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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/996/2024

JTAPI/2/2025 du 06.01.2025 ( OCPM ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : RENOUVELLEMENT DE L'AUTORISATION
Normes : LEI.50.al1.leta; LEI.50.al1.letb; LEI.50.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/996/2024

JTAPI/2/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 6 janvier 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Innocent SEMUHIRE, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1964, est ressortissante du Brésil.

2.             Il résulte du dossier de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM) que par courrier du 14 janvier 2008, Monsieur B______, ressortissant italien qui était alors au bénéfice d'un permis B, a informé cette autorité de son intention d'épouser Madame C______ (devenue Mme A______ par la suite). Il avait fait sa connaissance à D______ (Valais) en décembre 2003 et ils avaient décidé de vivre ensemble en janvier 2004. En mars de la même année, Mme C______ avait fait un stage d'un mois en Europe et elle lui avait beaucoup manqué. Ils avaient donc décidé de s'installer ensemble à Genève dès l'été 2004. Afin de respecter les règles en vigueur pour les touristes brésiliens, elle passait depuis lors en alternance trois mois à Genève, puis trois mois en Toscane auprès de la famille de M. B______. Toutefois, elle ne pouvait pas continuer à vivre ainsi. A deux reprises, elle avait fait une fausse couche. Pour pouvoir mener une grossesse à terme, elle avait besoin de calme et d'un environnement rassurant, ce qu'il voulait à tout prix lui offrir. S'il pouvait, il l'épouserait tout de suite, mais il lui fallait d'abord divorcer en Italie.

3.             Le dossier de l'OCPM contient également un certificat médical du 4 février 2008, indiquant que Mme C______ présentait tous les signes d'une grossesse de huit semaines.

4.             Mme A______ a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour avec activité lucrative à partir du 16 janvier 2009, laquelle a été régulièrement renouvelée jusqu'en 2018.

5.             Le dossier de l'OCPM indique que cette autorité s'est régulièrement informée des projets de mariage de Mme C______ et M. B______, ce dernier répondant à chaque fois que la procédure de divorce en Italie n'était pas encore arrivée à son terme.

6.             Mme C______ a exercé une activité dans le domaine de la restauration de 2008 à 2016, cumulée avec une activité dans le nettoyage, mais, selon extrait de l'office des poursuites du 20 mars 2017, elle avait accumulé 36 poursuites pour près de CHF 40'000.- et 53 actes de défaut de bien pour plusieurs dizaines de milliers de francs.

7.             Selon procès-verbal d'audition fait à la police le 26 septembre 2017 suite à des voies de faits subis de la part de Mme C______, M. B______ a déclaré notamment qu'ils avaient été en couple pendant douze ans. Il l'avait rencontrée à D______ (Valais) alors qu'il y travaillait lui-même et qu'elle était serveuse à E______ (Valais). Ils avaient déménagé à Genève en 2005, dans le même appartement à l'adresse n° ______[GE].

8.             Mme C______ a été condamnée pour voies de faits par ordonnance pénale du Ministère public du 14 juin 2008 suite à l'intervention de la police du 26 septembre 2017.

9.             Le 23 novembre 2018, Mme A______ s'est mariée à Genève avec M. F______, ressortissant turc détenteur d'un permis C. Aucun enfant n'est issu de cette union. A cette occasion, elle a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour à titre du regroupement familial avec activité lucrative.

10.         De 2016 à 2021, elle a travaillé comme représentante-démarcheuses au sein de l'entreprise de M. A______.

11.         Le 23 août 2019, Mme A______ a sollicité de l'OCPM la modification de son permis B en permis C.

12.         Le 24 novembre 2020, l'OCPM a renouvelé l'autorisation de séjour à titre de regroupement familial de Mme A______.

13.         Par formulaire du 15 décembre 2021, Mme A______ a informé l'OCPM de son changement d'adresse à compter du 1er septembre 2021, précisant qu'il s'agissait d'une séparation.

14.         Depuis le 1er décembre 2021, Mme A______ perçoit une aide financière de l'Hospice général. Selon attestation délivrée par cet organisme le 30 avril 2023, cette aide s'est montée à CHF 5'659.- en 2021 (soit CHF 6'173.- de charges et CHF 514.- de ressources), à CHF 27'245.- en 2022 (soit CHF 28'476.- de charges et CHF 1'230.- de ressources) et à CHF 7'201.- en 2'023 (soit CHF 9'403.- de charges et CHF 2'202.- de ressources).

15.         Par jugement du ______ 2023 (JTPI/5914/2023), le Tribunal de première instance (ci-après: TPI) a prononcé le divorce des époux A______ et B______.

16.         Par courrier du 19 septembre 2023, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser le renouvellement de son titre de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

17.         En réponse, Mme A______ a produit notamment les nombreuses recherches d'emploi qu'elle avait effectuées de juin à décembre 2022 dans le cadre de l'assurance-chômage, en qualité de serveuse.

18.         Par décision du 16 février 2024, l'OCPM a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de Mme A______, ainsi que de lui octroyer une autorisation d'établissement, et a prononcé son renvoi de Suisse.

Elle était arrivée en Suisse le 2 janvier 2008. Suite à son mariage, la date de séparation du 1er septembre 2021 avait été indiquée par l'intéressée elle-même et aucun élément du dossier ne démontrait une durée de vie commune supérieure à trois ans. Par ailleurs, même dans l'hypothèse d'une vie commune plus longue, elle ne pouvait pas se prévaloir d'une bonne intégration compte tenu du fait qu'elle émargeait à l'aide sociale et de ses actes de défaut de biens pour un montant supérieur à CHF 125'000.-.

Aucun élément du dossier ne permettait de constater qu'un renvoi au Brésil la placerait dans une situation de rigueur, étant rappelé qu'elle était arrivée en Suisse à l'âge de 44 ans.

Quand bien même elle était arrivée en Suisse en 2008, la durée de son séjour devait être relativisée compte tenu du nombre d'années qu'elle avait passé dans son pays d'origine, dont son enfance et son adolescence. Elle ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée en Suisse. Elle était dépendante de l'aide sociale de manière continue depuis le 1er décembre 2021, alors que son autorisation de séjour, échue depuis le 22 novembre 2022, lui permettait de travailler. Elle avait également de nombreuses dettes, datant notamment d'avant son mariage avec son ex-époux. Elle n'avait également pas acquis de connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu'elle ne pourrait plus les mettre en pratique au Brésil. Sa situation personnelle ne se distinguait pas de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités au Brésil. Aucun élément du dossier ne permettait de retenir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle serait dans une situation médicale précaire.

Le dossier ne faisait pas apparaitre que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

19.         Par acte du 21 mars 2024, sous la plume de son conseil, Mme A______ (ci-après: la recourante) a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) concluant, à titre préalable, à l'audition des parties et, à titre principal, à l'annulation de la décision et cela fait à ce qu'une autorisation de séjour lui soit délivrée, subsidiairement, à ce qu'une autorisation d'établissement lui soit délivrée et, encore plus subsidiairement, au renvoi du dossier à l'autorité intimée pour nouvelle décision au sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.

Son audition était nécessaire pour expliquer au tribunal son projet de vie commune actuel avec un ressortissant suisse, ses difficultés à trouver, à plus de 60 ans, un emploi malgré ses nombreuses recherches, l'origine de ses actes de défaut de biens en relation avec son mariage dissous ainsi que ses difficultés psychologiques remontant à son mariage.

Au moment du dépôt de sa demande d'autorisation d'établissement, les conditions nécessaires à la délivrance d'un tel permis étaient remplies. Outre le fait qu'elle était au bénéfice d'un permis de séjour depuis plus de dix ans, elle était financièrement autonome et n'avait pas de dettes. Elle exerçait une activité lucrative et était intégrée. Elle parlait le français. Les conditions de révocation de son autorisation de séjour n'étaient ainsi pas réalisées. L'autorité intimée n'expliquait pas pourquoi elle avait tardé à statuer sur sa demande.

L'autorité intimée omettait le fait que sa situation financière s'était détériorée lorsque son ex-époux avait résilier sans motif son contrat de travail et que ses dettes résultaient du fait que ce dernier n'affectait pas l'argent mis à sa disposition notamment pour payer les impôts et les primes d'assurance-maladie, mais l'utilisait à ses propres fins.

Elle avait bénéficié d'une autorisation de séjour depuis 2008. Elle s'était certes mariée en 2018, avec une personne titulaire d'un permis d'établissement, mais elle n'avait pas requis la modification de son motif de séjour, de sorte qu'il n'y avait aucune raison de modifier son séjour avec activité lucrative en séjour à titre de regroupement familial. De plus, lorsque l'autorité intimée l'avait invitée à renouveler son autorisation de séjour en 2020, elle avait déjà requis une autorisation d'établissement. Elle ne comprenait pas pourquoi l'autorité avait traité son cas sous l'angle de l'art. 50 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Son contrat de travail avait été résilié en août 2021 avec effet pour septembre 2021. Elle s'était inscrite à l'aide sociale en décembre 2021. Certes, il existait des références à deux dates de séparation avec son ex-époux, soit l'été 2021 et le 13 décembre 2022, mais elle n'avait jamais mentionné la date du 1er septembre 2021. Dès lors, il convenait de prendre en compte la date du 13 décembre 2022 comme date de fin du ménage commun ou, à tout le moins, le 1er décembre 2021. Son mariage avait ainsi duré plus de trois ans, depuis le 23 novembre 2018.

Si elle n'avait certes pas acquis de compétences professionnelles exceptionnelles, elle avait démontré sa formation dans divers domaines professionnels ainsi que sa volonté de continuer à participer activement à l'économie, ce que démontraient notamment ses recherches d'emploi dans des domaines variés. Elle a produit à cet égard un curriculum vitae faisant état d'une formation de comptable acquise entre 1991 et 1994, ainsi que d'une formation, en 2021, à l'école d'esthétique G______ à Genève, concernant les soins d'épilation. Depuis l'échec de son mariage, elle était plongée dans une profonde dépression, ce qui avait nettement péjoré son employabilité. Il était également difficile, en l'absence d'un permis valable, de trouver un emploi. Il ne pouvait ainsi pas lui être reproché de ne pas exercer d'activé professionnelle, vu les circonstances. Dès son arrivée en Suisse, elle avait travaillé dans la restauration, même sans disposer d'une quelconque expérience dans ce domaine. En lien avec ce qui précède, la recourante a également produit une attestation de langue FIDE du 10 novembre 2022, faisant état d'un test réussi en français au niveau B1 à l'oral. Elle a produit en outre un bilan établi par les Etablissements pour l'intégration (EPI) suite à un stage suivi du 20 mars au 14 avril 2023. Ce document fait état du caractère compliqué de son divorce et de la dépression dont souffre depuis lors la recourante, sans toutefois être suivie par un professionnel de santé. S'agissant de son implication dans le stage, il est relevé que les horaires ont été respectés, qu'elle a toujours effectué les tâches proposées, faisant preuve de calme et établissant une bonne entente avec toutes les personnes de l'atelier. Elle est discrète et manque de confiance en elle. S'agissant de ses compétences d'exécution, le nettoyage et le rangement son impeccables. Il est encore observé qu'elle a quelques fois les larmes aux yeux, l'évaluateur mettant ceci en lien avec la dépression dont la recourante dit souffrir.

La recourante souligne encore que sa situation d'endettement et de dépendance à l'aide sociale était aussi liée à sa situation administrative et à sa dépression causée par la séparation d'avec son ancien conjoint. A cet égard, elle a produit une attestation de l'Hospice général du 31 janvier 2024, faisant état d'une aide totale en 2023 de CHF 29'306.-.

Elle était en Suisse depuis 2008. Elle totalisait ainsi un séjour légal de plus de 16 ans, durée qui lui donnait droit de revendiquer une autorisation de séjour au titre de la protection de sa vie privée, sans compter que son autorisation de séjour avait toujours été renouvelée.

La décision querellée était disproportionnée et ne tenait pas compte de la présomption d'enracinement dans ce pays sous l'angle de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), des circonstances de sa séparation d'avec son ex-époux et de la cause de sa précarité financière, sociale et professionnelle. Elle entretenait depuis quelques années une relation affectueuse avec un ressortissant suisse, lequel envisageait de s'unir à elle dès que sa procédure de divorce en cours serait terminée.

20.         Le 23 mai 2024, l'OCPM a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

La recourante affirmait que l'union conjugale avait pris fin le 13 décembre 2022 ou, à tout le moins, le 1er décembre 2021, lorsqu'elle avait requis l'aide sociale. Elle avait cependant annoncé son changement d'adresse pour le 1er septembre 2021, étant précisé que ce changement ne concernait pas son ex-époux – bien qu'il figurât en tant que locataire sur le bail de l'appartement. En outre, elle avait déclaré dans un courrier du 13 avril 2022 que l'union conjugale avait pris fin durant l'été 2021. Quoiqu'il en fût, cette question pouvait rester indécise, dès lors que la condition d'intégration réussie n'était pas remplie du fait qu'elle était sans emploi et bénéficiait de prestations de l'aide sociale depuis le 1er décembre 2021, tout en accumulant pour plus de CHF 125'000.- de dettes et actes de défaut de biens.

21.         Le 18 juin 2024, la recourante a répliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation.

L'examen du critère de l'intégration réussie différait en fonction d'un examen sous l'angle de l'art. 50 LEI ou sous celui de l'art. 8 CEDH.

En tout état, le formulaire de changement d'adresse dont se prévalait l'autorité intimée était daté du 15 décembre 2021, soit trois ans après le mariage des ex-époux. Au demeurant, ce changement d'adresse concernait aussi ce dernier, raison pour laquelle il fallait considérer que la date déterminante de leur séparation était le 13 décembre 2022.

Elle n'avait pas requis la prolongation de son autorisation de séjour sous l'angle de l'art. 50 LEI.

L'autorité intimée était malvenue de lui reprocher son absence d'emploi, dès lors qu'elle ne lui donnait pas les conditions lui permettant d'être concurrentielle sur le marché du travail, son statut administratif précaire poussant les potentiels employeurs à ne pas retenir sa candidature, sans compter son âge. Il ne fallait également pas perdre de vue que sa dépendance à l'aide sociale résultait de la fin abrupte de son précédent contrat de travail auprès de la société de son ex-époux et du fait que les indemnités-chômage lui étaient refusées en raison de son inaptitude à l'emploi liée à l'absence de titre de séjour. Elle avait aussi proposé plusieurs arrangements à ses créanciers pour rembourser ses dettes et voulait sortir de l'aide sociale une fois un emploi trouvé.

Si elle avait certes vécu dans son pays d'origine jusqu'à ses 44 ans, actuellement âgée de 60 ans et après avoir passé plus de 16 ans en Suisse, retrouver une place sociale et professionnelle dans son pays d'origine était complexe.

Sa situation commandait de la mettre au bénéfice d'un permis d'établissement.

Dans la mesure où l'autorité intimée ne procédait pas à une pesée des intérêts en présence et n'avait pas pris en compte les années de séjour avant son mariage, les principes de proportionnalité et de bonne foi étaient violés. Le fait d'avoir requis du secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM) la suppression de l'approbation B en date du 24 octobre 2016 afin de la mettre au bénéfice d'un permis autonome l'avait livrée à la vindicte de son ex-époux.

22.         Le 3 juillet 2024, l'OCPM a informé le tribunal de céans qu'il n'avait aucune observation complémentaire à formuler.

23.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.


 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (cf. ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_641/2018 du 3 août 2018 consid. 3 ; 2C_53/2017 du 21 juillet 2017 consid. 5.1 ; 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b et l'arrêt cité ; ATA/590/2017 du 23 mai 2017 consid. 2b ; ATA/1050/2016 du 13 décembre 2016 consid. 3b). La contestation ne peut donc excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les arrêts cités ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).

6.             En l'espèce, le litige porte sur la question du refus de renouvellement de l'autorisation de séjour à titre de regroupement familial avec activité lucrative de la recourante, du refus de délivrance d'un permis C et de son renvoi de Suisse. Dès lors, l'argumentation développée par la recourante au sujet de la modification de sa précédente autorisation de séjour avec activité lucrative en autorisation de séjour à titre de regroupement familial suite à son mariage avec M. A______ est exorbitante au présent litige. Ce grief aurait dû être soulevé à l'encontre de la décision qui a entraîné cette modification, laquelle est entrée en force depuis longtemps et ne peut plus être remise en cause dans le cadre du présent litige.

7.             À titre préalable, la recourante a sollicité son audition.

8.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

Le droit d'être entendu ne comprend pas celui d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b).

9.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tels qu’ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l’autorité intimée, pour statuer sur le litige sans qu’il soit utile de procéder à l’audition de la recourante. Cette dernière a d’ailleurs eu la possibilité de faire valoir ses arguments dans le cadre de la procédure de recours, de répondre aux arguments de l’autorité intimée et de produire tout moyen de preuve utile en annexe de ses écritures. En particulier, en l'absence de démarches concrètes en vue d'un nouveau mariage avec son ami actuel, les explications que pourrait donner la recourante sur sa relation ne seraient pas pertinentes. Quant aux explications qu'elle voudrait donner oralement sur les raisons de son endettement, les pièces du dossier contredisent quoi qu'il en soit la position défendue dans ses écritures par la recourante au sujet de la responsabilité que son ex-mari supporterait principalement à ce sujet, comme on le verra plus loin.

Partant, il n’y a pas lieu de procéder à son audition, cette mesure d’instruction n’étant au demeurant pas obligatoire.

10.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas en l'espèce.

11.         Selon l’art. 43 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation d’établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité aux conditions suivantes :

a. ils vivent en ménage commun avec lui ;

b. ils disposent d’un logement approprié ;

c. ils ne dépendent pas de l’aide sociale ;

d. ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile ;

e. la personne à l’origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial.

Cette disposition requiert non seulement le mariage des époux mais également leur ménage commun (ATF 136 II 113 consid. 3.2). Selon la jurisprudence, il y a présomption que la communauté conjugale est rompue après plus d’un an de séparation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_88/2017 du 30 janvier 2017 consid. 6.1).

12.         Selon l'art. 50 al. 1 let. a LEI, après la dissolution de la famille, le droit du conjoint à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu de l'art. 42 ou 43 LEI subsiste, si l'union conjugale a duré au moins trois ans et que les critères d'intégration définis à l'art. 58a LEI sont remplis.

Ces deux conditions sont cumulatives (ATF 140 II 289 consid. 3.8 ; 136 II 113 consid. 3.3.3).

13.         De jurisprudence constante, le calcul de la période minimale de trois ans commence à courir dès le début de la cohabitation effective des époux en Suisse et s'achève au moment où ceux-ci cessent de faire ménage commun (ATF 140 II 345 consid. 4.1 ; 138 II 229 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 3.2 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5c) ; peu importe combien de temps le mariage perdure encore formellement par la suite (ATF 136 II 113 consid. 3.2 et 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_980/2014 du 2 juin 2015 consid. 3.1). La limite des trois ans est absolue et s'applique même s'il ne reste que quelques jours pour atteindre la durée des trente-six mois exigés par l'art. 50 al. 1 let. a LEI (ATF 137 II 345 consid. 3.1.3 ; 136 II 113 consid. 3.2 et 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_50/2015 du 26 juin 2015 consid. 3.1 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5c).

14.         En l’espèce, les ex-époux se sont mariés à ______ le ______ 2018, date qu’il y a lieu de retenir, conformément à la jurisprudence, s’agissant du début de l’union conjugale en Suisse. Il résulte du dossier que la recourante vit séparée de son ex-époux, M. A______, depuis le 1er septembre 2021, ce qu'elle a expressément indiqué tant dans le formulaire de changement d'adresse du 15 décembre 2021 que dans son courrier du 13 avril 2022, dans lequel elle a indiqué une date de séparation « en été 2021 ». Par ailleurs, dans le formulaire du 15 décembre 2021 précité, elle a indiqué sous la rubrique « état civil » être séparée. Depuis, les conjoints n'ont jamais repris la vie commune, et aucun élément du dossier ne permet d'affirmer le contraire. L’union conjugale a ainsi manifestement duré moins de trois ans au sens de la jurisprudence susmentionnée.

Partant, dans la mesure où les deux conditions posées par l'art. 50 al. 1 let. a LEI sont cumulatives et que la première d'entre elles n'est pas remplie, il n'y a pas lieu d'examiner si l’intégration de la recourante est réussie au sens de cette disposition (ATF 140 II 289 consid. 3.5.3 ; 136 II consid. 3.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.1 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5c ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 4a).

15.         La recourante ne pouvant déduire aucun droit de l'art. 50 al. 1 let. a LEI, il convient d’examiner si la poursuite de son séjour en Suisse s'imposerait au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI.

16.         Cette disposition permet au conjoint étranger de demeurer en Suisse après la dissolution de l’union conjugale, lorsque la poursuite de son séjour s’impose pour des raisons personnelles majeures. Les raisons personnelles majeures, visées à l’al. 1 let. b, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d’un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise (art. 50 al. 2 LEI).

17.         Cette disposition vise à régler les situations qui échappent aux dispositions de l’art. 50 al. 1 let. a LEI, soit parce que le séjour en Suisse durant le mariage n’a pas duré trois ans ou parce que l’intégration n’est pas suffisamment accomplie ou encore parce que ces deux aspects font défaut, mais que - eu égard à l’ensemble des circonstances - l’étranger se trouve dans un cas de rigueur après la dissolution de la famille. À cet égard, c’est la situation personnelle de l’intéressé qui est décisive et non l’intérêt public que revêt une politique migratoire restrictive. Il s’agit par conséquent uniquement de décider du contenu de la notion juridique indéterminée « raisons personnelles majeures » et de l’appliquer au cas d’espèce, en gardant à l’esprit que l’art. 50 al. 1 let. b LEI confère un droit à la poursuite du séjour en Suisse (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_112/2020 du 9 juin 2020 consid. 4.1 et les références ; ATA/1333/2021 du 7 décembre 2021 consid. 6c).

18.         Une raison personnelle majeure susceptible de justifier l'octroi ou le renouvellement d'une autorisation de séjour peut résulter de plusieurs circonstances. Ainsi, les critères énumérés à l'art. 31 al. 1 OASA jouent à cet égard un rôle important, même si, pris isolément, ils ne sauraient fonder un cas individuel d'une extrême gravité. Cette disposition comprend une liste exemplative de critères à prendre en considération pour juger de l'existence d'un cas individuel d'une extrême gravité, soit l'intégration, le respect de l'ordre juridique, la situation familiale, la situation financière et la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, la durée de présence en Suisse et l'état de santé. Il convient en outre de tenir compte des circonstances qui ont conduit à la dissolution du mariage (ATF 137 II 1 consid. 4.1 ; voir également ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 au sujet des différences avec les conditions d'application de l'art. 30 al. 1 let. b LEI et consid. 3.2.2 et 3.2.3 sur la notion de « raisons personnelles majeures »).

19.         Parmi les éléments déterminants, il convient de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

20.         Par durée assez longue du séjour, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017). Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e et les références citées). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur (ATA/847/2021 précité consid. 7e ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

21.         S'agissant de la réintégration sociale dans le pays de provenance, la question n'est pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de la réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'étranger, seraient gravement compromises. Le simple fait que l'étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l'art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_112/2020 du 9 juin 2020 consid. 5.1 et les arrêts cités). Par ailleurs, la personne qui fait valoir que sa réintégration sociale risque d'être fortement compromise en cas de retour dans son pays est tenue de collaborer à l'établissement des faits. De simples déclarations d'ordre général ne suffisent pas ; les craintes doivent se fonder sur des circonstances concrètes (ATF 138 II 229 consid. 3.2.3). Enfin, la question de l'intégration de la personne concernée en Suisse n'est pas déterminante au regard des conditions de l'art. 50 al. 1 let. b LEI, qui ne s'attache qu'à l'intégration - qui doit être fortement compromise - qui aura lieu dans le pays d'origine (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_145/2019 du 24 juin 2019 consid. 3.7 et les arrêts cités ; 2C_1003/2015 du 7 janvier 2016 consid. 4.4). À ce propos, le fait qu'un ressortissant étranger se soit toujours comporté en Suisse de manière correcte, qu'il ait créé des liens non négligeables avec son milieu et qu'il dispose de bonnes connaissances de la langue nationale parlée au lieu de son domicile ne suffit pas pour retenir une intégration socio-culturelle remarquable et à ce titre, garantir une autorisation de séjour (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-7467/2014 di 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

22.         En l’espèce, il sera d'emblée relevé que la recourante ne prétend pas avoir été victime de violences conjugales ou que le mariage aurait été conclu en violation de la libre volonté de l'un des époux. Aucun élément du dossier ne démontre par ailleurs le contraire.

C'est donc sous l'angle de la réintégration dans le pays d'origine que doit encore être examinée la question des raisons majeures au sens de l'art. 50 al. 2 LEI.

D'emblée, le tribunal relève que la durée du séjour en Suisse de la recourante, prise en compte par la décision litigieuse à partir du 2 janvier 2018, découle d'une constatation inexacte des faits. En effet, si la demande d'autorisation de séjour formée pour le compte de la recourante par M. B______ date du mois de janvier 2008, le précité a indiqué à cette époque qu'il avait rencontré la recourante alors qu'elle séjournait en Suisse en 2004. Ils s'étaient très rapidement installés ensemble, mais la recourante avait jusque-là fait des allers-retours entre la Suisse et l'Italie. Le sérieux de leur projet de fonder à cette époque une famille découle du certificat médical attestant de la grossesse de la recourante en février 2008. La présence de la recourante en Suisse à partir de 2004 et de son séjour à Genève dès 2005 – vraisemblablement de manière continue et non pas alternée avec des séjours en Italie -, découle également des déclarations faites à la police par M. B______ le 26 septembre 2017, selon lesquelles ils avaient déménagé à Genève dès 2005 en s'installant dans le même appartement. Ces dernières déclarations sont d'autant plus dignes de foi qu'elles ont été faites par M. B______ alors qu'il ne formait plus un couple avec la recourante et qu'il venait même d'être agressé par cette dernière, contre laquelle il avait alors porté plainte pénale.

Ainsi, il convient de retenir que la recourante est arrivée en Suisse au moins en 2004 (année où elle a rencontré M. B______).

23.         Aux termes de l'art. 8 CEDH, dont la teneur est à cet égard identique à l'art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit au respect de sa vie privée et de sa vie familiale, chacun de ces deux domaines étant traité de manière spécifique par la jurisprudence.

24.         S'agissant de la protection de la vie privée, selon la jurisprudence, la question de l'existence d'un droit à demeurer en Suisse au bénéfice d'une autorisation de séjour en raison d'un enracinement particulier dans le pays implique de se demander, dans chaque cas, si la personne étrangère concernée entretient des relations privées de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse, allant au-delà d'une intégration normale. Si tel est le cas, il convient de procéder à une pesée globale des intérêts en présence plaidant en faveur ou en défaveur d'une autorisation de séjourner en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1; ATF 130 II 281 consid. 3.2.1; ATF 126 II 377 consid. 2c; ATF 120 Ib 16 consid. 3b; cf. aussi ATF 138 I 246 consid. 3.2.1).

Un droit à une autorisation de séjour fondée sur ce droit fondamental dépend en règle générale de la durée pendant laquelle la personne requérante a déjà vécu en Suisse. Lorsqu'elle réside légalement dans le pays depuis plus de dix ans, il y a lieu de présumer que les liens sociaux qu'elle y a développés sont à ce point étroits qu'un refus de renouvellement d'autorisation de séjour, respectivement la révocation de celle-ci ne peuvent être prononcés que pour des motifs sérieux (ATF 146 II 185 consid. 5.2 ; ATF 144 I 266 consid. 3). Cependant, la reconnaissance finale d'un droit à séjourner en Suisse issu du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH peut s'imposer même sans séjour légal de dix ans en cas d'intégration particulièrement réussie (ATF 144 I 266 consid. 3.8 et 3.9; aussi arrêt 2C_666/2019 du 8 juin 2019 du consid. 4.2). Autrement dit, dans les situations où la personne étrangère ne peut pas se prévaloir d'un précédent séjour légal de dix ans en Suisse, la question d'un éventuel droit de séjour issu du droit au respect de la vie privée reste régie par la jurisprudence originelle impliquant de se demander si la personne étrangère concernée entretient des relations privées de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse, allant au-delà d'une intégration normale, avant de procéder à une pesée des intérêts en présence (cf. supra consid. 5.3.1).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs précisé que la notion de "séjour légal" de dix ans, qui n'inclut évidemment pas les années passées en clandestinité dans le pays, ne comprend pas non plus le temps passé en Suisse au bénéfice d'une simple tolérance (cf. notamment arrêts 2D_19/2019 du 20 mars 2020 consid. 1.3 et 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2).

Dans l'ATF 149 I 72, le Tribunal fédéral a souligné que le droit de demeurer en Suisse après un séjour légal de dix ans - tel qu'il découle de la garantie de la vie privée sous l'angle de l'ATF 144 I 266 - ne concerne que les cas de prolongation et de renouvellement d'autorisations de séjour, à l'exclusion des situations dans lesquelles de nouveaux titres de séjour en Suisse sont appelés à être délivrés. Cette dernière jurisprudence clarifie le fait qu'une personne étrangère ne peut pas se prévaloir d'un droit potentiel à l'obtention d'une autorisation de séjour fondé sur l'art. 8 CEDH, tel que reconnu par l'ATF 144 I 266, lorsqu'elle a vécu sans autorisation en Suisse ou a refusé de quitter le pays malgré une décision de révocation ou de refus de renouvellement de son permis entrée en force (cf. arrêt précité consid. 2.1.3). Le Tribunal fédéral souligne toutefois l'importance de garder à l'esprit que, dans toutes les situations qui viennent d'être décrites, seule la présomption d'enracinement en Suisse posée par l'ATF 144 I 266 n'entre pas en ligne de compte. La jurisprudence ancienne, déduite du respect de la vie privée et reconnaissant un droit potentiel à l'obtention d'une autorisation de séjour tiré de l'art. 8 CEDH en cas d'intégration particulièrement réussie en Suisse, reste en tous les cas applicable (cf. supra consid. 5.3.1 et 5.3.2). Il n'est ainsi pas exclu qu'une personne étrangère puisse invoquer son droit à la protection de sa vie privée garanti par l'art. 8 CEDH en vue d'obtenir une autorisation de séjour initiale ou un nouveau titre de séjour dans le pays après en avoir perdu un précédent, en alléguant notamment avoir vécu longtemps en Suisse (cf. d'ailleurs ATF 147 I 268 consid. 1 et 4 et arrêt 2D_19/2022 du 16 novembre 2022 consid. 1.2.3), ce même s'il est vrai que le respect de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH ne donne "en règle générale" pas droit à entrer ou à revenir dans le pays (cf. arrêt 2C_89/ 2022 du 3 mai 2022 consid. 2.2.3).

25.         Par ailleurs, dans un arrêt n° 13258/18 B. F. et autres c. Suisse du 4 juillet 2023, la Cour européenne des Droits de l'homme (ci-après : CourEDH) a constaté une violation de l'art. 8 CEDH au motif que le refus d'octroyer le regroupement familial en Suisse, motivé par la dépendance à l'aide sociale ou le risque d'en dépendre, n'avait pas suffisamment tenu compte des raisons de cette dépendance et de ce risque, et que par conséquent, la pesée entre les intérêts publics et privés en présence n'avait pas été faite correctement (§ 126 à 134 de l'arrêt susmentionné). Ainsi, pour l'une des personnes, il fallait constater qu'elle avait fait tout ce qu'on pouvait attendre d'elle, en s'insérant sur le marché du travail, pour gagner suffisamment sa vie afin de couvrir ses dépenses et celles de sa famille. Pour une autre personne, en travaillant à temps partiel pour s'occuper de ses trois enfants, il apparaissait peu probable dans ces conditions qu'elle soit en mesure de gagner le revenu nécessaire pour subvenir aux besoins de sa famille. Une autre personne encore était en mauvaise santé, ce qui réduisait sa capacité de travail mais ne l'abolissait pas complètement, de sorte que dans ce cas, il était légitime de lui reprocher de n'avoir fait aucun effort pour trouver un emploi (§ 133 de l'arrêt précité).

26.         En l'occurrence, arrivée en Suisse en 2004 (comme vu ci-dessus), la recourante bénéficie d'une très longue durée de séjour en Suisse, qui équivaut désormais à 20 ans. Quand bien même on ne tiendrait compte que de la durée pendant laquelle sa présence a été déclarée aux autorités suisse, cette période est de seize ans, ce qui excède largement les dix ans à partir desquels la jurisprudence susmentionnée admet qu'il s'agit d'un long séjour légitimant une protection de la vie privée au sens de l'art. 8 CEDH. A fortiori, pour une période de seize ans, et en réalité un séjour effectif de 20 ans, convient-il d'accorder une importance particulière à l'intérêt de la recourante à pouvoir poursuivre son existence en Suisse. A l'inverse, les motifs qui s'opposent à l'intérêt privé de la recourante doivent-ils être suffisamment sérieux.

La recourante émarge à l'aide sociale depuis sa séparation d'avec son ex-époux, en décembre 2021. En parallèle, elle a poursuivi ses recherches d'emploi, ainsi que l'indiquent les documents qu'elle a produits. Ses difficultés à trouver un emploi, depuis la perte de celui qu'elle a occupé jusqu'en 2021 auprès de son ex-époux, doivent être mises en perspective avec l'âge de la recourante, qui a désormais 60 ans, et avec le fait que les domaines dans lesquels elle a précédemment pu travailler (restauration et nettoyage) ne laissent que des opportunités très limitées à partir d'un certain âge. A cela s'ajoute la dépression dont elle souffre apparemment, qui, bien que non documentée médicalement, s'est apparemment manifestée de manière symptomatique lors de son stage aux EPI en mars – avril 2023. Il est manifeste qu'une telle maladie, ajouté à l'âge de la recourante, constitue un sérieux handicap dans la recherche d'un emploi. Malgré cela, comme cela ressort des pièces produites, la recourante a suivi des cours dans une école d'esthétique privée, a passé un test de langue FIDE et a poursuivi ses recherches d'emploi.

Certes, elle a également de nombreuses dettes pour près de CHF 125'000.- , accumulées à partir de l'année 2010, soit deux ans après le début de son séjour sur le territoire. La nature des dettes joue en sa défaveur, dès lors qu’une partie de celles-ci concerne des montants dus à l’assurance maladie (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_352/2014 du 18 mars 2015 consid. 4.5) et au fisc, soit une obligation légale qui incombe à toute personne vivant en Suisse. Cette situation doit cependant être mise elle aussi en rapport avec les emplois peu qualifiés, et donc peu rémunérés, occupés par la recourante.

L'intégration économique de la recourante n'est donc pas bonne, mais elle ne saurait s'imposer en sa défaveur sans que l'on tienne compte des circonstances rappelées ci-dessus, qui constituent objectivement des difficultés conduisant à relativiser la dépendance à l'aide sociale de la recourante, conformément à la jurisprudence susmentionnée de la CourEDH. Agée désormais de 60 ans et arrivée en Suisse alors qu'elle avait 40 ans, la recourante a donc passé dans ce pays le tiers de son existence et entre dans une période de sa vie où ses chances de se réinsérer économiquement seront de plus en plus minces.

Dans ces conditions, l'autorité intimée n'ayant pas correctement constaté les faits, elle a également accordé aux intérêts de la Suisse un poids trop important par rapport aux intérêts privés de la recourante à pouvoir poursuivre son existence en Suisse.

Sous cet angle, le recours sera admis, l'affaire étant renvoyée à l'autorité intimée afin qu'elle renouvelle l'autorisation de séjour de la recourante.

Au surplus, s'agissant de sa demande de transformation de son permis B en permis d'établissement du 23 août 2019, le tribunal rappellera à la recourante que même si elle estimait que les conditions étaient remplies, l'art. 34 LEI est une norme potestative qui ne consacre pas de droit à un permis d'établissement (ATF 135 II 1 consid. 1.1 ; 131 II 339 consid. 1, et la jurisprudence citée ; ATAF F-3419/2018 consid. 5 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, pp. 324 et les références citées), de sorte qu'elle ne disposait d'aucun droit à la délivrance d'un tel titre de séjour. À ce jour, vu sa dépendance à l'aide sociale depuis décembre 2021, elle remplit à l'évidence un motif de révocation s'opposant à la délivrance d'une telle autorisation, malgré sa longue durée de séjour en Suisse (art. 63 al. 1 let. c LEI).

27.         Sous cet angle, le recours s'avère infondé et la décision sera confirmée.

28.         La recourante obtenant partiellement gain de cause, un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

29.         La recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

30.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 800.- lui sera allouée à la charge de l'Etat de Genève, soit pour lui l'OCPM (art. 87 al. 2 LPA).

31.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 21 mars 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 16 février 2024 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             annule la décision du 16 février 2024 en ce qu'elle refuse de renouveler le permis de séjour de la recourante ;

4.             renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations pour la suite à y donner au sens des considérants ;

5.             rejette le recours pour le surplus ;

6.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

7.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

8.             alloue à la recourante, à la charge de l'Etat de Genève, soit pour lui l'office cantonal de la population et des migrations, une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

9.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière