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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/351/2012

ATA/888/2015 du 01.09.2015 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE; SUSPENSION DE LA PROCÉDURE; DROIT D'ÊTRE ENTENDU; CONSTATATION DES FAITS; DÉTENU; LÉSION CORPORELLE SIMPLE; ABUS D'AUTORITÉ ; MESURE DISCIPLINAIRE ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.14.al1; Cst.29.al2; LOPP.17.al3; LOPP.18; LPA.61.al1.letb; LOPP.17.al1
Résumé : Recourant, gardien principal adjoint à la prison, condamné définitivement au pénal pour lésions corporelles simples et abus d'autorité pour avoir frappé un détenu. Toute la procédure administrative ayant conduit à la prise de décision du Conseil d'État a été respectée. Les faits retenus sont graves et justifient la dégradation prononcée. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/351/2012-FPUBL ATA/888/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er septembre 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assaël, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1964, a été engagé en qualité de gardien à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) le 27 janvier 1987 avec entrée en activité au 1er mai 1987.

2) Par arrêté du 20 décembre 1989, le Conseil d'État a confirmé M. A______ dans ses fonctions.

3) Le 7 octobre 1993, le directeur de la prison a infligé à M. A______ une sanction de trois services supplémentaires. Il avait immobilisé un collègue avec l'aide d'un autre, pendant qu'un troisième avait ouvert le pantalon de l'immobilisé, et qu'un quatrième lui avait mis quelques gouttes de Tipp-Ex sur le bas-ventre.

4) Le 25 mai 2001, le gardien-chef de la prison a infligé à M. A______ un avertissement au motif qu'il avait traité des détenus de « bougnouls » après être intervenu dans une cellule où un détenu avait tenté de mettre fin à ses jours.

5) Le 21 juin 2002, le chef de la police a félicité M. A______ pour avoir prêté main-forte à la police lors d'une intervention. Il relevait par ailleurs son courage et sa bravoure.

6) Le 8 juillet 2003, le gardien-chef de la prison a félicité et remercié M. A______ pour avoir intercepté un détenu qui tentait de s'évader.

7) Par arrêté du 23 juillet 2008, le Conseil d'État a nommé M. A______ gardien principal adjoint à la prison, dès le 1er avril 2008.

8) Le 24 juin 2010, Monsieur B______, gardien-chef adjoint chargé des ressources humaines à la prison, a convoqué M. A______ dans son bureau pour lui annoncer sa prochaine promotion au poste de gardien principal, responsable de la brigade E, avec effet dans le courant du mois d'août 2010, alors même que M. A______ avait postulé en mars de la même année pour un grade plus élevé (sous-chef). M. A______ a demandé à M. B______ si cette nomination au poste de gardien principal signifiait que sa postulation au grade supérieur n'était pas retenue. M. B______ lui a répondu que ces procédures étaient indépendantes l'une de l'autre.

9) Le même jour, Monsieur C______, gardien-chef de la prison, a écrit à M. A______ pour l'informer que sa candidature au poste de sous-chef n'avait pas été retenue. Le courrier a été reçu par M. A______ le 26 juin 2010.

10) Le 29 juin 2010, le directeur de la prison a convoqué M. A______ pour un entretien de service fixé le 2 septembre 2010. Il lui était reproché d'avoir, le 28 juin 2010, traité M. B______, de menteur, de vive voix, sur le parking de la prison.

Selon M. A______, au moment de son entretien avec M. B______ le 24 juin 2010, ce dernier savait déjà que sa candidature n'avait pas été retenue pour le poste de sous-chef. M. B______ ne lui avait donc pas dit la vérité le 24 juin 2010.

11) Le 6 septembre 2010, M. A______ a écrit à M. B______. Il reconnaissait l'avoir traité de menteur et ajoutait qu'il s'agissait d'un malentendu, ne pensant pas le blesser ou heurter sa sensibilité. Le courrier était adressé en copie au directeur de la prison.

12) Le 14 septembre 2010, suite une conversation téléphonique du 7 septembre 2010 avec le directeur de la prison, M. A______ a écrit une lettre à son attention. Sa lettre du 6 septembre 2010 était sincère et il n'avait pas pensé blesser ou heurter la sensibilité de M. B______. Il ne s'agissait pas d'un malentendu. Il y avait eu plusieurs antécédents précédant l'incident, notamment un entretien dans son bureau et des courriers qui avaient altéré sa confiance. Le 13 juillet 2010, il avait reçu un courrier concernant son poste de responsable de la brigade E. M. B______ était revenu sur sa décision de le nommer chef de la brigade E, au motif qu'il n'était pas intéressé par le poste, et qu'il était dès lors affecté dans la brigade G. M. A______ contestait ne pas être intéressé par le poste à la brigade E, il était motivé et enchanté de prendre cette responsabilité. Il ne désirait pas rester dans la brigade G.

13) Le 23 octobre 2010, peu avant 9h00, l'alarme a été donnée à la prison, suite à un incident survenu entre Monsieur D______, détenu à la prison, et M. A______.

En substance, lors de la remontée de la promenade, M. D______ s'était déplacé vers la demi-unité 1 nord-centre alors que sa cellule se trouvait dans la demi-unité 1 nord-nord. Invité par Monsieur E______, stagiaire à la prison, à rejoindre son unité, il s'était retrouvé, pendant quelques instants, confiné dans l'espace central séparant les deux ailes, les portes d'accès ayant été fermées de chaque côté par les gardiens, qui replaçaient les détenus dans leurs cellules. C'était alors que M. A______, dont le poste de travail se situait dans ledit hall, était sorti de son bureau et une bagarre s'en était suivie entre les deux hommes. Suite à l'alarme donnée par Madame F______, appointée à la prison, se trouvant en compagnie de Monsieur G______, autre stagiaire à la prison, dans l'aile nord-nord, plusieurs gardiens étaient intervenus. M. D______ avait ensuite été placé en cellule forte.

Au cours de l'intervention, six gardiens avaient été blessés.

14) Le jour-même, la direction générale de l'office pénitentiaire a décidé de placer M. D______ en cellule forte pour une durée de dix jours, à compter du 23 octobre 2010, à 9h00, considérant que celui-ci avait enfreint plusieurs dispositions du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées. Avant de prendre sa décision, cette autorité avait entendu M. D______, qui avait déclaré avoir été agressé et qui avait demandé le visionnement des caméras, ce qui avait été fait.

15) M. A______ et Mme F______ ont, le jour même, rendu un rapport relatant l'incident. M. G______ et M. E______ ont, quant à eux, rendu leur rapport le 29 octobre 2010.

a. Dans son rapport, M. A______ a expliqué qu'à la remontée de la promenade de l'étage, M. D______ s'était dirigé vers l'unité 1 nord-centre pour « quémander » des cigarettes et avait été reconduit par M. E______, qui avait refermé la porte de cette unité derrière lui. Comme le détenu criait à travers ladite porte avec un autre détenu, il lui avait demandé, depuis son bureau, de se taire et de regagner son unité. M. D______ s'était alors dirigé vers la porte de l'unité 1 nord-nord, qui était fermée, de sorte qu'il était revenu sur ses pas en s'énervant et en lui disant « NIK MOK, Bâtard, je vais te péter les dents, je vais te retrouver dehors et te tuer, PD ». Nonobstant la réitération de la demande, le détenu avait continué ses insultes et ses menaces. Constatant que la quasi-totalité des détenus avait réintégré les cellules, M. A______ était sorti de son bureau pour signifier à M. D______ que son comportement n'était pas correct, mais le détenu s'était approché de lui et lui avait craché dessus. Le gardien l'avait repoussé, mais le détenu était revenu à la charge avec un air déterminé, de sorte qu'il avait dû utiliser la contrainte pour le maîtriser.

b. Mme F______ a indiqué que, pendant qu'elle faisait entrer, avec l'aide de M. G______, certains détenus dans l'aile nord-nord, elle avait vu M. D______ se rendre dans le quartier nord-centre et « traîner » devant les ascenseurs, puis, à un moment donné, elle l'avait entendu hurler « je vais te tuer » et vu se diriger vers M. A______, de sorte qu'elle avait enclenché l'alarme et était intervenue en renfort avec M. G______.

Dans un complément d'information, l'appointée a expliqué avoir placé le dernier détenu dans la douche lorsqu'elle avait entendu la voix de M. D______, mais ne pas pouvoir identifier cette personne.

c. Quant à M. G______, il s'est limité à indiquer avoir vu Mme F______ donner l'alarme et avoir aidé M. A______, après avoir placé le dernier détenu présent dans la douche.

d. Enfin, M. E______ a expliqué avoir fait sortir M. D______ de l'unité nord-centre, dont il s'occupait le jour des faits, et l'avoir entendu dire à M. A______ « Ferme ta gueule, enculé et tu me parles pas » (sic). Suite au déclenchement de l'alarme, il était intervenu. Comme M. D______ était récalcitrant, lui et ses collègues avaient dû utiliser la contrainte pour l'immobiliser et l'emmener en cellule forte.

16) Le 23 octobre 2010, M. D______ a été examiné par le Docteur H______, chef de clinique du département de médecine communautaire et de premiers secours de l'unité médicale pénitentiaire de la prison. Selon le rapport intitulé « Constat de lésions traumatiques » daté du 29 octobre 2010, il a été mis en évidence : « Des douleurs diffuses à la palpation des membres, un hématome en monocle sans trouble de l'oculomotricité, des pupilles isocores et isoréactives, des douleurs à la palpation de la base du nez, une tuméfaction de la base du nez avec déviation de la cloison nasale sur la gauche, des douleurs à la palpation des os zygomatiques des deux côtés, un hématome rétro auriculaire gauche, des douleurs à la palpation du métacarpien de la main gauche sans impotence fonctionnelle algique ».

17) Le 1er novembre 2010, le directeur de la prison a convoqué M. A______ pour un entretien de service fixé le 23 novembre 2010 au cours duquel seraient évoqués les rapports relatant l'incident du 23 octobre 2010 avec M. D______. M. A______ avait la possibilité de visionner une nouvelle fois les images relatives à l'incident, étant précisé qu'il les avait vues le 28 octobre 2010 en présence d'un gardien, du sous-chef, du gardien-chef et du directeur de la prison.

18) Les faits ont été dénoncés au Ministère public par le directeur de la prison, le 3 novembre 2010. La procédure pénale a été enregistrée sous le numéro de cause P/1______/2010.

19) Le 4 novembre 2010, M. D______ a été entendu par le gardien-chef de la prison.

M. D______ a expliqué qu'il rencontrait continuellement des problèmes avec M. A______, ce dernier le provoquait souvent, ne prenait pas en compte ses demandes lors des réclamations et fermait toujours violemment la porte. Du coup, lorsqu'il constatait que M. A______ était le responsable de l'unité, il ne lui demandait jamais rien. Il ne rencontrait jamais ce genre de comportement avec d'autres chefs d'unités.

M. D______ s'était déplacé dans l'unité 1 nord-centre pour discuter avec un détenu. Il savait qu'il n'en avait pas le droit mais tenait à saluer ce détenu car ce dernier allait être libéré. Alors qu'il se trouvait devant le bureau à proximité des ascenseurs, M. A______ lui avait crié depuis son bureau « Et le bâtard, tu vas au nord-nord et si je te trouve dehors, je te tue ». Ces paroles avaient été accompagnées de gestes significatifs, imitant la charge d'un pistolet. M. D______ reconnaissait avoir répondu aux insultes. Toutefois, il jurait « sur le Coran » qu'il n'avait pas craché sur M. A______, que celui-ci était sorti de son bureau et qu'il l'avait frappé immédiatement en lui disant « fils de pute, ferme ta gueule ». M. D______ s'était protégé et avait essayé de l'éviter mais n'avait pas réussi.

M. D______ avait déjà rencontré des problèmes avec M. A______. Ce dernier lui avait cassé une dent sauf erreur le 25 avril 2009.

Enfin, M. D______ a précisé qu'il allait sortir de prison le 9 novembre 2010 et qu'il allait demander à son avocat de porter plainte.

20) Détenu à la prison depuis le 10 août 2009, M. D______ a été libéré le 9 novembre 2010, sans laisser d'adresse.

21) Le 10 novembre 2010, M. A______ a déposé plainte contre M. D______, des chefs de lésions corporelles et « menaces de mort », suite aux événements du 23 octobre 2010. À l'appui de sa plainte, il a produit un « résumé de séjour du 23/10/2010 » établi par le service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève, duquel il ressort qu'il souffrait, en date du 23 octobre 2010, d'une « lésion dermabrasion IPP 5ème D superficielle », d'une « douleur à la palpation face ant articulation avec douleur en flexion », ainsi que d'un « œdème art/doigt », « pas d'épanchement intra articulaire ». Les traitements médicaux consistaient en une syndactylie 5-4ème doigt et à la prise d'antiviraux (HIV). Cette procédure a également été enregistrée sous le numéro de cause P/1______/2010.

22) Le 17 novembre 2010, M. A______ a été entendu par la police pour confirmer sa plainte du 10 novembre 2010.

Il expliquait que le 23 octobre 2010 M. D______ s'était dirigé vers l'unité 1 nord-centre pour demander une cigarette à un autre détenu, alors que sa cellule se trouvait dans une autre unité. M. D______ criait à travers la porte vitrée afin de continuer à discuter avec ce détenu. Voyant cela, il avait demandé à M. D______ de se taire et de regagner son unité. Le détenu n'avait pas voulu obéir et était revenu sur ses pas en l'insultant. M. D______ lui avait notamment dit « Nik Mok, bâtard, je vais te péter les dents, je vais te retrouver dehors et te tuer, pédé! ». Malgré ces insultes, il avait réitéré sa demande mais M. D______ refusait de se conformer à ses directives et continuait de l'insulter. Il était alors sorti de son bureau pour indiquer au détenu la direction de sa cellule. En réponse, M. D______ avait craché sur son pull. En réaction, il avait repoussé M. D______ avec sa main gauche, ce qui l'avait fait reculer d'environ un mètre. Le détenu était revenu à la charge. Ce dernier lui avait adressé quelques coups de poings au niveau du torse et du visage qu'il avait réussi à parer pour la plupart. Il avait dû lui asséner quelques coups. Il avait ensuite réussi à le maîtriser en faisant une clé de cou avec son avant-bras. L'alarme avait été enclenchée à ce moment-là et des collègues étaient rapidement intervenus. M. D______ était virulent et violent. Après avoir menotté M. D______, il avait constaté qu'il s'était blessé à la main droite. Il avait eu des projections de sang provenant de M. D______ au niveau du visage, de sorte qu'il avait dû suivre un traitement de trithérapie pendant six jours et se faire vacciner contre plusieurs maladies. Cinq autres collègues avaient été blessés. Monsieur I______ et M. G______ avaient dû, eux aussi, suivre une trithérapie pendant six jours.

23) Le 24 novembre 2010, le directeur de la prison a écrit à M. A______. Sa lettre faisait suite à l'entretien de service du 23 novembre 2010 relatif à l'incident du 23 octobre 2010 avec M. D______. Compte tenu de la complexité de l'intervention, ainsi que de l'incertitude qui demeurait entre la survenance des faits et les lésions traumatiques sur la personne de M. D______, dont notamment, un déplacement de la cloison nasale, une enquête préalable était demandée. Dans l'intervalle, M. A______ était affecté à un secteur ne le mettant pas en contact avec les détenus.

24) Par décision du 10 janvier 2011, le département de la sécurité, de la police et de l'environnement, devenu par la suite le département de la sécurité, et actuellement dénommé le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département) a ordonné l'ouverture d'une enquête préalable concernant le comportement de M. A______ et l'établissement du rapport de causalité entre les faits survenus le 23 octobre 2010 et les constatations de lésions traumatiques. L'enquête était confiée à Monsieur J______ (ci-après : l'enquêteur), juge à la Cour de justice. De plus, la confirmation de M. A______ au grade de gardien principal jusqu'à l'aboutissement de la procédure était reportée.

25) Le 18 février 2011, l'enquêteur a écrit à M. A______ pour l'informer de la liste et de l'ordre de passage des personnes qui seraient entendues. L'enquêteur priait M. A______ de bien vouloir lui faire savoir sans tarder s'il souhaitait entendre d'autres témoins en indiquant les raisons, et les faits pertinents sur lesquels ces témoins devraient déposer.

26) Les 4, 11 et 18 mars 2011, l'enquêteur a procédé à l'audition de M. A______ ainsi qu’à celle de divers témoins. De plus, le 18 mars 2011, l'enquêteur et les parties ont visionné la bande vidéo relative aux événements du 23 octobre 2010.

27) Le 8 avril 2011, l'enquêteur a rendu son rapport.

Le comportement de M. A______ consistant à avoir insulté M. B______, le 28 juin 2010, et son comportement consistant à avoir frappé, le premier, M. D______, le 23 octobre 2010, étaient tous deux établis. Le lien de causalité entre les gestes de M. A______ et les lésions traumatiques constatées médicalement sur M. D______ était également établi. De plus, une bagarre opposant M. D______ et M. A______ avait probablement déjà eu lieu le 15 décembre 2009.

Selon le rapport, le visionnement de la bande vidéo était explicite sur trois éléments. Après que la porte du bureau de M. A______ se fut ouverte, M. D______ ne se déplaçait à aucun moment en direction de celui-ci. C'était M. A______ qui marchait vers le détenu. La soudaineté et l'intensité du geste du bras, de surcroît porté à hauteur du visage de M. D______, n'apparaissaient pas compatibles avec un mouvement destiné à traduire l'indication d'un secteur cellulaire à regagner sur-le-champ. L'image montrait une projection du bras de M. A______ évocatrice d'un coup de poing. De plus, le mouvement du bras ne s'effectuait pas dans la direction du secteur où M. D______ avait sa cellule, soit le secteur nord-nord. M. D______ reculait sous l'avancée de M. A______ vers lui. Ni des coups donnés par M. D______ ni un crachat n'étaient apparents. En revanche, des mouvements de bras circulaires de M. A______, mouvements évocateurs de coups de poing, et une attitude ployée de M. D______ étaient visibles sans difficulté.

28) Le 26 mai 2011, la Conseillère d'État en charge du département, a informé M. A______ qu'elle envisageait de proposer au Conseil d'État sa révocation. Elle le recevrait dans son bureau en présence de son assistante et d'une représentante des ressources humaines le 28 juin 2011. Un délai au 5 juillet 2011 lui était imparti pour faire valoir ses observations éventuelles et indiquer s'il souhaitait être entendu par une délégation de trois membres du Conseil d'État.

29) Le 28 juin 2011, M. A______ a été entendu par la Conseillère d’État.

Selon le compte rendu de l'entretien, M. A______ persistait dans ses explications précédentes. Il ne contestait pas avoir frappé M. D______, ni qu'il y avait eu une bagarre et un échange de coups. Ils s'étaient repoussés mutuellement. Le conseil de M. A______ relevait que la séance-vidéo était courte et que le film ne recoupait pas toute la scène. On y voyait M. A______ sortir de son bureau mais chacun pouvait avoir sa vision subjective de cette scène. M. A______ était de face et M. D______ était de dos, on ne voyait pas si ce dernier avançait ou reculait. Une instruction pénale était en cours. Contrairement à ce qu'indiquait le rapport d'enquête, il était fort possible, sinon probable, qu'en réalité la fracture du nez causée ait été causée en cellule forte par d'autres gardiens. Il demanderait, dans ses observations du 5 juillet 2011, la suspension de la procédure administrative, dans l'attente des résultats de l'instruction pénale. Enfin, la Conseillère d’État a rappelé à M. A______ qu'étant donné que la révocation était envisagée, il pouvait demander à être entendu par une délégation de trois membres du Conseil d'État.

30) Le 5 juillet 2011, sous la plume de son mandataire, M. A______ a contesté une nouvelles fois les conclusions du rapport du 8 avril 2011. Il sollicitait par ailleurs la suspension de la procédure administrative jusqu'à droit connu au pénal dans la mesure où des mandats d'actes d'enquêtes étaient en cours.

31) Le 22 juillet 2011, le procureur en charge de la procédure pénale P/1______/2010 a requis du département une copie de l'intégralité du dossier de l'enquête préalable relatif à l'incident du 23 octobre 2010.

32) Le 28 juillet 2011, la Conseillère d’État a informé M. A______ qu'elle ne pouvait suspendre la procédure administrative jusqu'à droit connu au pénal, compte tenu de la prescription de la responsabilité disciplinaire.

33) Le 14 novembre 2011, la Conseillère d’État a annoncé son intention de mettre à l'ordre du jour d'une des séances du Conseil d'État un projet de décision le concernant. Un délai au 21 novembre 2011, prolongé au 28 novembre 2011, était fixé à M. A______ pour lui faire parvenir toutes pièces qui seraient en mesure d'avoir une incidence sur le projet de décision.

34) Le 28 novembre 2011, sous la plume de son nouveau mandataire, M. A______ a sollicité l'audition de Messieurs K______ et L______. M. K______ lui avait dit que tout le monde savait à la prison que ce n'était pas lui qui avait cassé le nez de M. D______, mais que cela s'était passé au « mitard ». M. L______ avait participé à la mise en cellule forte et lui avait dit qu'à l'intérieur de la cellule, M. D______ était tombé face contre terre et qu’il avait reçu plusieurs coups destinés à le maîtriser parce qu’il s’en était pris aux gardiens. Il demandait également l'apport de toutes les sanctions disciplinaires de M. D______ en prison afin de mieux cerner sa personnalité et sa crédibilité. Enfin et postérieurement à la réalisation des actes sollicités, il souhaitait un délai pour produire des observations relatives au rapport de l'enquêteur du 8 avril 2011.

35) Par arrêté du 21 décembre 2011, le Conseil d'État a dégradé M. A______ dans la fonction de gardien.

M. A______ avait asséné un violent coup de poing à M. D______, alors que ce dernier se trouvait devant lui, dans le hall de l'aile nord du premier étage de la prison et qu'il n'était pas violent physiquement. M. A______ avait continué de le frapper alors que ce dernier reculait sous son avancée. Les coups portés par M. A______ avaient notamment causé à M. D______ une fracture du nez ainsi qu'un « œil au beurre noir ». Les déclarations de M. A______ ne correspondaient pas aux images enregistrées par la vidéosurveillance de la prison. Le fait de porter ainsi atteinte à l'intégrité corporelle d'une personne détenue qui n'était pas menaçante et de donner une fausse version des faits afin de se disculper n'était pas acceptable. Le manquement ainsi que la faute commis par M. A______ étaient suffisamment graves pour justifier une dégradation. Toute la procédure administrative avait été respectée et les actes d'instruction requis le 28 novembre 2011 n'étaient pas en mesure de modifier la décision du Conseil d'État.

36) Par acte du 1er février 2012, M. A______, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l'arrêté précité, en concluant sur mesures provisionnelles à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé définitivement dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2010, préalablement, à la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties ainsi qu'à l'ouverture des enquêtes, et au fond, à l'annulation de l'arrêté attaqué, « sous suite de frais et dépens ».

Il se justifiait de suspendre la procédure administrative dans l'attente de l'issue pénale, dans la mesure où les faits litigieux étaient contestés et les témoignages des mis en cause et autres témoins étaient contradictoires. Par ailleurs, le Conseil d'État ne pouvait pas prendre une décision disciplinaire avant le prononcé pénal.

Son droit d'être entendu avait été violé par le Conseil d'État dans la mesure où ce dernier n'avait pas procédé aux différents actes d'instructions requis dans sa détermination du 28 novembre 2011.

Le Conseil d'État avait violé son droit à la réplique puisque le préavis du département requis par l'art. 17 al. 3 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 (LOPP - F 1 50), suite à l'instruction de la cause, ne lui avait pas été soumis. Il ignorait toujours son contenu. Sur ce point, il se référait à l'ATA/204/2010 du 20 mars 2010 relatif à un préavis de la commission d'opposition universitaire qui n'avait pas été communiqué à la recourante avant la prise de décision par le doyen de la faculté.

L'arrêté du Conseil d'État reposait sur une constatation inexacte des faits pertinents. Il fallait instruire complètement l'affaire, ouvrir les enquêtes et inviter les parties à déposer leur liste de témoins.

La sanction était disproportionnée. Il n'avait pas d'antécédent, avait spontanément rapporté les faits à sa hiérarchie, avait fait part de ses regrets et de la remise en question que cela avait provoqué chez lui.

37) Le 3 avril 2012, le Conseil d'État, soit pour lui le département, a conclu au rejet du recours « sous suite de frais ».

Il ne se justifiait pas de suspendre la présente procédure dans l'attente de la procédure pénale, dans la mesure où le dossier avait été suffisamment instruit, étant précisé que le rapport de l'enquêteur était clair et circonstancié. De plus, il n'était pas certain qu'une décision pénale soit rendue dans le courant de l'année.

Les fait avaient été suffisamment instruits et établis, de sorte que l'ouverture des enquêtes de ne justifiait pas.

L’audition de témoins sollicitée par M. A______ le 28 novembre 2011 n'aurait pas modifié la position du Conseil d'État. Ils n'étaient pas des témoins directs de l'incident.

La procédure ayant conduit à l'arrêté du Conseil d'État du 21 décembre 2011 avait été respectée. Le droit d'être entendu de M. A______ avait été en tous points respecté.

La proposition de décision de la Conseillère d'État ne devait pas lui être soumise avant la décision du Conseil d'État. La jurisprudence citée par M. A______ ne trouvait pas application dans le cas d'espèce. En effet, la commission, dans l'ATA/204/2010 précité, était une autorité indépendante chargée d'instruire les oppositions et d'émettre une recommandation à l'intention de l'autorité décisionnelle. Or, en l'espèce, la proposition de sanction de la part de la Conseillère d'État chargée du département était un acte purement interne, qui n'avait pas d'influence sur la décision prise par le Conseil d'État in corpore. Il ne s'agissait pas d'une pièce déterminante établissant certains faits dont M. A______ n'aurait pas eu connaissance avant qu'une décision ne soit prise à son encontre. De plus, l'intéressé avait fait valoir ce grief uniquement dans son acte de recours, alors qu'il aurait pu faire valoir ce grief depuis le 14 novembre 2011, date à laquelle la Conseillère d'État lui avait annoncé son intention de mettre à l'ordre du jour d'une des séances du Conseil d'État un projet de décision le concernant.

Les faits avaient été largement instruits et établis par le département, de sorte que la décision litigieuse reposait sur des faits complets et avérés.

L'enquête avait conclu que M. A______ avait porté atteinte à l'intégrité corporelle d'un détenu. Le lien de causalité entre les gestes de l'intéressé et les lésions traumatiques constatées médicalement avait été établi. Les images de la vidéosurveillance corroboraient la version de M. D______, lorsque ce dernier avait été entendu le 4 novembre 2010. Porter atteinte à l'intégrité corporelle d'un détenu était un manquement extrêmement grave aux devoirs du personnel. De plus, il était au bénéfice d'une très longue expérience au sein de la prison et n'avait jamais admis avoir frappé le premier M. D______. Des coups avaient été portés gratuitement à l'endroit de M. D______ qui n'avait été ni agressif, ni violent, mais qui s'était contenté d'esquiver son agresseur. De tels actes étaient de nature à nuire à la confiance que le public accordait aux fonctionnaires et aux agents de détention. Enfin, M. A______ avait fait l'objet de deux sanctions. Le 7 octobre 1993, trois services supplémentaires lui avaient été infligés, et le 25 mai 2001, l'intéressé avait fait l'objet d'un avertissement. Les manquements constatés justifiaient amplement une décision de dégradation et ne sauraient être considérés comme disproportionnés.

38) Le 11 mai 2012, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Le rapport de l'enquêteur n'était pas complet, dans la mesure où les antécédents disciplinaires de M. D______ n'avaient pas été pris en considération et qu'il n'avait pas examiné si ses blessures n'étaient pas survenues à un autre moment. La procédure pénale était toujours en cours et avait apporté des éléments qui n'avaient pas été abordés par l'enquête préalable. M. L______ avait été entendu par le procureur. M. L______ infirmait certaines affirmations catégoriques du département, de sorte que l'autorité intimée ne pouvait faire l'économie des auditions sollicitées. Le préavis du département ne pouvait pas être considéré comme étant un « document interne ». La sanction était disproportionnée compte tenu de l'attitude générale de M. D______ à l'encontre de tous les gardiens. De plus, ses antécédents étaient loin d'être mauvais, puisqu'en plus de vingt ans de service, il n'avait que deux inscriptions, l'une datant de dix-huit ans et l'autre de onze ans.

39) Par ordonnance pénale du 25 juillet 2012 dans le cadre de la procédure P/1______/2010, le Ministère public a déclaré M. A______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]) et d'abus d'autorité (art. 312 CP). Il l'a condamné à une peine pécuniaire de nonante jours-amende en fixant le montant du jour-amende à CHF 120.-. M. A______ a été mis au bénéfice du sursis avec un délai d'épreuve à trois ans.

Les faits reprochés étaient établis malgré les dénégations de M. A______.

40) Par ordonnance de classement du même jour, le Ministère public a ordonné le classement de la procédure P/1______/2010 à l'égard de M. D______. Aucun soupçon qui justifierait une mise en accusation n'avait été établi.

41) Le 23 octobre 2012, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle.

a. M. A______ a persisté dans les termes de son recours. Il avait fait opposition à l'ordonnance pénale du 25 juillet 2012 et avait également recouru contre l'ordonnance de classement du même jour. Il contestait avoir été le premier à frapper M. D______. Des coups avaient été échangés mais ce n'était pas lui qui avait initié l'altercation. Lorsqu'il était sorti du bureau, M. D______ lui avait craché dessus. En sortant du bureau, il lui avait fait signe de rentrer dans sa cellule mais ne l'avait pas frappé. M. D______ était ensuite revenu à la charge et des coups avaient été échangés. Son but avait été de le contrôler. S'agissant de sa situation personnelle, il était gardien principal adjoint, en classe 15, annuité 22. Il percevait un salaire mensuel de CHF 8'700.- environ par mois et un treizième salaire. Il aurait dû devenir gardien principal mais n'avait pas été confirmé à cause de la présente affaire.

Après les faits, il avait été déplacé au service technique de la prison, puis au quartier cellulaire de Belle-Idée. Alors qu'il était gardien principal, il avait été sous les ordres d'un appointé. Il s'était senti sans possibilité de promotion. Il avait été déprimé et avait été durant sept mois en arrêt de travail. Il avait recommencé en avril 2012 à 50 %, puis dès le mois de mai 2012 à 100 %. Il travaillait à la maison d'arrêt de Favra, comme gardien. Dans cet établissement, il n'y avait pas de hiérarchie entre les gardiens. Il avait mal vécu cette situation et se sentait exclu.

b. La représentante du département a relevé que l'arrêté attaqué n'avait pour faits que ceux du 23 octobre 2010. L'enquêteur avait également examiné un conflit intervenu entre M. A______ et un de ses collègues. Toutefois, M. A______ n'avait pas été sanctionné pour ces faits. Elle ne pouvait pas se déterminer sur l'incidence financière de la mesure prononcée à l'encontre de M. A______. La sanction avait pour objectif de replacer M. A______ dans la situation de traitement avant qu'il soit promu gardien principal adjoint. Selon les documents en sa possession. M. A______ était en classe 14 avant d'être promu à son poste actuel.

M. D______ avait été libéré en novembre 2010.

c. Le directeur adjoint de la prison a expliqué que lorsque les faits reprochés au gardien étaient graves, la direction évitait de laisser le gardien travailler dans l'établissement où il risquait de rencontrer le détenu. Il n'y avait ainsi pas eu de mise à l'écart/sanction de M. A______. La décision avait été de le faire travailler dans un autre secteur jusqu'à ce que la situation soit clarifiée.

d. Selon le conseil de M. A______, il lui apparaissait logique que la présente procédure soit suspendue comme dépendant du pénal. Il sollicitait également pour son client l'audition de Messieurs M______ et N______, notamment.

e. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 15 novembre 2012 pour déposer une liste de témoins et pour formuler toute requête d'acte d'instruction complémentaire. Il avait également informé les parties qu'une demande d'apport de la procédure pénale P/1______/2010 serait effectuée.

42) Le 15 novembre 2012, M. A______ a prié le juge délégué de bien vouloir interpeller le département sur sa situation (grade, classe de salaire, annuité, salaire) et s'il n'avait pas eu de procédure administrative à son encontre. Il sollicitait également un délai pour produire des observations complémentaires une fois ces éléments connus et après la réception de la procédure pénale.

43) Le même jour, le département a informé le juge délégué qu'il n'entendait pas demander l'audition de témoins, ni requérir d'actes complémentaires d'instruction. L'enquête diligentée avait permis d'établir de façon satisfaisante les manquements reprochés à M. A______. L'apport de la procédure pénale, comprenant notamment tous les procès-verbaux d'audition, contenait également tous les éléments utiles à la procédure.

M. A______ avait été promu à la fonction de gardien principal adjoint le 1er avril 2008. À cette date, il était passé de la classe 14, annuité 11 à la classe 15, annuité 10. Le 1er janvier 2010, le traitement de M. A______ était passé de la classe 15, annuité 10 à la classe 15, annuité 21. Actuellement, M. A______ était en classe 15 annuité 22. La dégradation de M. A______ à la fonction de gardien correspondrait à une classe 14, annuité 22. Son traitement annuel brut passerait ainsi de CHF 114'946.- à CHF 109'991.-, selon l'échelle de traitements 2012 de l'État de Genève. Par ailleurs, et si la sanction prononcée par le Conseil d'État était confirmée, celle-ci aurait des effets limités dans le temps. En effet, M. A______, au bénéfice du nombre d'années d'ancienneté le plus important, serait le premier, parmi ses collègues gardiens, à être promu en qualité de gardien principal adjoint. En 2013, quatorze agents de détention atteindraient l'âge de la retraite, de sorte qu'un même nombre de gardiens principaux adjoints seraient a priori nommés durant cette année.

La sanction prononcée le 21 décembre 2011 était pleinement proportionnée aux manquements extrêmement graves dont s'était rendu coupable M. A______ et avaient de plus fait l'objet d'une ordonnance pénale le 25 juillet 2012.

44) Par arrêt du 27 novembre 2012 (ACPR/2______/2012), la chambre pénale de recours de la Cour de justice a rejeté le recours de M. A______ contre l'ordonnance de classement rendue le 25 juillet 2012 par le Ministère public dans la procédure P/1______/2010.

Aucun élément ne permettait de retenir que M. D______ aurait menacé de mort M. A______ et lui aurait fait subir des lésions corporelles. S'agissant de la présumée illégalité de la vidéosurveillance soulevée par M. A______, cet argument était tardif. En effet, en ne réagissant pas pendant de nombreux mois, M. A______ avait accepté tacitement que ces images soient versées à la procédure, ce d'autant plus qu'il avait eu l'occasion de les visionner à plusieurs reprises et de s'exprimer à leur sujet.

45) Le 29 novembre 2012, le juge délégué a informé les parties que la procédure P/1______/2010 était consultable auprès de la chambre de céans et leur a fixé un délai au 7 janvier 2013, prolongé au 4 mars 2013 pour déposer des observations complémentaires.

46) Le 11 janvier 2013, le département a persisté intégralement dans l'entier de ses observations et conclusions.

47) Le 4 mars 2013, M. A______ a relevé que le département n’avait répondu que de manière partielle aux questions de son courrier du 15 novembre 2012. Le département n'avait pas indiqué quelle aurait été sa situation financière en cas de confirmation au poste de gardien principal. La différence de salaire annuelle entre la fonction de gardien et celle de gardien principal s'élevait à CHF 10'129.-, soit CHF 844.- par mois. Par ailleurs, il n'y avait aucune garantie qu'il puisse bénéficier des postes de gardiens principaux adjoints repourvus en 2013. Enfin, il notait que M. A______ ne percevait plus l'indemnité liée à la surpopulation carcérale, alors que d'autres employés en bénéficiaient. Cette indemnité s'élevant à CHF 250.- par mois représentait une perte supplémentaire de CHF 3'000.- par année.

48) Par arrêt du 11 avril 2013 (cause no 6B_60/2013), le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de M. A______ contre l'arrêt de la chambre pénale de recours précité.

49) Le 30 octobre 2013, le juge délégué a suspendu la procédure administrative jusqu'à droit connu dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2010.

50) Par jugement du 21 novembre 2013 (JTDP/3______/2013), le Tribunal de police (ci-après : TDP) a reconnu M. A______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 2 CP) et d'abus d'autorité (art. 312 CP). Il l'a condamné à une peine pécuniaire de nonante jours-amende, fixant le montant du jour-amende à CHF 120.-. M. A______ a été mis au bénéfice du sursis avec un délai d'épreuve fixé à trois ans.

La question de l'illégalité de la preuve relative à la vidéosurveillance avait été tranchée par la chambre pénale de recours.

L'ensemble des éléments du dossier permettait d'exclure que les lésions de M. D______ aient pu être causées par les gardiens intervenus en renfort, que ce soit lors de la maîtrise dans le hall, pendant son transport vers la cellule forte ou à l'occasion de son déshabillage. Le fait que M. A______ avait indiqué avoir maîtrisé M. D______ en lui faisant une clé autour du cou, qu'il était tombé au sol et que du sang était immédiatement apparu sur le sol et à hauteur de son visage, étaient autant d'indications convergentes que la fracture du nez avait bel et bien été causée par M. A______.

M. A______ avait abusé de son autorité en frappant M. D______ alors que celui-ci, au moment des faits, n'était pas agressif. Même si M. D______ s'était montré menaçant ou avait insulté M. A______ auparavant, son comportement n'était pas proportionné aux circonstances, ce d'autant plus qu'il n'ignorait pas les caractéristiques psychiatriques du détenu et sa tendance à la provocation. Son comportement était ainsi contraire aux prescriptions de service et sans proportion avec les circonstances.

La vidéosurveillance démontrait clairement que lorsque M. D______ était dans le hall, il avait une attitude passive. Aucun acte physiquement agressif ne se dégageait pendant les trente premières secondes de la vidéo. Il n'y avait donc pas eu d'attaque imminente de la part de M. D______ envers M. A______ qui justifierait que ce dernier le repousse et le frappe. Même si l'on admettait qu'il y avait eu des menaces ou un crachat, la manière de réagir de M. A______ face à cette situation n'était en aucun cas proportionnée.

Aucun fait justificatif ne pouvait dès lors être retenu en faveur de M. A______.

51) Par arrêt du 4 avril 2014 (AARP/4______/2014), la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a rejeté l'appel de M. A______ contre le jugement précité.

Même si le TDP aurait dû examiner la question de l'illicéité des images de vidéosurveillance, M. A______ avait contesté la légalité de ce moyen de preuve trop tardivement. Au demeurant, l'argument développé par M. A______, dans le cadre de son appel, était infondé.

Il n'y avait aucun motif de remettre en cause les affirmations de l'appelant selon lesquelles M. D______ avait eu un comportement incorrect le jour des faits. Toutefois, tant un premier visionnement des images, que plusieurs réexamens attentifs répétés, en continu et en interrompant le défilement, pour éviter tout risque d'erreur, montraient que M. A______ était sorti du bureau, s'était dirigé vers M. D______ et l'avait frappé au niveau du visage. Certes, le contact entre la main de l'appelant et le détenu n'était pas visible, mais d'une part, le mouvement réflexe de recul de M. D______ ne s'expliquait que par un choc d'une certaine violence et, d'autre part, vu son orientation vers le visage du détenu, l'absence de distance et sa rapidité, le geste du bras de l'appelant n'était guère compatible avec un mouvement tendant à montrer la direction à prendre, fût-ce avec autorité, alors qu'il l'était totalement avec une action visant à asséner un coup. Ce geste devait aussi être interprété à la lumière de l'attitude adoptée aussitôt après par M. A______. En effet, alors que le détenu continuait de ne pas réagir, à tout le moins physiquement, le gardien l'avait encore frappé à au moins deux reprises, avant que M. D______ ne passe à la contre-attaque. De plus, les constatations médicales effectuées par le Dr H______ étaient compatibles avec un coup de poing. M. D______ n'avait pas pu se blesser lors de sa conduite en cellule forte. Enfin, la fracture du nez ne pouvait pas avoir été causée lors de la clé de bras effectuée pour maîtriser M. D______.

Il était ainsi établi que M. A______ avait causé des lésions corporelles à un détenu. Clairement, celui-là ne pouvait se prévaloir d'un motif justificatif, le comportement de M. D______, avant que le gardien chef ne sorte de son bureau, aussi incorrect fût-il, ne nécessitant nullement une intervention brutale. Un crachat ne saurait être qualifié d'attaque imminente, de sorte que la légitime défense ne pouvait pas entrer en ligne de compte.

M. A______ s'était ainsi rendu coupable de lésions corporelles simples. Il en allait de même du chef d'abus d'autorité, le comportement de M. A______ étant clairement constitutif d'abus de son pouvoir de gardien de prison à l'encontre d'un détenu, fût-il récalcitrant, incorrect ou menaçant, et nuisible à ce dernier.

52) Par arrêt du 14 juillet 2015 (cause no 6B_539/2014), le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par M. A______ contre l'arrêt précité.

53) Le 5 août 2015, le juge délégué a informé les parties que l'instruction de la cause était reprise. Chacune des parties ayant déjà formulé ses observations finales, la cause serait gardée à juger dès le 25 août 2015, ce délai étant imparti à M. A______ pour exercer un éventuel droit à la réplique.

54) Le 25 août 2015, M. A______ a indiqué qu'il n'avait pas d'observations complémentaires, contestant les affirmations et interprétations de sa partie adverse, non expressément admises. Il persistait intégralement dans les termes et conclusions de son recours.

55) Le jour même, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17A al.1 let. c dans sa teneur jusqu'au 16 novembre 2013 et art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant a requis la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé définitivement dans le cadre de la procédure P/1______/2010.

Selon l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

En l'espèce, le 30 octobre 2013, le juge délégué a donné une suite favorable à la requête du recourant, de sorte que sa conclusion est devenue sans objet, étant rappelé que le recourant a été définitivement condamné sur le plan pénal suite au rejet de son recours par le Tribunal fédéral le 14 juillet 2015.

3) Le recourant sollicite l'audition de témoins.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend en particulier le droit, pour le justiciable, de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 139 II 489 consid. 3.3 ; 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_588/2014 du 22 juin 2015 consid. 2.1 ; 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1).

Cette garantie constitutionnelle n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 136 I 229 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_588/2014 précité consid. 2.1 ; 1C_119/2015 précité consid. 2.1 ; 2C_872/2014 du 14 avril 2015 consid. 4.2).

En l'espèce, le juge délégué a fixé lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 23 octobre 2012, un délai au 15 novembre 2012 pour déposer une liste de témoins. Or, selon le courrier du conseil du recourant du 15 novembre 2012, aucune liste de témoins n'a été déposée. Par ailleurs, il a été procédé à toutes les auditions nécessaires des différents témoins, tant devant le Ministère public que lors de l'enquête préalable, de sorte qu'en tout état de cause, les auditions sollicitées ne sont pas susceptibles, par une appréciation anticipée des preuves, de modifier la solution du litige.

Dès lors, la requête sera écartée.

4) Le recourant fait grief à l'autorité intimée d'avoir violé son droit d'être entendu en ayant refusé de donner suite aux réquisitions de preuve sollicitées dans sa détermination du 28 novembre 2011, soit l'audition de MM. K______ et L______.

Selon l'art. 17 al. 3 de la loi sur l'organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 (LOPP - F 1 50) applicable au recourant en vertu de l'art. 1 al. 1 LOPP, la dégradation est prononcée par le Conseil d'État.

À teneur de l'art. 18 al. 1 LOPP, avant le prononcé du blâme et des services supplémentaires, l'intéressé est entendu par l'autorité compétente au sens de l'art. 17 LOPP et est invité à se déterminer sur les faits qui lui sont reprochés. Il peut se faire assister d'un représentant de son association professionnelle. La décision est prise par écrit. Sauf les cas de crime ou de délit, aucune des autres peines ne peut être prononcée sans qu’une enquête préalable, dont le fonctionnaire est immédiatement informé, ait été ordonnée par le chef du département et sans que l’intéressé ait été entendu par ce magistrat (al. 2). Les résultats de l’enquête préalable et la peine proposée sont communiqués au fonctionnaire, afin que ce dernier soit en mesure de présenter ses observations (al. 3). Si la révocation est envisagée, le fonctionnaire est entendu, à sa demande, par une délégation de trois membres du Conseil d'État (al. 4). Dans les cas visés aux al. 2 et 4, l’intéressé est informé dès l’ouverture de l’enquête qu’il a le droit de se faire assister d’un représentant de son association professionnelle ou d’un avocat (al. 5). Le prononcé d'une peine disciplinaire autre que le blâme et les services supplémentaires est notifié à l'intéressé par arrêté motivé, avec indication du délai et de l'autorité de recours (al. 6). La responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l'enquête administrative (al. 7).

En l'espèce et à teneur des dispositions précitées, l'autorité intimée n'est pas compétente pour procéder à l'audition de témoins, celle-ci s'effectuant dans le cadre de l'enquête préalable. On ne saurait dès lors lui faire grief de ne pas avoir procédé aux auditions sollicitées.

De plus, lors de l'enquête préalable, l'enquêteur a auditionné huit personnes, ainsi que le médecin chef de clinique à l'unité médicale de la prison dans le cadre de l'incident opposant le recourant à M. D______, et a offert à l'intéressé, le 18 février 2011, la possibilité d'entendre d'autres témoins susceptibles de faire la lumière sur les faits pertinents. Or et selon le dossier, le recourant n'a pas requis l'audition de MM. K______ et L______ pendant l'enquête préalable, de sorte que la chambre administrative considérera que le recourant a renoncé à requérir cette offre de preuve.

Le grief est mal fondé.

5) Se référant à l'ATA/204/2010 du 23 mars 2010, le recourant fait grief à l'autorité intimée d'avoir violé son droit d'être entendu, dans la mesure où le préavis du département ne lui a pas été communiqué avant la prise de décision attaquée.

La Cour européenne des droits de l’homme a rappelé que tout document susceptible d’avoir une incidence sur l’issue d’un litige devait être porté à la connaissance des parties (ACEDH du 18 février 2010 dans la cause Bacchetti c. France ; ATA/204/2010 précité).

En l'espèce et contrairement à ce que soutient le recourant, l'art. 17 al. 3 LOPP ne stipule pas que le Conseil d'État ordonne la dégradation sur « proposition » du département. L'art. 17 al. 3 LOPP se limite à dire que la dégradation est prononcée par le Conseil d'État.

De plus, la jurisprudence citée à l'appui de l'argumentation du recourant est sensiblement différente du cas d'espèce dans la mesure où d'une part, dans l'ATA/204/2010 précité, le préavis de la commission était requis avant qu'une décision soit prise par l'autorité compétente (art. 19 et 20 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 14 juin 2007 [RIOR ; ATA/314/2012 du 22 mai 2012 ; ATA/327/2009 du 30 juin 2009 ; ACOM/111/2008 du 28 novembre 2008]), et d'autre part, l'arrêté du Conseil d'État querellé ne fait pas référence au préavis du département dans le cadre de sa prise de décision de dégradation contrairement à l'ATA/204/2010 précité.

Le grief sera dès lors écarté.

6) Le recourant soutient que l'arrêté querellé repose sur une constatation inexacte des faits pertinents.

a. Selon l'art. 61 al. 1 let. b LPA, le recours peut être formé pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents.

b. Les gardiens et les surveillants doivent faire preuve d’une diligence constante dans l’exercice de leurs fonctions (art. 12 du règlement sur l'organisation et le personnel de la prison du 30 septembre 1985 - ROPP - F 1 50.01).

c. La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 § 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, conclu à New York le 16 décembre 1966 (Pacte ONU II - RS 0.103.2), 6 § 2 de la Convention européenne de la sauvegarde des droits de l'homme des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et 32 al. 1 Cst., et par l'art. 10 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36 et les références citées). Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_91/2011du 26 avril 2011 consid. 3.2 ; ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 37 et la jurisprudence citée). Elle peut donc être invoquée par celui qui fait l'objet d'une accusation en matière pénale, c'est-à-dire qui est exposé à un verdict de culpabilité ou à une sanction, même administrative ou disciplinaire si elle revêt un caractère punitif (arrêt du Tribunal fédéral 1P.356/2006 du 29 août 2006 consid. 4 ; ATF 115 Ia 406 consid. 3b/aa p. 409/410 et la jurisprudence citée).

Selon une jurisprudence constante, il appartient en premier lieu aux autorités pénales d'établir les faits susceptibles de constituer une infraction. Quant au juge administratif, il ne peut s'écarter du jugement pénal que s'il dispose d'éléments inconnus du juge pénal ou que celui-ci n'a pas pris en considération, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si ce dernier n'a pas élucidé toutes les questions de droit (ATF 109 Ib 158 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6A.100/2006 du 28 mars 2007 consid. 2.1 ; ATA/572/2015 du 2 juin 2015 consid. 3a ; ATA/446/2013 du 30 juillet 2013 ; ATA/406/2013 du 2 juillet 2013 ; ATA/283/2013 du 7 mai 2013 ; ATA/238/2012 du 24 avril 2012 et la jurisprudence citée) afin d'éviter le plus possible que la sécurité du droit ne soit mise en péril par des jugements opposés fondés sur les mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2 ; 129 II 312 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_87/2009 du 11 août 2009 consid. 2.1 ; ATA/837/2014 du 28 octobre 2014).

d. En l'espèce, l'ordonnance pénale du Ministère public du 25 juillet 2012, condamnant l'intéressé pour lésions corporelles simples et abus d'autorité a été confirmée sur opposition par le Tribunal de police le 21 novembre 2013, puis sur appel par la chambre pénale de la Cour de justice le 4 avril 2014, et enfin par le Tribunal fédéral suite au rejet de son recours le 14 juillet 2015. Il en a été de même de la peine infligée, soit une peine pécuniaire de nonante jours-amende à CHF 120.-, par jour, assortie d'un sursis pendant trois ans. De plus, la plainte du recourant contre M. D______ pour lésions corporelles et menaces a été classée par ordonnance de classement du 25 juillet 2012, confirmée par la chambre pénale de recours par arrêt du 27 novembre 2012 et enfin par le Tribunal fédéral par arrêt du 11 avril 2013.

La chambre de céans n'a aucune raison de s'écarter de ces jugements, aucun autre élément relatif aux faits n'étant apparu depuis leur prononcé. De plus, il n'apparaît pas que l'appréciation du juge pénal se serait heurtée aux faits constatés ni que celui-ci n'aurait pas élucidé toutes les questions de droit ou de fait.

Dès lors et à teneur de l'ensemble du dossier, la chambre administrative retiendra, comme l'ont fait avant elle toutes les juridictions pénales saisies, que le recourant, le 23 octobre 2010, a frappé M. D______ lui causant notamment une fracture du nez, alors que ce dernier avait une attitude passive.

Un tel comportement ne saurait être toléré et non sanctionné.

7) Le principe d'une violation des devoirs professionnels du recourant étant acquis, reste à examiner si, comme le prétend le recourant, la sanction prise par le Conseil d'État est disproportionnée.

a. Les peines disciplinaires qui peuvent être infligées au personnel de la prison sont, suivant la gravité du cas, le blâme (art. 17 al. 1 let. a LOPP), les services supplémentaires (let. b), la réduction du traitement pour une durée déterminée (let. c), la dégradation (let. d) et la révocation (let. e).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est cependant admise de manière très large en droit disciplinaire, et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/946/2014 du 2 décembre 2014 consid. 14b ; ATA/785/2012 du 20 novembre 2012 ; ATA/238/2012 du 24 avril 2012 et les références citées).

L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2 ; 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b ; 106 Ia 100 consid. 13c ; 98 Ib 301 consid. 2b ; 97 I 831 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003 ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/946/2014 précité consid. 14b ; ATA/605/2011 du 27 septembre 2011).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/946/2014 précité consid. 16 ; ATA/267/2013 du 30 avril 2013 et les références citées).

c. En l'espèce, le recourant a été dégradé dans la fonction de gardien alors qu'il occupait jusque-là la position de gardien principal adjoint au sein de la prison.

En frappant M. D______ et en lui causant notamment une fracture du nez, alors que ce dernier avait une attitude passive, le recourant a gravement violé ses devoirs professionnels. Cet acte a porté atteinte à la dignité humaine, de même qu’à l’image des agents de détention. Il s'agit d'une faute qui revêt une gravité élevée.

Par ailleurs, en accusant faussement M. D______ de lésions corporelles, ainsi que de menaces de mort, le recourant a tenté de se dégager de ses responsabilités et de faire croire à une version des faits non conforme à la réalité, sans crainte de nuire injustement à celle-ci.

En qualité de gardien principal adjoint, le recourant occupait un poste à responsabilités, de sorte qu’il devait montrer à ses jeunes collègues moins expérimentés l’exemple d'une parfaite maîtrise de soi dans une situation de stress et de tension. De plus et quand bien même les antécédents sont relativement anciens (1993 pour le premier, 2001 pour le second), on ne saurait concevoir que la carrière du recourant ait été exemplaire, sans même prendre en considération par ailleurs l'échange verbal inadapté le 28 juin 2010 entre le recourant et M. B______.

Certes, le recourant a fait l'objet de félicitations par deux fois (le 21 juin 2002 et le 8 juillet 2003) pour des interventions dans le cadre de son travail. Ces éléments ne sont cependant pas de nature à atténuer la faute commise par le recourant lors de l'incident du 23 octobre 2010, qui sont d'une gravité telle qu'elle justifie au moins la dégradation prononcée.

Enfin, les très nombreuses sanctions (trente et une) entre le 13 juillet 2007 et le 23 octobre 2010 notifiées à M. D______ dans le cadre de sa détention témoignent certes d'un comportement difficile mais ne sauraient justifier de la part d'un gardien expérimenté un comportement tel que celui adopté par le recourant le 23 octobre 2010. Elles n'ont de plus pas d'effet direct sur sa faute.

En infligeant une dégradation dans la fonction de gardien au recourant, le Conseil d'État a fait preuve de mansuétude, que seule l’interdiction de la reformatio in pejus qui lie le pouvoir de réforme de la chambre de céans, lui interdit de modifier à son détriment.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu l'issue de celui-ci, la problématique relative au manque à gagner suite à la mesure prononcée contre le recourant devient sans objet ; un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2012 par Monsieur A______ contre l’arrêté du Conseil d'État du 21 décembre 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assaël, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :