Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/392/2013 du 25.06.2013 sur JTAPI/136/2013 ( LCI ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2146/2012-LCI ATA/392/2013 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 25 juin 2013 |
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dans la cause
COMMUNE DE PLAN-LES-OUATES
représentée par Me Nathalie Thürler, avocate
contre
BUCHER & MORET S.à r.l.
représentée par Me Pascal Pétroz, avocat
et
DÉPARTEMENT DE L'URBANISME
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 février 2013 (JTAPI/136/2013)
La parcelle n° 4'073, feuille 47, de la commune de Plan-les-Ouates (ci-après : la commune) est située à l’adresse 106, route des Chevaliers-de-Malte, dans le secteur de Saconnex-d’Arve-Dessous. Elle était copropriété de Messieurs Toussaint Burelli, Florian Georges Christe et de Mesdames Marie-Agnès Christe Bertin, Anne-Marie et Dominique Odette Lacraz. D’une surface de 2'478 m2, elle est située en zone 4B protégée et comporte une bâtisse, connue comme étant l’ancienne Auberge de la Tour, ainsi que deux dépendances, situées perpendiculairement à la route des Chevaliers-de-Malte. Ces bâtiments sont actuellement à l’abandon et deux d’entre eux ont reçu une valeur respective de 4/10 et de 6/10 lors du recensement architectural du canton de Genève.
Le 11 avril 2008, les propriétaires ont signé avec Messieurs Bucher et Moret une promesse de vente.
Le 18 avril 2008, Bucher & Moret S.à r.l. (ci-après : la société) a déposé auprès du département des constructions et des technologies de l’information, devenu le département de l’urbanisme (ci-après : le département), une demande définitive en autorisation de construire deux immeubles de logements, ainsi qu’un parking souterrain, enregistrée sous n° DD 102'074, emportant la démolition de l’ancienne Auberge et de ses dépendances, pour laquelle une autorisation de démolir (M 6’032) a été déposée le même jour, ces deux requêtes ayant été enregistrées le 22 avril 2008.
Lors de l’instruction de ces requêtes, les préavis suivants ont été recueillis :
a. Le 13 mai 2008, la sous-commission architecture (ci-après : la SCA) de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : la CMNS) a émis un préavis favorable pour la démolition des trois bâtiments, soulignant que « le bâtiment principal a[vait] subi des transformations successives qui ont entraîné une perte de la substance patrimonial d'origine » (sic).
Elle a préavisé défavorablement le projet de construction, demandant un projet modifié dans le sens des observations émises, notamment pour en minimiser l'impact sur le site et en simplifier la volumétrie générale.
b. Le 9 juin 2008, la commune a préavisé défavorablement le projet. Rappelant qu’un plan de site portant sur le périmètre considéré était en cours d'élaboration, elle a relevé que l'implantation actuelle des bâtiments permettait d'assurer une transition progressive entre la partie la plus ancienne de la localité et les premiers bâtiments, implantés de manière non contiguë le long de la route des Chevaliers-de-Malte. Le projet devrait être proposé avec une emprise au sol approchant celle existante (implantation perpendiculaire et non parallèle à la route). Enfin, la rampe d'accès au garage représentait une emprise trop importante sur la parcelle, une autre solution devant être proposée pour ne pas péjorer la qualité environnementale de ce périmètre.
La société a déposé un projet modifié le 6 août 2008.
Le 30 septembre 2008, la commune a indiqué que, lors de sa séance du 15 septembre 2008, sa commission de l'aménagement du territoire avait préavisé défavorablement ce projet modifié qui ne tenait pas compte de son préavis du 9 juin 2008 s'agissant de l'orientation des constructions.
Le 9 octobre 2008, Messieurs Jean-Philippe Bucher et Jean-Michel Moret sont devenus copropriétaires de la parcelle n° 4'073 et des bâtiments érigés sur celle-ci après l’avoir acquise des précédents propriétaires.
Le 24 novembre 2008 - après avoir préconisé dans son préavis du 1er septembre 2008 la suspension de l'instruction de la demande dans l'attente de l'adoption du plan de site, voire un refus conservatoire au sens de l'art. 13B de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) - le service des monuments et des sites (ci-après : le SMS) a demandé un nouveau « projet modifié qui respecte au mieux les caractéristiques formelles et architecturales du tissu villageois ainsi que le rapport entre les masses existantes et à bâtir (...) ». Il a observé que ce nouveau projet avait pris en considération une partie des recommandations du préavis du 13 mai 2008 de la SCA, mais demeurait problématique par l'impact de sa volumétrie. Le SMS a par ailleurs relevé que « la parcelle concernée (...) généreusement arborisée, s'inscri[vait] dans un environnement de bâtiments existants, d'origine ancienne et de construction récente comprenant globalement un rez-de-chaussée surmonté d'un étage et coiffé d'une toiture ».
Le président du département a, par courrier du 26 novembre 2008, informé la commune avoir requis la poursuite de l'instruction du projet.
Un troisième projet a été déposé le 30 avril 2009.
a. Le 2 juin 2009, la SCA de la CMNS a émis un préavis favorable. Ce nouveau projet répondait dans une large mesure à ses recommandations du 13 mai 2008 et à celles formulées par le SMS dans son préavis du 24 novembre 2008. Elle n'avait ainsi plus d'observations particulières à formuler, sous réserve des exigences quant à une exécution conforme aux caractéristiques des villages genevois (crépi minéral, couverture en tuiles plates rouges naturelles, bardages en bois, pas de PVC ou similaire, etc.) et aux aménagements extérieurs.
b. Le 22 juin 2009, une séance a eu lieu entre la commune, représentée par son mandataire, Monsieur Gilles Grosjean, du Bureau Triporteur S.à r.l., pour l'étude du plan de site, et les architectes mandataires du projet de construction.
c. Suite à cette séance, ces derniers ont proposé deux variantes à la commune : l'une tenant compte de ses exigences quant à l'implantation et à la conservation des arbres, mais comportant, selon eux, des défauts importants (indice d'utilisation du sol – ci-après : IUS - de 0,29, ombre portée sur le bâtiment par les arbres, projet économiquement non viable, etc.) et l'autre, conservant l'implantation des projets précédents, soit parallèle à la route des Chevaliers-de-Malte, mais sur une moins grande longueur, permettant la conservation de certains arbres (IUS de 0,4).
d. La commune a fait savoir aux promoteurs qu'elle considérait la première variante comme la plus intéressante et que les défauts relevés ne lui semblaient pas avérés.
e. Le 22 juin 2009, se référant à l'avant-projet de plan de site de Saconnex-d'Arve-Dessous n° 29’718 élaboré par la commune, le SMS a demandé un projet modifié avec une densité limitée à 0,35 % ou 0,4 % avec un haut standard énergétique. Une variante d'implantation avec une construction perpendiculaire à la route des Chevaliers-de-Malte qui aurait l'avantage de maintenir les arbres au sud de la parcelle devait être étudiée.
