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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1951/2021

ATA/1335/2021 du 07.12.2021 sur JTAPI/749/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1951/2021-PE ATA/1335/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 décembre 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Enis Daci, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 juillet 2021 (JTAPI/749/2021)


EN FAIT

1) Par décision du 4 mai 2021, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé l'octroi d'une autorisation de séjour à Monsieur A______ et prononcé son renvoi de Suisse.

2) Par acte du 4 juin 2021, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

3) Par lettre recommandée du 9 juin 2021, le TAPI lui a imparti, via son conseil, un délai échéant le 9 juillet 2021 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 500.-, sous peine d’irrecevabilité de son recours. Il était aussi précisé qu'en cas de ressources insuffisantes, il était possible de solliciter l'assistance juridique au moyen d'un formulaire disponible auprès de son greffe ou en ligne.

4) Selon le suivi des envois de la Poste (« Track & Trace »), ce pli a été distribué le 10 juin 2021.

5) L’avance de frais n’a pas été effectuée dans le délai imparti.

6) Par jugement du 23 juillet 2021, le TAPI a déclaré le recours irrecevable pour défaut de paiement de l’avance de frais dans le délai imparti.

La demande de paiement de l'avance de frais avait correctement été acheminée à l'adresse du conseil de M. A______, correspondant par ailleurs à celle indiquée dans l'acte de recours, et avait été reçue le 10 juin 2021 par ce dernier. Rien ne permettait de retenir qu'il avait été victime d'un empêchement non fautif de s'acquitter en temps utile du montant réclamé.

7) Par acte expédié le 14 septembre 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre ce jugement, concluant préalablement à ce que soit ordonnée son audition et, principalement, à l'annulation du jugement et à ce que lui soit accordée la restitution du délai imparti par le TAPI et une prolongation dudit délai pour s'acquitter de l'avance de frais de CHF 500.-. Il devait ensuite être dit que le paiement de cette avance entraînerait la recevabilité de son recours devant le TAPI.

L'accident dont il avait été victime le 13 septembre 2012 sur son lieu de travail avait entraîné des conséquences physiques, mais aussi psychiques, puisqu'il souffrait d'une dépression depuis plus de six ans, attestée en dernier lieu par rapport médical du Docteur B______ du 30 juillet 2021. La décision de l'OCPM du 4 mai 2021 avait péjoré considérablement sa santé mentale. Il s'était renfermé sur lui-même et ne sortait plus de chez lui ni ne répondait aux appels et aux messages. Il avait de grandes difficultés à s'occuper de ses affaires administratives. Il n'avait pas été en mesure de s'acquitter de l'avance de frais dans le délai imparti, en raison de son état dépressif qui ne lui était pas imputable.

M. A______ a joint à son recours notamment un « A qui de droit » rédigé le 30 juillet 2021 à la main par le Dr B______ sur une ordonnance dont il ressort qu'il présentait un état dépressif consécutif à un accident de chantier et un certificat médical du 30 septembre 2020 émis par une thérapeute du centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées (CAPPI) de C______.

8) Le 9 novembre 2021, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI du 23 juillet 2021 déclarant irrecevable le recours du 4 juin 2021 contre une décision de l'OCPM du 4 mai 2021.

3) Le recourant sollicite son audition.

a. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite aux offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). L'art. 29 al. 2 Cst. n'exclut pas une appréciation anticipée des preuves. L'autorité peut ainsi refuser une mesure probatoire lorsque celle-ci ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves déjà administrées, qu'elle tient pour acquis (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1).

b. En l'espèce, le recourant a pu s'expliquer dans son écriture de recours et produire les pièces qu'il estimait pertinentes pour étayer ses dires selon lesquels il aurait été empêché sans sa faute de procéder en temps utile à l'avance de frais requise par le TAPI. Il a ainsi pu s'exprimer sur ses difficultés à gérer ses affaires administratives en raison de sa dépression et remettre notamment le document médical du 30 juillet 2021 y relatif. Il n'apparaît ainsi pas que l'audition requise apporterait des éléments susceptibles d'influer sur l'issue du litige.

Partant, il ne sera pas procédé à son audition.

4) Est litigieuse la question de savoir si le recourant peut se prévaloir d'un cas de force majeure l'ayant empêché de procéder dans le délai imparti par le TAPI au paiement de l'avance de frais, de sorte qu'il y aurait lieu à restitution de ce délai.

5) a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a et les références citées).

b. En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c ; ATA/881/2010 du 14 décembre 2010 consid. 4a).

c. Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/158/2020 du 11 février 2020 ; ATA/38/2020 du 14 janvier 2020 ; ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b et les références citées).

d. A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu'un détenu, qui disposait d'un délai de recours de trois jours, n'ait pu expédier son recours dans ce délai, du fait qu'il ne pouvait le poster lui-même et qu'en outre ce pli avait été soumis à la censure de l'autorité (ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s'acquitter d'une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu'il ne restait qu'une semaine au justiciable pour s'exécuter (ATA/477/2009 du 20 septembre 2009 consid. 5).

En revanche, le fait d'avoir été absent ou en vacances pendant la période de distribution ne constitue pas une telle circonstance. La maladie ne constitue un motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c). Dès lors qu'un administré a déposé un recours, il se doit de prendre toutes les dispositions utiles afin de réceptionner les communications qui vont immanquablement lui parvenir en rapport avec ce contentieux. Il lui incombe d'avertir l'autorité de son absence, ou de prendre des dispositions pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l'arrivée, pendant cette période, d'une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n'est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l'échéance du délai de dépôt de l'avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l'échéance du délai de garde. Si le recourant a omis de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d'une communication officielle à son adresse habituelle s'il devait s'attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 134 V 49 consid. 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2009 du 1er mars 2010 consid. 3.2.1 et les références citées ; ATA/177/2015 du 6 octobre 2015 ; ATA/2653/2010 du 20 avril 2010).

e. Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_54/2020 du 4 février 2020 consid. 8.2). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2).

Le Tribunal fédéral a récemment confirmé l'application stricte, dans la jurisprudence genevoise, de l'art. 86 al. 2 LPA et des conséquences légales d'un non-paiement de l'avance de frais dans le délai imparti (arrêt du Tribunal fédéral 1C_339/2020 du 20 octobre 2020 consid. 2.4 et les références citées).

6) En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant a été valablement atteint par la communication du TAPI adressée à son conseil lui impartissant un délai au 9 juillet 2021 pour effectuer le paiement de l'avance de frais. Il apparaît, par ailleurs, que le délai fixé, de trente jours, constitue un délai suffisant. Il n'est pas non plus contesté que l'avance de frais n'a pas été acquittée dans le délai imparti.

Le recourant fait valoir qu'étant malade, il a de grandes difficultés à s'occuper de ses affaires administratives. Il ne prendrait pas connaissance de ses courriers ni ne répondrait aux appels téléphoniques et messages. Force est toutefois de constater qu'il ne soutient pas être dans l'impossibilité de traiter ses problèmes administratifs. De plus, entre la réception de la décision défavorable de l'OCPM au début du mois de mai 2021 et le dépôt du recours le 4 juin 2021, il a instruit son conseil des démarches à entreprendre devant le TAPI, puis la chambre de céans. Dans le cadre du présent recours, il a su lui transmettre le document médical le plus récent, du 30 juillet 2021. Il a également su s'acquitter en temps utile de la demande d'avance de frais sollicitée par la chambre de céans. C'est dire que la dépression dont il souffre ne l'a pas complètement empêché de s'occuper du sort de son dossier lié à son statut administratif en Suisse, ni éventuellement de solliciter un proche pour l'aider à gérer ses affaires.

Le paiement du montant de CHF 400.- à titre d'avance de frais dans le cadre de la procédure de recours de la chambre de céans n'est pas de nature à réparer les conséquences de l'absence du paiement de l'avance de frais litigieuse dans le délai que le TAPI avait imparti.

Dans ces circonstances, la chambre de céans ne peut que constater que, l'avance de frais n'ayant pas été acquittée dans le délai imparti, le TAPI était fondé à déclarer le recours irrecevable, conformément à l'art. 86 al. 2 LPA.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 juillet 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Enis Daci, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.