieurs mois sur de nouvelles conditions pour l'accréditation.

19) Le 22 mars 2022, l'OAC a refusé d'autoriser A______ à délivrer des permis dans l'attente de l'accréditation, qui allait à l'encontre des objectifs fixés par le DT, à savoir la reconnaissance des formations cantonales par le B______. A______ gardait la possibilité de dispenser des cours de formation de machinistes, mais sans reconnaissance par le canton de Genève. Il n'était pas de sa responsabilité d'intervenir sur les aspects de concurrence déloyale, son objectif premier étant de s'assurer que la formation délivrée ait le niveau de qualité requis selon les critères définis par B______, seule et unique association reconnue en Suisse pour les formations de grutiers et conducteurs de machines de chantier.

20) Le même jour, A______ a sollicité une décision formelle sur sa candidature avec indication des voies de recours d'ici au 30 mars suivant. À défaut et au vu du refus de B______ d'instruire son dossier sans motifs sérieux, elle saisirait le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d'un recours pour déni de justice et pour violation de la législation sur le marché intérieur.

21) a. Par acte du 3 mai 2022, A______ a recouru auprès du TAPI pour déni de justice, subsidiairement contre le refus d'octroi d'autorisation du 22 mars 2022, concluant au renvoi de l'affaire au DT pour décision, subsidiairement à l'annulation de la décision du 22 mars 2022, au constat que les conditions requises pour l'octroi de l'autorisation de délivrance des permis étaient remplies et au renvoi du dossier au DT.

La réglementation sur les chantiers réservait à la seule commission des cours la compétence de donner des cours de formation à la conduite d'engins à moteur et à délivrer des permis à l'issue de l'examen. Dans la pratique, l'F______ s'était vue déléguer par le DT la compétence exclusive de donner des cours de machinistes et de délivrer des permis sur le territoire genevois, sans appel d'offres, en violation de la législation sur le marché intérieur et sans base légale. Après son audition par la commission des cours le 25 mars 2021, l'OAC aurait dû délivrer une autorisation formelle ou, au moins, rendre une décision. L'aval de B______ ne reposait sur aucune base légale avant le 7 juillet 2021. Le renvoi du dossier de candidature à B______ avait permis à celle-ci, par pur formalisme excessif et sans autorité, de repousser son accréditation et au DT de modifier la réglementation dans l'intervalle. L'OAC avait commis un déni de justice et l'ordre devait lui être donné d'examiner sa candidature sur la base de la réglementation en vigueur avant le 7 juillet 2021. Si la nouvelle réglementation devait être retenue comme applicable, ordre devait être donné à l'OAC ou à B______, par délégation de compétence, de statuer sur sa demande de pouvoir former des machinistes et délivrer les permis sur la base du règlement de B______ en vigueur. L'impartialité de B______ était douteuse, les membres la composant se retrouvant au sein de l'F______. Il était arbitraire de laisser B______ suspendre toutes les demandes d'accréditation au motif de la révision des critères d'accréditation.

Le courrier du 22 mars 2022 devait subsidiairement être qualifié de décision de refus de statuer sur sa demande d'autorisation. Cette décision violait sa liberté économique, aucune base légale ni intérêt public n'autorisant le traitement de faveur de l'F______. Le monopole attribué à ce dernier violait la législation sur le marché intérieur.

22) Par réponse du 9 juin 2022, le DT a conclu à l'irrecevabilité du recours et à son rejet.

Le courrier contesté ne modifiait pas la situation juridique de A______, qui ne niait pas ne pas être affiliée à B______. Le DT n'était pas compétent pour l'affiliation et l'accréditation, seule B______ l'étant. Ni l'affiliation ni l'accréditation n'ayant encore eu lieu au moment du courrier, l'éligibilité de A______ à la délivrance de permis n'était pas encore d'actualité. Le courrier litigieux constituait simplement un courrier informatif et non une décision. Le déni de justice supposait que l'autorité refuse expressément de statuer ou omette tacitement de prendre une décision alors qu'elle était tenue de le faire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Le recours pour déni de justice était également irrecevable. Le règlement de B______ prévoyait expressément que le droit cantonal prévalait. Au vu des griefs relatifs à la restriction de marchés, le TAPI n'était pas compétent, l'exception de la législation sur les procédés de réclame n'étant pas réalisée.

23) Le 24 juin 2022, A______ a persisté dans ses conclusions.

Rien n'empêchait l'OAC d'enjoindre B______ à examiner l'affiliation de A______ sur la base de la réglementation interne en vigueur et non sur celui en devenir.

24) a. Par réponse du 27 juin 2022, B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours et à son rejet.

Le courrier attaqué n'était qu'une simple communication, non sujette à recours. B______ étant une association de droit privé, elle ne pouvait ni commettre de déni de justice, ni violer la liberté économique. A______ n'était pas en mesure de remplir les conditions du règlement de B______ sur les lieux d'examens et l'octroi définitif de l'autorisation d'organiser des formations de machinistes dans le canton de Genève revenait aux autorités cantonales. Le TAPI n'était pas compétent.

b. À l'appui de sa réponse, elle a notamment produit un courriel du 24 septembre 2021 dans lequel elle demandait à A______ de retirer la mention B______ des permis qu'elle délivrait, en raison de plaintes que cette dernière avait reçues à ce sujet.

25) Le 6 juillet 2022, le DT a maintenu sa position.

26) Le 1er septembre 2022, le TAPI a mené une audience de comparution personnelle.

27) Par jugement du 29 septembre 2022, le TAPI a déclaré irrecevable le recours pour déni de justice à l'encontre de B______, a admis celui pour déni de justice contre le DT et lui a renvoyé le dossier pour qu'il prononce une décision formelle d'ici au 30 novembre 2022 sous l'angle de l'ancien droit.

Le recours étant fondé sur la réglementation sur le chantier, le TAPI était compétent. Le courrier du 22 mars 2022 ne faisait qu'informer A______ de sa situation quant à la procédure d'autorisation. La situation juridique de A______ ne serait touchée que par l'éventuel rejet de sa requête d'affiliation et de certification par B______. Il ne s'agissait pas d'une décision.

B______, association de droit privé, n'était pas une autorité à laquelle il pouvait être reproché un déni de justice devant le TAPI, qui n'était dès lors pas compétent.

Le DT n'était pas chargé par les nouvelles dispositions de la réglementation sur les chantiers de prendre des décisions s'agissant de l'affiliation et de la certification auprès d'un organisme reconnu, qui relevaient exclusivement de B______. Il ne pouvait donc prononcer des décisions sur ce point, ni se substituer à un tel organisme faute de base légale pour ce faire. Il n'avait dès lors pas refusé de prononcer une décision alors qu'il était tenu de le faire.

Le nouveau droit ne contenait pas de disposition de droit intertemporel. La délégation à un seul prestataire de droit privé pour l'exercice d'une activité lucrative ne reposait sur aucune base légale. Une décision aurait déjà pu être prise avant la modification de la réglementation sur les chantiers. L'examen de l'autorité s'était prolongé de manière exceptionnelle et disproportionnée, sans faute de A______ qui avait déjà transmis un dossier complet, comme le prouvait son audition par la commission des cours en mars 2021. Les faits déterminants étaient déjà réalisés avant l'entrée en vigueur du nouveau droit. Le DT avait exigé sans base légale que A______ reçoive l'aval de B______. Les déclarations du représentant du DT lors de l'audience soutenaient la thèse de A______, selon laquelle le renvoi du dossier de candidature de A______ à B______ lui avait permis de corriger le défaut de base légale en modifiant dans l'intervalle la réglementation sur les chantiers. Il appartenait au DT de rendre une décision sous l'angle de l'ancien droit. Le TAPI n'était pas compétent pour se prononcer sur le fond. Compte tenu des particularités du cas d'espèce, il relevait néanmoins que, si le dossier avait été traité avec toutes la diligence et les exigences requises, le DT aurait reconnu que A______ respectait les exigences posées sous l'angle de l'ancien droit et que toutes les conditions requises pour l'octroi de l'autorisation de délivrance des permis étaient remplies. Il revenait au DT de prononcer une décision formelle sur la base du dossier de candidature de A______, de son audition par la commission de recours (recte : des cours) et de l'audit interne de B______, le dossier étant complet pour statuer.

28) Par acte du 13 octobre 2022, le DT a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation.

Contraindre le DT à statuer sous l'angle de l'ancien droit tout en affirmant que les conditions requises pour l'octroi de l'autorisation de délivrance des permis étaient réalisées était incohérent. Cela revenait à rendre une décision erronée et dépourvue de fondement, puisque la clause de délégation pour la délivrance des permis ne figurait pas dans l'ancienne réglementation sur les chantiers. On ne voyait pas comment A______ pouvait remplir les conditions d'une délégation inexistante. Même en vertu du nouveau droit, les prérequis, en particulier l'affiliation et la certification par un organisme reconnu, n'étaient pas remplis. Il n'appartenait donc pas au DT de statuer à ce stade sur une éventuelle aptitude de A______ permettant une délégation pour la délivrance du permis de machiniste. Ceci était d'autant plus vrai que A______ n'avait pas entrepris les démarches utiles à remplir ce critère, n'ayant pas fait usage des moyens dont elle disposait pour que l'organisme reconnu donne son aval. Le jugement litigieux contraignait le DT à rendre une décision dépourvue de fondement alors qu'il n'était ni compétent ni tenu de le faire et qu'il ne pourrait pas attaquer par la suite alors même que la sécurité des chantiers était en jeu. Il lui causait un préjudice irréparable. Au surplus, l'évitement d'une procédure probatoire longue et coûteuse était également réalisée puisque la chambre administrative pouvait mettre fin à toute procédure en jugeant que le DT n'avait pas commis de déni de justice.

Le recours devant le TAPI ne concernait que des griefs de violation de la liberté économique et de la législation sur le marché intérieur, et non de violation de la législation sur les chantiers. A______ s'était plainte essentiellement de ne pas avoir encore été accréditée par B______, avec laquelle elle avait un rapport de droit privé, dans le cadre duquel le règlement de cette dernière prévoyait des voies de droit spécifiques. Le TAPI n'était pas compétent.

Même sous l'empire de l'ancienne réglementation, A______ ne remplissait pas l'ensemble des prérequis nécessaires à ce que le DT statue sur sa candidature. Elle n'avait pas fourni les agréments expressément exigés et le dossier fourni à B______ était toujours incomplet quelques semaines encore avant l'entrée en vigueur du nouveau droit. Elle ne disposait pas de site valablement autorisé pour la formation. A______ était pleinement consciente des lacunes de son dossier de candidature. L'exigence de locaux était fondamentale et ne pouvait se limiter à une simple condition accessoire. De plus, il n'y avait pas eu de mise en demeure sous l'ancien régime réglementaire. Il n'y avait pas de déni de justice.

29) Le 1er novembre 2022, A______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, à son rejet et à la condamnation du DT aux dépens.

Le DT devait rendre une décision sous l'angle de l'ancienne réglementation sur les chantiers selon le résultat de son audition par la commission des cours. Aucune base légale, sous l'ancien droit, ne prévoyait un quelconque examen par B______, le règlement de cette dernière réservant au contraire les dispositions cantonales de droit public. Le centre d'examen, dans les locaux de sa succursale, avait été validé par le DT le 1er décembre 2021, l'autorisation de construire ayant formalisé l'affectation. Le DT ne risquait pas de rendre de décision erronée, ayant déjà validé dans les faits la candidature de A______, qui lui avait présenté un dossier complet. Il n'y avait pas de préjudice irréparable.

30) Par réponse du 2 novembre 2022, B______ a repris ses explications précédentes, persistant dans sa position.

31) Le 4 novembre 2022, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) a. Constitue une décision finale au sens de l'art. 90 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) celle qui met un point final à la procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt l'affaire en raison d'un motif tiré des règles de la procédure (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n. 2.2.4.2) ; est en revanche une décision incidente (art. 4 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) celle qui est prise pendant le cours de la procédure et qui ne représente qu'une étape vers la décision finale (ATA/990/2022 du 4 octobre 2022 consid. 2b ; ATA/1124/2020 du 10 novembre 2020 consid 2b).

b. Le prononcé par lequel une autorité renvoie la cause à l'autorité inférieure pour qu'elle rende une nouvelle décision constitue en principe une décision incidente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_233/2019 du 29 août 2019 consid. 1.2.1 et les références citées). Il s'agit en effet d'une simple étape avant la décision finale qui doit mettre un terme à la procédure. Une décision de renvoi revêt en revanche le caractère d'une décision finale lorsque le renvoi a lieu uniquement en vue de son exécution par l'autorité inférieure sans que celle-ci ne dispose encore d'une liberté d'appréciation notable (ATF 135 V 141 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_194/2018 du 1er octobre 2018 consid. 1.2 ; ATA/990/2022 précité consid. 2b ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 361 s.).

Les développements ci-dessus sont également applicables aux notions de décision finale et de décision incidente au sens de la LPA (ATA/990/2022 précité consid. 2b ; ATA/974/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2b).

c. En l'espèce, le TAPI a certes considéré que si le dossier avait été traité avec toutes la diligence et les exigences requises, le DT aurait reconnu que A______ respectait les exigences posées sous l'angle de l'ancien droit et que toutes les conditions requises pour l'octroi de l'autorisation de délivrance des permis étaient remplies. Néanmoins, dans le jugement litigieux, l'instance précédente n'a pas examiné la réalisation des conditions de l'ancien droit et a reconnu elle-même ne pas être compétente pour se prononcer sur le fond. Le jugement attaqué laisse par conséquent une marge de manœuvre à l'autorité recourante, qui est uniquement contrainte de rendre une décision formelle sous l'angle de l'ancien droit.

Par conséquent, le jugement litigieux doit être qualifié de décision incidente, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

3) Le recours a été interjeté dans le délai de dix jours applicable pour la contestation des décisions incidentes (art. 62 al. 1 let. b LPA).

4) a. Les décisions incidentes sont susceptibles de recours, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

b. L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b LTF. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1).

La jurisprudence admet notamment qu'il peut résulter un préjudice irréparable, au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, pour un service cantonal qui doit se soumettre aux injonctions du Tribunal cantonal ; si elle ne pouvait attaquer la décision de renvoi, l'autorité concernée serait contrainte de prendre une nouvelle décision qu'elle considère comme fausse et qu'elle ne pourrait plus contester par la suite (ATF 134 II 124 consid. 1.3; 133 V 477 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_266/2021 du 9 août 2022 consid. 3.1 ; Bernard CORBOZ, Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n. 17a ad art. 93 LTF).  

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que
l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/ Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ;  ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

c. En l'espèce, l'autorité recourante affirme que le jugement de renvoi lui causerait un préjudice irréparable puisqu'il la contraindrait à rendre une décision dépourvue de fondement alors qu'elle ne serait ni compétente ni tenue de le faire et qu'elle ne pourrait ensuite pas attaquer alors que la sécurité des chantiers était clairement en jeu.

Ainsi, d'une part, l'autorité recourante considère comme fausse la nouvelle décision que le jugement attaqué la contraint à rendre. D'autre part, si elle devait la rendre, elle ne pourrait plus la contester par la suite.

Les conditions jurisprudentielles sont dès lors remplies et la décision de renvoi expose l'autorité recourante à un préjudice irréparable, de sorte que son recours est recevable.

5) Le recours porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI admettant le recours pour déni de justice de A______ contre le DT et renvoyant le dossier à ce dernier pour prononcer une décision formelle sous l'angle de l'ancienne réglementation.

6) L'autorité recourante affirme que le TAPI n'était pas compétent pour connaître du recours de la société intimée.

a. Le TAPI est l’autorité inférieure de recours dans les domaines relevant du droit public, pour lesquels la loi le prévoit (art. 116 al. 1 LOJ). Toute décision prise par le département en application de loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ou des règlements prévus à l’art. 151 LCI peut être déférée au TAPI (art. 145 al. 1 LCI). Le Conseil d’État fixe par règlements les dispositions relatives à la sécurité et à la prévention des accidents sur les chantiers (art. 151 let. d LCI). La prévention des accidents sur les chantiers et les mesures à prendre pour assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs, ainsi que la sécurité du public, des ouvrages et de leurs abords sont réglées par les dispositions du règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03).

b. En l'espèce, l'autorité recourante affirme que le recours devant le TAPI ne se fondait pas sur le RChant, de sorte que l'instance précédente n'aurait pas été compétente.

Néanmoins, si la société intimée a effectivement soulevé devant le TAPI une violation de sa liberté économique et de la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02), son recours pour déni de justice avait pour objet le refus de l'autorité recourante de statuer sur sa demande formulée en application du RChant.

Le TAPI était par conséquent fondé à reconnaître sa compétence pour connaître du recours pour déni de justice. Le grief sera écarté.

7) L'autorité recourante nie l'existence d'un déni de justice.

a. Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA). Toutefois, lorsque l’autorité compétente refuse expressément de rendre une décision, les règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) imposent que le recours soit interjeté dans le délai légal, sous réserve éventuelle d’une fausse indication quant audit délai (ATA/939/2021 du
14 septembre 2021 consid. 3a ; ATA/1722/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2b et les références citées).

b. Pour pouvoir se plaindre de l’inaction de l’autorité, encore faut-il que l’administré ait effectué toutes les démarches adéquates en vue de l’obtention de la décision qu’il sollicite (ATA/699/2021 du 2 juillet 2021 consid. 9b ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d). Les conclusions en déni de justice sont irrecevables lorsque le recourant n’a pas procédé à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (ATA/1210/2018 du 13 novembre 2018 consid. 5c et 6).

c. Une autorité qui n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1).

En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer (ATA/939/2021 précité
consid. 3c ; ATA/699/2021 précité consid. 9c ; ATA/595/2017 du 23 mai 2017 consid. 6c). En effet, conformément à l’art. 69 al. 4 LPA, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (ATA/373/2020 du 16 avril 2020 consid. 6a).

d. La reconnaissance d’un refus de statuer ne peut être admise que si l’autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60
consid. 3.1.2 ; ATA/939/2021 précité consid. 3d ; ATA/7/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3b).

8) a. La conduite des engins à moteur divers suivants est subordonnée à la possession d’un permis : élévateurs de tous genres avec moteur notamment nacelles élévatrices, bétonnières de plus de 180 l avec treuil, grues de camion (grues de déchargement), ascenseurs provisoires, treuils et monte-charge, engins de compactage, notamment rouleaux compresseurs de plus de 2 t avec siège de conduite et chariots à moteurs d’une contenance d’un demi-mètre cube et plus, notamment dumpers et brouettes à chenilles (chenillard ; art. 233 RChant, dans son état avant la modification du 7 juillet 2021, entrée en vigueur le 14 juillet 2021).

Les conditions d’octroi d’un permis de machiniste sont les suivantes : participation régulière aux cours spéciaux et réussite des examens théoriques (art. 235 al. 1 let. a RChant, dans son état avant la modification du 7 juillet 2021, entrée en vigueur le 14 juillet 2021). La DIC perçoit, au moment du dépôt du dossier de candidature, un émolument de : CHF 80.- pour l'octroi d'un permis de machiniste, si le candidat est au bénéfice d'un diplôme reconnu par la DIC (let. a), CHF 115.- pour l'octroi d'un permis de machiniste, si le candidat n'est pas au bénéfice d'un diplôme reconnu par la DIC (let. b ; art. 235 al. 2 RChant, dans son état avant la modification du 7 juillet 2021, entrée en vigueur le 14 juillet 2021).

b. La conduite des engins à moteur suivants est subordonnée à la possession d’un permis, notamment : treuils, monte-charges, monte-personnes, chargeuses, tout type de pelles, répandeuse finisseur, tout rouleau, toute grue, nacelles, centrale à béton, dumpers (art. 233 RChant, dans son état depuis le 14 juillet 2021).

Sur délégation de la DIC, un ou des instituts externes sont chargés de délivrer les permis et de percevoir les émoluments y relatifs pour son ou leur propre compte (art. 235 al. 1 RChant, dans son état depuis le 14 juillet 2021). Pour être éligibles à cette délégation, le ou les instituts externes concernés doivent être affiliés et certifiés à un organisme reconnu par le département en matière de formation de conductrices ou conducteurs d’engins et de machines de chantier (let. a), être en mesure de délivrer des permis spéciaux (M1SO ; let. b) et tenir à disposition du département une base de données relative aux permis délivrés (let. c ; art 235 al. 2 RChant, dans son état depuis le 14 juillet 2021).

c. Les art. 236 et 237 RChant n'ont pas été modifiés en juillet 2021.

Les cours spéciaux que doivent suivre les candidats à un titre de capacité sont organisés par une commission consultative présidée par le chef ou un représentant du département et composée d'un représentant du département, d'un expert spécialisé désigné par le département, d'un représentant de l’institution chargée des cours, de quatre délégués patronaux et de quatre délégués ouvriers (art. 236
al. 1 RChant). Cette commission se réunit avant la période des cours et se prononce sur leur organisation générale (art. 236 al. 2 RChant). La commission des cours est secondée par une sous-commission composée du représentant du département, du représentant de l’institution chargée des cours, de l’expert spécialiste, d’un délégué patronal pris dans la commission, d’un délégué ouvrier pris dans la commission (art. 237 al. 1 RChant). Cette sous-commission est présidée par le représentant du département. Elle établit le programme des cours, en fixe les modalités d’application et tranche les cas d’espèce (art. 237 al. 2 RChant). Elle peut proposer d’accorder l’équivalence partielle ou totale à d’autres titres de capacité (art. 237 al. 3 RChant).

9) Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu'un changement de droit intervient au cours d'une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l'angle du nouveau ou de l'ancien droit se pose. En l'absence de dispositions transitoires, s'il s'agit de tirer les conséquences juridiques d'un événement passé constituant le fondement de la naissance d'un droit ou d'une obligation, le droit applicable est celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATA/918/2018 du 11 septembre 2018 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 403 ss).

En ce qui concerne les autorisations faisant suite à une requête, le droit applicable est en principe celui qui est en vigueur au moment où la décision est prise : dès lors que cette décision vise à régler un comportement futur, il n’y a pas de raison, en tout cas sous l’angle de l’intérêt public, de ne pas appliquer le droit en vigueur au moment où la légalité de ce comportement se pose (ATF 139 II 243, consid. 11 ; 139 II 263 consid. 6 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 410).

Il faut néanmoins réserver l’application du principe de la bonne foi, lorsque l’autorité retarde volontairement l’instruction d’un dossier ou lorsque cette instruction, sans la faute de l’administré, prend plus de temps qu’il ne serait raisonnablement nécessaire. Dans ce cas, si l’ancien droit, en vigueur au moment du dépôt de la demande, est plus favorable à l’administré, il devra être appliqué (ATF 139 II 263 consid. 8.2), à moins que l’ordre public ou un motif d’intérêt public très important n’impose l’application de la nouvelle règle (ATF 119 Ib 174 consid.3 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 411).

L’autorité ne peut pas non plus retarder indûment sa décision afin de mettre elle-même sur pied de nouvelles dispositions légales ou réglementaires. Un tel comportement doit être qualifié de contraire à la bonne foi et peut être constitutif d’un abus de droit et d’un déni de justice. L’administré pourra alors demander l’application de l’ancien droit à sa cause, sous réserve de l’existence d’un intérêt public prépondérant imposant une application de la nouvelle loi (Milena PIREK, L'application du droit public dans le temps : la question du changement de loi, 2018, n. 752 p. 324 s.).

10) En l'espèce, le TAPI a considéré que l'autorité recourante devait prononcer une décision, sur la base de l'ancien droit, ce que conteste l'autorité recourante, qui nie l'existence d'un déni de justice.

Il ressort du dossier que la société intimée a demandé l'autorisation de former des machinistes dans le canton de Genève pour la première fois le 6 avril 2019, demande qu'elle a ensuite réitérée ou dans laquelle elle a persisté à pas moins de cinq reprises, pour finalement mettre le DT en demeure de rendre une décision formelle d'ici au 30 mars 2022, en vain.

La société intimée a par conséquent effectué toutes les démarches adéquates en vue de l'obtention de la décision sollicitée et a procédé à la mise en demeure requise par l'art. 4 al. 4 LPA.

À noter qu'à teneur du dossier, la demande de la société intimée porte sur deux volets : la reconnaissance comme centre de formation de machinistes et l'habilitation à délivrer le permis de machiniste.

Reste à examiner si la société intimée a droit à une décision sur ces deux aspects.

S'agissant du premier aspect, l'art. 236 RChant, qui n'a pas changé, prévoit que les candidats doivent suivre des cours spéciaux et que ces cours sont organisés par une commission consultative, la commission des cours. Il résulte en outre de cet article qu'une institution externe à l'État est chargée des cours, car la commission des cours comprend « un représentant de l'institution chargée des cours ». Or, la société intimée a demandé à être reconnue comme institution chargée de cours et a donc le droit, au vu de ces dispositions, à ce que sa demande soit tranchée sur la base du dossier qu'elle a fourni. À cet égard, il sera au surplus relevé que l'ancien art. 235 al. 2 let. a et b RChant distingue, pour l'émolument, entre les diplômes reconnus et non reconnus pour la délivrance du permis de machiniste.

Quant au second volet de la demande de la société intimée, la nouvelle réglementation sur les chantiers prévoit la délégation de la délivrance des permis à un ou des instituts externes, pratique qui existait déjà sous l'ancienne réglementation, en dépit du texte réglementaire qui attribuait la compétence à la DIC. Là encore, la société intimée ayant déposé une demande de délégation, elle a, au vu de ce qui précède, le droit à ce qu'elle soit tranchée sur la base du dossier qu'elle a transmis.

Les questions de savoir si l'ancienne ou la nouvelle réglementation est applicable ou encore si la société intimée a reçu ou non la certification d'un organisme reconnu, ce qui relève de l'examen de la réalisation des conditions de délégation, ne sont pas pertinentes pour déterminer si l'autorité recourante devait et doit rendre une décision, puisqu'il s'agit déjà de l'examen au fond du litige, qui n'a pas à être analysé dans un recours pour déni de justice.

Au vu de ce qui précède, l'autorité recourante ne pouvait refuser de trancher les demandes de la société intimée en s'appuyant sur l'absence de certification de B______. Mise en demeure, elle devait rendre une décision tant sur la reconnaissance comme centre de formation de machinistes que sur la délégation de délivrance des permis de machiniste, sur la base du dossier de candidature fourni par la société intimée. Le TAPI était par conséquent fondé à constater le déni de justice et renvoyer le dossier à l'autorité recourante pour qu'elle statue. Il a cependant outrepassé l'objet du litige en ordonnant à l'autorité recourante d'appliquer l'ancien droit, puisqu'il ne lui revenait pas de trancher le fond, ce qui inclut le droit applicable.

Dans ces circonstances, le recours sera partiellement admis. Le jugement du TAPI sera annulé en tant qu'il impose l'application de l'ancienne réglementation sur les chantiers pour le prononcé de la décision de l'autorité recourante. Il sera pour le reste confirmé et le dossier sera donc renvoyé à l'autorité recourante pour décision tant sur la reconnaissance de la société intimée comme centre de formation de machinistes que sur la délégation en sa faveur du pouvoir de délivrer des permis de machiniste, à charge de l'autorité recourante de déterminer les conditions, ce qui présuppose de déterminer le droit applicable, et d'examiner leur réalisation.

11) Vu l'issue du litige et B______ n'ayant pas pris de conclusions formelles devant la chambre de céans, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à A______, qui obtient partiellement gain de cause, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 octobre 2022 par le département du territoire contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 septembre 2022 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 septembre 2022 en tant qu'il impose l'application de l'ancienne réglementation sur les chantiers pour le prononcé de la décision du département du territoire ;

le confirme pour le surplus ;

renvoie le dossier au département du territoire pour décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à A______, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au département du territoire, à Me Christian D'Orlando, avocat de la société intimée, à B______ ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

 

 

la greffière :