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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2640/2017

ATA/1510/2017 du 21.11.2017 ( AIDSO ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.12.2017, rendu le 24.01.2018, IRRECEVABLE, 8C_906/2017
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2640/2017-AIDSO ATA/1510/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 novembre 2017

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, ressortissant syrien né en 1985, au bénéfice d’une autorisation de séjour de type B, est arrivé en Suisse au mois de septembre 2013.

Selon la base de données de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l’OCPM), l’intéressé a épousé à New-York, le 2 avril 2013, Madame B______, ressortissante suisse. Les époux, toujours selon cette base de données, se sont séparés le 16 janvier 2014, ont repris la vie commune le 24 février 2014, se sont séparés à nouveau le 23 avril 2014 – un jugement ayant été prononcé le 20 octobre 2014 – pour reprendre la vie commune le 1er mai 2015.

Ils ont deux enfants en commun, soit C______, né le ______ 2015 et D______, né le ______ 2017.

M. A______ est titulaire d’un bachelor de pharmacien, obtenu dans son pays d’origine et a plusieurs années d’expérience dans le domaine pharmaceutique.

2) L’intéressé a demandé et obtenu de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) une aide financière au titre de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) pour la période du 1er mai 2014 au 31 mars 2015, du 1er juin 2015 au 30 septembre 2015 et du 1er novembre 2015 au 30 juin 2017.

Son épouse a été intégrée au dossier dès le 1er avril 2015.

3) Au mois de septembre 2015, M. A______ a sollicité du service des bourses et prêts d’études, ainsi que de divers organismes privés, des bourses, qui lui ont été refusées.

4) Le contrat de travail liant Mme B______ à E______ s’est terminé le 30 novembre 2015, l’intéressée percevant depuis le mois de décembre 2015 des indemnités de chômage.

5) L’assistant sociale de M. A______, informé par l’intéressé au mois de septembre 2016 qu’il avait débuté une formation visant à obtenir un baccalauréat universitaire en économie et en management à l’Université de Genève, lui a, au vu de la situation particulière de l’intéressé et de sa famille, accordé une aide financière exceptionnelle pour étudiant dès le 1er octobre 2016, au barème d’aide ordinaire. Cette aide financière a été prolongée pour une durée de trois mois le 2 mai 2017, étant précisé que la situation des époux devait être revue au mois de juin 2017.

6) Le 5 mai 2017, M. A______ a saisi le directeur général de l’hospice d’une opposition contre la décision du 2 mai 2017. La commission fédérale des professions médicales demandait qu’il fasse un master de pharmacie pour reconnaître l’équivalence de son diplôme. Cette formation avait été refusée par son assistant social. Bien qu’il mette tout en œuvre pour trouver un emploi, cette démarche n’avait pas abouti en l’état. Il avait deux enfants à charge et son épouse ne bénéficiait du chômage que jusqu’au mois de décembre 2017. Il demandait à bénéficier d’une aide financière ordinaire de l’hospice.

7) Le 15 juin 2017, le directeur général a rejeté l’opposition. Les étudiants et personnes en formation étaient exclus de l’aide ordinaire et l’intéressé ne remplissait pas les conditions pour obtenir une aide, qu’elle soit ordinaire ou extraordinaire. Celle qui lui avait été accordée l’avait été à titre dérogatoire.

8) Le 19 juin 2017, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision précitée, reprenant et développant les éléments figurant dans son opposition et concluant préalablement à ce que des mesures provisionnelles soient prononcées afin qu’il puisse bénéficier pendant la procédure de l’aide sollicitée.

9) Le 3 juillet 2017, l’hospice s’en est rapporté à justice au sujet de la demande de restitution d’effet suspensif et de mesures provisionnelles.

10) Le 18 juillet 2017, l’hospice a conclu, au fond, au rejet du recours pour les motifs développés dans la décision sur opposition.

11) Par décision sur mesures provisionnelles du 21 juillet 2017, la présidence de la chambre administrative a octroyé les mesures provisionnelles sollicitées.

12) M. A______ ne s’étant pas déterminé dans le délai qui lui a été accordé pour exercer son droit à la réplique, la cause a été gardée à juger le 4 août 2017.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine (art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d’existence ; il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d’adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l’art. 12 Cst. mais qui peuvent aller au-delà (arrêts du Tribunal fédéral 2P.318/2004 du 18 mars 2005 consid. 3 ; 2P.115/2001 du 11 septembre 2001 consid. 2a ; ATA/724/2013 du 29 octobre 2013). L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) reprend ce principe : « toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle ».

3) En droit genevois, la LIASI et le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

4) La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI).

Les prestations d’aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI). La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/227/2014 du 8 avril 2014 ; Félix WOLFFERS, Fondement du droit de l’aide sociale, 1995, p. 77). Le Tribunal fédéral a rappelé dans un arrêt 8C_56/2012 du 11 décembre 2012 que l'art. 9 al. 1 LIASI correspond aux principes dégagés par la Conférence suisse des institutions d'action sociale (ci-après : CSIAS).

5) a. Les étudiants et les personnes en formation n'ont pas droit aux prestations financières ordinaires (art. 11 al. 4 LIASI a contrario). Néanmoins, le Conseil d’État fixe par règlement les conditions d’une aide financière exceptionnelle pour cette catégorie de personnes (art. 11 al. 4 let. a LIASI).

Peut être mis au bénéfice d'une aide financière exceptionnelle l'étudiant ou la personne en formation, qui remplit les conditions cumulatives suivantes : être au bénéfice d'allocations ou prêts d'études (art. 13 al. 1 let. a RIASI) et ne pas faire ménage commun avec son père et/ou sa mère (art. 13 al. 1 let. b RIASI).

En outre, l’aide financière doit permettre de surmonter des difficultés passagères et de terminer la formation en cours. Elle est limitée à six mois. À titre exceptionnel, elle peut être reconduite (art. 13 al. 2 RIASI).

b. Dans l'ATA/380/2013 du 18 juin 2013, concernant une personne qui n'avait pas annoncé à l'Hospice général qu'elle avait commencé de nouvelles études ni qu'elle avait quitté son emploi, la chambre administrative avait confirmé la décision de retrait de l'aide financière. L'aide financière exceptionnelle était réservée aux étudiants afin qu'ils terminent leurs études, alors que, dans ce cas, la recourante avait entamé une formation pouvant durer quatre ans.

c. Dans un autre arrêt (ATA/559/2014 du 17 juillet 2014 ; concernant un couple d’avocats sud-américains, réfugiés en Suisse et commençant, chacun, une seconde formation), la chambre administrative a tranché en précisant que l'aide financière aux personnes en formation n'était accordée que dans le but de terminer des études et à titre exceptionnel, l'art. 13 al. 2 RIASI dépassait le cadre de la délégation législative circonscrite par l'art. 11 al. 4 let. a LIASI.

L'ajout d'une précision complémentaire quant à la nécessité que l'aide soit uniquement octroyée dans le but de terminer ses études allait au-delà de ce que proposait l'art. 11 al. 4 let. a LIASI. En effet, le caractère exceptionnel était assuré par les autres conditions, notamment par la limitation dans le temps de l'aide. Certes, l'art. 11 al. 4 let. a LIASI décrivait des « personnes en formation », cependant, la volonté du législateur n'était pas d'exclure a priori des personnes entamant des études, mais de ne pas transformer l'aide sociale en aide à la formation. L'obligation d'aboutissement des études créait une inégalité de traitement, non justifiée par la loi, entre des personnes se trouvant au début d'un cycle de formation et des personnes le terminant. La situation était également peu claire quant à la définition du moment à partir duquel une formation pouvait être terminée. Le critère primordial demeurait le caractère exceptionnel de l'aide pour faire face à des difficultés passagères. Le fait de discriminer le moment de survenance de ces difficultés n'entrait pas dans le champ de l'art. 11 al. 4 let. a LIASI, mais ajoutait une condition supplémentaire (ATA/559/2014 précité).

d. Plus récemment encore, la chambre administrative a rejeté le recours d’une personne qui, ayant obtenu une aide ordinaire pour lui-même, son épouse et ses trois enfants alors qu’il était étudiant à plein temps pour obtenir un Master, s’était immatriculé à l’université sans en informer l’autorité afin d’obtenir un doctorat, et contestait devoir rembourser les sommes versées au titre de l’aide financière pendant cette période (ATA/726/2015, cité par le recourant).

6) En l’espèce, l’autorité intimée a, à juste titre, retenu que le recourant ne remplissait pas les conditions de l’art. 13 al. 1 RIASI lui permettant de percevoir une aide exceptionnelle, cas échéant une aide ordinaire au sens de l’art. 13 al. 5 RIASI. Il ne bénéficie en effet pas d’allocations ou de prêts d’études.

Malgré cela, il a reçu, à titre dérogatoire pendant dix mois, soit plus longtemps que le maximum prévu – sauf exception – par l’art. 13 al 2 RIASI, une aide exceptionnelle au barème ordinaire.

7) Dans ces circonstances, le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

8) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 juin 2017 par Monsieur A______ contre la décision sur opposition du directeur de l’Hospice général du 15 juin 2017 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :