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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3621/2024

JTAPI/484/2025 du 08.05.2025 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : ARBRE;ESTHÉTIQUE;SOUS-SOL(TERRAIN);SURFACE;PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ
Normes : LPMNS.35.al1; LPMNS.36.al1; LPMNS.36.al2.leta; RCVA.3.al1; RCVA.16
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3621/2024 AMENAG

JTAPI/484/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 mai 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Jacques JOHNER, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCAN

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle no 1______ de la commune d'B______, sise chemin du C______ 2______, sur laquelle se trouve une villa.

2.             Le 29 février 2024, M. A______ a déposé auprès de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN), rattaché au département du territoire (ci-après : le département), une demande d'autorisation de construire visant la rénovation énergétique de sa maison (APA 3______/1).

3.             Le 12 mars 2024, dans le cadre de l’instruction de cette demande, l'OCAN, notamment, a délivré un préavis favorable au projet de construction de M. A______, sous réserve de trois conditions, à savoir la mise en œuvre de toutes les précautions nécessaires afin de conserver les arbres hors forêt sis à proximité du chantier, le respect du Plan d'Aménagement Paysager (PAP), et le mandat d'un arboriste-conseil dont le nom serait transmis à l'OCAN pour le suivi des travaux.

4.             Par décision du ______ 2024, l'OCAN a autorisé les travaux requis par M. A______, sous réserve du respect des conditions posées dans le préavis précité.

5.             Le 4 septembre 2024, l'entreprise paysagiste D______ a déposé auprès de l'OCAN, pour le compte de M. A______, une requête visant l'abattage de trois épicéas et d'un faux cyprès. Sous la rubrique « motif de la requête », était précisé : « dégâts du bâti, craques sur la façade tout contre qui évoluent et problème d’humidité sur la toiture ».

Elle a joint un rapport, précisant notamment les impacts des arbres dont l’abattage était sollicité.

6.             Par décision du ______ 2024, l’OCAN a refusé l’abattage des arbres au motif que ceux-ci étaient en état sanitaire satisfaisant et constituaient des éléments marquants du paysage. En outre, l’autorisation de construire (APA 3______/1) délivrée à M. A______ prévoyait leur maintien.

7.             Par acte du 23 octobre 2024, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à son annulation et à l’octroi de l’autorisation requise.

Il a complété son recours, sous la plume d’un conseil, le 15 novembre 2024 concluant par ailleurs à ce qu’un transport sur place soit ordonné sur sa parcelle.

Depuis les discussions préalables avec l’OCAN concernant le projet de rénovation de la maison, et avant le dépôt de la requête d’abattage, il avait été constaté par un ingénieur géotechnique et confirmé par un huissier de justice que sa maison était marquée par de nombreuses fissures, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ces fissures se situaient principalement à la jonction entre la partie ancienne et la partie récente du bâtiment. A l’intérieur, elles étaient visibles au premier étage sur le mur côté sud-est de la partie ancienne du bâtiment ainsi qu’au rez-de-chaussée côté nord-ouest dans la partie récente du bâtiment. A l’extérieur, une fissure située sur la façade sud-est remontait jusqu’à la soupente du toit, occasionnant des chutes de crépi à certains endroits, témoignant de l’élargissement de ladite fissure. Deux autres fissures situées à l’extérieur sur la façade nord-ouest présentaient une largeur importante. Selon le rapport d’expertise de l’ingénieur géotechnique, un agrandissement significatif de ces fissures indiquait un basculement de la partie récente de la maison. Ce phénomène pouvait être lié à un tassement dû au retrait des fractions argileuses sous les fondations, causé par une diminution du taux d’humidité. Cette baisse du taux d’humidité pouvait elle-même provenir des racines des arbres qui se trouvaient sous les fondations.

En l’occurrence, il était indéniable que le basculement de la maison était intimement lié à la baisse du taux d’humidité causé par les racines, notamment du fait que la zone sous la maison était la plus humide de la parcelle et que les racines des arbres se dirigeaient naturellement vers l’endroit le plus humide pour trouver les nutriments dont ils avaient besoin pour assurer leur survie. Ce phénomène était accentué par le réchauffement climatique et il était probable qu’il s’intensifie au fil du temps et risquait d’aggraver davantage le phénomène de tassement des terrains. Ces arbres généraient également un excès d’humidité en toiture et en façade en raison de la proximité des couronnes et accentuaient ainsi les problèmes liés aux fissures.

Outre les problèmes précités, le feuilletage important des arbres bouchait constamment les chenaux de la maison et créait des accumulations d’eau. Celles-ci facilitaient la reproduction de moustiques tigres et il était déraisonnable d’exiger qu’il monte quotidiennement sur son toit pour déboucher ses chenaux tel que recommandé par le canton de Genève.

Au-delà de l’effet nocif des racines d’arbres sur la maison, ces dernières empêchaient également de traiter correctement la prolifération de bambous dans son jardin en raison de leur proximité avec les arbres litigieux.

L’architecte et l’arboriste-conseil mandatés avaient estimé que la manière la plus efficace d’arrêter le basculement d’une partie de la maison était l’abattage des quatre arbres. Des solutions alternatives étaient incertaines quant à leur résultat et leur coût était important.

En outre, les arbres litigieux ne pouvaient être qualifiés d’éléments marquant du paysage en raison de leur localisation dans un quartier de villas individuelles. L’épicéa situé à l’est de la maison présentait enfin une hauteur excessive et générait des risques de sécurité pour la maison, ses occupants et le voisinage.

En fondant le refus litigieux sans prendre en compte le rapport d’expert du 25 août 2024 et en se fondant exclusivement sur les éléments contenus dans la demande d’autorisation de construire APA 3______, l’OCAN avait opéré une constatation inexacte et incomplète des faits.

De sucroît, en ne tenant pas compte du danger que représentaient les arbres litigieux pour la maison, il avait omis de procéder à une pesée des intérêts, abusant ainsi de son pouvoir d’appréciation dans l’application de l’art. 3 al. 1 du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04).

Il a produit un chargé de pièces dont des photographies des fissures intérieures et extérieures de la maison d’août 2023, deux rapports de E______ Sàrl des 14 mai et 25 août 2024 et un constat d’huissier du 13 novembre 2024.

8.             Le 23 janvier 2025, l’OCAN a transmis ses observations, concluant au rejet du recours et à la confirmation de la décision querellée, sous suite de frais.

Le rapport de l’entreprise D______ produit par le recourant à l’appui de son recours n’était pas identique à celui qui avait été annexé à sa requête d’abattage d’arbres. En particulier, le rapport joint à la demande initiale indiquait que les deux autres épicéas avaient moins d’influence négative sur le bâti et demeurait silencieux sur le faux-cyprès. Par ailleurs, les rapports établis par la société E______ ne lui avaient pas été transmis lors du dépôt de la demande, mais uniquement dans le cas de la présente procédure. Faute d’avoir adressé un dossier complet à l’autorité intimée, le recourant n’était pas habilité à se plaindre d’une constatation incomplète ou inexacte des faits

Avant de rendre sa décision, il avait requis du recourant qu’il lui fournisse des photographies des quatre arbres, demande à laquelle ce dernier avait donné suite. Sur cette base, il avait constaté que les arbres figurant dans la demande d’abattage étaient ceux dont il avait demandé la conservation dans son préavis du 12 mars 2024.

Le 20 décembre 2024, suite à la demande de réexamen du recourant du 29 novembre 2024, il avait estimé que les rapports de E______ Sàrl ne démontraient pas une responsabilité avérée des racines des arbres dans les dommages constatés sur sa maison. Le recourant soulevait des hypothèses liées à d’autres facteurs, notamment les variations climatiques et la nature des fondations historique. En l’absence de preuve concluante, il avait estimé que la pesée des intérêts devait pencher en faveur de la conservation des arbres au vu de l’importance de leurs fonctions écologiques et environnementales. Par ailleurs, le caractère marquant d’un arbre était apprécié en fonction de sa visibilité depuis l’extérieur de la parcelle où il poussait et constituait un critère de maintien important au sens de la directive sur la conservation de la végétation arborée justifiant ainsi sa préservation. Par conséquent, il n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation consacré à l’art. 3 al. 1 RCVA.

Il a produit son dossier dont une vue des arbres litigieux sur la parcelle du recourant.

9.             Le recourant a répliqué le 13 février 2025, reprenant en substance la motivation contenue dans son recours. Il a produit une étude d’impact des arbres sur le bâti du 23 janvier 2025 de l’entreprise D______.

A teneur de cette dernière, les plateaux racinaires des arbres litigieux qui les alimentaient et les stabilisaient ne pouvaient qu’être denses et bien développés. Les arbres étaient excessivement proches de la maison et constituaient des facteurs de perturbation directs pour cette dernière. L’argile dont était constitué le sous-sol était un facteur de prédisposition de l’apparition des fissures, toutefois l’influence des arbres sur la structure du bâti ne pouvait pas être niée. Les arbres étaient la seule cause sur laquelle il était possible d’intervenir pour réduire l’apparition de nouveaux dégâts existants.

10.         Dans sa duplique du 6 mars 2025, l’OCAN a relevé que l’analyse produite par le recourant ne fournissait pas d’éléments nouveaux suffisamment probants pour justifier de remettre en cause l’appréciation de la situation. Par ailleurs, la zone d’influence géotechnique (ZIG) mentionnée dans cette expertise reposait sur un principe de vigilance, constituant ainsi une recommandation et non une interdiction formelle de présence d’arbres dans cette zone. Dès lors, il maintenait sa décision.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) et du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04) (art. 62 al. 2 LPMNS et 23 RCVA cum art. 6 al. 1 let. j du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2018 - ROAC - B 4 05.10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant sollicite, à titre de mesure d’instruction, la tenue d’un transport sur place.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références).

Il comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion. Ce refus d’instruire ne viole le droit d’être entendu des parties que si l’appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d’arbitraire (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

Par ailleurs, le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1). Ces principes s’appliquent également à la tenue d’une inspection locale en l’absence d’une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d’instruction, étant précisé qu’une telle disposition n’existe pas en droit genevois (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 2b).

5.             En l’espèce, le tribunal estime que les documents et photographies versés au dossier ainsi que les outils informatiques à disposition, tels que le système d'information du territoire genevoise (SITG), notamment les photographies aériennes, et Google Earth, permettent de visualiser les arbres incriminés, la parcelle du recourant et le périmètre dans lequel elle s’insère. Partant, il n’entend pas procéder à la mesure d’instruction requise, en soi non obligatoire.

6.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

7.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

8.             En matière administrative, les faits doivent en principe être établis d'office et, dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle procède à cette recherche, les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s'appliquent pas. Il n'en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l'on ne peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille, la règle de l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie. Pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 112 Ib 65 consid. 3 ; ATA/1240/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6).

9.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3). Ce devoir comprend en particulier l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3c et les références citées).

10.         En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 phr. 2 LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/791/2013 du 18 juillet 2023 consid. 6.1 et les références citées). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/791/2013 précité consid. 6.1 et les références citées).

11.         Les résultats issus d'une expertise privée réalisée sont soumis au principe de la libre appréciation des preuves et sont considérés comme des simples allégués de parties (ATF 142 II 355 consid. 6 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2022 du 13 juin 2022 consid. 3.2).

12.         Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 515 p. 179).

13.         De façon générale, le tribunal observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des instances de préavis spécialisées, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Il se limite à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (cf. not. ATA/636/2018 du 19 juin 2018 consid. 8c ; ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 5 ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 consid. 8c ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7c ; ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 ; ATA/694/2012 du 16 octobre 2012 et les références citées).

14.         L'OCAN est composé de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (cf. ATA/552/2013 du 27 août 2013 consid. 6b ; ATA/398/2013 du 25 juin 2013 consid. 6).

15.         Le recourant soutient que l’autorité intimée a procédé à une constatation inexacte ou incomplète des faits, en ne tenant pas compte de l’évolution défavorable de la situation intervenue entre la délivrance de l’autorisation de construire et le dépôt de la demande d’abattage des arbres. Il relève en particulier que le rapport de E______, établi postérieurement à l’autorisation de construire, n’a pas été pris en considération et que la situation nécessite par conséquent un nouvel examen.

16.         En l’espèce, le dossier transmis par le recourant à l’appui de sa demande d’abattage ne contenait pas le rapport précité. L’OCAN ne pouvait donc pas en tenir compte au moment de prononcer la décision querellée. Il appartient dès lors au recourant de supporter les conséquences de cette absence, de sorte qu’il ne saurait se prévaloir d’une constatation inexacte ou incomplète des faits en lien avec ledit rapport. Partant, ce grief doit être rejeté.

17.         Le recourant fait valoir que les fissures affectant sa maison sont la conséquence d’une déstabilisation de l’ouvrage, elle-même provoquée par une diminution du taux d’humidité du sol. Il attribue cette baisse d’humidité à l’extension du système racinaire des arbres sous les fondations de la villa, liée à leur bon état sanitaire. Leur feuillage important bouchait par ailleurs en permanence les chenaux de sa maison, provoquant des accumulations d’eau qui favorisaient la prolifération de moustiques tigres. Un traitement efficace de la prolifération de bambous dans son jardin était enfin empêché en raison de leur proximité avec les racines desdits arbres. Cette situation était susceptible de nécessiter d’importants travaux de remise à niveau et de stabilisation du sol et il était déraisonnable d’exiger qu’il monte quotidiennement sur son toit pour déboucher les chenaux, ainsi que recommandé par le canton de Genève. Si les arbres ne constituaient vraisemblablement pas l’unique facteur d’instabilité de la maison, c’était cependant le seul sur lequel une intervention était envisageable. En ne prenant pas en considération ces éléments et en ne procédant pas à une véritable pesée des intérêts en cause, le département avait abusé de son pouvoir d’appréciation dans l’application de l’art. 3 al. 1 RCVA.

18.         La LPMNS a notamment pour but d’assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l’espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c LPMNS).

19.         Sont protégés conformément à la loi, les sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS).

À teneur de l'art. 36 al. 1 LPMNS, le Conseil d’État édicte les dispositions nécessaires à la protection, la conservation et l’aménagement des sites visés à l’art. 35 LPMNS. Il peut n’autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l’élagage ou la destruction de certaines essences d’arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let. a LPMNS).

20.         En application de l'art. 35 al. 1 LPMNS, le Conseil d’État a adopté le règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04), qui a pour but d'assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvellement, de la végétation formant les éléments majeurs du paysage (art. 1 RCVA). Il est applicable aux arbres situés en dehors de la forêt, telle que définie à l'art. 2 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10), ainsi qu'aux haies vives et boqueteaux présentant un intérêt biologique ou paysager (art. 2 al. 1 RCVA).

21.         Selon l’art. 3 al. 1 RCVA, aucun arbre ne peut être abattu ou élagué, ni aucune haie vive ou aucun boqueteau coupé ou défriché, sans autorisation préalable du département, sous réserve de l’al. 2, non pertinent en l'occurrence. L’autorisation d’abattage d’arbres ou de défrichage de haies vives et de boqueteaux est assortie, en principe, de l’obligation de réaliser des mesures compensatoires (art. 15 al.1 RCVA).

22.         Le département édicte des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l’exécution correcte des mesures compensatoires (art. 16 RCVA).

La directive d'août 2008 concernant la conservation des arbres (ci-après : la directive) précise les règles décisionnelles en matière de conservation du patrimoine arboré et vise à assurer la protection des arbres en place et simultanément le renouvellement du patrimoine arboré (art. 1 de la directive). La décision de maintenir un arbre est prise lorsque l’intérêt de maintien prime sur les motifs d’abattage et celle d'abattage seulement si des motifs valables empêchent le maintien de l'arbre (art. 2 de la directive).

Les critères de maintien sont évalués en relation directe avec l'espèce par une personne qualifiée du département du territoire (art. 2.1 de la directive). Les art. 2.1.1 à 2.1.4 de la directive énumèrent lesdits critères, à savoir : la beauté et l’intérêt du sujet (élément majeur du paysage, arbre remarquable, intérêt écologique), son état sanitaire (vigueur, absence de maladies, de blessures, qualité statique, couronne et charpente équilibrées) et son espérance de vie (potentialités de développement futur, espace disponible, conditions environnementales), ainsi que d’autres cas (impossibilité de compenser et de renouveler, maintien d’un espace plantable, situations particulières).

Est qualifié d'« élément majeur du paysage », un arbre ou un ensemble d'arbres exceptionnel par son implantation et son intérêt sur la perception d'un site.

23.         Les art. 2.2.1 à 2.2.5 de la directive énumèrent les motifs d’abattage, à savoir : les dangers et incidences de l’arbre sur les biens et les personnes, le type et l’importance de la construction ou de l’aménagement projeté, la mise en valeur d’autres arbres, l’entretien d’un ensemble végétal, la prévention phytosanitaire et le respect des lois, servitudes ou conventions, pour autant qu’un préjudice soit prouvé (ATA/552/2013 du 27 août 2013 ; ATA/398/2013 du 25 juin 2013 ; ATA/114/2010 du 16 février 2010).

24.         En l’espèce, le tribunal retiendra, à la lumière des pièces du dossier et du préavis de l’OCAN que les arbres en question sont des éléments majeurs du paysage. Ils sont en effet de très grandes tailles, ce qui les rend visibles depuis plusieurs points de vue sur le domaine public, et force est d’admettre que leur silhouette s’impose de manière claire. Leur valeur écosystémique apparaît incontestable et l’image paysagère sera totalement modifiée s’ils sont abattus.

Dans ces conditions, faisant application de la retenue qui doit être la sienne dans de tels cas, le tribunal fera sien l’avis du service spécialisé, selon lequel les épicéas et le faux-cyprès doivent être considérés comme des éléments marquants du paysage à conserver, sous réserve de motifs valables qui empêcheraient leur maintien.

A cet égard, s’agissant tout d’abord des fissures, le tribunal constate qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des constats et du rapport d’expertise de E______, qu’un lien de causalité serait établi entre ces dernières et les arbres litigieux. Les conclusions du rapport d’expertise évoquent en effet des hypothèses selon lesquelles les arbres « peuvent » être, « entre autres causes », à l’origine d’un/e déstabilisation / basculement des fondations de la construction, et, partant, des fissures. Parmi ces autres causes, sont notamment citées les variations climatiques et la nature des fondations historiques.

Dans ces conditions, ni les fissures ni la déstabilisation des fondements de la maison, sans lien établi avec la présence des arbres incriminés, ne sauraient constituer un motif suffisant et/ou une cause prépondérante pour en justifier l’abattage ou leur remplacement, étant rappelé le rôle essentiel d’arbres de cette taille, par ailleurs en parfait état sanitaire, dans la régulation climatique, la préservation de la biodiversité et l’amélioration de la qualité de vie urbaine, ainsi que l’a rappelé notamment l’OCAN dans son courrier du 20 décembre 2024.

Il n’en va pas différemment de la prolifération des moustiques tigres et des bambous qui seraient une autre conséquence de la présence des arbres incriminés, le lien de causalité n’étant à nouveau pas établi et des solutions moins radicales pouvant facilement être mises en œuvre, à moindre frais, ainsi notamment l’entretien régulier des chenaux tel que recommandé par le canton.

Au vu de ce qui précède le tribunal retiendra dès lors que le recourant n’est pas parvenu à démontrer qu’il se justifierait d’abattre les trois épicéas ainsi que le faux cyprès en raison de dangers et/ou d’atteinte sur les biens occasionnés par ces derniers. Le refus de l’autorité intimée est donc parfaitement justifié.

Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision querellée confirmée.

25.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986
(RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamnée au paiement d'un émolument s'élevant à CHF 500.-. Cet émolument est couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

26.         Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2024 par Monsieur F______ contre la décision du département du ______;

2.             le rejette;

3.             met à la charge du recourant, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais et ordonne le remboursement du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Oleg CALAME et Julien PACOT, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement

Genève, le

 

La greffière