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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/111/2024

JTAPI/462/2024 du 16.05.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : DEVOIR DE COLLABORER
Normes : LEI.90; LEI.44.al1; LEI.47.al4; OASA.73.al3; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/111/2024

JTAPI/462/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 mai 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Lida LAVI, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame B______, originaire d'Algérie, est arrivée en Suisse le 18 décembre 2019 afin de rejoindre son époux, Monsieur C______, ressortissant suisse. Elle a obtenu une autorisation de séjour au titre de regroupement familial le 18 décembre 2019.

Elle est la mère de trois enfants nés d'une précédente union : Mesdames A______ et D______, nées le ______ 2005 et E______, né le ______ 2011.

2.             Mme A______ ainsi que sa sœur sont arrivées en Suisse le 18 septembre 2022, au bénéfice d'un visa touristique.

3.             Le 5 décembre 2022, Mme B______ a déposé en faveur de ses deux filles, une demande de regroupement familial auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM).

Selon les documents produits à l'appui de sa requête, elle avait obtenu le droit de garde et de tutelle sur sa fille A______, le 25 décembre 2018. Elle était au chômage et son époux M. C______ gagnait un salaire de CHF 4'821.- net par mois. Le couple vivait dans un appartement de quatre pièces en compagnie des deux enfants de ce dernier.

Mme A______ était inscrite dans une école genevoise.

4.             Par courrier du 31 mai 2023, l’OCPM a fait part à Mme A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa requête. Un délai de 30 jours lui a été imparti pour exercer par écrit son droit d’être entendue.

5.             En date du 25 septembre 2023, après avoir obtenu divers délais pour se déterminer, Mme A______ a expliqué à l'OCPM que le divorce de ses parents avait été extrêmement conflictuel et que son père, Monsieur F______, n'avait pas accepté que la décision de divorce attribue la garde des enfants mineurs du couple à sa mère.

Son père avait ainsi assigné sa mère en justice pour obtenir la garde des enfants et la procédure avait duré jusqu'en avril 2022, date à laquelle un jugement définitif avait été rendu. De plus, le jugement avait été égaré et une copie légalisée lui permettant, ainsi qu'à sa sœur jumelle, D______, de voyager n'avait été obtenue qu'en septembre 2022.

Le traitement que leur infligeait leur père relevait de la violence domestique. Il contrôlait en effet leurs moindres faits et gestes avec l'appui de la communauté de leur quartier à Alger. Dès qu'elles eurent été en mesure de voyager, elle et sa sœur avaient fui le pays pour rejoindre leur mère le 19 septembre 2022. Elles étaient venues en Suisse en tant que touristes car elles ne pouvaient se permettre de différer leur départ dans l'attente de l'octroi d'une autorisation de séjour. Elles avaient agi ainsi car elles étaient dans la crainte que leur père intervienne afin de les empêcher de rejoindre leur mère.

Ni elle ni sa sœur n'avaient eu l'intention de mettre les autorités devant le fait accompli. À ce titre, elles avaient déposé une demande d'autorisation de séjour dans le délai légal de 90 jours après leur arrivée en Suisse.

Son intégration était exemplaire. Elle avait immédiatement été intégrée et trouvé une place d'apprentissage. Enfin, elle craignait pour son intégrité en cas de renvoi dans son pays d'origine car elle se trouverait alors, à la merci de son père. Ce dernier nourrissait vraisemblablement une rancœur contre l'issue des procédures et le choix de ses filles d'avoir voulu rejoindre leur mère. Bien qu'elle était aujourd'hui majeure, elle se trouverait dans une situation de vulnérabilité particulière en raison d'une absence de ressources dans son pays d'origine marquée par les traditions patriarcales qui perduraient. Elle considérait que le délai pour demander le regroupement familial avait débuté en avril 2022, date à laquelle il y avait eu établissement du lien familial au sens de l'art. 47 al. 3 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). À titre subsidiaire, elle estimait que des circonstances de fait et de droit l'avait empêchée objectivement de déposer une demande avant le mois de septembre 2022, lesquelles devaient être considérées comme des raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI. Enfin, leur droit au séjour pouvait être octroyé sous l'angle de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. Un renvoi serait également disproportionné et violerait les obligations internationales de la Suisse au sens des art. 8 CEDH et de la Convention relative aux droits de l'enfant (CDE - RS 0.107).

6.             Par décision du 21 novembre 2023, l'OCPM a refusé l'octroi d'une autorisation de séjour en faveur de Mme A______ et prononcé son renvoi.

La demande de regroupement familial avait été déposée tardivement. Sa mère avait obtenu son autorisation de séjour le 18 décembre 2019 et à ce moment-là, Mme A______ était âgée de plus de 12 ans, de sorte que la demande aurait dû être déposée au plus tard le 17 décembre 2020. Le lien familial était établi à la naissance de Mme A______ et non lors de l'attribution de la garde. En outre, même si le jugement concernant la garde n'était devenu définitif qu'en avril 2022, rien n'empêchait Mme B______ de déposer une demande de regroupement familial dans les délais.

Aucune raison majeure justifiant le regroupement familial n'était démontrée. Les violences domestiques alléguées n'étaient ni établies ni prouvées. Par ailleurs, la requête déposée en décembre 2022, soit six mois avant la majorité de Mme A______, portait à croire que ce n'était pas la réunion familiale qui était visée mais un accès facilité au marché du travail. De plus, l'acte naissance n'avait pas été légalisé par l'ambassade suisse à Alger et le logement familial n'était pas convenable puisque quatre personnes y résidaient déjà et qu'une demande de regroupement familial avait également été déposée pour sa sœur jumelle. Un logement de quatre pièces pour six personnes ne constituait pas un logement approprié au sens de l'art. 44 LEI. En outre, Mme B______ avait choisi délibérément de quitter l'Algérie et de laisser ses filles au pays. Mme A______ n'était pas dépendante physiquement et psychiquement de sa mère ainsi l'art. 8 CEDH ne pouvait être invoqué. Elle n'avait pas établi de manière objective avoir subi des mauvais traitements et que sa situation serait moins bonne que celle de ses compatriotes. De plus, arrivée en Suisse en septembre 2022, son séjour était très court au regard des années passées en Algérie. Bien qu'elle ait commencé une formation, elle n'avait pas mis en évidence une intégration particulièrement exceptionnelle. Elle était jeune et en bonne santé et ne rencontrerait que peu de difficultés à se réintégrer dans son pays d'origine. Enfin, elle était venue en Suisse par le biais d'un visa touristique mettant ainsi les autorités devant le fait accompli. Elle était aujourd'hui majeure et donc à même de se prendre en charge. Les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour au sens des art. 44, 47 30 LEI ainsi que 8 CEDH n'étaient pas satisfaites. Enfin, la CDE ne s'appliquait pas aux personnes majeures.

7.             Par acte du 10 janvier 2024, sous la plume de son conseil, Mme A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant principalement, sous suite de frais et dépens, à son annulation.

La décision contrevenait à l'art. 47 al. 4 LEI. Il résultait du dossier que sa mère avait été empêchée de déposer une demande en sa faveur dans le délai légal prévu par l'art. 47 al. 1 LEI. La procédure judiciaire engagée par son père ainsi que la contrainte exercée par celui-ci à son égard constituaient à l'évidence des raisons familiales majeures. Compte tenu des violences domestiques subies de la part de son père, elle était fondée à se prévaloir d'un regroupement familial différé.

Du fait de sa situation familiale, il était incontestable qu'elle relevait du droit garanti par l'art. 8 CEDH.

8.             En date du 8 mars 2024, l'OCPM a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Il a conclu au rejet du recours.

La demande de regroupement familial avait été déposée après les délais prescrits par la loi.

Les motifs invoqués par la recourante ne constituaient pas une raison familiale majeure selon la jurisprudence. S'agissant des violences domestiques au sein du foyer familial en Algérie, elles n'étaient pas prouvées à satisfaction de droit. À cela s'ajoutait le fait que les motifs (et les preuves) susceptible de justifier le regroupement familial différé d'un enfant était soumis à des exigences d'autant plus élevées que l'enfant était avancée en âge, avait vécu longtemps séparée de son parent établi en Suisse et avait accompli une partie importante de sa scolarité dans son pays d'origine. Par ailleurs, lorsque l'enfant était devenu majeure en cours de procédure de regroupement familial comme c'était le cas en l'espèce, la CDE ne lui était plus applicable.

Au regard de ces circonstances, même à considérer que la recourante satisferait à la condition relative au logement approprié, l'octroi d'un titre de séjour n'était pas justifié étant donné que celui-ci avait été demandé sans qu'une raison importante ne le justifie, de manière tardive. À cet égard, il était relevé que pour pouvoir déposer une demande de regroupement familial, il suffisait de disposer de l'autorité parentale sur l'enfant. Ainsi, on pouvait s'attendre à ce que la mère de la recourante dépose une telle requête avant l'échéance des délais légaux afin de préserver son droit à la venue de sa fille.

La recourante ne pouvait pas se prévaloir de l'art. 8 CEDH étant donné que sa mère, titulaire d'une autorisation de séjour, ne disposait pas d'un droit de présence assuré en Suisse. De plus, un droit effectif au regroupement familial ne pouvait découler de cette disposition qu'à condition que les exigences fixées par le droit interne soient respectées ce qui n'était pas le cas en l'espèce (ATF 137 I 284 consid. 1.3 et 2.6).

La recourante ne se trouvait pas dans une situation individuelle d'une extrême gravité au sens de l'art. 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Ayant vécu toute sa vie en Algérie et arrivée en Suisse avec un visa touristique, il y avait moins de deux ans, à l'âge de 16 ans révolus et quand bien même elle avait intégré une école à Genève en vue d'une transition professionnelle, son processus d'intégration n'était pas si avancé que sa réintégration sociale en Algérie devait être considérée comme fortement compromise.

9.             Le 2 avril 2024, la recourante a répliqué. L'absence de preuves relatives aux violences domestiques invoquées ne pouvait lui être reprochée dès lors que l'OCPM n'avait pas procédé à son audition. Pour le surplus, elle a persisté dans les termes de son recours.

10.         Le 22 avril 2024, l'OCPM a indiqué au tribunal qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants d'Algérie.

6.             Conformément à l'art. 90 LEI, l'étranger et les tiers participant à une procédure prévue par la loi doivent collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Ils doivent en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (let. a) et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s'efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (let. b).

7.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités).

8.             En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 8.3.3).

9.             Selon l'art. 44 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation de séjour ainsi que ses enfants étrangers de moins de 18 ans peuvent obtenir une autorisation de séjour et la prolongation de celle-ci aux conditions cumulatives suivantes : ils vivent en ménage commun avec lui (let. a) ; ils disposent d'un logement approprié (let. b) ; ils ne dépendent pas de l'aide sociale (let. c) ; ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) ; la personne à l'origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e).

10.         L’art. 44 LEI, par sa formulation potestative, ne confère pas un droit au regroupement familial (ATF 137 I 284 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_548/2019 du 13 juin 2019 consid. 4), l'octroi d'une autorisation de séjour étant laissé à l'appréciation de l'autorité (ATF 139 I 330 consid. 1.2 ; 137 I 284 consid. 1.2).

11.         Le regroupement familial doit être demandé dans un délai de cinq ans (art. 47 al. 1 LEI). Pour les enfants de plus 12 ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de douze mois. Pour les membres de la famille d’étrangers, les délais commencent à courir lors de l’octroi de l’autorisation de séjour ou lors de l’établissement du lien familial (art. 47 al. 3 let. b LEI). Il est respecté si la demande de regroupement familial est déposée avant son échéance (ATA/1109/2023 du 10 octobre 2023 consid. 2.2 et les références citées). Les délais fixés par la législation sur les personnes étrangères ne sont pas de simples prescriptions d’ordre, mais des délais impératifs, dont la stricte application ne relève pas d’un formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2015 du 23 juillet 2015 consid. 2.3).

12.         En l’espèce, le tribunal doit constater que le regroupement familial n’a pas été demandé dans les délais prévus à l’art. 47 LEI.

D'une part, la mère de la recourante a obtenu une autorisation de séjour le 18 décembre 2019 et d'autre part, nonobstant la procédure relative au droit de garde des parents, le lien de filiation entre Mme B______ et la recourante était établi depuis la naissance de cette dernière, ce qui n'est pas contesté. Partant, le délai pour solliciter le regroupement familial a commencé à courir le 19 décembre 2019 et venait à échéance douze mois plus tard – puisque la recourante était alors âgée de plus de 12 ans – à savoir le 18 décembre 2020.

13.         La demande ayant été déposée hors délai, le regroupement familial différé ne peut être autorisé que pour des raisons familiales majeures (art. 47 al. 4 LEI et art. 73 al. 3 OASA), étant rappelé que la condition de l'âge de l'art. 44 LEI est remplie, la recourante étant âgée de 17 ans lors du dépôt de la demande de regroupement familial.

14.         D'une façon générale, il ne doit être fait usage de l'art. 47 al. 4 LEI qu'avec retenue. Les raisons familiales majeures pour le regroupement familial ultérieur doivent toutefois être interprétées d'une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale au sens de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101; arrêts 2C_259/2018 du 9 novembre 2018 consid. 4.1; 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 5.2). Il en résulte notamment que la question d'une éventuelle violation de l'art. 8 CEDH peut être examiné conjointement au contrôle de la bonne application de l'art. 47 al. 4 LEI (cf. arrêts 2C_677/2018 du 4 décembre 2018 consid. 3; 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 4).

15.         Les raisons familiales majeures au sens des art. 47 al. 4 LEI et 73 al. 3 OASA peuvent être invoquées, selon l'art. 75 OASA, lorsque le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse. C'est l'intérêt de l'enfant, non les intérêts économiques (prise d'une activité lucrative en Suisse), qui prime. Selon la jurisprudence, il faut prendre en considération tous les éléments pertinents du cas particulier. Il y a lieu de tenir compte du sens et des buts de l'art. 47 LEI. Il s'agit également d'éviter que des demandes de regroupement familial différé soient déposées peu avant l'âge auquel une activité lucrative peut être exercée lorsque celles-ci permettent principalement une admission facilitée au marché du travail plutôt que la formation d'une véritable communauté familiale. D'une façon générale, il ne doit être fait usage de l'art. 47 al. 4 LEI qu'avec retenue (arrêt 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.3 et les références citées).

16.         Des raisons familiales majeures sont données au sens de l'art. 47 al. 4 LEI notamment lorsque des enfants se trouveraient livrés à eux-mêmes dans leur pays d'origine, par exemple en cas de décès ou de maladie de la personne qui en a la charge (arrêt du Tribunal fédéral (2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1).

17.         Quand le regroupement familial est demandé en raison de changements importants des circonstances à l'étranger, il convient d'examiner s'il existe des solutions alternatives permettant à l'enfant de rester où il vit. De telles solutions correspondent en effet mieux au bien-être de l'enfant, parce qu'elles permettent d'éviter que celui-ci ne soit arraché à son milieu et à son réseau de relations de confiance. Cette exigence est d'autant plus importante pour les adolescents qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine dès lors que plus un enfant est âgé, plus les difficultés d'intégration qui le menacent apparaissent importantes. Il ne serait toutefois pas compatible avec l'art. 8 CEDH de n'admettre le regroupement familial différé qu'en l'absence d'alternative. Simplement, une telle alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et soigneusement examinée que l'âge de l'enfant est avancé et que la relation avec le parent vivant en Suisse n'est pas (encore) trop étroite. La question de la garde ne joue ainsi plus de rôle spécifique s'agissant d'enfants devenus majeurs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.3.2 et les références citées).

18.         Les motifs (et les preuves) susceptibles de justifier le regroupement familial tardif d'un enfant sont soumis à des exigences d'autant plus élevées que l'enfant est avancé en âge, a vécu longtemps séparé de son parent établi en Suisse et a accompli une partie importante de sa scolarité dans son pays d'origine (ATF 136 II 78 consid. 4.1). Dans le cadre de son obligation de collaborer, il incombe à la personne bénéficiant du regroupement familial non seulement d’affirmer les circonstances correspondantes, mais aussi de les prouver (ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 et 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_493/2020 du 22 février 2021 consid. 2.5.2 ; 2C_347/2020 du 5 août 2020 consid. 3.4 ; 2C_555/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6.1).

19.         Le désir – pour compréhensible qu'il soit – de voir (tous) les membres de la famille réunis en Suisse, souhait qui est à la base de toute demande de regroupement familial et représente même une condition d'un tel regroupement, ne constitue pas en soi une raison familiale majeure. Lorsque la demande de regroupement familial est déposée hors délai et que la famille a vécu séparée volontairement, d'autres raisons sont nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 et 6.2 et la jurisprudence citée).

20.         Les circonstances (politiques, économiques, sécuritaires, sociales, etc.) affectant l'ensemble de la population ne sauraient justifier, de manière générale, une autorisation fondée sur des raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_767/2013 du 6 mars 2014 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3819/2014 du 1er novembre 2016 consid. 6.3.3 ; C-5312/2011 du 15 janvier 2013 consid. 6.5).

21.         Aux termes de l'art. 8 par. 1 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue un droit d'entrée et de séjour en Suisse, ni non plus, pour un étranger, le droit de choisir le lieu de domicile de sa famille (cf. ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 5.1). Une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH est en effet possible aux conditions de l'art. 8 par. 2 CEDH. La question de savoir si, dans un cas d'espèce, les autorités compétentes sont tenues d'accorder une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence (cf. ATF 137 I 284 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 5.1). S'agissant d'un regroupement familial, auquel peut notamment prétendre le conjoint de l'étranger qui possède le droit de résider durablement en Suisse (cf. ATF 146 I 185 consid. 6.1 et les arrêts cités), il convient notamment de tenir compte dans la pesée des intérêts des exigences auxquelles le droit interne soumet celui-ci. Il n'est en effet pas concevable que, par le biais de l'art. 8 CEDH, un étranger qui ne dispose, en vertu de la législation interne, d'aucun droit à faire venir sa famille proche en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées par les art. 42 ss LEI ne soient réalisées (cf. ATF 146 I 185 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 5.1 ; 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 5.3 et les arrêts cités). Il faut ajouter à cela le respect des délais légaux imposés par l'art. 47 LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 5.1).

En résumé, un droit durable à une autorisation de séjour fondé sur l'art. 8 CEDH donne en principe droit au regroupement familial, pour autant que les conditions posées par le droit interne - en l'espèce les art. 43 et 47 LEI - à ce regroupement soient remplies (cf. ATF 146 I 185 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 5.1 in fine).

22.         La jurisprudence relative à l'art. 8 CEDH dans le cadre du regroupement familial partiel relève que le parent qui a librement décidé de venir en Suisse et d'y vivre séparé de sa famille pendant de nombreuses années ne peut normalement pas se prévaloir d'un droit au regroupement familial en faveur de ses enfants restés au pays lorsqu'il entretient avec ceux-ci des contacts moins étroits que l'autre parent ou les membres de la famille qui en prennent soin, et qu'il peut maintenir les relations existantes (ATF 133 II 6 consid. 3.1.2 p. 10 et les arrêts cités; ATF 2C_941/2010 du 10 mai 2011).

23.         En l'espèce, la recourante fait valoir que le divorce particulièrement conflictuel de ses parents et la procédure ayant opposé ces derniers au sujet de la garde des enfants devraient être considérés comme une circonstance majeure. Toutefois, avec l'autorité intimée, il doit être relevé que ces circonstances ne sauraient constituer des circonstances familiales majeures au sens de la jurisprudence précitée et qu'en tout état, elles n'empêchaient pas la mère de la recourante de déposer une demande de regroupement familial dans le délai légal. En effet, l'incertitude quant à l'issue de la procédure concernant la garde des enfants n'avait à l'évidence aucune incidence sur le lien de filiation entre la mère de la recourante et cette dernière.

Concernant les violences et le harcèlement que son père lui ferait subir ainsi qu'à sa sœur, force est de constater qu'elles ne sont nullement établies à satisfaction de droit.

Par ailleurs, désormais majeure, la recourante ne nécessite plus le même encadrement qu’un enfant plus jeune ou au début de l’adolescence. À ce jour, rien ne permet non plus de considérer qu’elle ne pourrait continuer à vivre et poursuivre ses études dans son pays, sous la supervision des membres de sa famille sur place et voire avec le soutien de sa mère depuis la Suisse.

De plus, compte tenu de son âge, il est douteux qu'il serait véritablement dans son intérêt de déplacer son centre de vie en Suisse étant rappelé que la jeune femme a passé toute son existence, dont les années essentielles pour son développement personnel, notamment son adolescence, en Algérie. Il est donc indéniable que ses principales attaches socio-culturelles se trouvent dans ce pays, où résident notamment son père, son frère et certainement d'autres membre de la famille et ses amis. Enfin, au vu des circonstances du cas d'espèce, on ne saurait écarter l'idée que la demande de regroupement familial aurait également - voire principalement - pour but de donner à la recourante l'opportunité de suivre une formation en Suisse et de lui assurer de meilleures conditions de vie qu’en Algérie. La demande ne parait donc pas motivée uniquement par la volonté de la recourante d'être réunie avec sa mère dont elle vit séparée depuis 2019, à tout le moins, date de l'arrivée de celle-ci en Suisse. Or, de telles raisons, certes honorables, ne sauraient être prises en compte dans le cadre du regroupement familial différé, dont le but n'est pas d'assurer aux enfants un avenir plus favorable en Suisse que dans leur pays. Pour le surplus, rien, dans le dossier, ne permet de soutenir que la recourante et sa mère ne seraient plus en mesure de poursuivre leur relation comme jusqu’alors, par le biais des moyens de communication actuels et de visites réciproques.

Au vu de ce qui précède, force est de retenir que les conditions restrictives posées au regroupement familial différé par l'art. 47 al. 4 LEI, en relation avec les art. 73 al. 3 et 75 OASA, ne sont pas réunies.

24.         L'application des art. 8 CEDH ne conduit pas à un résultat différent. En effet, comme indiqué plus haut, l'art. 47 al. 4 LEI doit demeurer l'exception et le fait de conditionner le regroupement familial différé aux conditions posées par le droit interne, en particulier l'existence de raisons familiales majeures, est compatible avec le droit au respect de la vie familiale garanti à l'art. 8 CEDH. Au demeurant, la mère de la recourante qui ne dispose pas d'un droit de séjour durable, n'a pas demandé le regroupement familial dans le délai légal, ni démontré avoir entretenu une relation véritablement étroite et effective, au sens où l'entend la jurisprudence, avec sa fille dont elle vit séparée depuis de 2019. Ces éléments impliquent déjà que la recourante ne peut pas invoquer l'art. 8 CEDH pour obtenir une autorisation de séjour. En tout état, dans la mesure où la mère de la recourante aurait été libre de déposer sa demande de regroupement dès l’obtention de son autorisation de séjour en 2019, mais qu’elle ne l’a pas fait avant décembre 2022, il n'apparaît pas disproportionné d'attendre d'elle et de sa fille qu'elles continuent à vivre leur relation comme elles l’ont fait jusqu’à présent, soit en résidant dans des pays différents. 

De plus la recourante est aujourd'hui âgée de 19 ans. Or, on peut généralement présumer qu'à partir de 18 ans, un jeune adulte est en mesure de vivre de manière indépendante, sauf circonstances particulières, non réalisées en l'espèce (ATF 137 I 154 consid. 3.4.2; arrêt 2C_546/2013 du 5 décembre 2013 consid. 4.1). En effet, il n’a pas été démontré ni même allégué qu'elle souffrirait d'un handicap physique ou mental, ou d'une maladie grave qui - en sus - nécessiterait une attention et des soins que seul sa mère résidant en Suisse serait en mesure de lui prodiguer.

La recourante ne saurait dès lors se fonder sur l'art. 8 CEDH pour prétendre à l'octroi d'une autorisation de séjour à titre de regroupement familial. Le grief sera ainsi écarté.

25.         Enfin, la recourante étant désormais majeure, la CDE ne saurait trouver application.

26.         Reste encore à examiner si la situation de la recourante remplit les critères relatifs à un cas de rigueur.

27.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

28.         L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

29.         À teneur de l’art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l’intégration, l’autorité compétente tient compte des critères suivants ; le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).

30.         Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

31.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

32.         L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

33.         La reconnaissance de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité implique que les conditions de vie et d'existence de l'étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C 754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A 718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6956/2014 du 17 juillet 2015 consid. 6.1 ; C_5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.3 ; C_6726/2013 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; ATA/181/2019 du 26 février 2019 consid. 13d ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).

34.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

35.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

36.         S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités).

37.         Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

38.         Il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé en Suisse s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Le fait qu'un ressortissant étranger se soit toujours comporté de manière correcte, qu'il ait tissé des liens non négligeables avec son milieu et qu'il dispose de bonnes connaissances de la langue nationale parlée au lieu de son domicile ne suffit ainsi pas pour qualifier son intégration socio-culturelle de remarquable (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-7467/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

39.         L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

40.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

41.         En l'espèce, la durée du séjour en Suisse de la recourante est extrêmement courte. En comparaison avec les 20 mois qui se sont écoulés depuis son arrivée en septembre 2022, les 17 ans qu'elle a passés jusque-là dans son pays d'origine revêtent un poids incomparablement plus important en termes d'intégration sociale et culturelle.

Dans la mesure où, selon la jurisprudence rappelée plus haut, même une durée relativement longue du séjour en Suisse ne suffit pas à elle seule à constituer un cas individuel d'extrême gravité sans que s'ajoute à cela une intégration socioprofessionnelle particulièrement remarquable, il va de soi qu'une durée aussi courte que celle du séjour de la recourante Suisse impliquerait, pour la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité, une intégration tout à fait exceptionnelle.

Or, si le tribunal ne peut que reconnaître les efforts louables accomplis par la recourante pour s'intégrer en Suisse en étant autonome sur le plan financier (même si c'est par l'appui matériel que lui offre sa mère), en ne se rendant responsable d'aucun trouble à l'ordre public, en n'ayant contracté aucune dette, en maîtrisant bien la langue française, en ayant entamé un cursus d'intégration scolaire et professionnelle, tout cela ne relève que d'une intégration que l'on peut qualifier de bonne, mais non pas d'exceptionnelle.

Enfin, même s'il est parfaitement compréhensible que la recourante souhaiterait pouvoir demeurer auprès de sa mère, et réciproquement, il s'agit là d'un souhait très largement partagé par des personnes qui vivent séparées dans des pays différents, sans que cela ne constitue, là non plus, un élément relevant d'un cas individuel d'extrême gravité.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, rien ne permet de retenir qu'elle s'y retrouverait dans une situation précaire. La recourante est arrivée en Suisse à l'âge de 17 ans, après avoir passé l'ensemble de son enfance et de son adolescence en Algérie. Elle en maitrise ainsi de toute évidence la langue ainsi que les us et coutumes. En outre, bien qu'elle allègue des violences de la part de son père, aucun élément du dossier ne permet d'en attester la véracité. Elle devrait partant pouvoir compter sur le soutien de celui-ci ainsi que sur celui de son frère demeuré au pays. De plus, désormais âgée de 19 ans, elle est en principe en mesure de vivre de manière indépendante. Enfin, dès lors que le recours de sa sœur jumelle, actuellement pendant devant le tribunal, suivra le même sort que le sien, les deux sœurs pourront s'entraider mutuellement lors de leur retour dans leur pays. Enfin, sa mère et son beau-père pourront, le cas échéant, lui fournir un appui financier depuis la Suisse et ce qui devrait lui permettre de poursuivre une formation professionnelle en Algérie. Elle pourra également maintenir des relations familiales avec sa mère par le biais des moyens de communication modernes ou par des séjours touristiques.

Ainsi, au vu de l'ensemble de ces circonstances, l'appréciation que l'autorité intimée a faite de la situation de la recourante sous l'angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA apparaît parfaitement admissible. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA). Le grief est écarté.

42.         Au vu de ce qui précède, l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 96 LEI) en refusant de délivrer l'autorisation de séjour requise en faveur de la recourante.

43.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée, révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

44.         En l’occurrence, rien ne permet de retenir que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou raisonnablement exigible (art. 83 LEI), la recourante n’alléguant aucun obstacle particulier à son retour dans sa patrie.

Dès lors, c'est également à bon droit que l'autorité intimée a prononcé son renvoi de Suisse.

45.         Ne reposant ainsi sur aucun motif valable, le recours sera rejeté.

46.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

47.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 janvier 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 21 novembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière