Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/688/2025 du 23.06.2025 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| république et | canton de genève | |||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 23 juin 2025
| ||||
dans la cause
Madame A______ et Monsieur B______, c/o SKANDAMIS AVOCATS SA, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Monsieur B______ et Madame A______ (ci-après : les contribuables) sont mariés et ont trois enfants, C______, né le ______ 2015, D______, né le ______ 2021, et E______, né le ______ 2022.
2. En raison de leur domicile en France et de leur activité lucrative exercée en Suisse, ils sont imposés à la source.
3. Le contribuable est avocat au sein de l’Étude SKANDAMIS AVOCATS SA. Il a perçu, à ce titre, un salaire annuel de CHF 168'000.- en 2022.
4. À teneur de son « relevé de retenue impôt source », il s’est vu retenir sur son salaire un montant de CHF 24'914.40 pour la période fiscale 2022. Cette retenue a été calculée sur la base du barème C2 (barème pour personne mariée avec deux enfants à charge) de janvier à novembre 2022 et sur la base du barème C3 (barème pour personne mariée avec trois enfants à charge) en décembre 2022.
5. La contribuable est employée par la société F______. Elle a perçu, à ce titre, un salaire de CHF 43'890.- en 2022, sur lequel aucun impôt à la source n’a été prélevé.
6. Les contribuables n’ont sollicité ni de rectification de l’impôt à la source ni de taxation ordinaire ultérieure (ci-après : TOU) pour la période fiscale 2022.
7. Par courrier du 4 mars 2024, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a remis aux contribuables leur avis de taxation d’impôt à la source employés 2022, tenant compte du cumul de leurs revenus.
8. Calculé sur un revenu imposable de CHF 211'890.-, en fonction d’un taux d’imposition de 14.42% conformément au barème de rectification Cr2, l’impôt à la source était fixé à CHF 30'554.60. Après déduction de la retenue de CHF 24'914.40 effectuée par l’employeur du contribuable, le solde encore dû s’élevait à CHF 5'640.20.
La décision indiquait que conformément à la nouvelle loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 16 janvier 2020 (LISP - D 3 20), entrée en vigueur le 1er janvier 2021, tout évènement nécessitant une modification de barème devait être pris en considération dès le début du mois suivant le changement survenu. Dès lors, la charge de l’enfant des contribuables, né le ______ 2022, ne pouvait être prise en considération en 2022.
9. Par courrier du 10 avril 2024, les contribuables ont formé réclamation contre ce bordereau. Compte tenu de la naissance de leur fils E______ le ______ 2022, ils devaient bénéficier de la déduction correspondant à trois charges d’enfant pour l’année fiscale 2022, subsidiairement se voir appliquer le barème C3. Ils demandaient très subsidiairement à être autorisés à procéder par le biais d’une TOU pour l’année fiscale 2022.
10. Par décision sur réclamation du 10 mai 2024, reçue le 17 mai suivant, l’AFC-GE a maintenu le bordereau litigieux. Elle a confirmé que conformément à la LISP révisée, la charge de l’enfant des contribuables né le ______ 2022 ne pouvait être admise que le premier jour du mois suivant.
En outre, la demande de considération du statut de quasi-résident (TOU) ne pouvait être prise en compte pour la période fiscale 2022. Cette demande constituait en effet une contestation de l’assujettissement. Partant, elle devait être introduite au plus tard le 31 mars de l’année suivant la période fiscale concernée.
11. Par courrier expédié le 17 juin 2024, les contribuables ont recouru contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation, avec suite de frais et dépens.
Ils ont conclu, principalement, à ce que leurs trois charges d’enfant soient admises, à ce que les impôts dus pour l’année fiscale 2022 soient arrêtés à CHF 24'914.40 et à ce qu’il leur soit donné acte du fait que ce montant avait été acquitté dans son intégralité.
Subsidiairement, les impôts dus pour l’année fiscale 2022 devaient être calculés en fonction du barème Cr3 (taux de 12.44%) et arrêtés à CHF 26'359.10, un délai de 30 jours devant leur être imparti pour régler le solde en CHF 1'444.70.
Plus subsidiairement, ils devaient être autorisés à procéder par le biais d’une TOU pour l’année fiscale 2022, un délai raisonnable devant leur être imparti pour déposer la déclaration idoine.
L’AFC-GE avait procédé à une mauvaise interprétation de l’art. 1 al. 3 du règlement d’application de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 30 septembre 2020 (RISP - D 3 20.01), entré en vigueur le 1er janvier 2021. Cette disposition prévoyait que l’état civil et les charges de famille pris en considération étaient ceux du contribuable à la fin du mois précédant la date du prélèvement de l’impôt à la source. Or, l’AFC-GE n’avait pas tenu compte du fait que cette disposition concernait uniquement le prélèvement de l’impôt à la source, soit la retenue que les employeurs étaient tenus d’effectuer en vue du paiement de cet impôt. S’il était compréhensible que l’employeur ne soit tenu de prendre en considération un changement de situation familiale dans le cadre du prélèvement de l’impôt à la source que le mois suivant, autre était la question de l’imposition effectivement due pour une année donnée. Dans ce contexte, le mécanisme de rectification de l’impôt à la source prévu par l’art. 38E de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) permettait d’éviter une surimposition résultant d’un changement de barème pendant une année fiscale donnée. L’art. 1 al. 3 RISP ne pouvait dès lors être interprété comme empêchant un contribuable d’obtenir, par le biais d’une demande de rectification de l’impôt à la source, un barème d’imposition tenant compte de la naissance d’un enfant au mois de décembre.
Contrairement à ce qu’avait considéré l’AFC-GE, la révision de la LISP entrée en vigueur en janvier 2021 n’avait pas modifié les principes régissant l’imposition dans le temps, y compris pour l’impôt à la source et la rectification de ce dernier. Le RISP était en effet un règlement du Conseil d’Etat et ne pouvait pas déroger au contenu des lois fiscales fédérales et cantonales. Or, celles-ci prévoyaient que les déductions pour charge de famille étaient fixées en fonction de la situation du contribuable à la fin de la période fiscale (cf. art. 35 al. 2 et 85 al. 2 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 65 al. 1 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08). À l’inverse, aucune loi fédérale ni cantonale ne prévoyait que cette déduction s’appliquait pro rata temporis et n’était pas allouée pour un enfant né en décembre. Par conséquent, le barème d’imposition Cr3 leur était applicable pour l’année fiscale 2022.
La décision querellée violait les principes d’interdiction de l’arbitraire, d’égalité de traitement et d’imposition selon la capacité contributive. Selon le nouveau mécanisme d’imposition à la source de l’AFC, les enfants nés en décembre étaient les seuls à ne pas bénéficier de la déduction sociale pour charge de famille pour l’année fiscale de leur naissance. Une telle distinction était arbitraire et inacceptable, et n’avait en rien été voulue par le législateur.
La décision contestée contrevenait au principe de la bonne foi. Le choix d’une TOU avant le 31 mars 2023 leur aurait en effet permis d’obtenir les déductions sociales souhaitées pour l’intégralité de l’année fiscale, ce qu’ils ne pouvaient toutefois discerner avant de recevoir leur avis de taxation. Or, dans les multiples notices et formules protocolaires qu’elle leur avait notifiées au sujet de l’impôt à la source, l’AFC-GE n’avait jamais prévenu les contribuables que la déduction sociale pour un enfant né en décembre ne pouvait être prise en compte que s’ils procédaient à une TOU. Il convenait à cet égard de rappeler que « par le passé », lors du processus de rectification de l’impôt à la source, un enfant né pendant l’année fiscale était pris en compte pour déterminer le barème d’imposition pour toute la période. Tel avait été le cas pour eux en 2021, à la suite de la naissance de leur fils cadet au mois de mai de l’année en question. L’AFC-GE leur avait confirmé ceci oralement lorsqu’ils l’avaient contactée après réception de l’avis de taxation litigieux. Elle leur avait également expliqué que si leur fils E______ était né en novembre 2022 ou s’ils avaient requis une taxation ordinaire ultérieure, ils auraient obtenu la déduction pour charge de famille correspondante pour toute l’année 2022.
12. Dans sa réponse du 13 août 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.
Les contribuables étaient domiciliés en France et exerçaient une activité dépendante en Suisse ; ils étaient donc imposables à la source sur le revenu de cette activité. Dès lors qu’ils étaient mariés, faisaient ménage commun et travaillaient tous deux, l’AFC-GE avait procédé, conformément à l’art. 38F al. 1 let. a LPFisc, à une rectification de l’impôt à la source en appliquant les barèmes prévus par le RISP.
S’agissant du nombre d’enfants à prendre en considération, à savoir deux ou trois, il résultait clairement des nouvelles dispositions légales et de la jurisprudence du tribunal que les modifications occasionnant un changement de barème devaient être prises en compte dès le début du mois suivant le changement survenu, soit en l’espèce à compter du 1er janvier 2023.
Le recourant étant avocat, il ne pouvait se prévaloir du fait qu’il aurait ignoré ce changement de loi ou que celui-ci n’aurait pas été mis en exergue par l’AFC-GE. Il aurait en outre pu solliciter une TOU afin de bénéficier du barème C3, ce qu’il n’avait pas fait. Son épouse et lui-même étaient donc soumis aux règles ordinaires d’imposition à la source, règles qui avaient été respectées en l’occurrence.
Les griefs d’arbitraire, d’inégalité de traitement, ainsi que de violation du principe de la capacité contributive et de la bonne foi étaient infondés. Depuis la révision de l’imposition à la source, les quasi-résidents pouvaient demander à être soumis à une TOU. Ils étaient ainsi mis sur un pied d’égalité avec les contribuables soumis à l’imposition ordinaire. Le nouvel art. 1 al. 3 RISP tenait en outre compte au mois près de la capacité économique des contribuables, conformément à l’art. 127 al. 2 de la Constitution fédérale (Cst. - RS 101).
Ainsi, c’était à juste titre que l’AFC-GE avait maintenu la taxation des contribuables pour la période fiscale 2022.
13. Les contribuables n’ont pas répliqué.
1. Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 LPFisc ; art. 140 LIFD).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Les époux qui vivent en ménage commun exercent les droits et s’acquittent des obligations qu’ils ont en vertu de la présente loi de manière conjointe (art. 113 al. 1 LIFD ; art. 16 al. 1 2ème phr. LPFisc). Pour que les recours et autres écrits soient réputés introduits en temps utile, il suffit que l’un des époux ait agi dans les délais (art. 113 al. 3 LIFD ; art. 16 al. 3 1ère phr. LPFisc).
Ces dispositions légales instituent une forme de représentation réciproque des époux dans la procédure fiscale. La validité des actes de procédure n’est pas soumise au fait qu’ils proviennent des deux conjoints. Chacun des époux peut en principe exercer ses droits ou s’acquitter de ses obligations de manière indépendante. Peu importe de savoir lequel des époux a exercé seul un droit ou s’est acquitté seul d’une obligation, son acte de procédure déployant également des effets pour l’autre époux (ATA/576/2020 du 9 juin 2020 consid. 4 s. et les références citées)
4. En l’espèce, le recourant a recouru seul contre la décision sur réclamation de l’AFC-GE du 10 mai 2024 et a reçu à son seul nom l’ensemble de la correspondance émise par le greffe du tribunal. Dans la mesure où il vit en ménage commun avec son épouse, son recours est toutefois réputé émaner des deux conjoints. Le présent jugement déploie dès lors des effets également à l’encontre de son épouse (ci-après : la recourante).
5. Le litige porte sur la question de savoir si les recourants pouvaient, dans le cadre de la réclamation formée contre leur avis de taxation d’impôt à la source 2022, solliciter la prise en compte de trois charges de famille sur la totalité de la période fiscale 2022, subsidiairement demander un délai supplémentaire pour déposer une TOU en relation avec la période en question.
6. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il n’est lié ni par les motifs invoqués par les parties (cf. art. 69 al. 1 LPA cum art. 2 al. 2 LPFisc ; cf. également art. 51 al. 1 LPFisc), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/585/2015 du 9 juin 2015 ; ATA/285/2013 du 7 mai 2013 ; ATA/402/2012 du 26 juin 2012).
Les questions litigieuses étant traitées de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent jugement traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 ; ATA/1248/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3c).
7. Sont applicables au cas d’espèce, au niveau fédéral, la Convention entre la Suisse et la France en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales du 9 septembre 1966 (CDI-F; RS 0.672.934.91) et la LIFD et, sur le plan cantonal, la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), la LISP, le règlement d’application de la LISP du 30 septembre 2020 (RISP - D 3 20.01), la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) ainsi que la LPFisc, applicable par renvoi de l’art. 17 al. 1 LISP, dans leur teneur dès le 1er janvier 2022.
8. Les frontaliers, les résidents à la semaine et les résidents de courte durée domiciliés à l’étranger qui exercent une activité lucrative dépendante en Suisse sont soumis à l’impôt à la source sur le revenu de leur activité en Suisse (art. 91 LIFD, art. 35 LHID, art. 6 LISP). La même règle découle de l’art. 17 CDI-F.
9. L’art. 85 LIFD, entré en vigueur le 1er janvier 2021, est situé dans la quatrième partie de la LIFD intitulée « Imposition à la source des personnes physiques et morales ». Il a la teneur suivante :
Art. 85 Retenue de l’impôt à la source
1 L’Administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) calcule le montant de l’impôt retenu à la source sur la base des barèmes de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
2 Le montant de la retenue tient compte des frais professionnels (art. 26 LIFD) et des primes d’assurance (art. 33 al. 1 let. d, f et g LIFD) sous forme de forfaits, ainsi que des déductions pour les charges de famille du contribuable (art. 35 LIFD). L’AFC publie le montant des différents forfaits.
3 La retenue sur le revenu des époux vivant en ménage commun qui exercent tous deux une activité lucrative est calculée selon des barèmes qui tiennent compte du cumul des revenus des conjoints (art. 9 al. 1 LIFD), des forfaits et des déductions prévus à l’al. 2 et de la déduction accordée en cas d’activité lucrative des deux conjoints (art. 33 al. 2 LIFD).
4 L’AFC fixe avec les cantons de manière uniforme, d’une part, comment notamment le 13ème salaire, les gratifications, les horaires variables, le travail rémunéré à l’heure, le travail à temps partiel ou l’activité lucrative accessoire ainsi que les prestations au sens de l’art. 18, al. 3, de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants doivent être pris en compte et, d’autre part, quels sont les éléments déterminants pour le calcul du taux de l’impôt. Elle fixe aussi avec les cantons la procédure à suivre en cas de changement de tarif, d’adaptation ou de correction rétroactive des salaires ainsi que de prestations fournies avant ou après l’engagement.
5 En accord avec l’autorité cantonale, elle fixe les taux qui doivent être incorporés dans le barème cantonal au titre de l’impôt fédéral direct.
10. Le Message du Conseil fédéral du 28 novembre 2014 concernant la loi fédérale sur la révision de l’imposition à la source du revenu de l’activité lucrative indique que le nouvel art. 85 al. 1 LIFD correspond au droit en vigueur puisqu’il attribue à l’AFC la compétence de fixer le barème des retenues de l’impôt à la source. L’al. 2 règle les déductions forfaitaires dont il faut tenir compte pour fixer le barème de l’impôt à la source et renvoie aux dispositions de la LIFD y relatives, en précisant que ces renvois se rapportent au système postnumerando désormais applicable dans toute la Suisse (FF 2014 644).
11. S’agissant des déductions pour charges de famille qu’il mentionne, l’art. 85 al. 2 LIFD renvoie à l’art. 35 LIFD. Celui-ci est situé au chapitre 4 « Déductions sociales » de la LIFD, titre 2 « Impôt sur le revenu ».
Au 31 décembre 2022, la teneur de l’art. 35 LIFD était la suivante :
Art. 35
1 Sont déduits du revenu :
a. 6'500 francs pour chaque enfant mineur ou faisant un apprentissage ou des études, dont le contribuable assure l’entretien […]
2 Les déductions sociales sont fixées en fonction de la situation du contribuable à la fin de la période fiscale (art. 40 LIFD) ou de l’assujettissement.
12. Selon le tableau des déductions incluses dans le barème IFD de l’impôt à la source 2022 (disponible à l’adresse https://www.ge.ch/document/deductions-ifd-impot-source-2022), la déduction pour enfant incluse dans ledit barème s’élevait à CHF 6'500.- cette année-là.
13. Sur le plan cantonal, le nouvel art. 3 LISP est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Il se calque sur l’art. 33 LHID et a la teneur suivante :
Art. 3 Structure des barèmes et calcul des retenues d’impôt
1 Les retenues d’impôt à la source sont fixées sur la base des barèmes de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et comprennent les impôts fédéral, cantonal et communal, y compris les centimes additionnels cantonaux et communaux, les centimes additionnels communaux étant calculés forfaitairement.
2 Les dépenses professionnelles, les primes d’assurance et les déductions pour charges de famille sont prises en considération forfaitairement et sont intégrées dans les barèmes.
3 L’impôt concernant les époux vivant en ménage commun et qui exercent tous deux une activité lucrative est calculé selon des barèmes qui tiennent compte du cumul des revenus des conjoints, des déductions prévues à l’alinéa 2 et de la déduction accordée en cas d’activité des deux conjoints.
4 L’AFC-CH fixe avec les cantons de manière uniforme […] quels sont les éléments déterminants pour le calcul du taux de l’impôt. Elle fixe aussi avec les cantons la procédure à suivre en cas de changement de barème […].
5 En accord avec l’autorité cantonale, elle fixe les taux qui doivent être incorporés dans le barème cantonal au titre de l’impôt fédéral direct. […]
14. L’art. 3 al. 2 LISP ne définit pas la notion de « déductions pour charges de famille », ni ne renvoie à la loi générale sur ce point.
Toutefois, l’art. 39 al. 1-2 LIPP, situé au chapitre III « Impôt sur le revenu » de la LIPP, section 4 « Déductions sociales », avait la teneur suivante au 31 décembre 2022 :
Art. 39 Déduction pour charges de famille
1 Est déduit du revenu net annuel :
a. 13 000 francs pour chaque charge de famille […] ;
2 Constituent des charges de famille :
Enfants mineurs
a. chaque enfant mineur sans activité lucrative ou dont le gain annuel ne dépasse pas 15'333 francs (charge entière) ou 23'000 francs (demi-charge), pour celui des parents qui en assure l’entretien ; […]
15. L’art. 65 al. 1 LIPP, situé au chapitre V « Imposition dans le temps » de la LIPP, a enfin la teneur suivante :
Art. 65 Déductions sociales et barèmes
1 Les déductions sociales et les barèmes sont déterminés d’après la situation existant à la fin de la période fiscale ou de l’assujettissement.
16. À teneur du tableau des déductions prises en considération dans le barème ICC de l’impôt à la source 2022 (disponible à l’adresse https://www.ge.ch/document/ deductions-icc-impot-source-2022), la déduction pour enfant incluse dans ledit barème s’élevait à CHF 13'000.- cette année-là.
17. Le 12 juin 2019, l’AFC-CH a édicté, en application de l’art. 85 al. 4 LIFD – lequel requiert que le calcul de l’impôt à la source des travailleurs soit uniformisé dans le sens des articles 83 et 91 LIFD –, la circulaire n° 45 « Imposition à la source du revenu de l’activité lucrative des travailleurs ». Celle-ci est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 et est applicable à l’ensemble de la Suisse (p. 4 et 69 ; ci-après : circulaire n° 45).
Cette circulaire prévoit notamment, au chapitre 4 intitulé « Principes concernant l’application des barèmes », que « le barème d’impôt applicable est régi par la situation personnelle de la personne imposée à la source au moment du paiement, du virement, de l’inscription au crédit ou de l’imputation de la prestation imposable (voir art. 2 al. 1 OIS) ». Elle précise que « toute modification occasionnant un changement de barème (par ex. mariage, divorce, séparation, naissance d’enfants, début ou fin d’une activité lucrative, entrée dans ou sortie d’une église nationale) est à prendre en considération pour le prélèvement de l’impôt à la source dès le début du mois suivant le changement survenu » (p. 15, ch. 4.1 et p. 44, ch. 7.4).
18. Au niveau cantonal, le principe susmentionné est repris à l’art. 1 al. 3 RISP, dont la teneur est la suivante :
Art. 1 Barèmes de l'impôt à la source
3 L’état civil et les charges de famille pris en considération sont ceux du contribuable à la fin du mois précédant la date du prélèvement de l’impôt à la source tel que défini à l’article 2, alinéa 1, du présent règlement.
19. L’AFC-GE publie chaque année des directives concernant l’imposition à la source dont le contenu correspond à celui de la circulaire n° 45 citée ci-avant (ci-après : directives AFC-GE).
20. En comparaison, l’ancien art. 86 al. 1 LIFD, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, avait la teneur suivante :
Art. 86 Structure du barème
1 Le barème tient compte des frais professionnels (art. 26) et des primes et cotisations d’assurances (art. 33, al. 1, let. d, f et g) sous forme de forfait, ainsi que des charges de famille du contribuable (art. 35 et 36).
21. Les art. 1 al. 2 et 2 al. 1 de l’ancienne ordonnance du Département fédéral des finances du 19 octobre 1993 sur l’imposition à la source dans le cadre de l’impôt fédéral direct (OIS – RS 642.118.2) disposaient quant à eux ce qui suit :
Art. 1 Barèmes pour les travailleurs
2 Est déterminante pour la retenue d’impôt la situation au moment du paiement, du virement, de l’inscription au crédit ou de l’imputation de la prestation imposable.
Art. 2 Réglementation des questions spéciales
1 D’entente avec les cantons, l’Administration fédérale des contributions règle le détail du calcul et de l’application des barèmes ainsi que du prélèvement de l’impôt à la source dans les cas spéciaux. Elle règle en particulier :
a. la structure et l’étendue des barèmes ainsi que leur intégration dans les barèmes cantonaux ;
b. le montant des déductions forfaitaires dont il doit être tenu compte dans les barèmes (art. 86, al. 1, LIFD) ; […]
22. Le rapport publié en 1995 par le groupe de travail « Impôt à la source » de la Conférence des fonctionnaires fiscaux d’État mentionnait, en relation avec l’art. 1 al. 2 OIS susmentionné, que des modifications de la situation personnelle déterminant l’utilisation d’un barème particulier (état civil, nombre d’enfants et de personnes à charge, etc.) devaient « être prises en compte immédiatement, c’est-à-dire dès la retenue d’impôt suivante ». Il citait comme exemple le fait qu’en cas de mariage de deux personnes assujetties à l’impôt à la source, le barème « double gagnants » entrait en vigueur immédiatement, alors que dans l’imposition ordinaire, les époux étaient imposés ensemble selon la procédure ordinaire pour toute la période.
23. Sur le plan cantonal, l’ancien art. 1 al. 2 RISP (en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), disposait en revanche ce qui suit :
Art. 1 Barèmes A, B, C et H
2 L’état civil et les charges de famille pris en considération sont ceux du contribuable au 31 décembre de l’année en cours ou à la date de fin d’assujettissement si elle était antérieure.
24. Conformément à cette disposition, les directives de l’AFC-GE concernant l’impôt à la source valables pour l’année 2020 prévoyaient que la modification de barème résultant d’un mariage, d’une naissance ou de l’accès à la majorité d’un des enfants devait être prise en compte par l’employeur avec effet rétroactif au 1er janvier 2020 (cf. p. 15, ch. 3.1 et p. 22-23, ch. 3.5).
25. Conformément à l’art. 1 al. 1 let. c de l’ordonnance du Département fédéral des finances du 11 avril 2018 sur l’imposition à la source dans le cadre de l’impôt fédéral direct (OIS - RS 642.118.2) et à l’art. 1 al. 1 let. c RISP, le barème C est appliqué aux couples mariés vivant en ménage commun, dont les deux conjoints exercent une activité lucrative ou perçoivent des revenus acquis en compensation. Ce barème est lui-même divisé en barèmes C0, C1, C2, C3, C4 et C5, en fonction du nombre d’enfants à charge (cf. annexe 1 du règlement fixant les barèmes d’imposition à la source des personnes physiques et morales [RISP-Barèmes – D 3 20.02]).
26. Aux termes de l’art. 137 al. 1 let. a LIFD, le contribuable peut, jusqu’au 31 mars de l’année fiscale qui suit l’échéance de la prestation, exiger que l’autorité de taxation rende une décision relative à l’existence et l’étendue de l’assujettissement, en particulier s’il conteste l’impôt à la source indiqué sur l’attestation.
En droit cantonal, selon l’art. 38E al. 1 LPFisc, intitulé « Rectification de l’impôt à la source à la demande du contribuable et du débiteur de la prestation imposable », le contribuable peut, jusqu’au 31 mars de l’année fiscale qui suit l’échéance de la prestation, exiger que l’autorité fiscale rende une décision relative à l’existence et l’étendue de l’assujettissement : a) s’il conteste l’impôt à la source indiqué sur l’attestation mentionnée à l’art. 38A al. 1 let. b LPFisc ou b) si l’employeur ne lui a pas remis l’attestation mentionnée à l’art. 38A al. 1 let. b LPFisc.
Selon l’exposé des motifs (PL 12'548, p. 35s), la possibilité de demander une rectification dans le délai échéant le 31 mars de l’année suivant l’année fiscale visée doit permettre de demander la rectification de l’impôt à la source. Celle-ci peut porter sur l’assujettissement, l’assiette, la modification du barème ou une erreur dans le taux appliqué ou le montant de la retenue. La correction du barème liée à la prise en compte d’enfants majeurs est expressément mentionnée à titre d’exemple de correction pouvant être demandée dans le délai précité. Il est encore précisé que l’art. 38E LPFisc introduit « expressément un délai fixe pour ces demandes de rectification et ce, quel que soit le motif » et que « pour les demandes relatives aux barèmes et aux taux, la position retenue est plus restrictive que la jurisprudence en vigueur jusqu’à ce projet de loi » (ATA/549/2024 du 30 avril 2024 consid. 2.8).
27. La loi prévoit également une voie pour la rectification de l’impôt à la source retenu par l’employeur à disposition de l’autorité fiscale (art. 38F LPFisc).
Selon l’art. 38F LPFisc, intitulé « Rectification de l’impôt à la source par l’autorité fiscale », afin de tenir compte des revenus réellement perçus par le contribuable, l’autorité fiscale « rectifie l’imposition » notamment dans le cas suivant : lorsque les époux vivant en ménage commun exercent tous deux une activité lucrative ou perçoivent des revenus acquis en compensation (doubles gagnants) et sont, de ce fait, soumis à la retenue calculée selon le barème C intégrant un revenu théoriquement perçu par le conjoint, tel que prévu dans le règlement d’exécution visé à l’art. 19 LISP (al. 1 let. a). Cette rectification est calculée au moyen des barèmes prévus dans ledit règlement (al. 2).
Il découle du texte même de cette disposition qu’elle a un caractère impératif, à savoir que l’autorité fiscale doit procéder à la rectification de l’impôt à la source dans l’hypothèse susvisée (JTAPI/3/2025 du 6 janvier 2025 consid. 11).
28. Conformément à l’art. 27 RISP, en cas de rectification de l’impôt à la source selon l’art. 38F al. 1 LPFisc, l’imposition du couple est rectifiée à l’aide du barème Cr de rectification (cf. art. 8 et annexe 2 RISP-Barèmes).
29. Par ailleurs, l’art. 38G LPFisc précise qu’en application des art. 38E et 38F LPFisc, l’autorité fiscale rend une décision qui peut rectifier ou confirmer l’impôt à la source prélevé par le débiteur de la prestation imposable.
30. Selon les art. 139 al. 1 LIFD et 38K LPFisc, le contribuable peut s’opposer à une décision en matière d’imposition à la source en présentant une réclamation selon les art. 132 LIFD et 39 LPFisc.
31. Enfin, tant la LIFD que la LISP prévoient, pour les contribuables comme pour l’AFC-GE, des possibilités de requérir, respectivement d’effectuer, une TOU. Les contribuables doivent requérir la TOU au plus tard le 31 mars de l’année suivant l’année fiscale concernée (art. 99a al. 1 LIFD, 33b al. 1 à 3 LHID et 15 LISP). À défaut, l’impôt à la source se substitue à l’impôt direct sur le revenu de l’activité lucrative perçu selon la procédure ordinaire et aucune déduction ultérieure supplémentaire n’est accordée (art. 99 LIFD, art. 33b al. 4 LHID, 5 al. 4 et 14 LISP ; ATA/1151/2024 du 1er octobre 2024 consid. 2.9).
32. Selon la jurisprudence cantonale récente, les travaux préparatoires relatifs à la révision du droit cantonal indiquent clairement qu’il appartient au contribuable de se manifester en demandant une rectification de l’impôt à la source ou une TOU avant le 31 mars suivant l’année fiscale visée pour l’ensemble des éléments déterminants. Passé ce délai, le contribuable est forclos pour remettre en cause les éléments de taxation (ATA/549/2024 du 30 avril 2024 consid. 3). Seule demeure la possibilité de critiquer la somme de la retenue d’impôt et cela soit en faveur du fisc, soit en faveur du contribuable (ATF 144 II 313 consid. 6.2 in fine ; 135 II 274 consid. 5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1017/2015 du 9 mars 2017 consid. 2.1 ; 2C_168/2014 du 29 octobre 2014 consid. 4.2 ; 2C_684/2012 du 5 mars 2013 consid. 5.2 ; ATA/1151/2024 précité consid. 2.12).
33. Dans un jugement du 18 décembre 2023, le tribunal de céans a considéré que l’AFC-GE avait rejeté à juste titre la demande de rectification de l’impôt à la source d’un contribuable qui avait demandé à être mis au bénéfice du barème H0 (famille monoparentale) avec demi-charge de famille pour la totalité de l’année 2021 à la suite de la naissance de son fils au mois de juin 2021. Le grief du contribuable, selon lequel les nouvelles dispositions en matière d’impôt à la source n’étaient pas suffisamment précises et ne permettaient pas de comprendre que la situation des personnes imposées à la source allait désormais être appréciée mois par mois, contrairement à ce qui prévalait sous l’ancien droit, était infondé. La lecture des nouveaux art. 1 al. 3 et 2 al. 1 RISP permettait de comprendre que, contrairement à l’ancien art. 1 al. 2 RISP, ce n’était plus la situation du contribuable au 31 décembre de l’année concernée qui était déterminante dans la prise en considération de l’état civil et des charges de famille. La manière de prendre en considération une modification de la situation du contribuable était formulée de manière parfaitement claire par ces dispositions et ne souffrait d’aucune imprécision. Cette modification législative avait fait l’objet de la circulaire no 45 ainsi que de directives annuelles de l’AFC-GE publiées sur le site internet de l’Etat de Genève, expliquant au moyen d’exemples concrets comment étaient répercutés fiscalement les changements de situation d’un employé imposé à la source. Le nouvel art. 1 al. 3 RISP tenait en outre compte de manière plus précise – au mois près – de la capacité économique des contribuables, conformément à l’art. 127 al. 2 Cst. Il ne consacrait pas non plus d’inégalité de traitement avec les contribuables imposés selon la procédure ordinaire. Dans le cas du recourant, le nouveau droit lui était certes moins favorable que l’ancien, puisqu’il ne lui accordait une demi-charge de famille qu’à compter du 1er juillet 2021, au lieu d’une demi-charge de famille pour toute la période d’assujettissement en application de l’ancien droit. Toutefois, dans l’hypothèse où le recourant aurait vécu en ménage commun avec un enfant ou une personne nécessiteuse jusqu’au 30 juin 2021 par exemple, l’ancien droit ne lui aurait pas permis de bénéficier d’une demi-charge de famille, puisque seule sa situation au 31 décembre aurait été prise en considération. Ainsi, attendu que le nouveau droit pouvait engendrer dans ce genre de situation des taxations tout autant favorables que défavorables aux contribuables imposés à la source, il ne pouvait être considéré que le recourant fût victime d’une inégalité de traitement ou d’une discrimination. Ce changement de pratique apparaissait en outre plus conforme au principe de la capacité contributive (JTAPI/1420/2023 du 18 décembre 2023 consid. 13, 19 et 20 ; pour un autre exemple de prise en considération mois après mois de la situation familiale du contribuable, cf. JTAPI/3/2025 précité, En fait, ch. 6).
34. En l’espèce, l’employeur du recourant a calculé la retenue à la source sur le salaire du précité en fonction du barème C2 entre janvier et novembre 2022, et sur la base du barème C3 en décembre 2022, compte tenu de la naissance de l’enfant E______ au début de ce même mois. Aucun impôt à la source n’a en revanche été prélevé sur les revenus de la recourante. Les recourants n’ont en outre sollicité ni de rectification de l’impôt à la source ni de TOU pour la période fiscale 2022 dans le délai échéant au 31 mars 2023.
L’AFC-GE a toutefois procédé elle-même, selon toute vraisemblance sur la base des art. 38F al. 1 let. a et 38G al. 1 LPFisc, à une rectification de l’impôt à la source dû par les recourants afin de prendre en considération les revenus réalisés par la recourante. Elle a ainsi établi un avis de taxation le 4 mars 2024 qui aboutissait à un surplus d’impôt de CHF 5'640.20. Ce montant était calculé sur la base du barème de rectification Cr2 pour l’ensemble de la période fiscale et s’écartait en partie de la retenue opérée par l’employeur du recourant qui avait appliqué le barème C3 dès le mois de décembre 2022.
Dans le cadre de leur réclamation puis de leur recours, les recourants ont contesté le montant réclamé dans l’avis de taxation susmentionné et sollicité, à titre principal, que leur impôt à la source 2022 soit fixé à CHF 24'914.40, soit le montant retenu sur le salaire de l’employeur du recourant. Ils ont conclu, subsidiairement, à l’admission de leurs trois charges de famille pour l’année fiscale 2022 en application du barème d’imposition à la source Cr3 et, plus subsidiairement, à l’octroi d’un délai pour déposer une TOU pour l’année fiscale susmentionnée.
À la lecture de leur recours, il appert que leur conclusion principale – tendant à ce qu’aucun impôt supplémentaire ne leur soit imputé pour l’année fiscale 2022 – n’est sous-tendue par aucune motivation. Ils reprochent en revanche à l’AFC-GE d’avoir mal interprété l’art. 1 al. 3 RISP, respectivement d’avoir appliqué cette disposition de manière contraire au droit supérieur, en considérant que le barème Cr3 ne leur était applicable qu’à partir du mois de janvier 2023. Ils estiment que ledit barème aurait dû leur être appliqué dès le mois de janvier 2022, conformément aux art. 35 al. 2 LIFD et 65 al. 1 LIPP.
Ce faisant, les recourants sollicitent une rectification du barème C2 appliqué par l’employeur du recourant de janvier à novembre 2022. Or, ainsi que le tribunal de céans en a décidé dans un récent jugement, pour pouvoir obtenir une telle correction, les recourants disposaient de deux voies, à savoir celle prévue par les art. 137 al. 1 LIFD et 38E al. 1 LPFisc (« Rectification de l’impôt à la source à la demande du contribuable ») ou celle des art. 99a LIFD et 15 LISP (« Taxation ordinaire ultérieure sur demande »), étant précisé qu’en vertu de ces dispositions, les deux demandes devaient être déposées au plus tard le 31 mars 2023. N’ayant fait usage d’aucune de ces deux voies, les recourants sont forclos à solliciter une telle modification dans le cadre de la contestation des bordereaux rectificatifs émis par l’AFC-GE. Leur permettre de procéder de la sorte dans le cadre du présent recours viderait en effet de sa substance le délai fixé par les dispositions précitées (cf. JTAPI/3/2025 du 6 janvier 2025 consid. 11).
Il s’ensuit que l’AFC-GE a refusé à juste titre d’entrer en matière sur la réclamation des recourants en tant que celle-ci visait à faire valoir une troisième déduction pour charge de famille pour la période de janvier à novembre 2022. Une telle déduction aurait en effet dû être sollicitée dans le délai échéant au 31 mars 2023 (cf. infra consid. 38 s’agissant de la demande de restitution de délai pour déposer une TOU formulée par les recourants).
35. Il en va autrement s’agissant du mois de décembre 2022. Il résulte en effet du dossier que l’employeur du recourant a pris en considération la charge de famille correspondant à la naissance de l’enfant E______ dès le mois en question. Les recourants n’avaient dès lors aucun intérêt à faire valoir cette charge de famille supplémentaire pour le mois de décembre 2022 dans le cadre d’une demande de rectification de l’impôt à la source déposée avant le 31 mars 2023, puisqu’elle leur avait d’ores et déjà été appliquée dans le cadre du prélèvement opéré par l’employeur du contribuable. Ce n’est qu’à compter du moment où ils ont reçu l’avis de taxation du 4 mars 2024, lequel écartait la charge en question et leur appliquait le barème Cr2 également pour le mois de décembre 2022, qu’ils ont eu un intérêt à contester cette modification de leur imposition (dans le même sens, cf. JTAPI/3/2025 du 6 janvier 2025 consid. 11).
Les griefs des recourants – à savoir mauvaise application de l’art. 1 al. 3 RISP, contradiction avec le droit supérieur et violation de divers principes constitutionnels – peuvent dès lors être examinés en relation avec ce refus de l’AFC-GE de leur accorder une déduction pour leur troisième charge de famille pour l’impôt à la source du mois de décembre 2022.
36. En l’occurrence, l’enfant E______ est né le ______ 2022. Conformément à la circulaire no 45 et à l’art. 1 al. 3 RISP, le passage du barème C2 (couple marié avec deux enfants) au barème C3 (couple marié avec trois enfants) pour le prélèvement de l’impôt à la source ne pouvait dès lors intervenir avant le mois de janvier 2023. Selon la lettre claire des textes précités, les charges de famille déterminantes pour le calcul de la retenue à la source sont en effet celles existant à la fin du mois précédant la date du prélèvement, lequel s’effectue au moment du paiement de la prestation imposable. L’employeur du recourant devait dès lors calculer le prélèvement de l’impôt à la source sur le salaire du mois de décembre 2022 selon le barème correspondant à deux charges de famille et non à trois charges de famille comme il l’a fait.
Cette conséquence de la circulaire no 45 et de l’art. 1 al. 3 RISP n’est d’ailleurs pas remise en cause par les recourants. Ces derniers font en revanche valoir que ce principe s’appliquerait uniquement dans le cadre du prélèvement de l’impôt à la source par l’employeur et que moyennant le dépôt d’une demande de rectification de cet impôt, respectivement le dépôt d’une réclamation contre l’avis de taxation du 4 mars 2024, ils auraient dû bénéficier du barème Cr3 pour toute l’année 2022 (NB: conformément à ce qui a été exposé ci-avant au considérant 35, ce grief sera examiné uniquement en relation avec le mois de décembre 2022).
37. Comme relevé ci-avant, les anciennes directives de l’AFC-GE concernant l’impôt à la source prévoyaient que la modification de barème résultant d’un mariage, d’une naissance ou de l’accès à la majorité d’un des enfants devait être prise en compte par l’employeur avec effet rétroactif au 1er janvier. À l’inverse, la circulaire n° 45 et les directives de l’AFC-GE entrées en vigueur le 1er janvier 2021 stipulent désormais que le barème de l’impôt à la source est fixé en fonction de la situation personnelle du contribuable à la fin du mois précédant le paiement de la prestation imposable.
Contrairement à ce qu’affirment les recourants, ces nouvelles dispositions ne distinguent pas, d’une part, le prélèvement de l’impôt en cours de période fiscale par le débiteur de la prestation imposable et, d’autre part, le calcul de l’impôt à la source dû à la fin de la période fiscale considérée. Cette absence de prise en compte rétroactive d’un changement de situation familiale du contribuable en cours de période fiscale est corroborée par plusieurs exemples concrets figurant dans la circulaire n° 45 (cf. p. 45-49) et dans les directives de l’AFC-GE (cf. ch. 5.8). Aucun de ces exemples ne montre en effet qu’un contribuable dont l’enfant est né en fin d’année pourrait obtenir, d’office ou par le biais d’une demande de rectification de l’impôt à la source formée avant le 31 mars 2023, une rectification rétroactive du barème d’imposition pour l’ensemble de la période fiscale considérée (cf. également le ch. 11.6 de la circulaire n° 45 qui n’envisage pas de nouveau calcul de l’impôt à la source en fin de période fiscale en cas de changement de situation familiale du contribuable). Ces modalités d’application apparaissent également dans plusieurs décisions récemment rendues par l’AFC-GE en matière d’impôt à la source (cf. JTAPI/3/2025 précité, En fait, ch. 6 et JTAPI/1420/2023 précité, En fait, ch. 5 à 7).
38. Comme exposé ci-dessus, cette absence d’adaptation rétroactive du barème de prélèvement n’empêchait pas les recourants d’obtenir une déduction de leur charge de famille supplémentaire pour la totalité de l’année fiscale 2022, au même titre qu’un contribuable soumis à l’imposition ordinaire. Pour ce faire, il suffisait aux intéressés de solliciter une TOU avant le 31 mars 2023 conformément à l’art. 15 al. 1 let. a LISP, étant précisé que la réalisation des conditions de cette disposition n’est pas contestée. Ceci leur aurait permis de bénéficier de l’application des art. 35 al. 2 LIFD et 65 al. 1 LIPP, lesquels prévoient que dans le cadre de l’imposition ordinaire du revenu des personnes physiques, la déduction sociale est fixée en fonction de la situation du contribuable à la fin de la période fiscale ou de l’assujettissement. Les recourants n’ont toutefois pas procédé à cette démarche. À cet égard, ils ne sauraient se retrancher derrière une mauvaise compréhension des nouvelles dispositions sur l’imposition à la source pour obtenir une restitution du délai dans lequel ils devaient solliciter une TOU. Une telle mécompréhension ne constitue en effet pas un motif sérieux justifiant de déroger aux exigences légales en matière de respect des délais, en particulier lorsque l’un des contribuables exerce une profession juridique comme c’est le cas en l’espèce (cf. not. ATF 126 V 308 consid. 2b et les arrêts cités ; JTAPI/31/2024 du 16 janvier 2024 consid. 7 et la référence à l’ATA/319/2012 du 22 mai 2012 consid. 8 ; Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n° 13 ad art. 133 LIFD). À supposer que les recourants aient été dans l’incertitude au sujet de la prise en compte, sur le plan fiscal, de la naissance de leur troisième enfant au mois de décembre 2022, il leur incombait de se renseigner auprès de l’AFC-GE ou d’un mandataire professionnellement qualifié, de manière à pouvoir procéder aux démarches nécessaires dans les délais légaux.
39. Les recourants ne sauraient non plus tirer argument du fait qu’ils auraient obtenu la déduction de la charge de famille résultant de la naissance de leur deuxième enfant au mois de mai 2021 de manière rétroactive pour la totalité de l’année fiscale 2021, alors que la circulaire n° 45 et le nouvel art. 1 al. 3 RISP étaient déjà entrés en vigueur. À supposer que tel ait été le cas – ce que les recourants ne démontrent pas dès lors qu’ils ne produisent aucun document en lien avec cette période fiscale – cette erreur n’aurait pas lié l’AFC-GE et ne l’aurait pas empêchée de procéder de manière conforme à la loi lors des périodes fiscales suivantes (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 6 et les arrêts cités).
Le recours doit par conséquent d’ores et déjà être rejeté en tant qu’il conteste le refus de l’AFC-GE d’octroyer aux recourants un nouveau délai pour déposer une TOU pour l’année fiscale 2022.
40. Reste encore à déterminer si cette absence d’effet rétroactif de la déduction de la troisième charge de famille des recourants dans le cadre de leur imposition à la source 2022 est contraire au droit supérieur, respectivement aux principes constitutionnels qu’ils invoquent. À nouveau, il convient de souligner que cette question ne sera examinée qu’en relation avec l’impôt à la source du mois de décembre 2022 et que l’issue du litige demeurera sans effet sur la période de janvier à novembre 2022 pour les raisons exposées ci-avant (cf. consid. 34).
41. La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge doit rechercher la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur telle qu’elle ressort, entre autres, des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 141 II 280 consid. 6.1 ; 140 II 202 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_961/2016 du 30 mars 2017 consid. 4.1 ; 2C_354/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.1). Le juge ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 135 II 243 consid. 4.1 ; 133 III 175 consid. 3.3.1 ; 133 V 57 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_102/2016 du 20 décembre 2016 consid. 2.3).
42. Il apparaîtrait difficilement compréhensible que le choix, par un canton, du système postnumerando puisse être mis en œuvre de manière différenciée selon que l’on se trouve dans la détermination de l’impôt fédéral ou de l’impôt cantonal sur le revenu, alors même que les dispositions légales y relatives sont identiques. La cohérence du système juridique suisse exige au contraire la cohérence des normes fiscales, fédérales et cantonales, ainsi que celle de leur interprétation. En effet, l’harmonisation fiscale a pour but de mettre sur pied un système fiscal cohérent, de manière à permettre une vue d’ensemble de la législation fiscale. Cela exige des cantons qu’ils se conforment aux règles et à l’esprit de l’harmonisation. Le principe de cohérence veut également que l’on interprète le droit applicable à l’impôt fédéral direct et le droit cantonal qui règle la même matière de manière à réaliser une « harmonisation de la jurisprudence » (ATF 130 II 65 consid. 5.2 ; J.-M. RIVIER, La relation entre le droit fédéral et le droit cantonal en matière d’impôts directs: harmonisation et uniformisation, in Problèmes actuels de droit fiscal, Mélanges en l’honneur du Professeur Raoul OBERSON, Bâle 1995, p. 157 ss.).
Dans la même perspective, le Tribunal fédéral a précisé à propos de l’impôt à la source que, s’agissant des déductions supplémentaires à celles qui sont déjà comprises dans les déductions forfaitaires, une solution de rang cantonal différente de celle retenue pour l’impôt fédéral n’était pas envisageable, puisque les deux dispositions légales étaient semblables (arrêt du Tribunal fédéral 2A.705/2005 du 13 avril 2006 consid. 7 et 8).
43. En l’espèce, l’art. 85 al. 1 et 2 LIFD prévoit que le montant de l’impôt retenu à la source est calculé sur la base des barèmes de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et que le montant de la retenue tient notamment compte « des déductions pour les charges de famille du contribuable (art. 35 LIFD) ».
Au niveau cantonal, l’art. 3 al. 2 LISP a une teneur similaire à l’art. 85 LIFD dès lors qu’il dispose que « les déductions pour charges de famille sont prises en considération forfaitairement et sont intégrées dans les barèmes ». Contrairement à l’art. 85 précité, il ne renvoie certes pas expressément à l’art. 65 al. 1 LIPP, qui constitue le pendant cantonal de l’art. 35 al. 2 LIFD. Cette divergence n’est toutefois pas déterminante dès lors que le principe d’harmonisation exige une interprétation cohérente des normes fiscales fédérales et cantonales lorsque celles-ci ont des contenus semblables.
Les dispositions fédérales et cantonales susmentionnées se limitent ainsi à poser le principe selon lequel le montant de la retenue à la source doit notamment tenir compte des déductions pour charges de famille du contribuable. Elles ne précisent en revanche ni la notion de charge de famille, ni la manière dont les déductions en découlant doivent être prises en considération sur le plan temporel. L’art. 85 al. 2 LIFD comporte certes un renvoi à l’art. 35 LIFD, dont l’alinéa 1 définit la notion de charge de famille (« chaque enfant mineur ou faisant un apprentissage ou des études, dont le contribuable assure l’entretien ») et le montant de la déduction y afférente (CHF 6'500.- par charge de famille), et dont l’alinéa 2 prévoit que ladite déduction est fixée en fonction de la situation du contribuable à la fin de la période fiscale. D’un point de vue strictement littéral, aucun élément ne permet toutefois d’affirmer qu’en renvoyant de manière générale à cette disposition, le législateur entendait non seulement reprendre, dans le cadre de l’élaboration des barèmes de l’impôt à la source, la notion de charge de famille telle que définie dans le cadre de l’imposition ordinaire, mais également permettre au contribuable imposé à la source, dont l’enfant naît en cours de période fiscale, de solliciter la déduction y afférente pour la totalité de la période fiscale, comme dans le cadre de l’imposition ordinaire. À l’inverse, rien ne permet d’affirmer le contraire, à savoir que le législateur aurait voulu exclure pareil effet rétroactif.
44. Sur le plan historique, le Message du Conseil fédéral du 28 novembre 2014 relatif à la révision de l’imposition à la source se limite à indiquer que le nouvel art. 85 al. 1 LIFD correspond au droit en vigueur, puisqu’il attribue à l’AFC la compétence de fixer le barème des retenues de l’impôt à la source, et que l’alinéa 2 règle les déductions forfaitaires dont il faut tenir compte pour fixer ce barème. Il n’évoque en revanche pas les modalités temporelles de prise en compte de ces déductions. Comme le mentionne ce message, il convient cependant de relever que l’ancien art. 86 al. 1 LIFD prévoyait déjà que le barème de l’impôt à la source tenait compte des charges de famille du contribuable et que l’ancien art. 1 al. 2 OIS disposait déjà que la situation au moment du paiement de la prestation imposable était déterminante pour la retenue d’impôt. Ni ces dispositions, ni le rapport de la Conférence des fonctionnaires fiscaux d’État cité ci-avant, ne prévoyaient en revanche une prise en compte rétroactive des déductions pour charges de famille dans le cadre de l’impôt à la source. Dans cette mesure, le principe qui figure désormais dans la circulaire de l’AFC-CH du 12 juin 2019, selon lequel le barème de l’impôt à la source est adapté de mois en mois, en fonction de l’évolution de la situation du contribuable, ne recèle rien de nouveau.
Ainsi, cette évolution des dispositions légales et réglementaires précitées tend à corroborer que le renvoi de l’art. 85 al. 2 LIFD à l’art. 35 LIFD vise uniquement à assurer une application uniforme de la notion de charge de famille dans le cadre de l’imposition ordinaire et de l’imposition à la source (ce qui est également attesté par le fait que les montants des déductions pour enfant incluses dans les barèmes IFD et ICC de l’impôt à la source sont les mêmes que dans l’imposition ordinaire), et non pas à permettre au contribuable imposé à la source d’obtenir, d’office ou par le biais d’une demande de rectification déposée conformément aux art. 137 al. 1 let. a LIFD et 38E al. 1 LPFisc, la déduction sociale correspondante pour la totalité de la période fiscale concernée.
45. Attribuer une telle portée au renvoi de l’art. 85 al. 2 LIFD à l’art. 35 LIFD irait par ailleurs à l’encontre du principe posé aux art. 99a al. 1 LIFD, 33b al. 1 à 3 LHID et 15 LISP, selon lesquels en l’absence de TOU, l’impôt à la source se substitue à l’impôt fédéral direct, sans que des déductions supplémentaires soient accordées. Dès lors, une interprétation systématique et téléologique du renvoi précité conduit également à retenir que le législateur n’a pas voulu permettre au contribuable imposé à la source d’obtenir, par le biais d’une demande de rectification, la prise en compte d’une nouvelle charge de famille avec effet rétroactif au début de la période fiscale concernée.
46. En conséquence, l’affirmation des recourants, selon laquelle l’absence d’effet rétroactif de la déduction pour charge de famille dans le système de l’impôt à la source résultant de la circulaire no 45 et de l’art. 1 al. 3 RISP serait contraire au droit supérieur, ne peut être suivie, étant donné qu’il ne résulte pas de ces dispositions légales qu’un tel effet rétroactif devrait être accordé dans le cadre de cet impôt.
Conformément au principe d’harmonisation rappelé ci-avant, cette interprétation de l’art. 85 al. 2 LIFD doit également s’appliquer en ce qui concerne l’art. 3 al. 2 LISP, dès lors que ces deux dispositions ont un contenu semblable.
47. Il sera encore relevé que le fait que les modalités de prise en considération des changements de situation familiale du contribuable soient précisées dans des textes de niveau réglementaire ne paraît pas problématique sous l’angle du principe de légalité. Les art. 85 LIFD et 3 LISP comportent en effet, depuis le 1er janvier 2021, un alinéa 4 qui a délégué à l’AFC-CH la compétence de déterminer, notamment, « la procédure à suivre en cas de changement de tarif », compétence dont cette autorité a fait usage en édictant la circulaire no 45 et dont l’art. 1 al. 3 RISP ne fait que reprendre les principes (cf. ATF 149 II 177 consid. 8.3.2 ss).
48. Les recourants ne sauraient au surplus être suivis lorsqu’ils affirment que la règle selon laquelle les enfants nés en décembre seraient les seuls à ne pas bénéficier, en matière d’impôt à la source, d’une déduction sociale pour charge de famille pour l’année fiscale de leur naissance, consacrerait une inégalité de traitement inacceptable et violerait le principe d’imposition selon la capacité contributive. Ainsi que le tribunal de céans l’a retenu dans un récent jugement, le mécanisme d’imposition prévu par la circulaire no 45 et l’art. 1 al. 3 RISP tient compte de manière plus précise, au mois près, de la capacité économique des contribuables, conformément à l’art. 127 al. 2 Cst. (cf. JTAPI/1420/2023 précité consid. 19). Il ne recèle en outre aucune égalité de traitement. Un couple de contribuables imposés à la source dont l’enfant serait né au mois de novembre 2022 n’aurait en effet pas été mieux loti que les recourants, puisque le barème d’imposition frappant ses revenus aurait été adapté à compter du mois de décembre 2022 et non de manière rétroactive pour la totalité de l’année fiscale 2022. Ce couple aurait en outre été tenu de solliciter une TOU avant le 31 mars 2023 pour obtenir une déduction de cette charge de famille pour l’entièreté de l’année en question, tout comme les recourants.
49. S’agissant du grief d’arbitraire, celui-ci est invoqué par les recourants uniquement en relation avec ceux de violation du principe d’égalité de traitement et d’imposition selon la capacité contributive. Il ne revêt par conséquent aucune portée propre, de sorte que le tribunal de céans peut se dispenser de l’examiner de manière indépendante.
50. Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’AFC-GE a maintenu la taxation impôt à la source 2022 des recourants effectuée selon le barème Cr2. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.
51. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, seront condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 17 juin 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 10 mai 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Philippe FONTAINE et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| La greffière |