Le 29 juillet 2009, un nouveau projet modifié, différent de celui pour lequel la commune avait émis le préavis précité, a été déposé. Il s'agissait désormais de construire sept villas contiguës (habitations groupées), avec un parking extérieur remplaçant le parking souterrain (IUS de 0,4 maximum avec un haut standard énergétique).
a. Le 10 août 2009, le SMS a préavisé favorablement ce nouveau projet modifié. Ce dernier respectait les exigences légales sans nécessité de dérogation selon l'article 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), à savoir une densité de 0,4%, une absence de rampe de garage compte tenu des places de parking à l'extérieur, des espaces extérieurs sans privatisation excessive, une volumétrie et une toiture conformes à l'image générale, des arbres maintenus selon un projet admis par la CMNS. Le SMS a rappelé ses réserves quant aux qualités des éléments utilisés pour la construction.
b. La commune n'a pas été informée de l'existence de ce nouveau projet.
Le 15 décembre 2009, le projet de plan de site a été adopté à l'unanimité par le conseil municipal de la commune de Plan-les-Ouates et transmis au Conseil d'Etat pour approbation.
Par décision du 12 janvier 2010, le département du territoire (ci-après : DT), devenu le département de l’intérieur et de la mobilité, puis le département de l’intérieur, de la mobilité et de l’environnement (ci-après : DIME), a délivré l'autorisation d'abattre les arbres selon le plan annexé à la requête, pour autant que des arbres pour un montant d'au moins CHF 30'000.- soient replantés.
Par décisions du 13 janvier 2010, le département a délivré les autorisations de construire et de démolir sollicitées, selon le dernier projet du 29 juillet 2009.
Par acte formé le 15 février 2010, la commune a recouru contre les autorisations de construire et de démolir auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue depuis le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).
Elle n'avait pas été consultée sur le projet finalement autorisé.
Le plan directeur communal, voté par le conseil municipal le 27 octobre 2009 et adopté par le Conseil d'Etat le 23 novembre 2009, prévoyait l'élaboration d'un plan de site afin de préserver le patrimoine bâti dans le périmètre du village de Saconnex-d'Arve-Dessous. Ce futur plan de site et son règlement avaient été élaborés et leur version définitive avait donné lieu à une résolution du conseil municipal adoptée à l'unanimité le 15 décembre 2009. La procédure d'adoption par le Conseil d'Etat de ce plan de site devait s'accompagner d'un projet de modification du périmètre de la zone 4B protégée.
Selon ce futur plan de site, seules les surfaces hachurées correspondaient à celles « développables ». La parcelle n° 4’073 en cause n'en faisait pas partie, étant située à proximité immédiate de la parcelle n° 6’713 destinée à être transférée dans une zone de verdure lors de la modification de la zone 4B protégée, si bien que le projet litigieux se trouverait dans une zone non constructible.
Pour le surplus, la commune a repris l'essentiel des arguments émis dans ses préavis.
Le 17 mars 2010, le département a publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) un avis rectifiant que l'autorisation DD 102’074-4 délivrée portait sur la construction d' « habitats en ordre contigu (Minergie), d'un parking et d'aménagements extérieurs ».
Le 16 avril 2010, la commune a formé un nouveau recours contre l'autorisation précitée.
Le 24 juin 2010, la commission a rejeté les recours, après avoir prononcé leur jonction.
La position de la commune, telle qu'elle était ressortie de l'instruction des requêtes, était sans équivoque. Il était clair qu'elle s'opposerait au nouveau projet, dont l'implantation était identique à celle initialement proposée. Dans ces circonstances, le département n'était pas tenu de solliciter un nouveau préavis de sa part. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permettait de retenir que la construction projetée compromettrait les objectifs du futur plan de site, compte tenu des préavis positifs de la SCA et du SMS.
Par arrêt du 3 mai 2011, sur recours de la commune, le Tribunal administratif, devenu la chambre administrative de Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), a annulé la décision de la commission du 24 juin 2010 et renvoyé le dossier au département pour qu'il requière le préavis de la commune (ATA/273/2011 du 3 mai 2011).
Le préavis communal était obligatoire, la parcelle n° 4’073 se trouvant en zone 4B protégée. Le caractère consultatif du préavis communal ne dispensait pas le département de le requérir et de signifier, le cas échéant, à la commune, les raisons qui l'avaient conduit à s'en écarter.
Le dernier projet pour lequel le préavis de la commune avait été sollicité consistait en la construction de deux immeubles de logements d'un étage sur rez, destinés à la vente en propriété par étages (ci-après : PPE), comportant douze appartements, un parking souterrain de dix-neuf places, ainsi que quatre places de parc extérieures. Deux entrées distribuaient les appartements. La construction était entourée d'un espace de verdure. Sur la face sud-ouest, huit terrasses étaient envisagées. Les deux immeubles n'étaient pas alignés, mais légèrement décalés, dans une implantation parallèle à la route des Chevaliers-de-Malte.
Le projet pour lequel l'autorisation avait été délivrée consistait en la construction de sept habitations groupées (villas contigües), comportant chacune une entrée. L'implantation était toujours parallèle à la route précitée, mais la construction ne comportait plus de décrochement, les habitations formant un bloc compact donnant l'impression d'un immeuble d'un seul tenant. Le parking souterrain était remplacé par l'aménagement de dix-sept places de parc extérieures occupant la majeure partie de l'espace entourant la construction. La zone de verdure s'en trouvait considérablement réduite. Sur la face sud-ouest, les terrasses étaient maintenues, mais agrémentées d’une véranda. En outre, sept petits jardins privatifs situés au nord-est bordaient la construction.
Ces modifications touchaient à la nature de la construction (appartements devenus villas contigües), à l’implantation de celle-ci et à ses aménagements extérieurs (réduction importante de la zone de verdure au profit de places de parc extérieures et suppression du parking souterrain). Ces éléments, pris dans leur ensemble, avaient entraîné une modification essentielle du projet par rapport à celui qui avait été porté à la connaissance de la commune.
Le fait que le département connaissait la position de la commune quant à l'implantation du bâtiment projeté (non perpendiculaire à la route des Chevaliers-de-Malte comme la commune le souhaitait) ne le dispensait pas de solliciter l'avis de celle-ci sur les autres points modifiés. Le préavis de la commune aurait ainsi dû être à nouveau sollicité.
La chambre administrative a dès lors considéré qu’il n'était pas nécessaire de statuer sur les autres griefs, notamment sur l'applicabilité du plan de site et la conformité de la construction à celui-ci.
Le 1er juillet 2011, la commune de Plan-les-Ouates a écrit au département qu’ « à ce jour, plus aucun recours ou procédures judiciaires ne sont [n’étaient] pendantes devant les tribunaux dans le périmètre du plan de site n° 29’718. En conséquence, nous vous saurions gré de bien vouloir engager conformément à l'article 40 de la LPMNS, la procédure d'adoption dudit projet de plan de site ».
Par courrier du 19 juillet 2011, le département a requis le préavis de la commune quant aux projets de construction (DD 102’074-1) et de démolition (M 6’032-4) présentés par Bucher & Moret S.à r.l.
Dans sa réponse du 19 août 2011, le responsable du service de la commune a sollicité un délai au 23 septembre 2011 « afin de permettre au Conseil administratif d'examiner attentivement cette requête au regard du plan de site de Saconnex-d’Arve-Dessous ».
Le 23 septembre 2011, la commune a préavisé défavorablement le projet de construction, considérant qu'il n'était conforme ni au projet de plan de site ni au règlement de celui-ci. D’après ce plan de site, « les arbres situés sur la terrasse de l'ancienne Auberge de la Tour sont considérés comme des arbres majeurs maintenus » et « la parcelle N° 4073 ne fait pas partie des parcelles contenant une aire d'implantation de constructions nouvelles ». Selon l'art. 5 al. 1 du règlement « les constructions nouvelles ne peuvent être édifiées que dans les aires prévues à cet effet. L'orientation des faîtages et l'alternance entre cours et jardins sont indiqués sur le plan ». Selon l'art. 8 al. 2 du règlement, « les parcelles no 1842, 3049 et 4073 doivent rester libres de toutes nouvelles constructions, de manière à assurer depuis la rue des dégagements visuels vers les jardins situés en arrière front ».
Le même jour, la commune a préavisé défavorablement la requête en démolition.
Le 21 décembre 2011, la commune a réécrit au département en s'étonnant que celui-ci privilégie l'avancement du dossier d'autorisation de construire sur la parcelle n° 4’073 au lieu de la procédure d'adoption du plan de site alors que l'inverse s'imposait.
Répondant à la commune le 30 mars 2012, le président du département a précisé que l'enquête publique relative au plan de site n'aurait pas lieu tant que le sort du projet de construction sur la parcelle n° 4’073 ne serait pas définitivement connu au vu du conflit existant entre l'un et l'autre.
Par décisions du 14 juin 2012, le département a délivré à Bucher & Moret S.à r.l. les autorisations de construire les habitats en ordre contigu, de haute performance énergétique, avec parking et aménagements extérieurs (DD 102’074-1, relative au projet no 7 du 29 juillet 2009), et de démolir les bâtiments se trouvant sur la parcelle n° 4’073 (M 6’032-4). Celles-ci ont été publiées dans la FAO le 22 juin 2012.
Par acte formé le 10 juillet 2012, la commune a recouru contre ces autorisations, concluant à leur annulation, « avec suite de dépens ».
Les autorisations délivrées constituaient une violation de l'art. 13B LaLAT et du plan de site. Les autorisations litigieuses ne devaient pas être délivrées, dès lors que la construction projetée n'était pas conforme au plan de site, lequel devait être privilégié quand bien même il n'était pas encore formellement en vigueur. Ce plan n'avait pas suscité d'opposition sur le plan communal. Le 9 juin 2010, le département avait refusé une autorisation de construire pour la parcelle voisine n° 6’713.
La CMNS, qui était initialement favorable à un refus conservatoire, avait changé d'avis de façon inexplicable. Après l'annulation de la première autorisation de construire par la chambre administrative, la CMNS n'avait d'ailleurs pas été invitée à émettre un nouveau préavis, le projet ayant été sensiblement modifié dans l'intervalle. En outre, la procédure d'adoption du plan de site suivait son cours.
Le 13 août 2012, Bucher & Moret S.à r.l. a conclu au rejet du recours et à la confirmation des autorisations querellées, avec suite de dépens.
Les conditions de l'art. 13B al. 1 LaLAT n’étaient pas réalisées. Le projet de plan de site n'avait toujours pas été adopté par le Conseil d'Etat. Le 10 août 2009, le SMS avait préavisé favorablement le projet modifié, conformément à ses exigences, et qui avait été déposé le 29 juillet 2009. Le SMS reprenait par ailleurs les réserves relatives au choix des matériaux, émises par la SCA dans son préavis favorable antérieur du 2 juin 2009.
Le 13 septembre 2012, le département a conclu au rejet du recours.
Dans le cadre de l'application de l'art. 13B LaLAT, il disposait d'un pouvoir d'appréciation. D'ailleurs, à l'exception de la commune, toutes les instances de préavis concernées s’étaient déclarées favorables au projet querellé, particulièrement la CMNS, qui avait considéré que, moyennant le respect d'un certain nombre de conditions et de modifications, le projet pouvait être autorisé malgré le fait qu'un plan de site, englobant la parcelle concernée, soit en cours d'élaboration. La situation n'avait pas évolué depuis et le plan de site, qui n'avait pas encore été adopté par l'autorité compétente, ne pouvait être opposé aux administrés.
Le TAPI a procédé à l’audition des parties lors d’une audience de comparution personnelle le 21 novembre 2012.
a. Le représentant de la commune a confirmé que cette dernière avait émis son préavis du 23 septembre 2011 sur la base du projet déposé le 29 juillet 2009. L'implantation de la construction projetée était contraire à l'art. 5 du règlement du plan de site en ce sens qu'elle empêcherait le dégagement sur le paysage, tandis que l'implantation de l'Auberge et de ses dépendances - située beaucoup plus en arrière - permettait une vue dégagée dudit paysage.
b. L'architecte mandataire de l'intimée a confirmé que le projet modifié le 29 juillet 2009 et soumis au SMS, demeurait inchangé. Aucun autre projet n'avait été déposé.
c. Le représentant du département a confirmé que les autorisations de construire et de démolition délivrées à la suite de l'arrêt de la chambre administrative du 3 mai 2011 étaient fondées sur le projet modifié et déposé le 29 juillet 2009.
d. La commune a sollicité un transport sur place.
Le 7 décembre 2012, le TAPI a procédé à un transport sur place.
En se mettant face au bâtiment existant de l'ancienne Auberge de la Tour, sur le trottoir côté impair de la route des Chevaliers-de-Malte, le TAPI a observé que, hormis l'espace vert constitué par les parcelles voisines nos 6’713 et 6'714 sises entre le Sentier du Pré-Jardinier et le chemin des Chapons, dans le contour formé par les routes des Chevaliers-de-Malte et de Saconnex-d'Arve, la parcelle n° 4’073 en cause se trouvait dans un environnement bâti : deux rangées de villas mitoyennes s'alignaient derrière l'ancienne Auberge, outre les villas environnantes et celles situées de l'autre côté de la route où se tenaient les membres du TAPI et les parties. Le représentant de la commune a indiqué que, depuis cet endroit, à travers l'allée séparant les deux rangées de villas mitoyennes derrière l'Auberge, on disposait d' « une perception du coteau d'Arare ». Le TAPI a observé qu'on pouvait le « devine(r) ».
A réception du procès-verbal de transport sur place, les parties ont eu l’occasion de déposer des observations.
La commune, en particulier, a relevé le 15 janvier 2013 que le transport sur place avait été limité à la perception visuelle des dégagements existants depuis la route des Chevaliers-de-Malte sur le « grand paysage » du coteau d'Arare et Pré-Jardinier à travers la future implantation en lieu et place du bâtiment actuel, soit l'ancienne Auberge de la Tour. Rappelant que le projet du plan de site visait la préservation du cadre bâti historique, de ses « prolongements paysagers », ainsi qu'à « assurer une intégration adéquate des constructions nouvelles », elle a affirmé sa volonté de préserver la porosité du tissu urbain existant, de limiter la tendance avérée d'une obturation des fronts de rue par de nouveaux volumes qui entraîneraient la disparition progressive des dégagements et des percées visuelles. En 1994 déjà, elle avait considéré l'implantation de l'Auberge comme « intangible » et ne prévoyait pas d'emprise ou d'orientations nouvelles pour d'éventuelles constructions de remplacement, l'orientation de l'Auberge et ses dépendances étant optimale par rapport à son environnement. Ainsi, un gabarit supérieur à celui de l'Auberge actuelle causerait un déséquilibre avec les environs.
Le même jour, la société a persisté dans ses conclusions. La commune avait modifié sa position en cours de procédure. Initialement, elle avait critiqué l’impact de la construction projetée depuis Saconnex-d'Arve Dessus; puis, lors du transport sur place, elle avait invoqué un nouvel argument en ce sens que le projet masquerait la percée visuelle du coteau d'Arare. Le transport sur place avait eu lieu au mois de décembre, si bien que les arbres avaient perdu leur feuillage. Il serait impossible de deviner le coteau d'Arare lorsque ces arbres auraient leur feuillage.
Par jugement du 6 février 2013, le TAPI a rejeté le recours et confirmé les autorisations de construire DD 102’074-1 et de démolir M 6’032-4. Ce faisant, le TAPI a relevé que le 9 juin 2010, le département avait refusé une autorisation de construire sur la parcelle n° 6’713 jouxtant la parcelle n° 4'073 en cause en se fondant sur l’art. 13B al. 1 LaLAT, la parcelle n° 6'713 étant située dans un secteur identifié par le plan directeur cantonal comme devant être déclassé en zone agricole. Tel n’était pas le cas de la parcelle n° 4'073, située en zone 4B protégée, et soumises aux dispositions prévues pour cette zone, le plan de site n’étant pas en vigueur. Certes, l'art. 8 al. 2 du projet de règlement du plan de site prévoyait que la parcelle no 4'073 notamment devait rester libre de toute construction de manière à assurer depuis la rue « le dégagement visuel vers les jardins situés en arrière-fond ». Néanmoins, la construction projetée, soit celle faisant l’objet du projet daté du 29 juillet 2009, ne nécessitait aucune dérogation puisque le projet comportait un étage sur rez avec combles non habitables. Quant à l’implantation du bâtiment projeté, le TAPI a considéré, après les observations auxquelles il avait pu se livrer lors du transport sur place, que la construction telle qu’elle était projetée n’était pas, au vu du dossier, de nature à compromettre les objectifs du futur plan de site, les bâtiments existants n’étant, de l’avis même de la SCA, pas dignes d’être maintenus, en raison des transformations successives que le bâtiment principal en particulier avait subies, ayant entraîné une perte de la substance patrimoniale d’origine. Ces bâtiments avaient été mentionnés lors du recensement architectural en 1991, mais n’avaient fait l’objet d’aucune étude postérieure recommandant leur maintien et avaient subi, depuis lors, d’importantes dégradations. Enfin, dans son arrêt du 3 mai 2011, la chambre administrative avait rappelé qu’un plan de site devait respecter la garantie de la propriété. Vouloir assurer, comme le souhaitait la recourante, le dégagement visuel vers les jardins situés en arrière-fond et maintenir les arbres se trouvant sur la parcelle n° 4'073 pour respecter l’art. 8 al. 2 du règlement du futur plan de site s’avérait « difficilement réalisable et, partant, disproportionné ». Le département avait, à juste titre, renoncé à faire application de l’art. 13B LaLAT. La comparaison avec la parcelle voisine n° 6'713 était irrelevante, ladite parcelle n’étant pas construite et grevée d’une servitude de non-bâtir en faveur de la commune. Les griefs de la recourante devaient être analysés en application du seul art. 106 LCI. Au vu des préavis recueillis, dont la loi ne prévoyait aucune hiérarchie et ne permettait pas d’accorder une prééminence à celui de la commune, alors qu’en zone protégée, celui de la CMNS était considéré comme déterminant, le recours devait être rejeté.
Ce jugement a été expédié aux parties le 7 février 2013.
Le 11 mars 2013, la commune a recouru contre ledit jugement auprès de la chambre administrative en concluant préalablement à ce qu’un nouveau préavis de la CMNS soit requis, « portant spécifiquement sur la conformité du projet de construction litigieux au plan de site en cours d’adoption », ainsi qu’à l’ouverture d’enquêtes pour procéder, notamment, à l’audition de M. Grosjean, du Bureau Triporteur S.à r.l., ainsi qu’à un transport sur place. Principalement, la commune a conclu à l’annulation du jugement précité, de même qu’à celle des autorisations de construire et démolir, en sollicitant enfin l’octroi d’une indemnité de procédure.
a. Le plan de site concernant Saconnex-d’Arve-Dessous avait été initié le 14 novembre 2006. Le plan et le règlement de celui-ci avaient été achevés en janvier 2009. Ils avaient tous deux été acceptés à l’unanimité par le conseil municipal en décembre 2009. En janvier 2010, le dossier avait été transmis au Conseil d’Etat pour l’enquête technique formelle. En juin 2010, la CMNS avait émis un préavis favorable en se félicitant du contenu dudit plan. En octobre 2010, le département avait procédé à diverses consultations, qui s’étaient achevées favorablement en avril 2011. Depuis, la commune attendait l’ouverture de l’enquête publique, à laquelle devait procéder le Conseil d’Etat.
En 1994, la commune considérait l’implantation de l’Auberge de la Tour comme « intangible » et ne prévoyait donc pas d’emprises ou d’orientations nouvelles pour d’éventuelles constructions destinées à remplacer ladite auberge. Comme cela résultait d’un courrier électronique envoyé par M. Grosjean, du Bureau Triporteur S.à r.l., à Monsieur Régis Larue, chargé de mission auprès de la commune (pièce 4 chargé recourante) le 15 mai 2008, Triporteur S.à r.l. n’avait pas non plus envisagé un immeuble susceptible de remplacer l’Auberge de la Tour, ayant estimé « que la morphologie bâtie existante était satisfaisante telle quelle ». Elle permettait en effet d’assurer une transition progressive entre la partie la plus ancienne de la localité, le long de la route de Saconnex d’Arve, et les premiers bâtiments implantés de manière non contiguë, dans la seconde moitié du 19ème siècle, le long de la route des Chevaliers-de-Malte. Triporteur S.à r.l. avait indiqué dans ce courrier : « nous avons indiqué dans l'ébauche de plan de site que le volume ou la structure des bâtiments constituant l'auberge était digne de maintien, ce qui n'est pas le cas de leur substance architecturale. Une démolition-reconstruction de l'auberge est donc possible de notre point de vue mais elle devrait idéalement se faire dans une emprise approchant l'emprise actuelle ».
b. La commune a repris l’historique tel que décrit ci-dessus. Le projet avait été modifié une troisième fois le 30 avril 2009, et l’indice d’utilisation du sol réduit à 0,52, la hauteur du bâtiment prévu s’élevant à 9,49 m. Le 2 juin 2009, la CMNS avait émis un préavis favorable du fait que les modifications apportées répondaient dans une large mesure aux recommandations formulées par la SCA le 13 mai 2008 et par le SMS le 24 novembre 2008. La CMNS, soit pour elle la SCA, émettait certaines réserves quant à la qualité des matériaux, la dimension des ouvertures en façade, les aménagements extérieurs, de même que le choix des teintes et matériaux. De nouveaux plans avaient été établis en dernier lieu le 29 juillet 2009, portant sur un habitat groupé composé d’un étage sur rez plus les combles, qui ne permettrait l’installation que de sept familles, quand bien même l’implantation était plus importante que celle du bâtiment actuel et que l’orientation était toujours contraire au plan de site, puisque les habitats groupés seraient parallèles à la route des Chevaliers-de-Malte, au lieu d’être perpendiculaires à celle-ci. Le SMS avait émis un préavis favorable sous réserves le 10 août 2009 en émettant les mêmes restrictions que celles énoncées ci-dessus le 2 juin 2009 par la CMNS.
c. Suite à l’arrêt rendu le 3 mai 2011 par la chambre administrative, le département avait prié la commune le 19 juillet 2011, de lui retourner, avec son préavis, le dossier en question dans les trente jours. Il était fait référence à la DD 102’074-1 concernant un « habitat en ordre contiguës (sic) - minergie et d'un parking - aménagements extérieurs ». La commune ayant fait observer que le projet initial n’était pas celui qu’elle devait à nouveau préaviser, puisque selon l’arrêt de la chambre administrative, elle devait se prononcer sur le projet modifié, elle s’en était étonnée par courrier du 20 juillet 2011, en informant par ailleurs le département qu’en date du 1er juillet 2011, elle avait sollicité du Conseil d’Etat l’ouverture de la procédure d’adoption du plan de site de Saconnex-d’Arve-Dessous. Elle considérait par ailleurs que le projet modifié en juillet 2009 devrait également recevoir un nouveau préavis de la part de la CMNS, vu le temps écoulé et faire l'objet d'une demande d'autorisation complémentaire, au sens de l'art. 10A RCI.
Le chef de région de l’office de l’urbanisme lui avait répondu le 27 juillet 2011 que la chambre administrative avait prié le département de requérir le préavis de la commune, raison pour laquelle il lui avait adressé le 19 juillet 2011 la requête initiale DD 102’074-1 déposée en 2008 pour lui permettre d’émettre son préavis. Il s’agissait bien d’un projet modifié et non d’un projet complémentaire.
d. Le 23 septembre 2011, le conseiller administratif en charge des constructions a répondu au département suite à la requête de celui-ci que le préavis de la commune était défavorable, le projet, dont il n’était pas spécifié qu’il s’agissait de celui du 29 juillet 2009, n’étant pas conforme au projet de plan de site, ni au règlement de celui-ci, voté le 15 décembre 2009, pour les raisons déjà exposées. Par référence en particulier à l’art. 5 al. 1 et 8 al. 2 dudit règlement, la parcelle n° 4'073 devait rester libre de toute construction nouvelle.
Le recours de la commune était dirigé contre ces deux autorisations.
e. De plus, il existait un projet de modification des limites de zone, visant à modifier les limites de la zone 4B protégée, l’option de transférer la parcelle n° 6'713 dans la zone de verdure devant permettre de favoriser une utilisation conforme à l’esprit du déclassement en zone agricole prévu pour cette unique parcelle dans le plan directeur cantonal 2001 aux fins d’y replanter un verger traditionnel. La commune revenait dans son recours sur le contenu du projet de plan de site, s’étonnant que le département, qui pouvait prendre des mesures conservatoires lorsqu’un plan de site était en cours d’élaboration, fasse l’inverse, à savoir bloque le processus d’adoption dudit plan de site, au motif qu’un projet de construction était en cours, au risque que celui-ci soit ensuite en contradiction avec ledit plan de site.
f. La commune ne pouvait se voir reprocher de ne pas prêter son concours à la construction de nouveaux logements, puisque dans le périmètre La Chapelle - Les Sciers, 1'200 appartements sur les communes de Plan-les-Ouates et de Lancy, de même qu’une école intercommunale et des infrastructures, allaient voir le jour. De plus, elle avait accepté l’édification de vingt logements dans le périmètre des Cherpines, raison pour laquelle elle tenait à préserver « l’espace paysagé semi-naturel et semi-public qui constituait l’intérêt majeur de l’endroit du point de vue de l’aménagement urbain que cette réalisation telle que projetée dénaturerait ». Celle-ci serait également mal intégrée aux constructions voisines, organisées de manière non contiguë, voire à celles longeant le sentier du Pré-Jardinier. Ce bâtiment marquerait une rupture nette et accentuerait l’effet de couloir.
g. La commune maintenait que les autorisations délivrées violaient l'art. 13B LaLAT, un refus conservatoire étant possible sans qu’un plan d’affectation n’existe, selon la jurisprudence du Tribunal administratif.
Quant au TAPI, il avait dans son dernier jugement suivi un raisonnement particulier, considérant que l’art. 8 al. 2 du règlement du plan de site ne méritait pas d’être respecté, s’agissant d’une clause contraire à la garantie de la propriété, pour retenir ensuite qu’aucun élément du dossier ne permettait de conclure que ladite construction était de nature à compromettre les objectifs du futur plan. Ni le département, ni les premiers juges n’avaient indiqué en quoi la construction litigieuse respectait ledit plan, ce qui n’était pas le cas, puisqu’il était en contradiction avec celui-ci, et la recourante énumérait lesdites contradictions.
Le TAPI a produit son dossier le 14 mars 2013.
Le département a répondu le 15 avril 2013 en concluant au rejet du recours. La recourante avait apporté certains compléments, principalement historiques, mais le fond du litige n’en était pas modifié. Le TAPI avait relevé à juste titre que le projet ne nécessitait aucune dérogation aux prescriptions de la police des constructions et il ne constituerait pas une entrave au but général énoncé par l’art. 1 du projet de règlement du plan de site. D’ailleurs, la recourante elle-même ne prétendait pas que le projet litigieux contreviendrait au développement mesuré du site. Quant à l’art. 8 al. 2 du projet de règlement du plan de site, selon lequel certaines parcelles, dont la parcelle en cause, devraient rester libres de toute construction, il était douteux que cette disposition constitue à elle seule un objectif d’urbanisme au sens de l’art. 13B LaLAT. De plus, et comme le TAPI l’avait constaté lors du transport sur place auquel il avait procédé, le prétendu dégagement visuel à préserver n’existait pas en raison de la présence de deux rangées d’immeubles. La végétation en bordure de la parcelle n° 4’703 (recte : 4’073) ne permettait pas de bénéficier d’une vue dégagée sur le Pré-Jardinier. La recourante tentait vainement de démontrer que le TAPI avait violé l’art. 13B LaLAT car elle persistait à se prévaloir d’une décision de refus conservatoire pour un projet situé sur une parcelle attenante (ndr : soit la parcelle n° 6'713) à celle litigieuse. Les situations des deux parcelles n’étaient pas comparables. Partant, le principe d’égalité de traitement ne pouvait être invoqué.
Enfin, l’art. 13B LaLAT, s’il était applicable, accordait au département un large pouvoir d’appréciation. En l’espèce, il s’était fondé sur les préavis favorables de la CMNS et la planification envisagée n’était pas entravée par le projet de construction. Le poids de l’intérêt public à la construction de logements était plus important que celui à la préservation d’une vue dégagée surtout lorsque celle-ci ne l’était pas. Un refus conservatoire devait respecter les principes constitutionnels et une mesure d’effet anticipé négatif ne devait pas paralyser un projet qui ne compromettait pas la planification envisagée.
Quant à la violation du plan de site, elle n’était pas réalisée puisque celui-ci n’avait pas été adopté.
a. Le 15 avril 2013, Bucher & Moret S.à r.l. a conclu derechef au rejet du recours. Elle n’avait eu connaissance de l’avant-projet du plan de site que par le premier préavis de la commune du 9 juin 2008. Quant au plan directeur communal, il n’avait été adopté qu’un an et demi après le dépôt de la demande en autorisation de construire, et même postérieurement au dernier projet déposé le 28 juillet 2009, alors que le président du département avait décidé le 26 novembre 2008 déjà de ne pas rendre une décision conservatoire.
En tout état, le conseil municipal de la commune n’avait adopté le plan de site et le règlement de celui-ci que le 15 décembre 2009, soit à une date où l’instruction de l’autorisation de construire était arrivée à son terme. L’intimée ne comprenait pas l’acharnement de la commune à soutenir que le projet litigieux serait contraire au plan de site, alors que celui-ci n’avait pas encore été soumis à une enquête publique. Elle avait déposé un ultime projet modifié le 29 juillet 2009, réduisant la hauteur du faîte à 8,44 m et le coefficient d’utilisation du sol à 0,40, correspondant ainsi aux conditions du haut standard énergétique. Contrairement aux allégués de la recourante, l’implantation perpendiculaire du bâtiment que souhaitait la commune ne permettrait pas d’atteindre une telle densité.
b. De plus, ledit projet avait recueilli les préavis favorables des organismes spécialisés. C’était bien sur ce projet que le SMS s’était déterminé le 10 août 2009 en relevant que ledit projet était conforme au préavis émis sous réserve par la CMNS le 2 juin 2009, qu’il respectait les lois et règlements en vigueur, que la densité était limitée à 0,40, qu’il n’existait plus de rampe de garage, que les espaces extérieurs n’engendraient pas de privatisation excessive, que les arbres étaient maintenus à l’image du projet admis par la CMNS, et que l’image générale était conforme aux directives mentionnées dans la « liste indicative de recommandations pour les constructions nouvelles en zone 4B protégée ».
Renvoyer la cause à la CMNS pour que celle-ci émette un nouveau préavis relèverait du formalisme excessif.
c. L’intimée relevait encore que l’ancien maire de la commune en charge de la construction et de l’aménagement était domicilié 48, route des Chevaliers-de-Malte, sur la parcelle n° 5'462, distante d’une centaine de mètres seulement de la parcelle n° 4'073, ce qui rendait l’acharnement de la commune bien plus compréhensible. L’intimée s’opposait aux actes d’instruction sollicités par la recourante, s’étonnant de la demande dilatoire de l’audition de M. Grosjean. Quant à l’organisation d’un nouveau transport sur place, elle était inutile, les premiers juges ayant relevé que l’on pouvait deviner de loin, à travers l’allée séparant les deux rangées de villas mitoyennes, entre les arbres sans feuilles, une perception du coteau d’Arare. Enfin, requérir un nouveau préavis de la CMNS était tout aussi inutile, puisque lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 21 novembre 2012 devant le TAPI, il était apparu que c’était bien sur le vu du dernier projet déposé le 29 juillet 2009 que chacun s'était déterminé, aucun autre projet n’ayant été déposé.
d. Pour les raisons retenues par le TAPI, l’art. 13B LaLAT n’avait pas été violé. Quant au plan de site, il ne pouvait pas l’être non plus, n’étant pas en vigueur. Enfin, l’art. 106 al. 1 LCI avait été respecté, et toute l’argumentation de la commune, fondée sur la prétendue inadéquation du projet avec le plan de site tombait à faux. L'intimée concluait à la confirmation du jugement et à celle des autorisations qui lui avaient été délivrées.
Invitée à formuler d’éventuelles observations au sujet des écritures des intimés, la commune s’est prononcée le 14 mai 2013. La question centrale consistait à déterminer si le futur plan de site communal était opposable aux promoteurs et si oui, si le projet était compatible avec celui-ci. Elle reprenait son argumentation et se demandait pourquoi, si le plan de site ne devait pas être pris en compte, le SMS avait, dans un premier temps, préconisé une suspension de la procédure d’autorisation de construire, vu l’élaboration dudit plan de site. Dans son préavis favorable concernant le plan de site, émis le 21 juin 2010, la CMNS avait expressément indiqué que la DD litigieuse était mal adaptée au site. Selon le plan de site communal, l’implantation et l’orientation du bâtiment actuel, de même que la « chambre d’arbres de la parcelle », devaient être conservées. Enfin, la référence à l’ancien conseiller administratif qui habiterait à proximité de la parcelle en cause était sans pertinence.
Sur quoi, la cause a été gardée à juger.
Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
La commune requiert l'audition notamment de M. Grosjean, du Bureau Triporteur S.à r.l., un transport sur place et un nouveau préavis de la CMNS « portant spécifiquement sur la conformité du projet de construction litigieux avec le plan de site en cours d'adoption ».
Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1 ; 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; 2D_51/2011 du 8 novembre 2011 ; 2C_58/2010 du 19 mai 2010 consid. 4.3 ; 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid. 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).
La commune n'indique pas quels seraient les autres témoins que M. Grosjean, dont elle considère que l'audition serait utile. A ce stade de la procédure, elle devrait pourtant être en mesure d'en citer les noms et adresses.
S'agissant de M. Grosjean, le dossier comporte toutes les pièces nécessaires pour statuer sans que l'audition d'un membre du Bureau Triporteur S.à r.l. se justifie.
Un transport sur place s'avère tout aussi inutile, la situation sur place n'ayant pas changé depuis celui effectué par le TAPI le 7 décembre 2012 auquel toutes les parties ont participé. Elles ont également eu l'occasion de formuler toutes observations utiles au sujet du procès-verbal de transport sur place établi à cette occasion, de sorte qu'un acte d'instruction identique serait vain. La recourante n'indique d'ailleurs pas quel événement nouveau serait survenu depuis cette date pour justifier sa requête.
Quant à solliciter un nouveau prévis de la CMNS « portant spécifiquement sur la conformité du projet (…) avec le plan de site en cours d'adoption », cette démarche est superfétatoire également, pour les raisons qui seront exposées ci-dessous.
En conséquence, il ne sera pas fait droit à ces demandes.
Suite à l'ATA/273/2011 du 3 mai 2011, le département a requis le 19 juillet 2011 le préavis de la commune, sur le vu du dernier projet présenté le 29 juillet 2009, et celle-ci s'est déterminée le 23 septembre 2011.
Sans surprise, ledit préavis a été défavorable et pour l'autorisation de construire et pour celle de démolir, toujours pour les mêmes raisons, à savoir que ledit projet serait contraire au plan de site et aux art. 5 al. 1 et 8 al. 2 du règlement de celui-ci. Les arbres sis sur la terrasse de l'ancienne Auberge de la Tour étaient considérés comme « des arbres majeurs maintenus » et la parcelle n° 4’073 ne faisait pas partie des parcelles comportant une « aire d'implantation de construction nouvelles ». La parcelle n° 4’073 notamment devait rester libre de toute nouvelle construction, « de manière à assurer depuis la rue des dégagements visuels vers les jardins situés en arrière front ».
Or, le plan de site et le règlement de celui-ci ne sont pas applicables puisqu'il s'agit toujours de projets, la procédure d'adoption par le Conseil d’Etat telle qu'elle est prévue par les art. 39 et 40 LPMNS n'ayant pas même débuté. Cette procédure implique un examen formel puis une enquête publique au terme de laquelle la voie de l'opposition et celle du recours sont ouvertes. Un concours avec une modification du régime des zones est également possible (art. 40 al. 11 LPMNS) et une telle modification est toujours à l'étude par le Grand Conseil pour inclure dans une zone de verdure la parcelle n° 6’713, jouxtant la parcelle n° 4’073, et libre de toute construction.
Comme l'a relevé la recourante, le département a certes refusé le 9 juin 2010 une autorisation de construire (DP 18’236-4) trois immeubles de logements et un garage souterrain sur la parcelle n° 6'713, en application de l'art. 13B LaLAT, en relevant qu'un plan de site, en cours d'élaboration, ne prévoyait aucune construction sur cette parcelle mais surtout, au motif que le plan directeur cantonal identifiait le secteur dans lequel se trouvait cette parcelle-ci comme devant être déclassé en zone agricole, un projet de modification des limites de zone (n° 29’726 – ndr . en zone de verdure) étant en cours d'élaboration, ce qui suffisait à opposer un refus d'autorisation de construire des immeubles de logements. Les situations des projets envisagés sur les parcelles nos 6713 et 4073 ne sont donc pas comparables.
En l'espèce, le plan de site a été initié par la commune, comme le permet l'art. 39 al. l LPMNS, et non par les autorités cantonales. Lorsqu'il est en vigueur, un plan de site déploie des effets contraignants pour les particuliers, s'agissant d'un plan d'affectation spécial (ATA/244/2013 du 16 avril 2013 pour le plan de site de la rade; T. TANQUEREL, La participation de la population à l'aménagement du territoire, Lausanne 1988, pp. 259 et 260).
Dans deux causes citées par la recourante (ATA/457/2010 du 29 juin 2010 ; ATA/45/2008 du 5 février 2008), le Tribunal administratif a certes fait application de l'art. 13B LaLAT pour opposer un refus conservatoire à des particuliers en raison du projet de « masterplan » dans le périmètre du site du PAV, soit du futur quartier de la Praille, Acacias, Vernets, car leurs projets de construction apparaissaient contraires aux perspectives d'aménagement, quand bien même celles-ci n'étaient pas encore en vigueur. Toutefois, ces perspectives d'aménagement étaient celles du canton et un département de ce dernier ne pouvait aller à l'encontre d'un développement que lui-même avait conçu.
Enfin, la recourante cite le préavis – favorable sous réserve de complément – émis le 21 juin 2010 par la CMNS quant au plan de site et s'en prévaut, car ledit préavis relève que le projet querellé serait « mal adapté au site ». Ce faisant toutefois, le préavis de la CMNS se réfère au préavis émis le 1er septembre 2008 par la SCA et qui ne peut à l'évidence concerner le projet déposé le 29 juillet 2009.
Enfin, en page 4 in fine dudit préavis, la CMNS s'est interrogée sur la nécessité de maintenir deux villas sises à la route des Chevaliers-de-Malte, aux nos 62 et 68. Elle a ajouté à ce propos que ces bâtiments étaient « voisins de l'ancienne Auberge de la Tour, elle-même vouée à disparaître », ce qui implique bien que, selon elle, la démolition de celle-ci est possible.
Or, en l'espèce, rien ne permet d'affirmer que le projet de plan de site et de règlement de ce dernier subiront avec succès les diverses étapes de la procédure prévue par les art. 39 et 40 LPMNS, étant rappelé qu’en application de l’art. 39 al. 3 LPMNS, le Conseil d’Etat est tenu d’engager ladite procédure. De plus, le projet de l'intimée n'est nullement en contradiction avec l'actuel plan directeur cantonal, consultable en ligne sur le site du département, et qui ne prévoit à ce jour qu'une zone 4B protégée dans ce périmètre.
Dès lors, la présente cause diffère de celles citées ci-dessus et les conditions d'application de l'art. 13B LaLAT, qui permettrait d'opposer à l'intimée un refus d'autorisation conservatoire, ne sont pas remplies, de sorte que cette disposition n'est pas applicable (ATA/830/2005 du 6 décembre 2005).
Enfin, même s'il fallait prendre en considération ledit plan de site et son règlement, il convient de relever ce qui suit : au vu de ce plan (pièce 5 chargé recourante), la parcelle n° 4’073 n'est pas mentionnée comme étant une « aire d'implantation des constructions nouvelles » puisque ce terrain est déjà bâti pour les raisons énoncées dans le courrier électronique précité, envoyé le 15 mai 2008 par M. Grosjean à Monsieur Larue, chargé de mission auprès de la commune (pièce 4 chargé recourante).
Il n'est dès lors pas possible d'en conclure, comme persiste à le soutenir la recourante, que la parcelle n° 4’073 serait inconstructible, l'art. 8 al. 2 du règlement prévoyant lui-même que cette parcelle notamment doit rester libre de toutes nouvelles constructions, ce qui devrait à tout le moins permettre, selon M. Grosjean lui-même, de préserver le volume bâti des immeubles existants ou de les remplacer par des bâtiments ayant une même emprise.
Quant à l'implantation des constructions projetées, soit parallèle et non perpendiculaire à la route des Chevaliers-de-Malte, elle a recueilli les préavis favorables de tous les organismes consultés. Le TAPI lui-même, lors du transport sur place auquel il a procédé le 7 décembre 2012, a constaté que, depuis le trottoir situé en face du bâtiment de l'Auberge de la Tour, il était possible de « deviner » le coteau d'Arare « à travers l'allée séparant les deux rangées de villas mitoyennes ». Il ne résulte ainsi pas de ces constatations que la construction projetée modifierait cet aspect.
Sans substituer sa propre appréciation à celle des organes de préavis, la chambre de céans relèvera qu'une implantation perpendiculaire à la route des Chevaliers-de-Malte de l'habitat groupé prévu représenterait davantage une barrière visuelle que l'implantation parallèle, dont l'effet « couloir » dénoncé par la commune doit être relativisé au vu de l'IUS desdits bâtiments, qui n'a cessé de se réduire au fil des modifications apportées au projet initial d’une part, et du fait que le dernier projet déposé, soit celui autorisé, a diminué encore la longueur de la construction, d’autre part.
Le dernier projet du 29 juillet 2009 est ainsi parfaitement conforme aux normes de la zone 4B protégée dans laquelle il s'inscrit et ne nécessite d'ailleurs aucune dérogation, ce qui n'est pas contesté.
En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante. Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 2'000.- également sera allouée à Bucher et Moret S.à r.l., à charge de la recourante, en application de l'art. 87 LPA.
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 11 mars 2013 par la commune de Plan-les-Ouates contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 février 2013 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de la commune de Plan-les-Ouates un émolument de CHF 2'000.- ;
alloue à Bucher et Moret S.à r.l., à charge de la commune de Plan-les-Ouates, une indemnité de procédure de CHF 2'000.- ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Nathalie Thürler, avocate de la commune de Plan-les-Ouates, à Me Pascal Pétroz, avocat de Bucher & Moret S.à r.l., au département de l'urbanisme, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.
Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, MM. Dumartheray et Verniory, juges, M. Bonard, juge suppléant.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
S. Hüsler Enz |
| le président siégeant :
Ph. Thélin
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Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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