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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14525/2018

ACPR/742/2023 du 25.09.2023 sur OCL/773/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 31.10.2023
Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR
Normes : CPP.310; CP.173; CP.174; CP.177; CP.14; CPP.426; CPP.427

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14525/2018 ACPR/742/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 25 septembre 2023

 

Entre

A______, B______, C______ et D______, domiciliés p.a E______ LAW, ______, Ukraine, tous représentés par Mes Nicolas ROUILLER et Alban MATTHEY, avocats, SwissLegal Rouiller, rue du Grand-Chêne 1-3, case postale 7501, 1002 Lausanne,

recourants,

contre l'ordonnance de classement rendue le 30 mai 2023 par le Ministère public,

et

F______, domicilié ______, Émirats Arabes Unis, comparant par
Me Ekaterine BLINOVA, avocate, TA ADVISORY SA, rue de Rive 3, 1204 Genève,

G______, domicilié ______ [TI], agissant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 12 juin 2023, A______, B______, C______ et D______ recourent contre l'ordonnance du 30 mai 2023, notifiée le 1er juin suivant, par laquelle le Ministère public a classé leur plainte (chiffre 2 du dispositif querellé), a alloué une indemnité de CHF 1'359.70 (TVA incluse) à F______ à leur charge (ch. 3) et les a condamnés au paiement des frais de la procédure arrêtés à CHF 1'060.- (ch. 5).

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants, étant précisé que les frais de la procédure ne devaient pas être mis à leur charge et qu'aucune indemnité ne devait être allouée à F______ et G______. Enfin, une indemnité devait leur être octroyée pour l'exercice raisonnable de leurs droits, à la charge des prénommés.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 1'500.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par pli du 31 juillet 2018, les précités ont déposé plainte contre F______ et G______ pour injure et calomnie, subsidiairement diffamation.

En substance, ils exposent être avocats associés de l'étude E______ LAW sise à I______ [Ukraine]. Ils avaient assisté, via la société H______ LAW LTD sise aux Seychelles, G______ dans le cadre d'une procédure d'arbitrage commercial. En vertu du contrat de services juridiques (ci-après: le contrat) conclu avec cette dernière – soit pour elle J______, "Director", dont la signature avait été imprimée de manière électronique –, H______ LAW LTD avait droit, en sus des honoraires convenus, à une prime de succès. G______ avait toutefois contesté cette prétention. Le litige portant sur le paiement de ladite prime faisait l'objet d'un arbitrage auprès de la "Chambre européenne d'arbitrage, International Commercial Arbitration Court (ICAC)" (ci-après: ICAC), étant précisé qu'ils représentaient, dans ce cadre, les intérêts de H______ LAW LTD.

G______, sous la plume de son conseil, F______, avocat à Genève, leur avait adressé un courrier le 28 mai 2018, leur demandant de retirer la procédure d'arbitrage intentée auprès de l'ICAC et de lui rembourser les honoraires indûment perçus ainsi que son dommage. Dans cet écrit, les prénommés les accusaient de "faux dans les titres" ("forging documents"), d'"escroquerie en bande" ("acting in conspiracy to defraud"), de s'être engagés dans des "actions hautement illégales" ("engaged in highly illegal actions") et d'avoir adopté un "comportement criminel" ("criminal wrongdoing"). Ils les avaient aussi qualifiés de "honte pour la profession juridique" ("disgrace for [the] legal profession").

Ces allégations portaient atteinte à leur honneur et étaient constitutives d'injures.

Dans un courriel du 30 mai 2018 adressé à l'ICAC, F______ et son mandant avaient, une nouvelle fois, proféré de graves accusations contre eux. L'avocat prétendait que son client ainsi que l'épouse de ce dernier avaient été victimes d'une "tentative d'escroquerie" ("[…] my clients have been victims of an attempted fraud perpertraded by the wrongdoers working under the cover of the law firm E______") et d'une "conspiration en vue de l'escroquer" d'un montant d'USD 6'800'000.- ("The wrongdoers conspired to defraud my client []"). Ils étaient accusés de faux dans les titres pour avoir falsifié la signature de l'ancien directeur de H______ LAW LTD sur différents documents, dont le contrat. L'arbitrage, fondé sur la fausse clause, était donc une "mascarade orchestrée par les plaignants" ("My clients are bound by the forged arbitration clause and will not participate to the farce masterminded by the wrongdoers and their accomplices, if any"). L'avocat n'avait cessé de les qualifier de "malfaiteurs" ("wrongdoers").

Par plis des 31 mai et 12 juin 2018 adressés à l'ICAC, l'avocat et son client avaient encore affirmé que leurs agissements étaient "purement criminels" ("Again, this matter is purely criminal nature"). Ils priaient l'ICAC de ne pas "se laisser abuser" par le travail des "malfaiteurs", agissant sous le couvert de E______ LAW ("The EAC should not be abused by the wrongdoer working under the cover of E______ LAW") et prétendaient que G______ avait été "victime de l'escroquerie organisée et perpétrée par les avocats membres de E______ LAW" ("[…] of the fraud organized and perpetrated by the attorney of E______ LAW").

Ces accusations, dont la fausseté était connue de leurs auteurs, avaient pour but de réduire les honoraires dus par G______ à H______ LAW LTD et faire obstacle à la procédure d'arbitrage qu'ils avaient introduite.

À l'appui, ils produisent notamment le contrat, non daté, en langue anglaise et russe, dont seule cette dernière version est signée, ainsi que les écrits litigieux.

b. Le Ministère public a demandé à F______ et G______ de se déterminer sur les faits reprochés.

c. Par lettre du 31 août 2018, les prénommés ont contesté les faits reprochés, expliquant que le 25 avril précédent, G______ avait reçu un courriel de D______, auquel étaient jointes deux lettres de réclamation de H______ LAW LTD. Plusieurs avocats de E______ LAW étaient en copie. Aux termes de ces missives, H______ LAW LTD lui réclamait USD 6'816'998.98 sur la base du contrat. G______, qui ignorait l'existence de ce document, avait contesté l'avoir signé et affirmé que sa signature avait été contrefaite. Il en avait fait part à la fiduciaire de H______ LAW LTD dès le lendemain, sous la plume de son conseil.

Dans le cadre de la procédure d'arbitrage engagée par H______ LAW LTD, G______ avait toujours soutenu que sa signature avait été contrefaite (cf. Witness Statement du 27 juillet 2018, qu'ils produisent). J______ avait aussi déclaré que sa signature avait été falsifiée sur différents documents, dont le contrat litigieux (cf. Witness Statement du 23 mai 2018, qu'ils produisent). D'ailleurs, après avoir pris connaissance dudit contrat ainsi que d'autres documents sur lesquels figuraient sa signature, ce dernier avait démissionné de ses fonctions auprès de H______ LAW LTD.

Enfin, le 28 mai 2018, G______ avait déposé plainte contre les plaignants auprès du Ministère public du canton du Tessin, notamment pour faux dans les titres (art. 251 CP) et tentative d'escroquerie (art. 146 CP).

d. Par pli du 13 septembre 2018, F______ a transmis au Ministère public la copie de la plainte pénale précitée ainsi que de son complément du 9 septembre précédent.

e. Par ordonnance du 2 octobre 2018, le Ministère public a suspendu l'instruction, estimant que la procédure tessinoise était susceptible d'influencer l'instruction de la procédure pénale genevoise, sous l'angle de la preuve de la vérité ou de la bonne foi.

Aucun recours n'a été déposé contre ladite ordonnance.

f. Par avis du 20 décembre 2022, le Ministère public a, d'une part, informé les parties que la procédure était reprise et, d'autre part, qu'il entendait classer celle-ci.

g. Dans le délai imparti, F______ a sollicité une indemnité pour les dépenses occasionnées pour sa défense.

h. Par courrier du 14 avril 2023, les plaignants se sont opposés au classement. Les infractions dénoncées n'étaient pas prescrites car le comportement des prévenus, à tout le moins de G______, était constitutif d'un délit continu. Les accusations contenues dans le pli du 28 mai 2018 avaient été réitérées dans le cadre de procédures judiciaires civiles et pénales subséquentes dans le but de les discréditer et d'empêcher la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale reconnaissant le droit au paiement de leurs honoraires. Ainsi, dans ses écritures des 9 février et 5 mai 2021, déposées respectivement par-devant le Tribunal fédéral et l'autorité d'appel en matière pénale de K______, G______, par l'intermédiaire de ses conseils – autres que F______ –, les accusait d'avoir utilisé un faux contrat de services juridiques comprenant une fausse clause d'arbitrage afin d'engager une procédure arbitrale, d'avoir utilisé des documents falsifiés et à plusieurs reprises d'avoir commis des escroqueries.

Les plaignants ont sollicité l'audition de G______ et de F______.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que les faits liés à la plainte déposée le 31 juillet 2018 dataient de mai et juin 2018 et ceux dénoncés le 14 avril 2023 des 9 février et "18" mai 2021. Compte tenu de l'éloignement dans le temps et des procédures distinctes dans lesquelles les écrits reprochés avaient été produits, l'unité naturelle d'actions n'était pas applicable. Ainsi, la prescription était acquise depuis le 12 juin 2022 s'agissant des faits dénoncés le 31 juillet 2018 (art. 178 al. 1 CP).

Quoiqu'il en soit, le courrier du 28 mai 2018 avait été adressé par F______, pour le compte de son client, aux plaignants, qui étaient "tous visés par les comportements reprochés" de sorte qu'ils ne pouvaient dès lors être considérés comme des tiers. S'agissant des écrits adressés à l'ICAC (courriel du 30 mai et missives des 31 mai et 12 juin 2018), les propos litigieux avaient été tenus dans le cadre d'une procédure arbitrale. Les termes employés par les prévenus pour décrire le comportement incriminé imputé aux plaignants demeuraient en rapport avec le conflit qui les opposait. Ils ne pouvaient être qualifiés d'excessifs en l'absence de qualificatifs inutilement blessants ou humiliants. Les réquisitions de preuve des plaignants étaient ainsi rejetées.

Dans la mesure où les infractions reprochées étaient poursuivies sur plainte, il se justifiait, vu l'issue du litige, de mettre les frais de la procédure à la charge des plaignants et de les condamner à verser à F______, qui était représenté par avocat, la somme de CHF 1'359.70 à titre de dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Il était donné acte à G______ qu'il renonçait à toute indemnité.

D. a. Dans leur recours, les plaignants reprochent au Ministère public une constatation incomplète des faits pour avoir omis de retenir qu'ils avaient été qualifiés, à de multiples reprises, de "wrongdoers", soit de "malfaiteurs". L'utilisation dudit qualificatif, cumulée aux accusations d'escroquerie et de faux dans les titres excédait ce qui était tolérable dans une procédure judiciaire.

Au fond, les éléments constitutifs des infractions de diffamation, voire de calomnie, étaient réunis. F______ et G______ ne s'étaient pas limités à décrire les comportements qui leur étaient imputés, qu'ils estimaient contraires au droit. Sans la moindre réserve, ils les avaient accusés d'avoir falsifié des documents en vue d'escroquer G______. Ces accusations répétées n'étaient d'aucune utilité pour plaider la cause. Il s'agissait uniquement de jeter le discrédit sur eux. Quoiqu'il en soit, bien que les propos litigieux puissent paraitre en rapport avec l'objet du litige, les qualifier de "malfaiteurs" n'était, en revanche, nullement nécessaire.

En outre, le Ministère public avait omis d'analyser la réalisation de l'infraction d'injure. Or, celle-ci trouvait application dès lors que les prévenus s'étaient adressés directement à eux par lettre du 28 mai 2018.

Ainsi, le Ministère public devait constater que les infractions dénoncées étaient réalisées, "mais que la prescription empêchait qu'elles soient poursuivies".

S'agissant des frais, les propos litigieux, tenus par F______ et son client, contrevenaient à la protection de l'honneur et la personnalité, tant sous l'angle pénal que civil (art. 28 CC). Le comportement des prévenus était de nature à entrainer une plainte pénale et l'ouverture d'une instruction de sorte que les frais de la procédure ne devaient pas être mis à leur charge. Il en allait de même de l'indemnité due en faveur de F______. Compte tenu de ce qui précède, une juste indemnité devait leur être octroyée, à la charge des prévenus (art. 433 al. 1 let. b CPP).

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des plaignants qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Les recourants se plaignent d'une constatation incomplète des faits par le Ministère public (art. 393 al. 2 let. b CPP).

Comme la juridiction de céans dispose d'un plein pouvoir de cognition (art. 393 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_139/2022 du 2 mai 2022 consid. 2.2), les éventuelles lacunes entachant l’ordonnance querellée auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-avant.

Le grief sera donc rejeté.

4.             Les recourants estiment qu’il existe une prévention suffisante, contre les prévenus, d’infraction contre l'honneur.

4.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 let. b CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis.

La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe "in dubio pro duriore", qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Ce principe vaut également pour l'autorité judiciaire chargée de l'examen d'une décision de classement. Il signifie qu'en règle générale, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation (ATF
143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; arrêt du Tribunal fédéral 6B_116/2019 du 11 mars 2019 consid. 2.1).

4.2. La procédure doit aussi être classée lorsqu’il est établi que certaines conditions à l’ouverture de l’action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (art. 319 al. 1 let. d CPP).

Tel est le cas lorsque l'action pénale est prescrite (ACPR/497/2022 du 26 juillet 2022 consid. 7.1.1), soit quatre ans pour les délits contre l'honneur (art. 178 al. 1 CP).

4.3. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.

Cette disposition protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1.). Le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 consid. 2.2.).

Pour qu'il y ait diffamation ou calomnie, il faut que l'auteur s'adresse à un tiers. Est en principe considérée comme tiers toute personne autre que l'auteur et l'objet des propos qui portent atteinte à l'honneur (ATF 86 IV 209).

4.4. La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

4.5. Des déclarations objectivement attentatoires à l'honneur peuvent être justifiées par le devoir d'alléguer des faits dans le cadre d'une procédure (art. 14 CP). Ce fait justificatif doit en principe être examiné avant la question des preuves libératoires prévues par l'art. 173 ch. 2 CP (ATF 135 IV 177 consid. 4 p. 179). L'art. 14 CP dispose que celui qui agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du code pénal ou d'une autre loi. La licéité de l'acte est, en tous les cas, subordonnée à la condition qu'il soit proportionné à son but (ATF 107 IV 84 consid. 4 p. 86; arrêts du Tribunal fédéral 6B_960/2017 du 2 mai 2018 consid. 3.2; 6B_507/2017 du 8 septembre 2017 consid. 3.4). Ainsi, tant la partie que son avocat peuvent se prévaloir de l'art. 14 CP à condition de s'être exprimé de bonne foi, de s'être limité à ce qui est nécessaire et pertinent et d'avoir présenté comme telles de simples suppositions (ATF 131 IV 154 consid. 1.3.1 p. 157; 123 IV 97 consid. 2c/aa p. 99; 118 IV 248 consid. 2c et d p. 252/253; 116 IV 211 consid. 4a p. 213 ss).

4.6. L'art. 177 CP réprime le comportement de celui qui aura, de toute autre manière, injurié autrui.

Alors que la diffamation (art. 173 CP) ou la calomnie (art. 174 CP) supposent une allégation de fait, un jugement de valeur, adressé à des tiers ou à la victime, peut constituer une injure au sens de l'art. 177 CP. La notion de jugement de valeur doit être comprise dans un sens large ; il s'agit d'une manifestation directe de mésestime ou de mépris, au moyen de mots blessants, de gestes ou de voies de fait. L'honneur protégé correspond alors à un droit au respect formel, ce qui conduit à la répression des injures dites formelles, tels une expression outrageante, des termes de mépris ou des invectives (ATF 128 IV 53 consid. I/A/1/f/aa, p. 61 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_794/2007 du 14 avril 2008 consid. 3.1. et 6B_811/2007 du 25 février 2008 consid. 4.2.). La marque de mépris doit revêtir une certaine gravité, excédant ce qui est acceptable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_229/2016 du 8 juin 2016 consid. 2.1.2 ; 6B_557/2013 du 12 septembre 2013 consid. 1.1 et les références, in SJ 2014 I 293).

Traiter quelqu'un de "mongol", de "bande de salauds" ou de "petit con" constitue des jugements de valeur injurieux (ATF 117 IV 270 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 consid. 2.3). Le terme "vaffanculo", constitue, en tout cas dans le contexte global de l'expulsion violente d'un magasin, une insulte dénigrante au sens de l'art. 177 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_794/2007 du 14 avril 2008 consid. 3.2.); l'infraction d'injure est également réalisée en présence de multiples messages contenant les propos : "Fuck you both", "grande salope", "minable merde", "pauvre conne", "vous êtes une putain", "espèce de conne", "vous êtes une merde", "grosse connasse" (jugement du Tribunal de police JDTP/1515/2017 du 17 novembre 2017 consid. 2.2.).

4.7. En l'espèce, il est constant que les parties sont en litige devant un tribunal arbitral s'agissant du paiement de la prime de succès réclamée par H______ LAW LTD à G______. Dans le cadre dudit conflit, le premier cité est représenté par F______ et la seconde par les recourants.

Les recourants ne contestent pas le classement motivé par l'acquisition de la prescription mais celui, superfétatoire, justifié par la non-réalisation des éléments constitutifs des infractions dénoncées. Ils souhaitent que le caractère diffamatoire des propos tenus par les prévenus soit reconnu. Dans la mesure où cette question a une incidence sur la répartition des frais et des dépens, la Chambre de céans entrera en matière.

Les accusations contenues dans les écrits des 30, 31 mai et 12 juin 2018, selon lesquelles les recourants auraient agi de manière non conforme à la loi dans un but préjudiciable aux intérêts de leur ancien client, pourraient être attentatoires à l'honneur, les prévenus ne s'étant pas limités à remettre en cause leurs compétences professionnelles. Le fait que ces propos aient été adressés à une entité arbitrale n'en supprimerait pas le caractère diffamatoire.

Cela étant, afin de démontrer que lesdits propos étaient conformes à la réalité et/ou qu'il les tenait de bonne foi, G______, sous la plume de son avocat, était dans l'obligation de détailler, à l'ICAC, les comportements qu'il considérait comme inadéquats ou pénalement répréhensibles. À cet égard, il a proposé divers moyens de preuve, parmi lesquels le témoignage écrit de l'ancien directeur dont la signature figurait aussi sur le document litigieux. Les propos apparaissent ainsi couverts par le devoir d'allégation en procédure.

Au surplus, les accusations litigieuses ont été tenues uniquement dans le cadre de la procédure arbitrale, devant des personnes informées et conscientes des circonstances particulières dans lesquelles les assertions étaient formulées, à savoir les relations conflictuelles entre les parties. Indépendamment de la teneur des allégués, la diffusion paraît ainsi restreinte et confidentielle. L'on ne distingue dès lors pas, dans les démarches de G______ ainsi que de son avocat, de volonté de porter atteinte à l'honneur des recourants mais plutôt de dénoncer des comportements perçus, de bonne foi, comme inadéquats, ce d'autant plus que G______ a également déposé plainte pour ces faits auprès du Ministère public du Tessin. Ainsi, on peut retenir que les déclarations litigieuses pouvaient entrer dans le cadre d’allégations en justice, proportionnées au but poursuivi, sans excéder la mesure admissible (art. 14 CP), étant souligné qu'il convient de retenir une certaine liberté de ton, nécessaire à toute dénonciation et/ou défense, dans le cadre d'une procédure judiciaire ou arbitrale.

Aucun acte d'instruction ne serait de nature à modifier ces constatations. L'ordonnance attaquée est à cet égard exempte de critique.

4.8. S'agissant de la lettre du 28 mai 2018, les recourants reprochent notamment aux prévenus de les avoir qualifiés de "malfaiteurs", d'avoir adopté un "comportement criminel" ou encore d'être la "honte de la profession juridique". Les infractions de diffamation et de calomnie ne sauraient entrer en ligne de compte, l'écrit litigieux n'ayant pas été adressé à des tiers mais aux recourants eux-mêmes.

Sous l'angle de l'injure (art. 177 CP), bien que les termes choisis soient virulents, ils ne sont pas injurieux au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus. En effet, lesdits termes ne sont que l'expression d'un mécontentement face à l'activité professionnelle des recourants dans un contexte conflictuel, connu de ceux-ci. Ils ne revêtent pas la gravité nécessaire à la réalisation de l'infraction en cause.

5.             Les recourants contestent devoir s'acquitter aussi bien des frais de la cause que des dépens réclamés par F______.

5.1.       La répartition des frais de procédure repose sur le principe selon lequel celui qui les a causés doit les supporter (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.3). En cas d'infraction poursuivie sur plainte – telle que la diffamation –, ils peuvent être mis à la charge de la partie plaignante – sans égard à une éventuelle faute de sa part (arrêt du Tribunal fédéral 6B_538/2021 du 8 décembre 2021 consid. 1.1.1) – pour autant que la cause ait été classée (art. 427 al. 2 let. a CPP) et que le prévenu n'ait pas été astreint au paiement des frais en vertu de l'art. 426 al. 2 CPP (art. 427 al. 2 let. b CPP); ces deux conditions sont cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1395/2017 du 30 mai 2018 consid. 2.1).

La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais (art. 426 al. 2 CPP) peut, en principe, se fonder sur l'art. 28 CC, norme qui tend à protéger tout individu d'atteintes illicites – c'est-à-dire non justifiées par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public ou par la loi – causées à sa personnalité (arrêts du Tribunal fédéral 6B_150/2014 du 23 septembre 2014 consid. 1.2; 6B_87/2012 du 27 avril 2012 consid. 1.4.1).

La mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit demeurer l'exception (ATF 116 Ia 162 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 6B_301/2017 du 20 février 2018 consid. 1.1 et 6B_957/2017 du 27 avril 2017 consid. 2.2).

La règle de l'art. 427 al. 2 CPP a un caractère dispositif; l'on peut donc s'en écarter si la situation le justifie. La loi est muette sur les motifs pour lesquels les frais sont ou non imputés à la partie plaignante. Le juge, qui doit statuer selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 138 IV 248 consid. 4.2.4), dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_538/2021 précité consid. 1.1.1).

5.2.       Lorsque la partie plaignante supporte les frais en vertu de l'art. 427 al. 2 CPP, les dépens éventuellement alloués au prévenu peuvent être mis à sa charge en application de l'art. 432 al. 2 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_108/2018 précité consid. 4.1).

5.3. En l'espèce, il est constant que les recourants revêtent la qualité de parties plaignantes ayant participé à la procédure. La procédure, ouverte du chef de diffamation, calomnie et injure soit des infractions exclusivement poursuivies sur plainte, a été classée. La première des conditions cumulatives (let. a) posée par l'art. 427 al. 2 CPP est donc remplie.

S'agissant de la seconde condition (let. b), c'est à juste titre que le Ministère public n'a pas imputé les frais de la procédure aux prévenus sur la base de l'art. 28 CC en lien avec l'art. 426 al. 2 CPP. En effet, la Chambre de céans a retenu que les propos litigieux pouvaient être justifiés par la sauvegarde d'intérêts légitimes en l'occurrence, soit le devoir d'allégation en procédure. L'admission de ce fait justificatif extralégal a donc conduit à la libération des prévenus, faute d'infraction (voir ATF 113 IV 4 consid. 3, faisant référence à l'art. 32 aCP, qui correspond à l'art. 14 CP). Il s'ensuit que ces derniers ne pouvaient pas être condamnés à supporter les frais de la procédure sur la base de ce comportement.

Au vu de ce qui précède, les recourants pouvaient être condamnés aux frais de la procédure sur la base de l'art. 427 al. 2 CPP, à moins que les règles du droit et de l'équité n'eussent commandé une solution différente.

En l'occurrence, rien ne s'oppose leur à faire supporter l'entier des frais de procédure. En effet, les recourants ont déposé plainte contre les intimés. Puis, après avoir recueilli la détermination de ces derniers, le Ministère public a suspendu la procédure, au motif qu'une procédure était pendante au Tessin, laquelle pouvait influencer la présente procédure. Après avoir repris l'instruction, le Ministère public a informé les parties de sa volonté de classer la procédure. Les recourants s'y sont opposés. Ainsi, toute l’instruction a reposé sur l’impulsion de ces derniers.

5.4. Les recourants ne prétendent pas qu'il y aurait lieu de régler la question de l'indemnisation de F______ différemment de celle des frais et ne développent aucune argumentation sous cet angle. Les conditions d'application de l'art. 432 al. 2 CPP étant similaires à celles prévalant en matière de frais de procédure selon l'art. 427 al. 2 CPP, les considérations développées dans le considérant ci-avant valent mutatis mutandis et emportent la même conclusion, étant précisé qu’ils n’ont pas remis en cause le montant de celle-ci.

6.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera dès lors confirmée.

7.             Les recourants, qui succombent, supporteront les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______, B______, C______ et D______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties, soit pour eux leurs conseils, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

P/14525/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'395.00

Total

CHF

1'500.00