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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26981/2022

ACPR/714/2023 du 13.09.2023 sur ONMMP/2088/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 20.10.2023, 7B_780/2023
Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);CONFISCATION(DROIT PÉNAL);FAUX DANS LES CERTIFICATS
Normes : CP.252; CP.64

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26981/2022 ACPR/714/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 13 septembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me Sophie BOBILLIER, avocate, BOLIVAR BATOU & BOBILLIER, rue des Pâquis 35, 1201 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 25 mai 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 13 juin 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 mai précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public, après avoir renoncé à le poursuivre (ch. 1 du dispositif), a ordonné le séquestre, la confiscation et la destruction de son permis de conduire falsifié (ch. 2).

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation "partielle" de l'ordonnance susmentionnée, au constat que le permis de conduire n'est pas falsifié et à sa restitution, subsidiairement au renvoi de la procédure au Ministère public pour envoi dudit permis au Consulat afghan pour vérification de son authenticité. Il conclut préalablement à l'octroi de l'assistance judiciaire

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par courrier du 20 décembre 2022, l'Office cantonal des véhicules (ci-après; OCV) a dénoncé A______, qui avait demandé l'échange contre un permis suisse de son permis de conduire afghan lequel était une contrefaçon.

À cette dénonciation était jointe un rapport de renseignements de la Brigade de police technique et scientifique (ci-après; BPTS) du 14 décembre 2022 qui indiquait que le permis de conduire afghan n° 1______ au nom de A______, délivré le ______ 2020 à C______ [Afghanistan] et valable
au ______ 2023, l'avait été dans les règles, mais son état d'origine avait été modifié de manière non autorisée, les dates de validité ayant été falsifiées.

b. Entendu par la police le 10 mars 2023, A______ a contesté que son permis de conduire soit falsifié. Il l'avait obtenu en Afghanistan, en l'an 1382 du calendrier afghan (soit en 2002 selon le calendrier grégorien). Lorsqu'il avait fui ce pays, il l'avait laissé à son cousin afin qu'il s'occupe de son renouvellement, qui devait être effectué tous les trois ans. Arrivé en Suisse en août 2021, il avait demandé à ce dernier de le lui faire parvenir. "Peut-être qu'en Afghanistan, lorsqu'ils ont édité mon permis de conduire, ils se sont trompés et ont effectué des modifications"; il n'avait jamais remarqué ces dernières.

c. Par courrier du 20 avril 2023, A______ a transmis au Ministère public la copie d'une attestation émise par l'"Emirat islamique d'Afghanistan, Gestion du trafic de la province de D______" – dont il fait une libre traduction – que son cousin avait pu obtenir, lequel certifiait que sa licence portant le numéro 1______ avait été "écrite par le Service de la circulation de C______".

d. Par ordonnance du 8 mai 2023, le Procureur a refusé d'ordonner la défense d'office en faveur de A______. Ce dernier n'a pas recouru.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a retenu que selon les constatations de la police, le document avait été délivré dans les règles mais que son état d'origine avait été modifié de manière non autorisée, les dates de validité ayant été falsifiées. Cependant, A______ avait démontré que le Service de la circulation de C______ était responsable de la modification manuelle de son permis de conduire et la procédure ne permettait pas de démontrer qu'il aurait été au courant de cette falsification, ni même qu'il aurait pu s'en douter.

Le Procureur a ordonné la confiscation du permis falsifié.

D. a. Dans son recours, A______ précise avoir recouru auprès du Tribunal administratif de première instance contre la décision du 30 janvier 2023 de l'OCV lui ayant notamment refusé l'échange de son permis de conduire étranger contre un permis de conduire suisse. Il produit un rapport complémentaire du 8 mars 2023 de la BPTS établi à la demande de l'OCV [dont le Ministère public n'était pas destinataire et qui ne se trouve pas à la procédure] que ce Service a "déposé sous pièce n° 2______", vraisemblablement dans la procédure administrative. À teneur de ce rapport, après examen du permis et comparaison avec les données de standards officiels – des documents similaires déjà analysés –, le document, qui est un duplicata, présentait des dates, en rouge, modifiées par grattage avec altération du papier, et des données réécrites à l'aide d'un stylo rouge différent du premier; les mêmes modifications avaient été réalisées sur la "carte d'infractions". Il n'y avait ainsi aucun doute que ledit permis avait subi des modifications; il était donc considéré comme falsifié.

Il invoque une constatation incomplète ou erronée des faits. Les rapports de police établissaient uniquement que des modifications avaient été apportées au document après son émission mais non qu'elles auraient été faites sans que ce soit autorisé. Or, le Service de la circulation de C______ avait écrit le permis et les autorités afghanes n'indiquaient pas que le document serait considéré comme falsifié en Afghanistan. À tout le moins, le Procureur aurait dû instruire cette question.

Il considère que son droit d'être entendu était violé au motif que, la qualification de falsification n'étant pas motivée, la réflexion du Ministère public pour retenir l'illicéité des modifications ne lui était pas connue. En outre, le Procureur s'étant écarté des faits du dossier, l'exigence de motivation s'en trouvait renforcée.

Il allègue la violation de l'art. 252 CP. La correction de date effectuée par le Service de la circulation de C______ n'était constitutive ni d'un faux intellectuel, puisque la correction avait été effectuée par l'autorité compétente précisément pour le rendre conforme à la réalité et que le contenu n'était pas faux, ni d'un faux matériel puisque la modification n'avait pas été réalisée sans droit.

Il conteste, sous l'angle de la souveraineté des autorités afghanes, la compétence du Ministère public à prononcer la confiscation et la destruction du permis de conduire afghan. En estimant que le permis de conduire avait été falsifié tout en retenant que le Service de la circulation de C______ était responsable de la modification, le Ministère public s'était donné le pouvoir de juger de la légitimité d'une procédure nationale étrangère de renouvellement de permis de conduire, dont la validité était attestée par les autorités compétentes.

Il conteste la violation de l'art. 69 CP. Aucune infraction n'avait été commise ni ne l'aurait été, faute d'éléments subjectifs. Seule la confiscation du produit de l'infraction était envisageable au sens de cet article, or les modifications n'avaient pas eu lieu sans droit, au contraire.

Il demande à bénéficier de l'assistance judicaire, n'étant pas en mesure de représenter seul ses intérêts. Il dépendait des aides financières de l'Hospice général, ne maîtrisait pas la langue française et n'avait aucune connaissance du système juridique suisse, étant arrivé sur le territoire deux ans auparavant. La confiscation et la destruction de son permis de conduire auraient de graves conséquences sur sa capacité à conduire, en Suisse ou à l'étranger, et représentaient en une atteinte grave à sa sphère privée au sens de la jurisprudence.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours et se réfère à sa décision.

c. Le recourant a précisé ne pas avoir d'observations à faire.

EN DROIT :

1.             En tant qu'il vise la confiscation ordonnée par l'ordonnance de non-entrée en matière (ch. 2 du dispositif), le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner le point d'une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir constaté les faits de manière incomplète ou erronée.

2.1. Aux termes de l'art. 393 al. 2 let. b CPP, le recours peut être formé pour constatation incomplète ou erronée des faits.

Une constatation est erronée (ou inexacte) lorsqu'elle est contredite par une pièce probante du dossier ou lorsque le juge chargé du recours ne peut déterminer comment le droit a été appliqué (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 17 ad art. 393 ; ACPR/609/2015 du 11 novembre 2015 consid. 3.1.1).

2.2. La Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), de sorte que les éventuelles constatations inexactes auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

3.             Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu, considérant que la décision n'était pas suffisamment motivée s'agissant de la "qualification de falsification".

3.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4; ATF 136 I 229 consid. 5.2; ATF 135 I 265 consid. 4.3). Il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 et les références = JdT 2017 IV p. 243 ; ATF 142 I 135 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_246/2017 du 28 décembre 2017 consid. 4.1 ; 6B_726/2017 du 20 octobre 2017 consid. 4.1.1).

3.2. En l'espèce, l'ordonnance querellée a retenu qu'à teneur de l'analyse faite par la police, l'état d'origine du permis de conduire avait été modifié de manière non autorisée, les dates de validité ayant été falsifiées.

Indépendamment de son bien-fondé, une telle motivation est suffisante à l'aune des exigences jurisprudentielles exposées ci-avant, étant rappelé que pour respecter le droit d'être entendu des parties, il suffit de leur indiquer – même de manière succincte – le motif qui fonde la décision. Le recourant l'a d'ailleurs bien compris à teneur de son recours.

Le grief sera par conséquent rejeté.

4.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir ordonné la confiscation de son permis de conduire.

4.1. Commet un faux dans les certificats (art. 252 CP) quiconque, dans le dessein d’améliorer sa situation ou celle d’autrui, contrefait ou falsifie des pièces de légitimation, des certificats ou des attestations, fait usage, pour tromper autrui, d’un écrit de cette nature, ou abuse, pour tromper autrui, d’un écrit de cette nature, véritable mais non à lui destiné.

Le permis de conduire fait partie des pièces de légitimation (ATF 98 IV 55 consid. 2).

4.2. Selon l'art. 69 al. 1 CP, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. Cet article prévoit ainsi la confiscation des objets qui sont le produit d'une infraction (producta sceleris) et des objets qui ont servi ou devaient servir à la commission d'une infraction (instrumenta sceleris ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1277/2018 du 21 février 2019 consid. 3.1).

4.3. Il doit y avoir un lien de connexité entre l'objet à confisquer et l'infraction, en ce sens que celui-ci doit avoir servi ou devait servir à la commission d'une infraction ou être le produit d'une infraction. En outre, cet objet doit compromettre la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. Cela signifie que, dans le futur, ce danger doit exister et que, précisément pour cette raison, il faut ordonner la confiscation en tant que mesure de sécurité. Par conséquent, le juge doit poser un pronostic quant à la vraisemblance suffisante que l'objet, dans la main de l'auteur, compromette à l'avenir la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1150/2014 du 19 novembre 2015 consid. 4). La confiscation d'objets dangereux constitue une atteinte à la garantie de la propriété selon l'art. 26 Cst. féd. et elle est soumise pour cette raison au principe de la proportionnalité (art. 36 Cst.). Le respect de ce dernier implique d'une part que la mesure qui porte atteinte à la propriété est propre à atteindre le but recherché et d'autre part que ce résultat ne peut pas être obtenu par une mesure moins grave (subsidiarité) (ATF 137 IV 249 consid. 4.5; arrêt du Tribunal fédéral 6B_35/2017 du 26 février 2018 consid. 9.1).

4.4. En l'espèce, le document litigieux est considéré comme une pièce de légitimation. Il ressort des rapports de la BPTS que divers éléments – modification de dates par grattage et utilisation d'un stylo rouge différent – du permis de conduire du recourant ne correspondent pas au modèle de référence, ce qui a conduit l'autorité précédente à conclure à une contrefaçon. Si le recourant a déclaré ignorer ces modifications, il ne peut être suivi lorsqu'il allègue que l'inauthenticité du document ne reposerait sur aucun élément objectif, les constatations faites étant objectives. D'ailleurs, il n'apporte aucun élément permettant d'établir son authenticité. En effet, il fait grand cas de l'attestation des autorités afghanes selon laquelle la licence portant le n° 1______ avait été écrite par le Service de la circulation de C______. Dans la mesure où l'on ignore la demande qui a été faite à ces autorités, qui a conduit à cette attestation, et le document qui leur aurait été soumis pour ce faire – le permis analysé étant un duplicata et non un original – on ne peut en déduire, comme le fait le recourant, qu'elles se seraient prononcées sur l'authenticité et la validité des modifications effectuées sur le document.

Au regard de la législation suisse, le document, qui a volontairement été modifié – même si l'auteur n'est pas identifié – remplit les conditions d'un faux dans les certificats.

Ce constat rend sans objet les critiques relatives à la violation de la souveraineté de l'État étranger.

Au regard de ce qui précède, le document litigieux doit être considéré comme un produit de l'infraction dénoncée. En outre, le recourant entend utiliser le document d'identité falsifié pour se procurer, sur le territoire suisse, un permis de conduire authentique, ce qui compromet l'ordre public suisse. Le juge devait donc ordonner sa confiscation (ATF 130 IV 143 consid. 3.3.1).

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Le recourant sollicite l’octroi de l’assistance judiciaire pour la procédure de recours.

En l'occurrence, le recourant, qui s'est déjà vu refuser le bénéfice de l'assistance judicaire, a été libéré de toute poursuite. Pour les motifs exposés plus haut, le recours était voué à l'échec, si bien que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 800.-.

Rejette la demande d'assistance judiciaire.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son défenseur) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/26981/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

800.00

Total

CHF

885.00