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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3981/2020

ATA/584/2022 du 31.05.2022 sur JTAPI/1007/2021 ( ICC ) , REJETE

Recours TF déposé le 06.07.2022, rendu le 01.01.2023, SANS OBJET, 9C_669/2022, 2C_542/2022
Recours TF déposé le 01.01.2023, rendu le 25.08.2023, REJETE, 9C_669/2022, 2C_542/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3981/2020-ICC ATA/584/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 mai 2022

4ème section

 

dans la cause

Madame et Monsieur A______
représentés par Lambelet & Associés SA

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
4 octobre 2021 (JTAPI/1007/2021)


EN FAIT

1) Le présent litige concerne les impôts cantonaux et communaux
(ci-après : ICC) 2009 à 2013 de Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux), contribuables assujettis dans le canton de Genève de manière illimitée.

2) M. A______, avocat inscrit au barreau de Genève né en 1955, détient l’intégralité des actions de la société anonyme dénommée « Étude A______ &
Cie SA » puis « Étude A______ SA » (ci-après : l’étude), non cotée en bourse, laquelle exploite une étude d’avocat dans le canton de Genève, dont il est le seul associé. Le capital-actions de ladite société est constitué de cent actions de CHF 1'000.-.

3) Dans le cadre d’une procédure judiciaire par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) concernant la question de la raison sociale de l’étude, M. A______ a indiqué qu’il
« désirait travailler dans le cadre d’une société anonyme parce que cela permettait une meilleure optimisation fiscale, en utilisant la différence de taxation du revenu et des dividendes » (
ATA/14/2010 du 12 janvier 2010 consid. 12a en fait).

4) Dans leur déclaration fiscale 2008, les époux A______ ont mentionné les actions de l’étude pour leur valeur nominale, soit CHF 100’000.-.

5) Par bordereau ICC du 29 octobre 2013, l’administration fiscale cantonale
(ci-après : AFC-GE) a taxé les précités pour l’année 2008, en arrêtant à
CHF 7’117’900.- la valeur fiscale des actions de l’étude, sur la base du double de la valeur de rendement de ladite étude, sous déduction de la moitié de la perte reportée.

6) Les époux A______ ont formé une réclamation contre ledit bordereau.

7) Le 25 juillet 2016, l’AFC-GE a communiqué à l’étude l’estimation de la valeur de ses titres au 31 décembre 2008, qu’elle a arrêtée à CHF 8’125’504,76 en se fondant sur la moyenne entre sa valeur de rendement, affectée d’une pondération simple, et sa valeur substantielle.

8) Par décision sur la réclamation du 20 septembre 2016 concernant l’ICC 2008, l’AFC-GE a confirmé la valeur des actions à hauteur CHF 8’125’500.-, montant obtenu sur la base de la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts intitulée « Instructions concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune du 28 août 2008 » (ci-après : la circulaire n° 28). La méthode de calcul
« Étude d’avocat/actionnaire unique » avait été appliquée.

9) Par bordereaux ICC du 20 septembre 2016 également, l’AFC-GE a taxé les époux A______ pour les années 2009 à 2013.

Alors que ceux-ci avaient déclaré les actions de l’étude pour CHF 100’000.- dans leurs déclarations relatives à ces différentes années, elle a arrêté la valeur de ladite étude à CHF 9’258’900.- en 2009, CHF 7’093’300.- en 2010,
CHF 2’248’500.- en 2011, CHF 838’200.- en 2012 et CHF 517’200.- en 2013.

Les bordereaux retenaient les montants déclarés par M. A______ pour son activité salariée auprès de l’étude à hauteur de CHF 89’292.- en 2009, CHF 70’000.- en 2010 et CHF 60’000.- en 2011, 2012 et 2013.

10) Le 19 octobre 2016, les époux A______ ont formé une réclamation à l’encontre de leurs taxations ICC 2009 à 2013, concluant à ce que les titres de l’étude soient évalués sur la base de la seule valeur des fonds propres au 31 décembre des années 2009 à 2013, soit une valeur nulle.

11) Par acte du même jour, ils ont interjeté recours contre la décision sur réclamation du 20 septembre 2016 relative à l’ICC 2008 par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), en concluant à ce que les titres de l’étude soient évalués sur la base de la seule valeur des fonds propres au 31 décembre 2008, soit d’un montant nul.

12) Par jugement du 28 juin 2018, le TAPI a rejeté le recours en lien avec l’ICC 2008 des époux A______ et a confirmé l’évaluation des actions de l’étude à
CHF 8’125’500.-. La méthode consistant à valoriser les actions sur la base de la valeur substantielle de l’étude et de sa valeur de rendement non doublée était conforme au commentaire de la circulaire n° 28 et à la jurisprudence tant fédérale que genevoise.

13) Le recours des époux interjeté auprès de la chambre administrative a été rejeté par arrêt du 27 août 2019 (ATA/1303/2019), confirmé par arrêt du 27 août 2020 du Tribunal fédéral (2C_866/2019), dans la mesure de sa recevabilité.

Le Tribunal fédéral a notamment considéré qu’il n’y avait pas lieu de s’écarter de l’application de la circulaire n° 28 et de son commentaire en tant qu’elle aboutissait, par la moyenne de la valeur de rendement et de la valeur substantielle, à une valeur fiscale des actions de la société qui s’élevait à CHF 8’125’500.-.

14) Par décision sur réclamation du 26 octobre 2020, l’AFC-GE a rectifié la taxation ICC 2013 des époux en se référant à l’arrêt du Tribunal fédéral précité. La valeur des actions de l’étude était fixée à CHF 387’900.- au lieu de
CHF 517’200.-, selon la circulaire n° 28, en tenant compte de la valeur de rendement selon une pondération simple.

15) Par acte du 25 novembre 2020, les époux A______ ont interjeté recours à l’encontre de la décision précitée par-devant le TAPI, en concluant, préalablement, à ce que l’AFC-GE soit invitée à fournir le détail et les bases du calcul de la valorisation des titres de l’étude tel que mentionné dans la décision entreprise, principalement, à ce qu’il soit dit que le bordereau de taxation ICC 2013 était erroné, nul et partant non avenu, et à ce que l’AFC-GE soit invitée à en émettre un nouveau conforme au droit, le tout sous suite de frais et dépens.

Le recours a été enregistré sous le numéro de cause A/3981/2020.

Les époux A______ ont notamment argumenté que la décision entreprise, du fait de l’application de la circulaire n° 28, violait le principe de la légalité et était arbitraire dans ses conception, application et résultat.

16) Par décisions sur réclamation du 9 février 2021, l’AFC-GE a maintenu les taxations ICC 2009 à 2012 en se référant à l’arrêt du Tribunal fédéral précité du
27 août 2020.

La valeur de l’étude avait été fixée, selon la circulaire n° 28, en tenant compte d’une valeur de rendement. Cette valeur tenait cependant compte de la pondération simple de la valeur de rendement.

17) Par acte du 12 mars 2021, les époux A______ ont interjeté recours à l’encontre de ces décisions par-devant le TAPI, en concluant, préalablement, à ce que l’autorité intimée soit invitée à fournir le détail et les bases du calcul de la valorisation des titres de l’étude tels que mentionnés dans les décisions entreprises, principalement, à dire que les bordereaux de taxation ICC 2009 à 2012 étaient erronés, nuls et partant non avenus, et a invité l’autorité intimée à en émettre des nouveaux conformes au droit, le tout sous suite de frais et dépens. À la forme, ils ont conclu à la jonction avec la cause relative à l’ICC 2013.

La procédure a été enregistrée sous le numéro de cause A/944/2021.

Les taxations litigieuses, de par l’application de la circulaire n° 28, violaient le principe de la légalité, étaient arbitraires dans leurs conception, application et résultat, et consacraient une violation de la neutralité du système fiscal. La circulaire n° 28 était aussi arbitraire du fait qu’elle violait grossièrement la loi en ce qui concernait les titres non cotés sans cours et qu’elle disait « tout et son contraire ».

Les revenus passés ne pouvaient permettre de prévoir des revenus futurs en cas de vente, il était absurde de prendre en compte, pour déterminer la valeur de l’étude, une valeur de rendement dépendant des rendements futurs calculés sur la base des rendements passés. Partant, la détermination de la valeur vénale des actions de l’étude, suivant les méthodes généralement admises, aboutissait à une valeur des actions nulle.

Si l’AFC-GE contestait que les valeurs intrinsèques et/ou les valeurs vénales des actions de l’étude étaient nulles, une expertise devait être effectuée pour en déterminer la valeur vénale au 31 décembre 2009, 2010, 2011 et 2012.

18) Dans sa réponse du 21 mars 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours dans la cause A/3981/2020.

19) Dans leur réplique du 29 avril 2021 dans la cause A/3981/2020, les époux A______ ont conclu à la jonction des causes A/3981/2020 et A/944/2021 et persisté dans leurs conclusions du 25 novembre 2020.

20) Dans sa réponse du 17 mai 2021 dans la cause A/944/2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours et s’est opposée à la demande d’expertise.

21) Par décision du 18 mai 2021, le TAPI a ordonné la jonction des causes A/3981/2020 et A/944/2021 sous le numéro de cause A/3981/2020.

22) Par duplique du 20 mai 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours dans la cause A/944/2021.

Les critiques et griefs concernant la méthode d’évaluation appliquée par l’AFC-GE et l’évaluation des titres à laquelle cette méthode avait abouti pour la période de taxation 2008 des époux A______ ayant été rejetées par le Tribunal fédéral, ces mêmes critiques et griefs, développés et repris pour les années 2009 à 2013 devaient être à nouveau écartés.

23) Le 15 juillet 2021, les époux A______ ont persisté dans leurs demandes d'audition de témoins et d’expertise. Cette dernière devait également porter sur la valeur vénale des titres de l’étude au 31 décembre 2013.

24) Le 4 août 2021, l’AFC-GE s’est opposée à la réalisation d’une expertise portant sur la valeur vénale des titres de l’étude au 31 décembre 2013 ainsi qu’à une audition de témoins.

25) Par jugement du 4 octobre 2021, le TAPI a rejeté les recours des 25 novembre 2020 et 12 mars 2021 des époux A______.

L’audition des secrétaires de l’étude de même que l’expertise n’apparaissaient nullement nécessaires pour trancher les questions posées par le litige.

Si l’AFC-GE n’avait certes pas transmis aux époux A______ les pièces relatives aux bases du calcul de la valorisation des titres de l’étude, elle leur en avait communiqué le contenu essentiel. Il n’y avait par conséquent pas de violation du droit d’être entendu sur cette question, étant au demeurant précisé que M. A______ pouvait requérir ces pièces auprès de l’autorité intimée, en sa qualité d’administrateur de l’étude.

Le grief selon lequel l’AFC-GE ne pouvait appliquer la circulaire n° 28 lors des années 2010 à 2013, faute d’un renvoi exprès dans la législation fiscale genevoise, devait être écarté. Le Tribunal fédéral avait appliqué ladite circulaire à des contribuables genevois pour des cas de figure semblables et cela lors d’années fiscales postérieures à 2009.

De même, le grief relatif à la densité normative tombait à faux. Si les dispositions légales applicables se référaient à la notion de « valeur vénale » et ne détaillaient pas précisément l’assiette de la fortune taxable en cas de détention de titres non cotés, la jurisprudence constante renvoyait à la circulaire n° 28 pour concrétiser la valeur vénale de telles actions.

Leur position quant à l’arbitraire de la circulaire n° 28 ne pouvait pas non plus être suivie. La situation particulière de l’étude, dont les revenus n’étaient générés que par le contribuable, point non contesté, avait abouti à un traitement fiscal différent de celui d’une société sans cette particularité : la valeur de rendement n’avait pas été doublée. S’agissant de la prise en compte de la valeur de rendement, il n’était pas contestable qu’il en soit tenu compte pour établir la valeur vénale, ainsi que retenu à réitérées reprises par la jurisprudence.

Il n’y avait pas lieu de s’écarter de la position adoptée par le Tribunal fédéral sur les griefs déjà formulés par les époux A______. Ce dernier avait déjà rejeté, dans son arrêt du 27 août 2020, les griefs consistant à affirmer que la méthode de valorisation fondée sur la circulaire n° 28 et son commentaire étaient inadaptés du fait que la valeur de l’étude dépendait étroitement de la présence de M. A______, que l’étude n’avait aucune valeur, faute de jouir d’une réputation et de ne détenir aucune clientèle propre, et que personne ne serait assez déraisonnable pour l’acquérir au prix d’estimation tel que fixé par l’AFC-GE.

Si la valeur fiscale litigieuse de l’étude était certes importante lors des années en cause, elle résultait des valeurs déterminantes des années précédentes prises en compte pour calculer la valeur de rendement. Or, celles-ci étaient très élevées notamment du fait que M. A______ avait choisi, en tant qu’actionnaire unique de la société, de ne se verser que des salaires relativement peu importants. Il était, dans ces circonstances, mal venu de se plaindre de la prise en compte d’une valeur de rendement élevée. Il avait sciemment décidé de travailler dans le cadre d’une société anonyme au motif que cela lui permettrait une meilleure optimisation fiscale, en utilisant la différence de taxation du revenu et des dividendes, et devait en assumer les conséquences en ce qui concernait l’imposition sur la fortune.

26) Par acte du 4 novembre 2021, les époux A______ ont interjeté recours contre le jugement précité par-devant la chambre administrative, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause au TAPI pour « nouvelle décision dans le respect des règles procédurales applicables, et de manière à garantir effectivement le double degré de juridiction au fond », subsidiairement, à ce qu’il soit procédé à une expertise afin de déterminer la valeur vénale des actions de l’étude au 31 décembre de chaque année litigieuse, à ce qu’il soit dit que les bordereaux ICC 2009 à 2013 étaient erronés, nuls et non avenus, à ce que l’AFC-GE soit invitée à en émettre de nouveaux conformes au droit, et à ce qu’il lui soit alloué « un émolument à titre de dépens » (sic).

L’arrêt 2C_866/2019 précité n’était pas applicable dès lors que le Tribunal fédéral n’avait pas eu à trancher les arguments qu’ils invoquaient dans le présent recours.

La prise en compte de la valeur de rendement n’avait de sens que pour autant que l’acquisition procure des rendements futurs et comparables. Cet aspect de la réalité économique avait manifestement été ignoré par les instances saisies de litiges concernant la valeur fiscale des sociétés unipersonnelles comme c’était le cas de l’étude. Cette évidence avait pourtant été rappelée par de nombreux auteurs. La méthode la plus couramment pratiquée était celle du « discounted cash-flow », correspondant à une actualisation des revenus pouvant être espérés dans le futur, en fonction d’un certain facteur de capitalisation dépendant du marché et de la devise considérée.

Le recours à des méthodes impliquant la prise en compte de revenus futurs reposait intégralement sur la prévision que l’on pouvait raisonnablement faire de tels revenus. Des auteurs recommandaient de prendre en compte les caractéristiques de l’entreprise et plusieurs facteurs pouvant influer sur la prévision qu’il y avait lieu de faire des revenus futurs, tels que le rôle joué par le personnel général et le personnel clé dans l’acquisition du revenu, la notoriété de l’entreprise, le caractère plus ou moins personnel des relations entre la clientèle et l’entreprise, les actifs de l’entreprise ainsi que son lieu de situation, la valeur du bail ou des immeubles dont l’entreprise disposait pour son exploitation, ou encore le marché restreint ou étendu des acquéreurs potentiels. En l’occurrence, l’examen de la situation de l’étude à l’aune de ces facteurs ne permettait pas, raisonnablement et de bonne foi, de retenir que celle-ci continuerait à réaliser le chiffre d’affaire obtenu dans le passé si le recourant devrait en vendre les actions à un tiers et la quitter. Dès lors que les revenus passés ne pouvaient permettre de prévoir des revenus futurs en cas de vente, il était donc absurde de vouloir prendre en compte, dans la détermination de la valeur d’une telle société, une valeur de rendement dépendant des rendements futurs pouvant être escomptés, calculés sur la base des rendements passés. Par ailleurs, le marché fortement restreint des acquéreurs potentiels (limité aux avocats) ainsi que l’impossibilité de recourir au crédit pour financer l’acquisition de l’étude (la société ne possédant pas d’actifs comportant une valeur de gage) influençait à la baisse la valeur de vente de ces actions. Pour toutes ces raisons, la valeur vénale de l’étude correspondait à sa valeur intrinsèque, qui se trouvait être négative.

Le recours à une expertise était indispensable dès lors que le capital-actions de l’étude était un bien mobilier atypique requérant des connaissances spécifiques en matière d’évaluation. Toute méthode schématique était proscrite en la matière. Elle était d’autant plus indispensable que l’AFC-GE contestait les valeurs intrinsèques et les valeurs vénales des actions de l’étude déterminés suivant les méthodes généralement admises. La valorisation d’une même société selon une méthode « panacée » ou schématique aboutissant à des valeurs comprises entre CHF 9'258'900.- et CHF 387'900.- démontrait l’inadéquation de la méthode d’évaluation et l’échec patent d’une valorisation objectivement conforme aux normes légales.

En se fondant sur la circulaire n° 28, l’AFC-GE multipliait le résultat annuel imposable entre 11,7 fois et 13,3 fois pour estimer la valeur vénale de l’étude, selon les années en cause, alors que les études des prix de cession de cabinets d’avocats considéraient la valorisation à environ une fois le résultat annuel imposable. Ainsi, le rapport d’Interfimo d’octobre 2017 sur le « Prix de cession des 100 dernières transactions de cabinets d’Avocats » précisait que le prix de cession moyen s’établissait à 54 % du chiffre d’affaires, sachant que le résultat annuel imposable se situait autour de 45 % du chiffre d’affaires. Ces chiffres avaient été repris dans d’autres publications, telles que « Comment céder votre cabinet d’Avocats? », publiée le 7 août 2020, et l’évaluation des clientèles - dossier de l’Union Nationale des Associations agréées. En outre, les études et commentaires concernant la valorisation des cabinets d’avocats relevaient, en tant que critère déterminant, la pérennité et récurrence des revenus, critère pourtant absent de la circulaire n° 28.

Dès lors que ladite circulaire n’était pas une base sérieuse pour l’estimation d’une étude d’avocat, il convenait de s’en rapporter aux méthodes généralement admises pour l’évaluation des actions non cotées.

La mise en œuvre d’une expertise était nécessaire et le TAPI avait violé leur droit d’être entendus en refusant d’y faire procéder. La conséquence était l’annulation de la décision litigieuse et le renvoi pour nouvelle instruction.

En ne traitant de la violation des dispositions légales invoquées que sous l’angle de l’arbitraire, mais pas en tant que tel, le TAPI avait commis un déni de justice formel, qui les privait d’un niveau de juridiction, raison pour laquelle la cause devait être renvoyée à ladite juridiction.

Depuis l’entrée en vigueur, en date du 1er janvier 2010, de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), le droit genevois ne contenait pas de règle expresse sur la manière d’évaluer la valeur fiscale des titres non cotés en bourse ; il n’y avait plus de référence aux notions de valeur de rendement et de valeur intrinsèque et, de manière plus ciblée, à la circulaire n° 28. La norme supérieure, soit l’art. 14 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), n’explicitait ni les cas dans lesquels la valeur de rendement pouvait être prise en considération, ni la manière appropriée d’en tenir compte. Si le Tribunal fédéral avait abordé la notion de valeur de rendement dans plusieurs arrêts, il ne s’était pas réellement penché sur la signification de cette notion par rapport à son contexte légal. Son interprétation historique et systématique laissait toutefois conclure que la valeur vénale était la règle de calcul normale et la valeur de rendement, qui faisait référence aux immeubles agricoles et sylvicoles et non pas à une quelconque capitalisation de bénéfice, l’exception. L’estimation des actions de l’étude devait alors être réalisée sur la base de sa valeur vénale, soit ce qu’un tiers indépendant sur un marché libre serait objectivement prêt à offrir pour le rachat des titres. La société était propriétaire de liquidités ainsi que de matériels informatique et de bureau, tandis que le « knowhow » était strictement limité aux capacités intellectuelles du recourant. Partant, la valeur vénale de l’étude correspondait aux actifs moins les dettes, soit à ses fonds propres, à savoir sa
valeur intrinsèque. Les actions de l’étude, sans le recourant, ne valaient que les fonds propres au bilan s’agissant de la valeur vénale.

De fait, personne ne serait assez déraisonnable pour payer CHF 9’000’000.- (sur la base des comptes 2009) ou CHF 380’000.- (sur la base des comptes 2013) les actions d’une société ne possédant aucun actif matériel ou immatériel de nature à générer des revenus futurs, dont les actifs avaient une valeur insignifiante et qui de surcroît devait plusieurs millions à son actionnaire sortant.

Du point de vue de la densité normative, la détermination de l’assiette de la fortune taxable par le contribuable n’était pas définissable dans la loi en tant que telle et la méthode de capitalisation était ancrée dans une circulaire administrative qui n’avait pas force de loi. Dès lors que la valeur vénale était la règle et la valeur de rendement l’exception, la loi devait prévoir dans quelle mesure la valeur de rendement devait être prise en considération lors de la valorisation des titres de sociétés non cotés. S’il fallait prendre en compte la capitalisation du bénéfice, les modalités de calculs de détermination de l’assiette taxable devaient être stipulées par la loi et non être explicitées dans une circulaire ayant pour but principal d’uniformiser les méthodes de détermination de la fortune taxable pour les besoins des répartitions intercantonales. Partant, la valorisation des actions de l’étude devait être opérée sur la base de ses fonds propres, et en cas désaccord à ce propos, sur la base d’une expertise indépendante.

La circulaire n° 28 était arbitraire dès lors qu’elle traitait l’ensemble des titres non cotés des diverses sociétés de capitaux de manière uniforme, sans tenir compte de leurs spécificités propres et intrinsèques. De plus, elle violait la loi en indiquant que la valeur vénale correspondait à la valeur intrinsèque pour l’ensemble des titres non cotés, ce qui était contradictoire avec la notion de valeur vénale de
l’art. 14 LHID. Elle était également contradictoire et traitait de manière uniforme ce qui était dissemblable, établissait des distinctions juridiques qui ne se justifiaient par aucun motif raisonnable, traitait sans distinction de nature les bénéfices et les marchés. Elle érigeait par ailleurs l’exception (la valeur de rendement) comme principe général.

La décision de l’AFC-GE était également insoutenable dans son résultat. Alors que l’étude n’avait pas changé de structure pendant les années litigieuses, elle aurait une valeur vénale selon l’AFC-GE, pour un tiers voulant l’acquérir, passant de plus de CHF 9'000'000.- millions en 2009 à CHF 387'900.- en 2013. Le recourant devait ainsi payer, alors que la structure n’avait pas changé, CHF 85'000.- d’impôt sur la fortune en 2009 en lien avec la détention de l’étude, tandis qu’il avait payé CHF 3'000.- en 2013.

Enfin, la surestimation de ces titres contrevenait au principe de neutralité du système fiscal, puisqu’elle mettait le recourant dans une situation moins bonne que s’il exerçait son activité à titre d’indépendant.

27) Dans sa réponse du 29 novembre 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les griefs relatifs au refus du TAPI d’ordonner une expertise étaient infondés. Le TAPI avait fondé le jugement querellé tant sur l’arrêt du Tribunal fédéral concernant l’ICC 2008 des recourants que sur d’autres arrêts du Tribunal fédéral relatifs à des contribuables genevois et traitant de la circulaire
n° 28. Le TAPI s’était par ailleurs prononcé sur l’ensemble des griefs soulevés.

28) Le 21 décembre 2021, les recourants ont indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler, précisant que la réponse de l’AFC-GE sur leur demande d’expertise était une invitation à commettre un déni de justice caractérisé.

29) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Le litige concerne l'évaluation des actions que le recourant détient dans une société anonyme, non cotée en bourse, exploitant une étude d'avocat dont il est le seul associé, pour les années fiscales 2009 à 2013, en vue de son imposition, ainsi que de celle de son épouse, en matière cantonale et communale.

3) a. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêt du Tribunal fédéral 2C_60/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1 ; ATA/1399/2021 du 21 décembre 2021 consid. 3a).

b. En l'espèce, le présent litige porte sur les taxations ICC 2009 à 2013 des recourants. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant ces périodes.

S'agissant de l'ICC, le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la LIPP, dont
l'art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000). L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s'appliquent même après l'entrée en vigueur de la loi. Il s'ensuit que la présente cause est régie, pour l’ICC 2009, par les dispositions de l'ancien droit (aLIPP-I à V), et pour l’ICC 2010 à 2013 par la LIPP, ainsi que par la LHID, dans sa teneur en vigueur durant les exercices litigieux.

4) Les recourants sollicitent la tenue d’une expertise sur la valeur des titres de l’étude.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du
18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 144 I 11 consid. 5.3). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de celles-ci, s'il acquiert la certitude qu'elles ne l'amèneront pas à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Il n'y a pas violation du droit à l'administration des preuves lorsque la mesure probatoire refusée est inapte à établir le fait à prouver, lorsque ce fait est sans pertinence ou lorsque, sur la base d'une appréciation non arbitraire des preuves dont elle dispose déjà, l'autorité parvient à la conclusion que les faits pertinents sont établis et que le résultat, même favorable au requérant, de la mesure probatoire sollicitée ne pourrait pas modifier sa conviction (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ;
136 I 229 consid. 5.3 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. En l'espèce, les recourants ont pu s'exprimer dans leurs écritures au cours de la procédure de réclamation devant l'AFC-GE, puis de recours devant le TAPI et la chambre de céans. Ils ont eu l'occasion de faire valoir leurs arguments et produire toutes pièces utiles. La mise en œuvre d’une expertise n'apparaît pas nécessaire pour établir la valeur des actions de l’étude, comme il le sera démontré ci-après. Dans ces circonstances, la chambre de céans étant en possession d'un dossier complet, qui contient les éléments pertinents pour trancher le litige, il ne sera pas procédé aux actes d'instruction sollicités.

Pour ces mêmes motifs, le grief de violation du droit d’être entendu de la part du TAPI sera écarté étant relevé, comme le précise le Tribunal fédéral, que le refus de donner suite à une offre de preuve non pertinente ne constitue pas une violation du droit d'être entendu (ATF 142 II 388 consid. 6.1 ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

5) Les recourants considèrent que le TAPI aurait commis un déni de justice formel en ne traitant de la violation des dispositions légales invoquées que sous l’angle de l’arbitraire, en lieu et place du plein examen des dispositions
elles-mêmes. Ce grief doit être examiné en premier lieu dès lors qu'il est de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours au fond (ATF 141 V 557 consid. 3 et arrêt du Tribunal fédéral 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 4).

a. Selon la jurisprudence, l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 136 I 6 consid. 2.1 ; ATF 117 Ia 116 consid. 3a et les références). Il en va de même lorsqu'elle restreint sa cognition à l'arbitraire alors même qu'elle dispose d'un plein pouvoir d'examen (arrêt du Tribunal fédéral 1A.25/2006 du 13 mars 2007 consid. 4.1). S'agissant d'une autorité judiciaire, le déni de justice, tel qu'il vient d'être décrit, peut constituer une violation de la garantie de l'accès au juge ancrée à l'art. 29a Cst. Cette disposition donne en effet le droit d'accès à une autorité judiciaire exerçant un pouvoir d'examen complet sur les faits et du droit (ATF 137 I 235 consid. 2.5 et consid. 2.5.2).

b. Dans l'examen des recours qui leur sont soumis, tant le TAPI que la chambre administrative disposent d'un plein pouvoir d'examen. Ils peuvent à nouveau déterminer les éléments imposables, voire, après avoir entendu le contribuable, modifier la taxation au détriment de celui-ci (art. 11 al. 1 et 54 LPFisc).

c. En l’espèce, les recourants reprochent au TAPI d’avoir limité son examen à l’arbitraire. Or, cet argument ne résiste pas à l’examen. Il ressort du jugement querellé qu’après avoir notamment rappelé les dispositions légales applicables au litige, la teneur de la circulaire n° 28 et son champ d’application ainsi que la définition de l’arbitraire – dès lors que les recourants se plaignaient notamment du fait que leurs taxations étaient arbitraires , le TAPI s’est employé à répondre aux différents griefs soulevés par les recourants. Outre les questions relatives à l’arbitraire soulevées par les recourants, le TAPI a notamment confirmé l’application de la circulaire n° 28, relevant qu’elle était conforme à l’art. 14 LHID, et a exposé pour quel motif la valeur de rendement devait être prise en compte dans le calcul de la valeur vénale et les raisons pour lesquelles le grief de violation de la neutralité fiscale devait être rejeté.

Le grief tiré du déni de justice formel doit partant être rejeté.

6) a. L'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette
(art. 13 al. 1 LHID). La fortune est estimée à la valeur vénale. Toutefois, la valeur de rendement peut être prise en considération de façon appropriée
(art. 14 al. 1 LHID).

b. La valeur vénale est la valeur marchande objective d'un actif à un moment donné. Il s'agit de la valeur qu'un acheteur paierait normalement dans des circonstances normales (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.1 ; 2C_866/2019 précité consid. 4.1, in RF 75/2020 861; ATA/1013/2020 du 13 octobre 2020 consid. 2e).

L'évaluation selon la valeur vénale est obligatoire pour les cantons. La LHID ne prescrit toutefois pas au législateur cantonal une méthode d'évaluation précise pour déterminer cette valeur (ATF 134 II 207 consid. 3.6). Les cantons disposent donc en la matière d'une marge de manœuvre importante pour élaborer et mettre en œuvre leur réglementation, aussi bien quant au choix de la méthode de calcul applicable pour estimer la valeur vénale que pour déterminer, compte tenu du caractère potestatif de l'art. 14 al. 1 2ème phrase LHID, dans quelle mesure le critère du rendement doit, le cas échéant, également être intégré dans l’estimation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_953/2019 du 14 avril 2020 consid. 4.1). Un certain schématisme est admis en la matière, pourvu que l’évaluation ne soit pas fondée sur le seul critère du rendement et qu’elle n’aboutisse pas à des résultats qui s’écartent par trop de la valeur vénale (ATF 134 II 207 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2010 du 12 octobre 2011 consid. 3.1 ; ATA/71/2022 du 25 janvier 2022 consid. 5a ; ATA/1401/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4a).

c. Dans le canton de Genève, l'aLIPP-III ainsi que la LIPP prévoient également que l'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette après déductions sociales (art. 1 aLIPP-III et 46 LIPP), qui comprend notamment les actions, les obligations et les valeurs mobilières de toute nature
(art. 2 let. b aLIPP-III et 47 let. b LIPP).

L'état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l'année pour laquelle l'impôt est dû (art. 4 al. 1 aLIPP-III et 49 al. 1 LIPP). La fortune est estimée, en général, à la valeur vénale (art. 4 al. 2 aLIPP-III et
49 al. 2 LIPP).

Pour déterminer la valeur vénale, l’art. 5 al. 2 aLIPP-III posait des règles d’évaluation, lesquelles n’existent plus dans la LIPP. Selon cette disposition, les actions, parts sociales des sociétés coopératives et autres droits de participation non cotés en bourse étaient évalués en fonction de la valeur de rendement de l’entreprise et de sa valeur intrinsèque.

L’art. 1 de l’ancien règlement d'application de la loi sur l’imposition des personnes physiques, impôt sur la fortune du 19 décembre 2001 (aRIPP III) précisait encore que, dans la mesure où elle ne dérogeait pas à l'art. 3
al. 1 aLIPP-II et aux art. 4 al. 1 et 5 aLIPP-III, la circulaire n° 28 était applicable.

7) a. L'évaluation des titres non cotés a fait l'objet, en 1995, d'une circulaire de la Conférence suisse des impôts (ci-après : CSI) qui regroupe les administrations fiscales cantonales et l'administration fédérale des contributions, intitulée :
« Instructions concernant l'estimation des titres non cotés en vue de l'impôt sur la fortune ». Elle a été remplacée par la circulaire n° 28 dans une première version du 21 août 2006, puis par une seconde version datant du 28 août 2008, applicable aux périodes fiscales 2009 à 2013 faisant l'objet du présent litige. La CSI édite en outre annuellement un commentaire de la circulaire (ci-après : le commentaire) afin de refléter la pratique et tenir compte de la jurisprudence.

b. La circulaire n° 28 concerne un domaine où les cantons jouissent d'un large pouvoir d'appréciation. La jurisprudence a souligné que ladite circulaire poursuivait un but d'harmonisation fiscale horizontale et concrétisait ainsi l'art. 14 al. 1 LHID (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 précité consid. 5.3 ; 2C_866/2019 précité
consid. 4.4 et les références citées). En tant que directive, ladite circulaire ne constitue certes pas du droit fédéral ou intercantonal, ne crée aucun droit ni aucune obligation et ne lie donc pas le juge, faisant partie des ordonnances administratives, qui s'adressent aux administrations fiscales cantonales afin d'unifier et de rationaliser la pratique, d'assurer l'égalité de traitement, le bon fonctionnement de l'administration et la sécurité juridique. Elle est toutefois reconnue, de jurisprudence constante, comme présentant une méthode adéquate et fiable pour l'estimation de la valeur vénale des titres non cotés, même s'il n'est pas exclu que d'autres méthodes d'évaluation reconnues puissent, isolément, s'avérer appropriées (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 précité consid. 5.3 ; 2C_132/2020 du 26 novembre 2020
consid. 8.1.2; 2C_866/2019 précité consid. 4.4). Ces autorités ne s'en écartent que dans la mesure où elles contreviennent au sens et au but de la loi (ATF 136 I 129 consid. 6.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_866/2019 du 27 août 2020 consid. 4.4 ; ATA/1013/2020 précité consid. 2c ; ATA/858/2019 du 30 avril 2019 consid. 2c ; ATA/1518/2017 du 21 novembre 2017).

La jurisprudence considère que la circulaire n° 28 prend en compte les éléments déterminants pour l'évaluation des titres non cotés et qu'elle est appropriée et fiable pour l'estimation des sociétés en vue de l'imposition sur la fortune des actionnaires, sans pour autant exclure que d'autres méthodes d'évaluation reconnues puissent, isolément, s'avérer appropriées (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2020 précité consid. 8.1.2 ; 2C_866/2019 du 27 août 2020 consid. 4.4 ; 2C_1082/2013 précité consid. 5.3.1 ; 2C_1168/2013 du 30 juin 2014 consid. 3.6 ; 2C_309/2013 précité consid. 3.6).

c. La circulaire n° 28 prévoit une méthode d'estimation générale des titres non cotés en bourse, qui s'applique aux sociétés commerciales, industrielles et aux sociétés de services. Selon cette méthode, la valeur de ces titres correspond à la moyenne pondérée entre la valeur de rendement, doublée, et la valeur intrinsèque déterminée selon le principe de la continuation (ch. 34). Cette méthode est généralement appelée « méthode des praticiens » (arrêts du Tribunal fédéral 2C_953/2019 précité consid. 4.3 ; 2C_583/2013 du 23 décembre 2013
consid. 3.1.2 ; 2C_309/2013 du 18 septembre 2013 consid. 3.6). La circulaire réserve toutefois des situations où seule la valeur substantielle de la société est prise en compte, ce qui est le cas des sociétés nouvellement constituées (ch. 32), des sociétés holding, de gestion de fortune et de financement, ainsi que les sociétés immobilières (ch. 38 et 42).

d. La valeur de rendement s'obtient par la capitalisation du bénéfice net des exercices déterminants augmenté ou diminué des reprises ou déductions (ch. 8.1 de la circulaire n° 28). Si, dans des cas exceptionnels, une entreprise ne peut être aliénée, ou est difficilement aliénable à la valeur de rendement, en particulier si son rendement repose exclusivement ou presque sur la performance d’une personne unique détenant la totalité ou la majorité des droits de participation de celle-ci et que la création de valeur de l’entreprise est obtenue uniquement par le détenteur d’une participation majoritaire et si l’entreprise n’emploie pas d’autres personnes hormis quelques-unes occupées à des tâches d’administration et de logistique, l’autorité fiscale peut prendre en considération cette situation par une pondération simple de la valeur de rendement, c’est-à-dire non doublée, et de la valeur de substance (ch. 5 du commentaire ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_866/2019 précité consid. 4.5 ; 2C_1057/2018 du 7 avril 2020 consid. 4.2.2 ; ATA/858/2019 précité ; ATA/530/2020 du 26 mai 2020 consid. 6d).

Selon le commentaire de la circulaire n° 28 pour l’année 2015, les études d’avocats organisées en tant que personnes morales devaient être qualifiées de sociétés de service. La valeur de rendement devait être incluse dans le calcul, la transmissibilité restreinte des droits de participation étant uniquement à prendre en considération dans le cadre de la déduction forfaitaire selon le ch. 61. Une politique spéciale de salaires et de dividendes n’aurait également aucune influence sur les principes de l’estimation. Par ailleurs, les règles de base n’interdisaient pas aux avocats de créer un goodwill dans leur société (ch. 5 p. 10 du commentaire 2015).

e. En revanche, si les titres font l'objet d'un transfert substantiel entre tiers indépendants, la valeur vénale correspond alors généralement au prix d'acquisition (ch. 2.5 de la circulaire n° 28). Le prix obtenu lors d'un tel transfert n'est toutefois à prendre en considération que s'il permet de déterminer une valeur vénale représentative et plausible de la société, situation qui doit être examinée selon l'ensemble des circonstances (ch. 2 du commentaires). Si tel est le cas, la jurisprudence a précisé que la détermination par le biais de la méthode dite « des praticiens » n'a pas lieu d'être (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 précité consid. 5.4 ; 2C_132/2020 précité consid. 8.1.3).

f. Les principes d'estimation de la circulaire n° 28 doivent être choisis de telle manière que le résultat se rapproche au mieux de la réalité économique. Les instructions de ladite circulaire reposent sur la constatation empirique que la valeur vénale dépend du rendement passé et à venir sous la forme de dividendes et autres participations au bénéfice ainsi que de la rentabilité de la société, et qu'elle est influencée par d'autres facteurs comme par exemple la fortune, les liquidités, la stabilité de la marche des affaires, etc. (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.5 ; 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.5 ; ATA/1013/2020 précité consid. 2h).

Si l'estimation de titres non cotés en bourse est effectuée sur la base de la circulaire n° 28, il convient alors de supposer que l'estimation aboutit à une valeur vénale correcte et que, par ce calcul, le fisc a apporté une preuve suffisante. Si un contribuable est d'un avis contraire, il lui appartient dès lors d'apporter ses propres preuves (arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 précité consid. 7.2 ; ATA/530/2020 du 26 mai 2020 consid. 2b ; ATA/858/2019 du 30 avril 2019 consid. 2d ; ATA/1418/2017 du 17 octobre 2017).

g. Le Tribunal fédéral a relevé récemment encore que sa jurisprudence confirmait de manière générale l'applicabilité de la méthode de calcul prévue par la circulaire n° 28 pour l'évaluation des société d'avocats dont les titres n’étaient pas cotés en bourse (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 précité consid. 7.2 ; 2C_866/2019 consid. 6.2.4).

8) Le Tribunal fédéral et la chambre de céans ont déjà eu l’occasion de préciser que la formulation de l’art. 49 al. 2 LIPP ne s'opposait pas à la prise en compte de la valeur de rendement pour déterminer la valeur vénale des titres non cotés en bourse, comme le prévoyait d'ailleurs expressément l'ancien droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2009 (arrêts du Tribunal fédéral 2C_954/2020 précité
consid. 5.2 ; 2C_328/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.4 ; ATA/441/2022 du 26 avril 2022 consid. 8a).

Le Tribunal fédéral a notamment relevé que rien n'indiquait dans les travaux préparatoires de la LIPP que le législateur cantonal aurait eu l'intention d'interdire le recours à la valeur de rendement pour déterminer la valeur vénale des titres. L'abandon de l'ancienne disposition selon laquelle les actions devaient être évaluées en fonction de la valeur de rendement de l'entreprise et de sa valeur intrinsèque, le cas échéant sur la base des Instructions, avait pour objectif de flexibiliser la détermination de la valeur fiscale de ces biens mobiliers en abandonnant une disposition jugée trop rigide quant au recours systématique à la valeur de rendement (Rapport du 26 mai 2009 de la Commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi sur l'imposition des personnes physiques, PL 10199-A). Cela ne signifiait pas que la valeur de rendement ne pouvait plus du tout être prise en compte de manière appropriée au moment d'estimer la valeur vénale de la fortune mobilière d'un contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2019 précité consid. 4.6).

9) a. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

b. Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n'est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d'une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L'autorité qui applique le droit ne peut ainsi s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d'autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e).

c. Les normes fiscales sont soumises aux mêmes règles d’interprétation que les autres domaines du droit administratif. Le juge doit toutefois faire preuve d’une certaine circonspection lorsqu’il procède à leur interprétation, afin de respecter les impératifs propres à la portée particulière que revêt le principe de la légalité dans ce domaine. Il s’agit, en particulier, d’éviter que soient créés, par le biais d’une interprétation extensive, de nouveaux cas d’assujettissement, de nouvelles matières imposables ou de nouveaux faits générateurs d’imposition (ATF 131 II 562
consid. 3.4).

10) En l’occurrence, il n’est pas contesté que les titres de l’étude n’ont pas fait l'objet d'un transfert substantiel entre tiers indépendants, ce qui aurait permis de retenir une valeur vénale correspondant au prix d'acquisition. L’autorité fiscale a fixé l’estimation des actions de l’étude sur la base de la circulaire n° 28, selon la méthode dite « des praticiens », en retenant toutefois une pondération simple – et non doublée de la valeur de rendement. Nonobstant l’argumentation des recourants, l'évaluation des actions d’une étude d’avocat constituée en société anonyme selon cette méthode a été avalisée à plusieurs reprises, tant par la chambre administrative que par le Tribunal fédéral.

Ainsi, et contrairement à ce que relèvent les recourants, tant la chambre de céans que le Tribunal fédéral ont notamment déjà eu l’occasion de relever dans les jurisprudences précitées que l’application de la circulaire n° 28 était conforme à l’art. 14 LHID et concrétisait ce dernier.

Si les recourants font certes valoir des arguments supplémentaires dans le cadre de la présente procédure qui seront examinés ci-après, la chambre de céans et le Tribunal fédéral ont déjà confirmé l’application de la méthode précitée dans la cadre de la taxation ICC 2008 des recourants (2C_866/2019 précité). Dans ce cadre, les recourants avaient pourtant déjà argumenté que la circulaire n° 28 était inadaptée à leur situation dès lors qu’aucun tiers n’aurait accepté d’acquérir les actions de cette société au prix fixé par l’AFC-GE puisque cette valeur dépendait de sa présence et que l’étude n’avait aucune valeur dans la mesure où elle ne jouissait d’aucune réputation et ne détenait aucune clientèle propre, arguments repris à nouveau dans le cadre de la présente procédure. Il n’y a pas lieu de s’écarter des considérants du Tribunal fédéral sur ces points.

En outre, comme déjà relevé dans la jurisprudence précitée, le fait que la nouvelle LIPP ne contienne plus de référence expresse à la valeur de rendement, contrairement à ce qui prévalait sous l’empire de l'aLIPP-III, ne s'oppose aucunement à la prise en compte de ladite valeur pour déterminer la valeur vénale des titres non cotés en bourse.

Par ailleurs, les recourants ne sauraient être suivis lorsqu’ils allèguent que, selon la systématique légale, la « valeur de rendement » citée à l’art. 14 al. 1 LHID serait uniquement applicable pour les immeubles agricoles et sylvicoles visés à l’art. 14 al. 2 LHID. En effet, d’une part, les travaux préparatoires relatifs à la LHID relèvent ce qui suit : « En ce qui concerne les principes d'évaluation proposés en matière d'imposition de la fortune, et avant tout, l'objection d'après laquelle il serait faux de ne prendre en considération que la valeur vénale, on observe que
l'art. 17 1er al. LHID [devenu depuis lors l’art. 14 al. 1 LHID] a été modifié de façon que la valeur de rendement puisse aussi être prise en considération de manière appropriée. Nous sommes favorables aux propositions faites en ce sens et sommes convaincus d'avoir tenu compte de ces préoccupations par le biais de la nouvelle rédaction » (Message concernant les lois fédérales sur l’harmonisation des impôts directe des cantons et des communes ainsi que sur l'impôt fédéral [Message sur l'harmonisation fiscale] du 25 mai 1983 - FF 1983 III 1, p. 110). Il n’existe aucune mention du fait que la valeur de rendement aurait été rajoutée uniquement en ce qui concerne les immeubles agricoles et sylvicoles. D’autre part, si le législateur avait effectivement souhaité réserver la valeur de rendement uniquement auxdits immeubles agricoles et sylvicoles, il n’aurait fait mention de cette valeur qu’à
l’art. 14 al. 2 LHID, exclusivement dévolu à ce type d’immeubles.

C’est dès lors conformément au droit et à la jurisprudence que l’AFC-GE a appliqué la circulaire n° 28 pour procéder à l’estimation des titres de l’étude.

11) Les recourants considèrent que la valeur de rendement de l’étude ne pourrait pas être prise en compte dès lors les revenus passés ne pourraient permettre de prévoir les revenus futurs. La valeur vénale devrait dès lors correspondre à la valeur intrinsèque, laquelle est négative.

Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de relever, dans le cadre de la taxation 2008 des recourants, qu’une évaluation reposant exclusivement sur la valeur substantielle (intrinsèque) aurait pour conséquence de parvenir de manière systématique à une évaluation très faible des titres des sociétés de services dont la valeur dépend de l'activité de leur actionnaire unique (cette valeur étant nulle en l’occurrence), de sorte qu’il serait douteux qu'une telle méthode respecterait le principe de l'évaluation à la valeur vénale prévue par l'art. 14 LHID (arrêt du Tribunal fédéral 2C_866/2019 précité consid. 6.2.2).

En outre, comme relevé à juste titre par le TAPI, le raisonnement des recourants ne prend pas en compte les hypothèses plausibles dans lesquelles le recourant vendrait tout ou partie de ses actions de l’étude, tout en continuant à exercer son activité d’avocat pour le compte de la société. D’ailleurs, même dans l’hypothèse où le recourant vendrait ses parts à un confrère et cesserait de travailler pour l’étude, il est vraisemblable qu’il remettrait également un portefeuille de clientèle à son successeur, lequel permettrait au repreneur de réaliser un chiffre d’affaire plus ou moins équivalent aux années précédentes. Il est dès lors erroné de prétendre qu’aucun revenu futur ne puisse être escompté en cas de vente.

Pour le surplus, comme déjà relevé par la chambre de céans dans une autre affaire concernant également un contribuable détenteur d’actions dans une étude d’avocat, appliquer à des études d'avocats constituées en société anonyme un traitement fiscal différent hormis des correctifs visant à tenir compte des restrictions au droit de transférer les actions de celui réservé aux autres sociétés de services constituées sous la même forme consacrerait une inégalité de traitement, qui ne serait pas justifiée par des motifs de droit fiscal. Une telle manière de faire introduirait une différence qui ne tiendrait pas compte de la même manière de la capacité économique et, partant, de la capacité contributive des actionnaires de sociétés de services (ATA/1013/2020 précité consid. 5b).

Dès lors, compte tenu de ce qui précède, rien ne justifie de ne pas tenir compte de la valeur de rendement de l’étude d'avocat, alors que tel est le cas des autres sociétés de services.

12) Les recourants estiment encore que le fait de fixer les modalités de la détermination de l’assiette de la fortune taxable pour les titres non cotés dans la circulaire n° 28 serait contraire au principe de la légalité.

a. Le principe de la légalité gouverne l’ensemble de l’activité de l’État
(art. 5 al. 1 et 36 al. 1 Cst.) et revêt une importance particulière en droit fiscal, où il est érigé en droit constitutionnel indépendant à l’art. 127 al. 1 Cst., lequel prévoit que les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l’objet de l’impôt et son mode de calcul, doivent être définis par la loi (ATF 135 I 130 consid. 7.2).

Ce principe exige non seulement que le cercle des contribuables mais également que les exceptions à l'assujettissement soient définis dans une loi au sens formel (ATF 122 I 305 consid. 6b/dd ; 103 Ia 505 consid. 3a). La base légale doit présenter une densité normative permettant de respecter les garanties de clarté et de transparence exigées par le droit constitutionnel (ATF 139 I 280 consid. 5.1 ;
136 I 1 consid. 5.3.1), cette exigence de précision de la norme découlant du principe général de la légalité, mais aussi de la sécurité du droit et de l'égalité devant la loi (ATF 136 II 304 consid. 7.6 ; 123 I 112 consid. 7a).

Il s'agit notamment d'éviter que ne soient créés, par le biais d'une interprétation extensive, de nouveaux cas d'assujettissement, de nouvelles matières imposables ou de nouveaux faits générateurs d'imposition. Si la loi, dûment interprétée, ne constitue pas une base légale suffisante, l'impôt ne peut, en principe, pas être prélevé (ATF 131 II 562 consid. 3.1 et 3.4).

b. En l’occurrence, la prise en compte de la valeur de rendement dans le cadre de l’estimation de la fortune est expressément prévue par une loi formelle à
l’art. 14 al. 1 LHID ainsi que dans la LIPP et l’aLIPP-III, et bénéficie dès lors d’un ancrage législatif. Si la circulaire n° 28, en tant que directive, ne constitue pas du droit et ne lie pas le juge, elle fait partie, comme relevé de manière constante par la jurisprudence précitée, des ordonnances administratives qui s'adressent aux administrations fiscales cantonales afin d'unifier et de rationaliser la pratique, d'assurer l'égalité de traitement, le bon fonctionnement de l'administration et la sécurité juridique. Or, cette dernière ne vise en particulier pas à modifier le cercle des contribuables, l’objet ou le montant de l’impôt, ce qui devrait figurer dans une loi au sens formel, mais à concrétiser l'art. 14 al. 1 LHID.

Ce grief sera dès lors également écarté.

13) Les recourants allèguent que la circulaire n° 28 serait arbitraire, tant dans son contenu que dans le résultat qu’elle produit. Ils relèvent, d’une part, qu’elle proposerait un calcul de la valeur « de base » pour l’évaluation des titres non cotés sans prendre en considération des correctifs permettant d’appréhender la spécificité des cas. Ils estiment, d’autre part, qu’elle viole la loi, qu’elle dit « tout et son contraire », qu’elle traite de manière uniforme ce qui est dissemblable, qu’elle érige une exception en principe général, qu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient pas, qu’elle traite de manière uniforme des situations distinctes dans le futur, qu’elle traite sans distinction de nature les bénéfices et les marchés

a. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2 ; 141 I 49 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_897/2017 du 31 janvier 2018 consid. 2.1). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_759/2017 du 16 mai 2018 consid. 6.1).

b. En l’occurrence, les recourants soulèvent une multitude de points tendant à prouver, selon eux, que la circulaire n° 28 serait arbitraire, tant dans sa « conception » elle-même, que dans son application et son résultat. Or, il ressort de la jurisprudence précitée et des considérants qui précèdent que son application et sa conformité au droit, et notamment à l’art. 14 LHID, a été confirmée à réitérées reprises, y compris dans des affaires qui portaient sur l’estimation de titres d’études d’avocats constituées en société anonyme.

Cela étant dit, c’est de manière erronée que les recourants prétendent que la circulaire n° 28 traiterait de manière uniforme toutes les sociétés de capitaux, et que les spécificités propres et intrinsèques de l’étude n’auraient pas été prises en compte. Comme susmentionné, la caractéristique de l’étude, dont la valeur de rendement repose exclusivement sur la performance, le réseau d’affaires et la réputation d’une personne unique – le recourant – détenant la totalité des droits de participation, a été prise en compte et a abouti à un traitement différencié de celles qui n’ont pas cette particularité. En effet, la valeur de rendement n’a pas été doublée alors que l’application stricte de la méthode des praticiens aurait conduit à l’évaluer sur la base d’une double valeur de rendement. Les allégations des recourants selon lesquelles l’AFC-GE aurait fait fi de l’existence d’une société d’actionnaire unique employant ledit actionnaire sont dès lors erronées. Cela étant, la particularité de la société ne saurait aboutir à la conclusion que la valeur de rendement ne devrait pas être prise en compte, et ce pour les motifs déjà exposés.

Les recourants ne sauraient de bonne foi prétendre que la circulaire n° 28 serait arbitraire en tant qu’elle retient le principe de la valeur substantielle uniquement pour certaines sociétés, alors qu’elle réserve un autre traitement pour d’autres sociétés, de services notamment. Ils ne peuvent en effet reprocher à ladite circulaire de ne pas tenir compte des particularités de la structure de l’étude, tout en lui faisant grief de procéder à des traitements différents en fonction des différents types de société.

Il est vrai que la valeur fiscale de l’étude durant les différentes années concernées apparait élevée, et plus encore pour les années 2009 et 2010. Elle résulte toutefois de la prise en compte des valeurs des années précédentes pour calculer la valeur de rendement, étant précisé qu’en 2007 et 2008 – années prises en compte pour le calcul du la valeur de rendement des années 2009 et 2010 le recourant ne s’est versé aucun salaire. Comme relevé par le Tribunal fédéral, il est pourtant évident qu'une société dont la valeur dépend essentiellement de l'activité de son actionnaire unique voit sa valeur de rendement augmenter lorsque cet actionnaire unique renonce lui-même à se faire rémunérer pour son activité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_866/2019 consid. 6.2.4). Si l’intéressé avait perçu un salaire en lien avec le bénéfice de son étude, la valeur de rendement de la société aurait fortement baissé et, par là-même, sa valeur fiscale. En outre, si le recourant s’est versé un salaire durant les années suivantes, à savoir CHF 89’292.- en 2009, CHF 70’000.- en 2010 et CHF 60’000.- en 2011, 2012 et 2013, ces montants apparaissent peu élevés compte tenu des bénéfices réalisés (et du salaire moyen d’un avocat). Enfin, la différence de valeur des actions de l’étude entre 2009 et 2013 s’explique par la variation des bénéfices durant ces années, de la même manière que cela aurait été pris en compte pour d’autres types de sociétés de services constituées sous la même forme.

Le grief de l’arbitraire sera dès lors également écarté.

14) Les recourants invoquent encore une violation du principe de la neutralité du système fiscal qui serait, selon eux, garanti par l’art. 27 Cst. en ce que la prétendue surestimation fiscale des titres de l’étude mettrait le recourant dans une position moins favorable que celle qui aurait été la sienne s’il exerçait son activité non pas comme salarié, mais comme un indépendant.

a. Selon l’art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1). Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2).

b. Les impôts généraux, par opposition aux impôts spéciaux visant une activité économique, n'interfèrent pas avec la liberté économique et ne constituent donc pas une limitation à cette liberté (ATF 135 I 130 consid. 4.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_583/2013 du 23 décembre 2013 consid. 4.3.4 ;
Henri TORRIONE, Égalité de traitement, neutralité concurrentielle et liberté économique dans l'imposition des entreprises, in Archives 72, p. 629). En conséquence de cette jurisprudence, qu'il n'y a pas lieu de remettre en question nonobstant le point de vue de certains auteurs pour qui la portée de l'art. 27 Cst. en matière fiscale est trop restrictive (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5ème éd., 2021, p. 51 et les auteurs cités), l'on ne saurait déduire de l'art. 27 Cst. une exigence d'égalité entre concurrents face aux impôts directs, indépendamment des formes juridiques de l'entreprise (ATF 135 I 130 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_583/2013 précité consid. 4.3.4 ; Henri TORRIONE, op. cit., in Archives 72,
p. 629).

En ce qui concerne les personnes physiques, l'art. 27 Cst. peut être invoqué par toutes les personnes qui exercent une activité lucrative tendant à la production d'un gain, soit en premier lieu les indépendants, mais également les salariés (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux, 3ème éd., 2013, p. 435), le but de l'art. 27 Cst. étant de protéger l'activité lucrative (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., p. 441).

c. Le Tribunal fédéral s’est déjà penché sur un grief semblable formulé par des recourants qui se plaignaient également de l'estimation de la valeur des actions de leur société en vue de l'imposition sur la fortune. Dans cet arrêt, notre Haute Cour a relevé que le grief des recourants était formulé non pas en relation avec leur activité lucrative mais avec l'évaluation fiscale d'éléments de fortune. Les recourants n’étaient dès lors pas protégés par l'art. 27 Cst. à cet égard, de sorte qu’un tel grief devait être jugé irrecevable, faute de titularité de ce droit par les intéressés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_583/2013 précité consid. 4.3.4).

d. En l’espèce, il convient de retenir le même raisonnement que celui déployé par le Tribunal fédéral, à savoir que les recourants ne sont pas titulaires, dans les circonstances du cas d’espèce, d’une protection de l’art. 27 Cst., leur grief ne tendant pas à la protection d’une activité lucrative.

Pour le surplus, comme relevé à juste titre par le TAPI, le recourant a délibérément fait le choix de ne se verser que des salaires relativement bas au vu de sa profession, engendrant dès lors, en lien avec le bénéfice de l’étude, une hausse de la valeur de rendement de cette dernière.

15) Entièrement mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

16) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2’500.- sera mis à la charge solidaire des recourants et aucune indemnité de procédure ne sera allouée
(art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 novembre 2021 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 octobre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'500.- à la charge solidaire de Madame et Monsieur  A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Lambelet & Associés SA, mandataire des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Payot Zen-Ruffinen et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

J-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :