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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3850/2021

ATA/949/2022 du 20.09.2022 sur JTAPI/314/2022 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3850/2021-LCI ATA/949/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 septembre 2022

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pascal Aeby, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mars 2022 (JTAPI/314/2022)


EN FAIT

1) Feue Mme B______ était propriétaire de la parcelle n° 7’041 de la commune de C______ (ci-après : la commune), située pour partie en zone agricole et pour partie en zone 4B protégée, au ______-______, route D______.

Deux habitations d'un logement sont cadastrées sur cette parcelle, la première d'une surface totale de 272 m2 et la seconde d'une surface totale de 315 m2.

2) Mme E______ est la seule héritière de Mme B______, qui est décédée le ______ 2020.

3) Le 20 juillet 2021, le département du territoire (ci-après : DT) a rendu à l’attention de la commission foncière agricole (ci-après : CFA) une décision de constatation no 1______ dans le cadre d'une procédure de non assujettissement à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11) de la parcelle n° 7’041 précitée.

Neuf constructions ou installations se trouvaient sur sa partie en zone agricole, soit notamment :

- une clôture en métal de 40 m située à l'ouest de la parcelle (objet C) qui n'avait pas été autorisée ni n'était datée par la propriétaire ; la date de sa construction n'était pas vérifiable et les photos aériennes historiques étaient imprécises ;

- un bassin japonais de 100 m2 situé au sud de la parcelle (objet E) qui n'avait pas été autorisé ni n'était daté par la propriétaire ; il était visible sur la photographie aérienne de 1983 ;

- un revêtement de sol en pierre de 20 m2 situé au centre de la parcelle (objet F) qui n'avait pas été autorisé ni n'était daté par la propriétaire ; il était visible sur la photographie aérienne de 1963 ;

- un revêtement de sol en bitume de 100 m2 situé à l'est de la parcelle (objet I) qui n'avait pas été autorisé ni n'était daté par la propriétaire ; il était visible sur la photographie aérienne de 1963 ;

- une clôture périphérique de 180 m située en limites sud et ouest de la parcelle (objet J) qui n'avait pas été autorisée ni n'était datée par la propriétaire ; la date de construction n'était pas vérifiable et les photographies aériennes étaient imprécises ;

- un muret en pierre de 125 m situé en limite est de la parcelle (objet K) qui n'avait pas été autorisé ni n'était daté par la propriétaire ; la date de construction n'était pas vérifiable et les photographies aériennes historiques étaient imprécises.

4) Par courrier du 30 juillet 2021, le DT a informé l'hoirie de feue Mme B______ que les objets C, E, F, l, J et K mentionnés dans sa décision de constatation du 20 juillet 2021 avaient été réalisés sans autorisation et que cette situation était susceptible de constituer une infraction au sens de l'art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

5) Le 25 août 2021, Mme E______ a déposé des observations.

6) Le 7 septembre 2021, la CFA a prononcé le désassujettissement de la parcelle à la LDFR, attendu qu’elle n’était plus appropriée à l’agriculture.

7) Par décision du 8 octobre 2021, le DT a informé Mme E______ qu'il renonçait à exiger la suppression des objets C, J et K dès lors que ceux-ci étaient potentiellement fixés sur des installations visibles sur la photo historique de 1932, tout en précisant que cette tolérance n'avait pas pour effet de légaliser leur présence.

Les objets E, F et I ne pouvaient être maintenus en l'état étant précisé que le dépôt d'une autorisation de construire était superfétatoire, compte tenu de la situation de la parcelle hors zone à bâtir.

Mme E______ se voyait ordonner de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de soixante jours en procédant à :

- la suppression du bassin japonais (objet E), situé au sud de la parcelle ;

- la suppression et l'évacuation du revêtement de sol (objet F), situé au centre de la parcelle ;

- la suppression et l'évacuation du revêtement de sol (objet I), situé à l'est de la parcelle ;

- la remise en état du terrain naturel.

Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devrait être remis dans le même délai.

8) Le 9 novembre 2021, Mme E______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l'encontre de cette décision, concluant à son annulation et à ce que soient autorisés le maintien du bassin japonais (objet E) et des revêtements au sol (objets F et I).

Depuis 1932 déjà, la parcelle n° 7’041 comprenait une maison de maître, une dépendance et un grand jardin d'agrément dans lequel étaient érigées plusieurs constructions et/ou installations, soit notamment un potager en maçonnerie (objet A), un chemin en pierre (objet B), un chemin en béton (objet D) et les objets C, E, F, I, J et K. La configuration de la parcelle n'avait pas été modifiée en près de nonante ans.

Si la parcelle était partiellement sise en zone agricole et en zone 4B protégée, depuis 1932 elle n'avait jamais constitué une surface d'assolement ; elle avait au contraire toujours été occupée par la maison de maître, la dépendance et le grand jardin d'agrément. Elle n'était en outre plus appropriée à un usage agricole au sens de l'art. 6 al. 1 LDFR, vu son usage non agricole depuis au moins nonante ans et l'utilisation qui en était faite n'était pas incompatible avec la législation applicable en matière d'aménagement du territoire. La CFA avait ainsi prononcé son désassujettissement à la LDFR le 7 septembre 2021.

La reconstitution de l'historique de la création des objets litigieux E, F et I était possible via des photographies aériennes officielles, prises à intervalles irréguliers, qu'elle versait à la procédure. L'objet I existait sur la parcelle depuis 1932. Des modifications mineures avaient été apportées avant 1946 et il était ensuite demeuré en l'état jusqu'à ce jour, soit depuis près de septante ans. L'objet F, en vieilles pierres, existait vraisemblablement sur la parcelle déjà en 1932. Une photographie aérienne attestait à tout le moins sa présence depuis l'année 1954. En 1932, un terrain de tennis occupait l'emplacement actuel de l'objet E. Cet emplacement n'avait ainsi pas été affecté à l'agriculture ni à une surface d'assolement depuis pratiquement nonante ans. Entre 1972 et 1983, le terrain de tennis avait été remplacé par un bassin japonais. Il s'agissait de petites constructions ou installations qui s'inséraient harmonieusement dans le jardin d'agrément, qui avaient été régulièrement et soigneusement entretenues et qui étaient utilisées conformément à leur destination.

La décision querellée était disproportionnée dans la mesure où le DT requérait non seulement la suppression de toutes les constructions et installations mais également la remise en état du terrain naturel afin que leurs emplacements soient à nouveau aptes à être exploités pour l'agriculture. Or, la parcelle n'était plus appropriée à un usage agricole, n'était pas une surface d'assolement depuis 1932 à tout le moins et avait été désassujettie à la LDFR. Dans ces conditions, même en cas de suppression des objets E, F et I, leurs emplacements ne seraient jamais utilisés à des fins agricoles. La suppression ne remplirait ainsi ni l'exigence d'aptitude ni celle de nécessité car elle ne répondrait à aucun intérêt public. Cette dernière et la remise en état du terrain naturel lui causeraient en outre un dommage important, tant en raison de la perte des objets litigieux que du coût des travaux requis, alors qu'elle était de parfaite bonne foi et qu'elle n'était qu'une simple perturbatrice par situation.

La décision querellée violait également le principe de la garantie de la situation acquise (art. 24c al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700) loi fédérale sur l'aménagement du territoire). Déjà présente sur la parcelle à tout le moins depuis l'année 1954, respectivement 1946, la construction des objets F et I était conforme au droit fédéral. De plus, ils restaient à ce jour utilisables conformément à leur destination car il s'agissait de revêtements de sols. En ce qui concernait l'objet E, le remplacement du terrain de tennis par le bassin japonais avait vraisemblablement eu lieu entre les années 1970 et 1980, soit potentiellement avant 1972 déjà, la photographie aérienne de 1972 étant peu précise. En conséquence, sa construction serait conforme au droit fédéral et il restait en outre entretenu et utilisable conformément à sa destination.

Le principe de la proportionnalité exigeait que les objets E, F et I soient mis au bénéfice du principe de la garantie de la situation acquise, au besoin par le truchement de l'allègement du fardeau de la preuve prévu par la jurisprudence. Il exigeait également que les constructions litigieuses qui étaient présentes sur la parcelle depuis plusieurs dizaines d'années (soit environ cinquante, septante, quatre-vingt ou nonante ans) soient maintenues, quand bien même le Tribunal fédéral avait récemment considéré que le délai de péremption de trente ans ne devait en principe pas s'appliquer à la remise en état hors zone à bâtir.

Un chargé de pièces comprenant notamment des photographies aériennes de la parcelle en 1932, 1946, 1976, 1983 et 2020 était joint.

9) Le 14 janvier 2022, le DT a conclu au rejet du recours.

Mme E______ ne contestait pas que les objets E, F et I étaient soumis à autorisation de construire et qu'ils n'étaient pas conformes aux normes applicables à la zone agricole. Elle soutenait cependant qu'ils tombaient dans le champ d'application de l'art. 24c al. 1 LAT. Or, en l'espèce, malgré ses recherches, il n'avait trouvé aucune autorisation de construire qui aurait été délivrée pour ces objets dans ses archives. La présence des objets F et I sur les photographies historiques de 1963, voire 1954, ne permettait pas de présumer qu'ils avaient été érigés légalement, l'absence d'autorisation de construire dans les archives tendant au contraire à démontrer qu'ils l'avaient été de manière illicite. Ils ne tombaient dès lors pas dans le champ d'application de l'art. 24c al. 1 LAT. Quant à l'objet E, il était visible sur la photographie aérienne de 1983 soit postérieurement à l'année de référence (1972) retenue par la jurisprudence. Par ailleurs, le terrain de tennis qu'il aurait remplacé, selon la recourante, était encore visible sur la photographie aérienne de 1972 que Mme E______ produisait. Manifestement érigé après 1972, cet objet ne pouvait donc pas bénéficier de la garantie accordée par l'art. 24c al. 1 LAT. Faute pour les objets E, F et I de pouvoir bénéficier de la garantie de la situation acquise, l'ordre de remise en état prononcé était dès lors bien-fondé.

Mme E______ considérait que l'ordre prononcé ne respectait ni les critères de l'aptitude et de la nécessité, ni le principe de la proportionnalité au sens étroit. Or, les dérogations aux règles applicables en matière de police des constructions ainsi qu'à l'aménagement du territoire, plus précisément au principe de séparation de l'espace bâti et non bâti étaient majeures. L'intérêt public visé par ce principe était en outre prépondérant et de rang constitutionnel. Son application stricte justifiait dès lors pleinement les éventuels dommages subis par Mme E______, dont l'importance n'était d'ailleurs pas démontrée. Le désassujettissement de la parcelle en question à la LDFR ne changeait rien au fait qu'elle demeurait affectée à la zone agricole et, partant, aux prescriptions applicables à cette zone et le fait que la décision fasse référence, dans une note de bas de page, aux surfaces d'assolement n'avait qu'une valeur indicative qui visait à illustrer les critères d'aptitudes d'un sol naturel. Pour le surplus, on ne voyait pas quelle autre mesure moins incisive aurait en l'occurrence permis d'atteindre le but de protection poursuivi par le principe constitutionnel de la séparation du bâti et du non-bâti et des autres intérêts publics. Il avait enfin été tenu compte de sa qualité de perturbatrice par situation puisqu'il ne lui avait été infligé aucune amende, étant rappelé que selon la jurisprudence il était parfaitement légitimé à notifier l'ordre querellé à Mme E______ alors même que la construction illicite était imputable à la précédente propriétaire des lieux.

Le délai de péremption de trente ans ne pouvait faire obstacle à l'ordre de rétablir une situation conforme querellé, au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

10) Le 7 février 2022 Mme E______ a répliqué, persistant dans ses arguments et conclusions.

L'ordre du DT visant à la remise en état du terrain naturel afin d'être « à nouveau [apte] à être [exploité] pour l'agriculture » ne trouvait aucune justification et n'était par conséquent gouverné par aucun intérêt public suffisant. Les dérogations au principe de séparation entre espace bâti et non bâti étaient mineures et, du fait de l'écoulement du temps, l'intérêt public à la remise en état de la parcelle s'était estompé de sorte que l'intervention du DT était disproportionnée. Quand bien même la jurisprudence considérait que le délai de péremption de trente ans ne devrait en principe plus s'appliquer à la remise en état hors zone à bâtir, il n'en conférait pas pour autant un sauf-conduit aux autorités de faire abstraction de l'analyse du principe constitutionnel de la proportionnalité.

11) Le 25 février 2022, le DT a dupliqué et persisté dans ses conclusions.

12) Par jugement du 31 mars 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Les conditions nécessaires à la validité d’un ordre de mise en conformité étaient réalisées. La prescription trentenaire ne s’appliquait plus à la zone agricole. Le désassujettissement de la parcelle à la LDFR ne changeait rien au fait qu’elle demeurait affectée à la zone agricole. L’intérêt privé de la recourante relevait essentiellement de la convenance personnelle et celle-ci ne soutenait pas que la remise en état entraînerait des coûts disproportionnés. L’intérêt public à la séparation du bâti et du non bâti et à la limitation des constructions en zone agricole, tout particulièrement à Genève, était certain et devait primer sur celui des particuliers.

13) Par acte déposé au greffe le 13 mai 2022, Mme E______ a recouru auprès de la chambre administrative de la cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’annulation de la décision du DT du 8 octobre 2021, et à ce que soit autorisé le maintien des objets E, F et I sur la parcelle.

Mme E______ serait substituée par M. A______, auquel elle avait vendu la propriété héritée de sa sœur, dès que celui-ci serait inscrit au registre foncier.

Le principe de l’aptitude, inhérent au principe de proportionnalité, avait été violé. La finalité de la parcelle n’était incontestablement pas agricole. Celle-ci ne serait plus jamais affectée à un usage agricole et ne constituerait jamais une surface d’assolement. Le mesure ne pouvait atteindre son but.

Le principe de proportionnalité au sens étroit avait également été violé. Les dérogations à la règle avaient été effectuées des générations auparavant et étaient mineures. Elles n’avaient pas de conséquences sur les intérêts publics mentionnés. L’intérêt de Mme E______ ne relevait aucunement de sa convenance personnelle. Elle avait acquis de bonne foi la parcelle par succession, comme sa sœur avant elle. M. A______ et elle-même se pensaient de bonne foi dans une situation conforme au droit.

L’arrêt du Tribunal fédéral supprimant la prescription trentenaire en zone agricole portait sur des surfaces cultivées en 1972 encore. Or, en l’espèce, les installations dataient de cinquante, septante et nonante ans. L’application de la nouvelle jurisprudence conduisait à un résultat choquant et violait également le principe de proportionnalité.

14) Le 14 juin 2022, le DT a conclu au rejet du recours.

15) Le 14 juillet 2022, Mme E______ a persisté dans ses conclusions.

Le principe de la prescription trentenaire serait probablement bientôt rétabli.

16) Le 8 août 2022, Mme E______ a indiqué que M. A______ avait été inscrit en qualité de propriétaire de la parcelle au registre foncier.

17) Le 10 août 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) M. A______ a succédé à Mme E______ en qualité de recourant durant la procédure devant la chambre de céans. Il en sera pris acte.

3) Le recours porte sur la conformité au droit de la décision du DT du 8 octobre 2021 ordonnant la suppression du bassin japonais (objet E) situé au sud de la parcelle, la suppression et l'évacuation du revêtement de sol (objet F) situé au centre de la parcelle, la suppression et l'évacuation du revêtement de sol (objet l) situé à l'est de la parcelle et la remise en état du terrain naturel.

4) a. En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l'espèce.

b. Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

5) a. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 1 et al. 2 let. a LAT).

Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail, ni modifier la configuration du terrain (art. 1 al. 1 let. a et
d LCI).

b. Selon l’art. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01), sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires, soit notamment : les maisons destinées à l’habitation, au commerce, à l’industrie ou à l’agriculture (let. a), les murs, clôtures, portails, poulaillers, clapiers, chenils (let. b), les garages et ateliers de réparations, les entrepôts, les dépôts de tous genres (let. c), les ascenseurs et monte-charges, les installations de chauffage, de distribution d’eau, de gaz ou d’électricité et les antennes électromagnétiques (let. d), les installations extérieures destinées à l’exploitation d’une industrie ou à l’extraction de matières premières (let. e) et les installations de stockage d’hydrocarbures et liquides assimilés (let. f).

Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; 123 II 256 consid. 3 ; 119 Ib 222 consid. 3a). La procédure d'autorisation doit permettre à l'autorité de contrôler, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et aux diverses réglementations applicables. Pour déterminer si l'aménagement prévu est soumis à cette procédure, il faut évaluer si, en général, d'après le cours ordinaire des choses, cet aménagement entraînera des conséquences telles qu'il existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un contrôle préalable (ATF 139 II 134 consid. 5.2 ; 123 II 256 consid. 3 ; 119 Ib 222 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_50/2020 du 8 octobre 2020 consid. 6.1).

c. Lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le DT peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le DT en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le DT notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel. Il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101 ; Message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 2010 964 ch. 1.2.1 et 973 ch. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_176/2016 du 10 mai 2017 consid. 7.1 et 1C_109/2014 du 4 mars 2015 consid. 6.5 ; RUDOLF MUGGLI, Commentaire pratique LAT : construire hors zone à bâtir, 2017, n. 1 et 16 ad remarques préliminaires relatives aux art. 24 à 24e et 37a LAT ; Bernhard WALDMANN/Peter HÄNNI, Handkommentar RPG, 2006, n. 14 ad art. 1 LAT ; Jean-Michel BRAHIER/Pierre PERRITAZ, LAT révisée, dézonage et indemnisation des propriétaires, 2015, p. 74). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte (ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c publié in ZBl 2002 p. 364). Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé. S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (ATF 132 II 21 consid. 6.4 ; 111 Ib 213 consid. 6b ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.301/2000 précité consid. 6c in ZBl 2002 p. 364) ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_276/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.3). C'est pourquoi, en règle générale, les constructions érigées sans droit en zone agricole doivent être supprimées, à moins que - à titre exceptionnel - l'écart constaté par rapport à ce qu'admet le droit se révèle mineur et qu'une remise en état ne soit pas dans l'intérêt public. La jurisprudence réserve encore les situations dans lesquelles le bénéficiaire de l'autorisation de construire frappée de nullité pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_508/2018 du 15 juillet 2019 consid. 2.1 ; ATF 136 II 359 consid. 6 ; 132 II 21 consid. 6).

d. De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions cumulatives :

- l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux, sauf en zone agricole, où la prescription ne court pas (arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2019 du 28 avril 2021 consid. 4 et 5) ;

- l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/330/2021 du 16 mars 2021 consid. 3c et les références citées).

e. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Les critères de l'aptitude et de la subsidiarité sont particulièrement concernés lorsqu'un ordre de démolition pur et simple est envisagé. Ils impliquent en effet de déterminer si une – ou plusieurs – autres mesures administratives pourraient être préférées, le cas échéant en combinaison.

La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Le postulat selon lequel le respect du principe de la proportionnalité s'impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l'idée que le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites », in Jean-Baptiste ZUFFEREY [éd.], Journées suisses du droit de la construction 2019, p. 218).

Donner de l'importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C'est pourquoi il n'est habituellement pas accordé de poids particulier à l'aspect financier de la remise en état (Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

Dans la règle, l’intérêt public majeur à la préservation des zones agricoles et la distinction fondamentale entre espace bâti et non-bâti l’emporte (arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.4.2 confirmant l'ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_233/2014 du 23 février 2015 consid. 4).

6) a. En l’espèce, il n’est pas contesté que la parcelle se trouve partiellement en zone agricole, que les objets E, F et I sont des constructions ou installations au sens des art. 22 al. 1 LAT et 1 RCI, que leur construction nécessitait des autorisations au sens des art. 22 al. 1 LAT et 1 LCI et que ces autorisations n’ont été ni obtenues ni même demandées, et qu’elles n’auraient en toute hypothèse pu être délivrées.

b. Le recourant se plaint de ce que l’ordre de remise en état serait inapte à atteindre son but, la parcelle étant définitivement soustraite à l’agriculture.

Il ne saurait être suivi. La décision de désassujettissement prononcée par la CFA le 7 septembre 2021 et le constat qu’elle n’était plus appropriée à l’agriculture ne change rien au fait que la parcelle se trouve actuellement en zone agricole pour la partie occupée par les trois constructions litigieuses. La décision est donc apte à atteindre son but, soit obtenir le respect de la séparation du bâti et du non-bâti en zone agricole.

c. Le recourant se plaint de la violation du principe de proportionnalité au sens étroit. Les dérogations à la règle seraient mineures et l’intérêt public insuffisant pour justifier le dommage que la démolition lui causerait.

Ainsi que l’a justement relevé le DT, les installations visées ont été construites en zone agricole sans autorisation, soit de manière illégale, et leur construction ne pouvait être autorisée, ce qui ne saurait constituer en conséquence une dérogation mineure à la règle.

Le recourant, qui fait grand cas de l’ancienneté des aménagements, reconnaît que les trois objets du litige ont pu connaître des modifications jusque dans les années 1980 au plus tard. Il ne conteste par ailleurs pas l’importance de l’intérêt public à la séparation du bâti et du non bâti en zone agricole. Dans une espèce récente, la chambre de céans a indiqué qu’il importait peu que les bâtiments existants sur une parcelle n'auraient, depuis plus de trente ans, aucune affectation agricole : cela ne saurait rendre disproportionné l'ordre de remise en état portant sur d'autres éléments nouvellement aménagés sans avoir requis une autorisation de construire et qui n’étaient pas autorisables vu la zone concernée (ATA/684/2022 du 28 juin 2022 consid. 15).

Le recourant conteste poursuivre un intérêt de pure convenance personnelle. Tel est pourtant le cas s’agissant pour lui de conserver des aménagements d’agrément.

Il ne chiffre pas le dommage que lui causerait l’exécution de l’ordre de remise en état querellé, étant rappelé que les frais encourus pour la remise en état ne sauraient être pris en compte dans la pesée des intérêts.

Il n’expose pas, enfin, quelle mesure moins incisive que l’ordre de remise en état serait susceptible, sous l’angle de la proportionnalité au sens étroit, d’atteindre le même but de séparation du bâti et du non bâti en zone agricole.

Pour le surplus, la position de perturbateur par situation est sans effet sur la pesée des intérêts, étant observé qu’en se portant acquéreur de l’immeuble, le recourant ne pouvait ignorer la procédure en cours au sujet des aménagements litigieux et en particulier croire de bonne foi devenir, s’agissant des trois éléments, propriétaire d’installations conformes au droit.

En faisant prévaloir l’intérêt public sur l’intérêt privé du recourant, le DT puis la TAPI n’ont commis ni excès ni abus de leur pouvoir d’appréciation.

Le grief sera écarté.

d. Le recourant ne conteste pas, enfin, que les autres conditions au prononcé d’un ordre de remise en état sont réalisées, mais soutient que la récente jurisprudence sur la péremption trentenaire ne s’appliquerait pas à son cas.

Depuis le prononcé de l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2019 précité, la chambre de céans s’y est systématiquement référé et a écarté le moyen tiré de la péremption ou prescription trentenaire pour les constructions illicites en zone agricole (ATA/684/2022 précité consid. 15 ; ATA/583/2022 du 31 mai 2022 consid. 5d ; ATA/582/2022 du 31 mai 2022 consid. 5d ; ATA/519/2022 du 17 mai 2022 consid. 4e ; ATA/377/2022 du 5 avril 2022 consid. 5d ; ATA/70/2022 du 25 janvier 2022 consid. 10c).

Il n’y a pas de motif de s’écarter de cette pratique en l’espèce. La fin de l’usage agricole de la parcelle, que le recourant fait remonter à 1972 pour l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2019 précité et, par comparaison, à 1932 pour la présente espèce, est sans pertinence s’agissant d’installations construites sans autorisation en zone agricole il y a plus de trente ans, soit pour la plus récente (objet E) au cours des années 1970 ou 1980, étant observé que les objets F et I n’apparaissent pas sur la photographie aérienne de 1954.

Quant à la bonne foi évoquée, elle est fondée sur la représentation que Mme E______ se faisait de la situation, soit sur sa prétendue ignorance du caractère illicite de certaines des constructions de la propriété dont elle avait hérité. Celle-ci ne se confond pas avec le cas des assurances données par l’autorité auxquelles le justiciable se serait fié de bonne foi. Elle est, quoi qu’il en soit. sans effet sur l’inapplicabilité de la prescription trentenaire.

Les procédures parlementaires en vue d’une inscription dans la LAT de la prescription trentenaire sont sans pertinence, la présente cause étant jugée selon le droit et la jurisprudence en vigueur.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mai 2022 par Mme E______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mars 2022 ;

prend acte que Monsieur A______ s’est substitué à Mme E______ ;

au fond :

rejette le recours ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Aeby, avocat du recourant, au département du territoire, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber et M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :