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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/403/2022

JTAPI/231/2024 du 14.03.2024 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

ATTAQUE

Descripteurs : DÉCISION INCIDENTE;PARTIE À LA PROCÉDURE;DOMAINE PUBLIC
Normes : LPA.60; LPA.57.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/403/2022 LCI

JTAPI/231/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 14 mars 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Romain JORDAN, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OCEAU - CAPITAINERIE CANTONALE

B______ SA, représentée par Me Jean-Marc SIEGRIST, avocat, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est propriétaire des parcelles nos 1______ et 2______ de la commune de C______ (ci-après : la commune). La seconde, qui abrite une maison, est située à proximité immédiate du bord du lac Léman et en bordure de D______.

2.             B______ SA (ci-après : B______) est une société active notamment dans le domaine de la construction. Elle exploite (selon elle depuis plus de cinquante ans) des corps-morts et des barges destinées à des travaux lacustres, lesquelles sont amarrées sur le lac à l'aval de D______, sur la parcelle n° 3______ de la commune.

3.             Dans le cadre d'un processus qui a impliqué différentes décisions de justice, le département de l'urbanisme, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT ou le département), a ordonné à B______ en 2013 de déposer une demande d'autorisation de construire pour l'installation de ces barges à leur emplacement actuel. B______ a donné suite à cette injonction en déposant le ______ 2017 une requête en autorisation de construire pour trois amarrages forains provisoires n° 4______, n° 5______ et n° 6______, enregistrée sous n° DD 7______.

4.             Ultérieurement, B______ a précisé que les trois barges seraient arrimées dans le fond du lac par des vis d'ancrage. Les barges avaient une surface respective de 204 m², 178 m² et 144 m², pour un poids respectif de 70 t, 62 t et 49 t.

5.             Le ______ 2018, la direction générale de l'eau (DGEau) a délivré à B______ une autorisation spéciale LCR 17-965 en vertu de la loi fédérale sur la pêche.

6.             Par décision DD 7______ du ______ 2018, le département a délivré l'autorisation requise, laquelle a été annulée sur recours de riverains et d'une association de protection de la nature par jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) du ______ 2019 (JTAPI/8______).

7.             Dans le cadre de la reprise de l'instruction du dossier d'autorisation de construire DD 7______, B______ a adressé au département deux propositions alternatives de déplacement des barges en direction de l'aval, reçues par le département le ______ 2021. Par préavis du 3 septembre 2021, l'OCEau s'est déclaré défavorable aux deux variantes de déplacement proposées pour les amarrages forains et a par conséquent demandé le maintien en l'état des positions et amarrages existants.

8.             D'avril à août 2021, M. A______ s'est adressé au département afin de se plaindre de l'installation progressive, sur le lac et à quelques distances de sa propriété, de bouées, corps-morts, plates-formes de travaux et grues, dont il demandait l'enlèvement.

Ses sollicitations ont reçu des réponses de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) ainsi que de l'office cantonal de l'eau (ci-après : OCEau).

9.             Par courriel du 4 août 2021, M. A______ a indiqué au département que quatre grues ou barges ou corps-morts étaient alors installés, ce qui était inacceptable. Un ultime délai au 11 août suivant lui était imparti pour enlever ces installations, au-delà duquel un déni de justice serait dénoncé.

10.         Par courrier du ______ 2021 adressé à l'OCEau, M. A______ a soutenu qu'aucune autorisation n'avait été délivrée pour permettre l'occupation des eaux publiques que constituait l'amarrage des barges. Par conséquent, une décision devait être prononcée, ordonnant le retrait avec effet immédiat des installations litigieuse.

11.         Par acte du 4 octobre 2021, M. A______ a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) d'un recours en concluant principalement à ce que le déni de justice commis par l'OAC soit constaté. Ce recours a été enregistré sous n° de cause A/9______.

12.         Par décision du ______ 2021 (DITAI/10_____), le tribunal, sur requête de mesures provisionnelles de M. A______, a fait interdiction au département, jusqu'à droit jugé au fond, d'installer ou d'ériger de quelconques installations en hauteur, respectivement de laisser procéder à tout acte dans ce sens, à l'emplacement où se trouvaient immergés les corps-morts auxquels étaient amarrées les barges dont le précité s'était plaint à l'autorité intimée dans ses courriers et courriels des 27 avril et 4 août 2021.

13.         Le 24 novembre 2021, B______ a déposé auprès du tribunal une requête en précision ou modification de sa décision sur mesures provisionnelles, en ce sens qu'il ne lui serait pas interdit d'amarrer ses barges aux corps-morts identifiés par M. A______. Si elle ne pouvait plus amarrer ses barges à D______ sans solution de repli, elle devrait mettre un terme à ses engagements contractuels et licencier des employés spécialisés de son département lacustre.

14.         Des échanges de correspondance ont encore eu lieu jusqu'en décembre 2021 entre M. A______, l'OCEau et B______, notamment au sujet de la qualité de partie à la procédure de M. A______.

15.         Par décision du ______ 2021, l'OCEau a constaté que M. A______ ne disposait pas de la qualité de partie à la procédure (chiffre 1 du dispositif), a déclaré irrecevable la requête qu'il avait présentée à cette autorité le ______ 2021 (chiffre 2 du dispositif) et a interdit à B______ de déposer des engins de chantier, notamment des grues ou pelles à câble sur ses barges au mouillage dans le site de D______ (chiffre 3 du dispositif).

La qualité de partie de M. A______ devait être écartée en application de la jurisprudence relative à la qualité de partie d'un dénonciateur, car, en recourant auprès du tribunal pour déni de justice contre le département dans le cadre de la loi sur les constructions et les installations diverses, il avait pu agir par un autre moyen de droit pour protéger ses intérêts.

16.         Par acte du 1er février 2022, B______ a recouru contre cette décision auprès du tribunal en concluant à l'annulation du chiffre 3 de son dispositif et à sa confirmation pour le surplus. Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/11_____.

17.         Par acte du 2 février 2022, M. A______ a également recouru auprès du tribunal contre cette décision en concluant principalement à la réforme de cette dernière, en ce sens que sa qualité de partie à la procédure lui soit reconnue, à ce qu'il soit interdit à toute personne l'utilisation des corps-morts installés sans autorisation ainsi que l'amarrage de toute barge ou autre bateau à ces corps-morts, et à la confirmation du chiffre 3 de la décision entreprise. Cette procédure a été enregistrée sous n° de cause A/403/2022.

18.         Par courrier du 23 février 2022, B______ a saisi l'OCEau d'une demande de reconsidération de sa décision du ______ 2021, en ce sens que le chiffre 3 de son dispositif soit annulé. Elle a expliqué en particulier que seul le mouillage actuel des barges les protégeait contre les intempéries et qu'à défaut, elle devrait les ramener à terre en les démontant, puis en les remontant le moment venu. Une telle opération durait entre six et sept jours et coûtait entre CHF 60'000.- et CHF 70'000.-. En réalité, dans ces conditions, l'amarrage entraînerait l'arrêt de l'exploitation des barges et la résiliation des engagements contractuels de la société.

19.         Par décision DD 7______ délivrée le ______ 2022, le département a autorisé B______ à mettre en place trois corps-morts provisoires ainsi que des barges sur la parcelle n° 3______ de la commune.

20.         Par arrêt du ______ 2022 (ATA/12_____), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) a rayé la cause A/9______ du rôle, le recours interjeté le 24 novembre 2021 par B______ contre la décision sur mesures provisionnelles du tribunal du ______ 2021 étant devenu sans objet.

21.         Par acte du 8 avril 2022, M. A______ a recouru contre l'autorisation DD 7______ auprès du tribunal en concluant principalement à son annulation. Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/13_____.

22.         Le ______ 2022, l'OCEau a rendu une décision annulant le chiffre 3 du dispositif de sa décision du ______ 2021 faisant interdiction à B______ d'utiliser les barges litigieuses, prenant en considération les explications données par B______ dans son courrier du 23 février 2022. Cela étant, l'OCEau devait mener une nouvelle phase d'instruction concernant ces mêmes éléments et par conséquent, les parties à la procédure en reconsidération devaient être clairement déterminées. À cet égard, comme le recours de M. A______ pendant devant le tribunal dans la cause A/403/2022 portait justement sur cette question, il se justifiait de suspendre l'instruction que l'OCEau voulait mener.

23.         Par acte du 6 mai 2022, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du tribunal en concluant à son annulation. Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/14_____.

24.         Par jugement du ______ 2022 (JTAPI/15_____), le tribunal a constaté que le recours interjeté par M. A______ le 4 octobre 2021 dans la cause A/9______ était devenu sans objet et a rayé la cause du rôle.

25.         Par jugement du même jour (JTAPI/16_____), le tribunal a constaté que le recours interjeté par B______ le 1er février 2022 dans la cause A/11_____ était devenu sans objet et a rayé la cause du rôle.

26.         Par décision du même jour (DITAI/17_____), le tribunal a prononcé la jonction des causes A/403/2022 et A/14_____ sous le n° de procédure A/403/2022.

27.         Par écritures du 29 juin 2022, M. A______ a sollicité du tribunal, sur mesures provisionnelles, à ce qu'il déclare exécutoire, le chiffre 3 de la décision de l'OCEau du ______ 2021, fasse interdiction à l'État de Genève et à B______, d'installer ou d'ériger de quelconques installations en hauteur, respectivement de laisser procéder à tout acte dans ce sens, à l'emplacement où se trouvaient immergés les corps-morts auxquels étaient amarrées les barges dont M. A______ s'était plaint à l'autorité intimée dans ses courriers et courriels des 27 avril et 4 août 2021, ce jusqu'à droit jugé au fond et sous menace des peines prévues à l’art. 292 CP.

28.         Par courrier du 8 juillet 2022, M. A______ a informé le tribunal que, suite à sa requête de mesures provisionnelles, ses parties adverses s'étaient d'ores et déjà vengées en installant de nouvelles machines et structures, en décrochant certaines attaches des amarres de façon à ce que même un vent léger provoque un cliquetis sonore désagréable et en procédant dès 5 heures du matin à de nombreuses opérations bruyantes, ce qui l'avait réveillé lui-même, ainsi que sa famille.

29.         Le 11 juillet 2022, B______ a dupliqué dans le cadre de la procédure A/403/2022.

Elle maintenait son argumentation liée à l'irrecevabilité du recours de M. A______ du 2 février 2022.

Le recours du 6 mai 2022 était également irrecevable. Dans sa décision du ______ 2022, l'OCEau avait annulé le chiffre 3 du dispositif de sa décision du ______ 2021 et suspendu l'instruction de la procédure jusqu'à l'issue de la procédure A/403/2022. Il en découlait que la capitainerie cantonale devait mener une nouvelle phase d'instruction sur l'exploitation des barges litigieuses et qu'il convenait ainsi de déterminer au préalable le cercle des parties à la procédure. L'objectif de l'OCEau consistait ainsi à savoir, dans un premier temps, si le recourant disposait de la qualité pour recourir eu égard à l'usage des eaux publiques et, dans un second temps, l'OCEau pourrait mener la procédure relative à l'usage des eaux publiques. La décision du ______ 2022 avait été qualifiée de décision incidente à juste titre, puisqu'elle constituait une étape dans la procédure. Le recourant ne démontrait aucun préjudice irréparable et ne démontrait pas que les conditions de recevabilité de son recours étaient remplies.

La question de la reconnaissance ou non de la qualité de partie du recourant était centrale.

En outre, s'agissant de la prétendue violation du principe de la légalité au motif que l'autorité aurait de facto accordé une autorisation à titre précaire, il n'en était rien. Par sa décision du ______ 2022, l'OCEau avait signifié son refus de prendre des mesures urgentes face à une situation vieille de plus de 50 ans et objet d'une procédure de régularisation en cours. L'OCEau ne s'était pas déterminé sur le fond, ce qui devait faire l'objet d'une instruction complète sur l'occupation des eaux publiques. Cette instruction n'avait pas pu être entamée en raison du recours contre l'autorisation de construire DD 7______, dont l'entrée en force constituait un préalable logique et indispensable à l'autorisation subséquente liée aux objets pouvant s'implanter sur la construction concernée.

30.         Le 12 juillet 2022, le département a dupliqué.

Le recours interjeté le 6 mai 2022 par M. A______ était irrecevable. La décision du ______ 2022 se limitait à annuler le chiffre 3 du dispositif de la décision de la capitainerie cantonale du ______ 2021 afin de compléter l'instruction sur ce point. L'autorité avait donc réouvert l'instruction de la procédure concernant la présence d'engins de chantier sur les barges d'B______ au mouillage dans le site de la D______, laquelle prendrait fin par une nouvelle décision qui pourrait soit constater que l'interdiction de déposer des engins de chantier sur lesdites barges devait être confirmée, soit dire que ladite interdiction devait être revue et modifiée, soit encore l'annuler. Il s'agissait donc bien d'une décision incidente. Par ailleurs, la décision du ______ 2021, frappée de deux recours lorsque la décision sur reconsidération du ______ 2022 avait été rendue n'était ni définitive ni exécutoire.

M. A______ n'alléguait aucun préjudice irréparable et rien n'indiquait que cette condition de recevabilité serait d'emblée réalisée. Par ailleurs, il n'était ni allégué ni prouvé que la réouverture de l'instruction décidée par la capitainerie cantonale entrainerait une procédure probatoire longue et coûteuse. Enfin, dans la décision du ______ 2022, la capitainerie avait suspendu l'instruction de la procédure jusqu'à l'issue de la procédure A/403/2022, afin que la question de la qualité de partie du recourant pût être tranchée et que celui-ci pût exercer ses droits dans l'hypothèse où cette qualité lui serait reconnue.

31.         Par décision du ______ 2022, le tribunal a rejeté la demande de mesures provisionnelle formulée par M. A______ le 29 juin 2022.

32.         Le 28 juillet 2022, M. A______ a formé recours contre cette décision auprès de la chambre administrative, concluant à son annulation, à ce que le chiffre 3 du dispositif de la décision de l’OCEau du ______ 2021 soit déclaré exécutoire jusqu’à droit jugé sur le fond, et à ce qu’il soit fait interdiction au département et à Implenia, jusqu'à droit jugé au fond et sous la peine menace de l'art. 292 CP, d'installer ou d'ériger de quelconques installations en hauteur à l’emplacement des corps-morts immergés, respectivement de laisser procéder à tout acte dans ce sens. Il devait être dit que les mesures provisionnelles étaient exécutoires nonobstant recours.

33.         B______ a formé recours le 16 août 2022 devant la chambre administrative contre le jugement du tribunal du ______ 2022 dont elle a demandé l’annulation, ainsi que le renvoi de la cause au tribunal pour la poursuite de l’instruction (cause A/11_____).

34.         Par décision du 12 septembre 2022, la chambre administrative, après avoir recueilli les déterminations de parties sur ce point, a ordonné la suspension de la cause A/11_____ dans l’attente de l’issue de la procédure A/403/2022.

Les questions à trancher dans le cadre de ces deux procédures étaient celles de l’interdiction du dépôt des engins de chantier et autres d’B______ dans le lac Léman, secteur de D______. L’instruction de la cause A/11_____ n’avait pas commencé devant la chambre administrative, alors que celle de la procédure A/403/2022 était plus avancée. Le prononcé d’un arrêt dans ladite cause aurait une incidence sur celui à venir dans la cause A/11_____. Par économie de procédure, il convenait de suspendre la cause A/11_____ dans l’attente de l’issue de la procédure A/403/2022 concernant la question des seules mesures provisionnelles, étant relevé que le tribunal restait saisi de la procédure sur le fond et qu’il n’existait a priori aucun obstacle dirimant à ce qu’il en poursuive l’instruction.

35.         Par arrêt du ______ 2022 (ATA/18_____), la chambre adminsitrative a déclaré irrecevable le recours de M. A______ interjeté le 28 juillet 2022.

La procédure pendante devant le tribunal, à la suite de la jonction des recours déposés par M. A______ les 2 février 2022 et 6 mai 2022, contre la décision du département du ______ 2021 et contre celle sur reconsidération du ______ 2022, portait sur la reconnaissance de sa qualité de partie à la procédure et sur l’interdiction « à toute personne » d’utiliser des corps-morts ainsi que d’y amarrer toute barge ou autre bateau, respectivement sur l’annulation le ______ 2022 de l’interdiction faite à l’intimée, au terme du chiffre 3 de la décision du département du ______ 2021, de déposer des engins de chantier, notamment des grues ou pelles à câble sur ses barges. La conclusion de M. A______ visant à la confirmation « pour le surplus » du chiffre 3 du dispositif de la décision du département du ______ 2021 était irrecevable, puisque l’interdiction y contenue lui était favorable. Il ne disposait partant d’aucun intérêt juridique à l’attaquer et ne concluait logiquement ni à sa modification, ni à son annulation (art. 60 al. 1 let. b LPA). Cette partie du dispositif faisait l’objet d’un recours pendant d’B______, dans la cause A/11_____.

La perte de vue partielle et momentanée sur le lac Léman ne constituait pas un préjudice irréparable. Le recourant ne le démontrait d’ailleurs pas.

Pour le surplus, son intérêt privé à ne pas avoir la vue, depuis sa maison, sur le lac Léman et le Jura partiellement obstruée par ces installations, certes disgracieuses, le temps que la cause fut jugée sur le fond, devait céder le pas à l’intérêt de l’État à pouvoir faire procéder aux travaux lacustres sans attendre l’issue de la procédure administrative.

36.         Par jugement du ______ 2023 (JTAPI/19_____), le tribunal a partiellement admis le recours interjeté par M. A______ contre l'autorisation de construire DD 7______, dans la mesure où la validité de celle-ci serait limitée à six ans dès l'entrée en force du jugement, tout en ayant admis que les installations litigieuses n'étaient pas soumises à une obligation de planification, étaient imposées par leur destination à leur emplacement et qu'aucun intérêt contraire prépondérant n'était violé.

37.         Par arrêt du ______ 2023, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par M. A______ contre l'arrêt de la chambre administrative du ______ 2022. En substance, il relevait que le droit à la vue n'était pas, en tant que tel, protégé en droit public et que la perte de vue momentanée et partielle sur le lac subie par le recourant ne lui causait pas de préjudice irréparable, laissant ouverte la question de la légitimité du recourant à recourir en raison d'une restriction à sa vue (20_____ consid. 2.3).

38.         Par arrêt du ______ 2023 (ATA/21_____), la chambre administrative, laissant ouverte la question de sa qualité pour recourir, a rejeté le recours de M. A______ contre le jugement du tribunal du ______ 2023 (JTAPI/19_____).

39.         Par acte du 6 novembre 2023, M. A______ a formé recours contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral (22_____).

40.         Par arrêt du ______ 2023 (ATA/23_____), la chambre administrative a déclaré sans objet le recours d'B______ dans la cause A/11_____.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Il convient d'emblée de trancher la question de la recevabilité du recours, le département et l'intimée considérant que celui-ci est irrecevable en raison de la nature incidente de la décision du ______ 2022, annulant la décision du ______ 2021, contrairement au recourant qui soutient qu'il s'agit d'une décision finale, ou à tout le moins susceptible de lui causer un préjudice irréparable.

3.             Constitue une décision finale une décision qui met un terme à l’instance engagée (ATA/261/2009 du 19 mai 2009 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n° 2.2.4.2, p. 256).

4.             Sont des décisions incidentes les décisions prises pendant le cours de la procédure, qui ne représentent qu’une étape vers la décision finale (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit. p. 225, n. 2.2.4.2 ; ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2a et les arrêts cités). En principe, de telles décisions ne causent pas un préjudice irréparable au sens de l’art. 57 let. c LPA (ATA/360/2017 du 28 mars 2017 consid. 6a ; ATA/693/2012 du 16 octobre 2012) puisque la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci n'est généralement pas considérée comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATA/965/2023 du 5 septembre 2023 consid. 2.3 ; ATA/293/2013 du 7 mai 2013 et les références citées).

5.             Selon l'art. 57 LPA, sont notamment susceptibles d’un recours les décisions finales (let. a) et les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. c).

6.             L'art. 57 let. c LPA, cité plus haut, a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

7.             Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue pas en soi un préjudice irréparable. Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 138 III 190 consid. 6 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.3.1 ; ATA/360/2017 du 28 mars 2017 consid. 6b et les arrêts cités ; ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2b ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2c). En particulier, l'obligation de constituer un dossier en vue du dépôt d'une requête en autorisation, si elle impose différentes démarches au propriétaire concerné, ne cause pas un préjudice irréparable (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.3.1 ; 1C_470/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2.3).

8.             La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/433/2018 précité ; ATA/231/2017 du 22 février 2017 ; ATA/385/2016 du 3 mai 2016 ; ATA/64/2014 du 4 février 2014).

9.             Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4).

10.         En l'espèce, la décision du ______ 2021 porte sur la question de la qualité de partie du recourant, sur la recevabilité de sa requête tendant à exiger de l'OCEau une intervention de sa part afin de mettre fin à l'occupation sans droit du domaine public que constitue le lac et sur l'interdiction faite à B______ d'entreposer des grues et autres engins de chantier sur les barges litigieuses.

La décision en reconsidération du ______ 2022 a pour effet d'annuler le chiffre 3 de la décision du ______ 2021 – soit l'interdiction prononcée à l'encontre d'B______ – et de ramener la situation à celle d'origine, soit le maintien du statu quo, tout en prononçant la suspension de la procédure d'instruction que la décision du ______ 2022 annonce rouvrir. Elle ne met ainsi manifestement pas fin à la procédure au fond s'agissant de la question de l'occupation du domaine public, de sorte qu'il s'agit d'une décision incidente. Le recours contre cette seconde décision n'est ainsi recevable que si les conditions de l'art. 57 let. c LPA sont remplies.

Or, tel n'est pas le cas dans la présente espèce, puisque la perte de vue dégagée dont souffre le recourant ne saurait être constitutive d'un préjudice irréparable, comme l'a déjà admis le Tribunal fédéral dans son arrêt du ______ 2023 (19_____). Partant, la situation étant la même, il n'y a pas de raison de se départir de la solution à laquelle est arrivé le Tribunal fédéral s'agissant de cette question.

11.         Par ailleurs, la décision en reconsidération du ______ 2022, qui n'annule que le chiffre 3 du dispositif de la décision du ______ 2021, a ainsi pour effet d'en laisser subsister les chiffres 1 et 2, le premier consistant à dénier la qualité de partie du recourant et le deuxième consistant conséquemment à dénier la recevabilité de sa requête tendant à ce qu'il soit mis fin à l'occupation du domaine public par les barges litigieuses.

Or, à la lecture de la décision du ______ 2022, l'OCEau a accordé – à tout le moins implicitement – un régime de tolérance transitoire s'agissant de l'usage du domaine public lacustre, sur la base d'une application par analogie de l'art. 25 let. b de la loi sur l'occupation des eaux publiques du 19 septembre 2008 (LOEP - L 2 10) – selon lequel l'autorité peut prescrire au bénéficiaire ou à l'exploitant l'utilisation d'un ouvrage selon un mode particulier – dans l'attente de la décision du département quant au sort de l'instruction de la DD 7______. La question de l'occupation du domaine public, s'agissant des corps-morts et des barges litigieuses, n'a ainsi pas encore été tranchée à ce jour de manière définitive par l'autorité compétente, mais est en cours d'instruction.

L'articulation entre les deux décisions susmentionnées a pour effet que l'on se trouve dans le cas d'une procédure en cours d'instruction, en attente d'une décision définitive sur le fond, mais dans laquelle la question de la qualité de partie d'un tiers a d'ores et déjà été tranchée – négativement - par une décision intermédiaire que l'on doit qualifier de décision sur partie (ATA/693/2012 du 16 octobre 2012). Or, l'intéressé a manifestement un intérêt à pouvoir faire immédiatement annuler cette dernière, sous peine de ne pouvoir défendre ses intérêts lorsque la décision au fond sera rendue.

Ainsi, la question qui reste à examiner dans la présente procédure est celle de savoir si le recourant – en sa qualité de voisin dénonciateur d'une situation qu'il estimait illicite et lui causant un préjudice – peut prétendre à voir sa qualité de partie reconnue dans le cadre de la procédure d'usage du domaine public lacustre en cause.

12.         Ont qualité de partie les personnes dont les droits ou les obligations pourraient être touchés par la décision à prendre, ainsi que les autres personnes, organisations ou autorités qui disposent d'un moyen de droit contre cette décision (art. 7 LPA).

13.         Selon l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

14.         La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/1123/2020 du 10 novembre 2020 consid. 3b et les références citées). L'exemple le plus évident concerne la partie à la procédure qui a obtenu le plein de ses conclusions au stade antérieur de la procédure, et n'est dès lors pas lésée par la décision ou le jugement de première instance (ATA/1352/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3b).

L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (ATA/1352/2020 précité consid. 3d ; ATA/1123/2020 précité consid. 3c).

15.         L'intérêt digne de protection consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4). L'existence d'un intérêt digne de protection présuppose que la situation de fait ou de droit du recourant puisse être influencée par l'annulation ou la modification de la décision attaquée, ce qu'il lui appartient d'établir (ATF 120 Ib 431 consid. 1 ; ATA/1352/2020 précité consid. 3c).

16.         Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1). L'intérêt invoqué, qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 143 II 512 consid. 5.1).

17.         La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle n'importe quel administré peut attirer l'attention d'une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l'État dans l'intérêt public. La dénonciation est possible dans toute matière où l'autorité pourrait intervenir d'office. En principe, l'administré n'a aucun droit à ce que sa dénonciation soit suivie d'effets, car l'autorité saisie peut, après un examen sommaire, décider de la classer sans suite ; le dénonciateur n'a même pas de droit à ce que l'autorité prenne une décision au sujet de sa dénonciation (ATF 133 II 468 consid. 2 ; 135 II 145 consid. 6.1 ; ATA/1123/2020 précité consid. 4c et les références citées). La dénonciation à l'autorité de surveillance ne confère pas la qualité de partie et ne donne pas droit à obtenir une décision, ni celui d'être entendu, de consulter le dossier ou d'exiger des mesures d'instruction (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1448 p. 497).

18.         Le Tribunal fédéral a précisé à différentes occasions que la question de savoir si un dénonciateur remplissait les conditions précitées et donc jouissait de la qualité de partie devait être résolue différemment selon les matières et les circonstances d'espèce. Afin d'opérer une délimitation raisonnable avec le « recours populaire », il reconnaît restrictivement la qualité de partie au dénonciateur, lorsque celui-ci pourrait sauvegarder ses intérêts d'une autre manière, notamment par le biais d'une procédure pénale ou civile. Il en va de même lorsque l'activité administrative s'en trouverait compliquée de manière excessive (ATF 139 II 279 consid. 2.3 et les références citées). En d'autres termes, le dénonciateur ayant un intérêt digne de protection à l'issue d'une procédure a la qualité de partie si cette procédure est le seul moyen pour lui de voir protégé son intérêt digne de protection, direct et spécial (arrêt du Tribunal fédéral 5A_422/2020 du 25 novembre 2020 consid. 1.4.3.3).

19.         L'utilisation du domaine public lacustre est régie notamment par la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 5), par le règlement concernant l’utilisation du domaine public du 21 décembre 1988 (RUDP - L 1 10.12) et par la loi sur l'occupation des eaux publiques du 19 septembre 2008 (LOEP – L 2 10), applicable à l'occupation des eaux publiques cantonales et communales, de leur lit et de leurs rives publiques (art. 1 al. 1 LOEP) ainsi que son règlement d'application.

20.         En vertu de l'art. 4 LOEP, toute occupation excédant l'usage commun des eaux publiques, de leur lit et de leurs rives fait l’objet d’une permission ou d’une concession.

Selon l'art. 5 LOEP, l'occupation excédant l'usage commun des eaux publiques concerne tout empiétement dû à la pose ou à la construction d’un ouvrage permanent ou non permanent dans ou en bordure des eaux publiques (let. a) ou l’exercice d’activités commerciales ou sportives dans ou en bordure des eaux publiques (let. b).

Les permissions sont octroyées par l’autorité cantonale ou communale qui administre le domaine public (art. 6 al. 1 LOEP). L’octroi d’une permission est assorti de conditions fixées par l’autorité (art. 7 al. 1 LOEP).

Une permission ou une concession peut être refusée, suspendue ou soumise à des garanties ou à des conditions, en cas de gêne ou de danger pour la navigation ou pour les installations portuaires, ou pour tout autre motif d’intérêt général, d’ordre esthétique ou environnemental notamment (art. 8 al. 1 LOEP). Une nouvelle permission ou une concession, de même que le renouvellement d'une permission ou d'une concession en vigueur, peuvent être refusés au requérant ou au bénéficiaire qui ne s'est notamment pas conformé aux prescriptions légales, contractuelles ou techniques, ou aux conditions fixées (art. 8 al. 2 LOEP).

21.         L’art. 13 al. 1 LDPu prévoit pour sa part que l'établissement de constructions ou d'installations permanentes ou non permanentes sur le domaine public, son utilisation à des fins industrielles ou commerciales ou toute autre occupation de celui-ci excédant l'usage commun sont subordonnés à une permission.

Les autorisations sont délivrées à titre précaire. Elles peuvent donc être retirées sans indemnité pour de justes motifs, notamment si l’intérêt général l’exige (art. 19 LDPu)

22.         L’art. 1 RUDP énonce quant à lui que dans les limites de la loi et le respect des conditions liées à l’octroi de la permission, les particuliers disposent d’un droit à l’utilisation du domaine public excédant l’usage commun lorsqu’aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose (al. 2). Lors de l’octroi de la permission, l’autorité compétente tient compte des intérêts légitimes du requérant, de ceux des autres usagers du domaine public et des voisins, de ceux découlant des concessions ou droits d’usage exclusifs concédés par les autorités compétentes, ainsi que du besoin d’animation de la zone concernée (al. 3).

23.         En l'espèce, il ressort de la jurisprudence précitée que l'admission de la qualité de partie ne saurait être reconnue automatiquement à tout voisin se plaignant de nuisances, sous peine d'ouvrir la voie à d'innombrables procédures contentieuses risquant de rendre la tâche de l'autorité intimée excessivement difficile et longue.

Comme susmentionné, afin d'opérer une délimitation raisonnable avec « l'action populaire », le Tribunal fédéral reconnaît restrictivement la qualité de partie au dénonciateur si cette procédure est le seul moyen pour lui de voir protéger son intérêt digne de protection, direct et spécial.

En l'occurrence, si la LOEP n'a certes pas pour objectif premier de protéger les usagers du domaine public, elle vise la régulation de l'usage qui peut en être fait, dans le cas particulier des eaux publiques. Il ne faut cependant pas perdre de vue que dans l'application de la législation relative à l'usage du domaine public lacustre précitée, plus particulièrement dans le cadre de l'octroi de permission d'usage accru du domaine public, comme c'est le cas de la procédure d'instruction à mener par l'OCEau, et en l'absence de normes spéciales prévues dans le LOEP, les règles de la législation générale sur le domaine public continuent également de s'appliquer. En particulier, lors de l'examen de l'éventuel octroi de la permission d'usage accru, l'intérêt des autres usagers et voisins de la portion du domaine public concernée doit être pris en considération (art. 3 al. 1 RUDP). On peut ainsi déduire de ce qui précède que la protection des intérêts des voisins du domaine public constitue l'un des objectifs poursuivis par la régularisation des usages du domaine public concerné.

Sur cette base, il est indéniable que les éventuelles mesures qui pourraient être prises par l'autorité intimée suite dans le cadre de l'instruction de cette permission (notamment une suspension de l'instruction) peuvent influencer la situation du recourant, lequel a une vue directe et dégagée sur les barges litigieuses, de manière plus spéciale que l'ensemble des autres riverains de la portion du domaine public concernée. À cet égard, le critère de distance entre la propriété du recourant et l'emplacement de mouillage des barges litigieuses évoqué par les parties n'est pas en soi déterminante. En effet, comme l'a admis le Tribunal fédéral, s'il est certain ou très vraisemblable que l'installation litigieuse serait à l'origine d'immissions - bruit, poussières, vibrations, lumières ou autres - touchant spécialement les voisins, même situés à quelque distance, ces derniers peuvent aussi se voir reconnaître la vocation pour recourir (ATF 136 II 281 consid. 2.3.1 p. 285; arrêts 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_33/2011 du 12 juillet 2011 consid. 2.3 in DEP 2012 p. 9). Or, à teneur des éléments du dossier, notamment des photographies produites par le recourant, il est patent que même situées à plus de 300 m de sa propriété, les barges litigieuses ont un impact visuel indéniable, notamment en raison de leur hauteur et leur volume.

Le tribunal de céans est ainsi d'avis que dans les circonstances particulières du cas d'espèce, le recourant dispose d'un intérêt digne de protection dans le cadre de la dénonciation qu'il a formée le ______ 2021 et que la qualité de partie et les droits qui en découlent doit lui être reconnue dans la cadre de l'instruction de cette procédure d'autorisation d'usage accru du domaine public.

24.         Partant, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse étant annulée en ce qui concerne les chiffres 1 et 2 de son dispositif et l'autorité intimée étant invitée à notifier au recourant la décision qu'elle rendra sur le fond.

25.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, est condamné au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 800.- ; il est couvert par les avance de frais d'un montant total de CHF 1'800.- versés à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais de CHF 1'000.- lui sera restitué.

26.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge du département sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 6 mai 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2022 ;

2.             déclare recevable le recours interjeté le 2 février 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2021 ;

3.             l'admet partiellement au sens des considérants ;

4.             annule les chiffres 1 et 2 de la décision du département du territoire du ______ 2021 ;

5.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 800.-, lequel est couvert par les avances de frais versée ;

6.             ordonne la restitution au recourant du solde des avances de frais de CHF 1'000.- ;

7.             condamne le département à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 1'000.- ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS et Julien PACOT, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière