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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3960/2024

JTAPI/677/2025 du 23.06.2025 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/1187/2025

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR;KOSOVO
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3960/2024

JTAPI/677/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 juin 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Martin AHLSTROM, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1997, est ressortissant du Kosovo.

2.             Le 19 janvier 1998, ses parents ont déposé une demande d’asile dans le canton de Vaud, laquelle a été rejetée en date du 21 mars 2000.

3.             Le 23 juin 2000, il a quitté la Suisse avec sa famille pour se rendre au Kosovo.

4.             Le 16 juillet 2018, M. A______ a été interpellé par la police cantonale fribourgeoise.

Lors de son audition, il a notamment déclaré être venu à Genève le 25 juin 2018, en voiture depuis le Kosovo, afin d’y rejoindre des membres de sa famille. Il venait de débuter, le jour même, une activité lucrative pour son beau-frère. Une demande en vue de l’obtention d’un permis de séjour avait été déposée en sa faveur.

5.             Le 20 juillet 2018, M. A______ a été reçu dans les bureaux de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

À teneur de la note au dossier établi par une collaboratrice de l’OCPM, l’avocate de M. A______ aurait déclaré que toute la famille de son mandant résidait en Suisse et que son père allait déposer une demande d’autorisation de séjour dans le cadre de l’opération Papyrus. Bien que M. A______ ne remplissait pas lui-même les critères d’une demande d’autorisation de séjour dans le cadre de cette opération, une requête dans ce sens allait aussi être prochainement déposée. Une carte de sortie avec un délai au 20 août 2018 pour quitter la Suisse lui a été remise.

6.             Par ordonnance pénale du 18 janvier 2019, le Ministère public fribourgeois a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de 20 jours-amende, avec sursis, délai d'épreuve trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 500.- pour s’être rendu coupable d’infractions à l’art. 115 al. 1 let. a (entrée illégal), let. b (séjour illégal) et c (exercice d’une activité lucrative sans autorisation) de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

7.             Le 25 mai 2024, M. A______ a été interpellé par la police suite à un accident de la circulation. Il a reconnu ne pas avoir respecté une distance suffisante en suivant un véhicule et s’être déplacé d’une voie à l’autre dans la même direction, sans égard aux autres usagers de la route, avec accident et blessé léger.

Lors de son audition, il a indiqué ne pas être retourné au Kosovo depuis son arrivée en Suisse six ans auparavant, travailler pour le compte de B______ depuis une année moyennant un revenu mensuel net de CHF 4’170.-, y compris le treizième, s’apprêter à déposer une demande d’autorisation de séjour car son employeur la réclamait, avoir toute sa famille en Suisse, à savoir ses parents, son frère qui l’hébergeait gratuitement et ses deux sœurs, dont l’une était mariée.

8.             Entendu le 11 juin 2024, son employeur a indiqué qu’il lui versait un salaire mensuel brut de CHF 5’200.- et qu’il arrêterait de le faire travailler tant que sa situation administrative avec l’OCPM ne serait pas réglée.

9.             En juin 2024, par le biais de son conseil, M. A______ a déposé une demande d’autorisation de séjour en sa faveur auprès de l’OCPM.

Il a exposé être né à C______ (VD), avoir travaillé dans le bâtiment de 2019 à 2024, être actuellement au bénéfice d’un contrat de travail de durée indéterminée, n’avoir jamais émargé à l’aide sociale, ne pas faire l’objet de poursuites, être parfaitement intégré et parler couramment le français. Un retour au Kosovo l’exposerait à de graves difficultés financières dans la mesure où il serait de nouveau confronté à la précarité financière présente dans son pays d’origine.

À l’appui de sa demande, il a produit divers documents, dont notamment une copie de son passeport, un formulaire M complété par l’entreprise B______, accompagné d’un contrat de travail signé le 18 mai 2023 (salaire mensuel brut CHF 5’800.- versé treize fois l’an), un certificat de travail daté du 29 février 2023 de D______ Sàrl (radiée le ______ 2024) attestant qu’il y avait travaillé du 1er septembre 2019 au 30 avril 2023, des décomptes de l’administration fiscale cantonale et de la prévoyance LPP, un extrait de son compte individuel AVS mentionnant des cotisations de 2019 à 2023, ainsi que des fiches de salaire.

10.         Le 7 août 2024, M. A______ a encore transmis à l’OCPM le résultat de son test FIDE de français, lequel mentionne un niveau A1 (lire et écrire) et B1 (parler et comprendre).

11.         Le 2 septembre 2024, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande de régularisation et ainsi de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) et lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir ses observations écrites.

12.         Le 2 octobre 2024, M. A______ a informé l’OCPM, sans apporté d’observations complémentaires, qu’il persistait dans sa demande.

13.         Par décision du 28 octobre 2024, l’OCPM a refusé d’accéder à la demande du mois de juin 2024 et de soumettre le dossier de M. A______ avec un préavis positif au SEM. Il a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 28 janvier 2025 pour quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

M. A______ ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité, n’ayant démontré ni une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, ni une très longue durée de séjour en Suisse, ni aucun élément permet-tant de déroger à cette exigence, ni qu’une réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place.

14.         Par acte du 26 novembre 2024, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de préaviser favorablement sa demande auprès du SEM, le tout sous suite de frais et dépens.

Il était parfaitement intégré en Suisse, présentant un parcours professionnel respectable et participant activement à la vie économique en Suisse. Au bénéfice d’un contrat de travail à durée indéterminée, il était autonome financièrement et n’avait jamais bénéficié de prestations d’aide sociale. Son un casier judiciaire était vierge, à l’exception d’une condamnation pour infraction à la LEI. Il était né en Suisse, y avait vécu pendant trois ans avant de déménager au Kosovo, puis était revenu en juin 2018. Il avait vécu en Suisse pendant neuf ans, ce qui constituait un long séjour en Suisse. Il avait une attache particulière avec la Suisse dans la mesure où il y était né et y avait vécu ses premières années. Il était disproportionné de lui refuser un titre de séjour sur la seule base que son intégration n’était pas « exceptionnelle », ce qui était d’ailleurs un abus du pouvoir d’appréciation de l’OCPM.

En outre, il lui serait impossible de s’intégrer à nouveau au Kosovo, étant né en Suisse et y ayant développé tout son réseau professionnel et social. Au Kosovo, il courait un risque de se retrouver à la rue et dans une situation financière précaire. Un retour dans son pays d’origine engendrerait pour lui une situation de déstresse intense.

15.         Dans ses observations du 23 janvier 2025, accompagnées de son dossier, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Le recourant ne totalisait que six ans de séjour lors du dépôt de sa demande. Il avait passé toute son enfance et son adolescence au Kosovo et bien qu’il ait travaillé pendant quelques années en Suisse, il ne pouvait pas faire valoir une ascension professionnelle ou l’acquisition de qualifications si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en pratique au Kosovo. Il n’avait pas non plus allégué avoir tissé des liens particulièrement étroits en Suisse. Jeune et en bonne santé, il ne devrait donc pas être confronté à des difficultés insurmontables pour se réinsérer au Kosovo, pays dont il parlait la langue et où il pourrait compter sur le soutien des membres de sa famille

16.         Par réplique du 25 février 2025 et duplique du 25 mars 2025, les parties ont chacune persisté dans leurs conclusions.

17.         Par ordonnance pénale du 22 avril 2025, non entrée force, le Ministère public genevois a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, sous déduction d’un jour de détention préventive, ainsi qu’à une amende de CHF 1’760.- pour s’être rendu coupable d’infractions aux art. 115 al. 1 let. b et c LEI et 90 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/53/2025 du 14 janvier 2025 consid. 4).

5.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

6.             Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.

Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI. Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité. En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

Le critère de l’intégration du requérant se base sur le respect de la sécurité et de l’ordre public, le respect des valeurs de la Constitution, les compétences linguistiques, la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (art. 58a LEI).

7.             Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).

8.             Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées). En particulier, les éventuels inconvénients liés à la recherche d’un logement ou d’un emploi sont des aspects qui touchent la majeure partie des étrangers qui retournent dans leur pays après une absence prolongée à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2024 du 4 novembre 2024 consid. 5.2.3).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

9.             Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remar-quable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

10.         S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 9.1 et les références citées ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017).

Ainsi, le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet pas d’admettre un cas personnel d’extrême gravité sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles (ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.1).

11.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/ 2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

12.         Celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/543/2022 du 24 mai 2022 consid. 4c).

13.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

14.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal retiendra que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que le recourant ne satisfait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.

À teneur des éléments au dossier, le recourant séjourne en Suisse depuis maintenant près de sept ans. Cette durée n’est pas exceptionnellement longue et ne le place pas, en soi, dans la situation d’une personne ayant depuis très longtemps reconstitué toute son existence en Suisse, tout en ayant par ailleurs perdu tout lien avec son pays d’origine. De plus, cette durée doit en tout état être fortement relativisée dès lors qu’elle a été effectuée de manière illégale par le recourant jusqu’au dépôt de sa demande d’autorisation en juin 2024, puis à la faveur d’une simple tolérance. Or, le recourant ne peut déduire des droits résultant d’un état de fait créé en violation de la loi. Au surplus, il est venu s’établir en Suisse alors qu’il était âgé de 20 ans et demi, de sorte qu’il a passé la majeure partie de son enfance, son adolescence, période cruciale pour la formation de la personnalité, et le début de sa vie d’adulte. Il sied de noter que ses trois premières années de vie passées en Suisse n’ont pas grand poids, le recourant n’ayant pas commencé sa scolarité et étant resté attaché dans une large mesure à son pays d’origine par le biais de ses parents. Dans de telles circonstances, il ne peut pas tirer parti de la seule durée de son séjour, un élément parmi d’autres à prendre en compte, pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission.

Son intégration socio-professionnelle ne justifie également pas, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Le tribunal se contentera d’insister sur le fait qu’au sens de la jurisprudence rappelée plus haut, seule une intégration exceptionnelle, et non pas le simple fait d’avoir déployé une activité lucrative sans dépendre de l’aide sociale et de parler le français, peut permettre dans certains cas d’admettre un cas individuel d’extrême gravité malgré que la personne concernée ne séjourne pas en Suisse depuis une longue durée. Dans le cas du recourant, quand bien même son intégration pourrait être qualifiée de moyenne sous l’angle socio-professionnel, elle demeure néanmoins ordinaire et ne correspond pas au caractère exceptionnel rappelé plus haut. Son activité professionnelle exercée en Suisse se rapporte en outre au domaine du bâtiment. Il ne s’agit donc pas d’une profession spécifiquement liée à la Suisse, de sorte qu’il convient de retenir que le recourant sera en mesure d’utiliser au Kosovo les compétences et expérience professionnelles acquises en Suisse. Le recourant ne démontre pas non plus l’existence de liens amicaux et affectifs à Genève d’une intensité telle - il n’a produit aucune lettre de soutien ni des justificatifs démontrant qu’il participe à des associations locales ou s’engage bénévolement - qu’il ne pourrait être exigé de sa part de poursuivre ses contacts par les moyens de télécommunication modernes une fois de retour au Kosovo. Il convient aussi de relever que si la seconde condamnation pénale du recourant n’est pas entrée en force, il a reconnu devant les forces de l’ordre avoir enfreint les règles de la circulation routière, ce qui a causé des blessures à un usager de la route.

S’agissant de sa réintégration dans son pays d’origine, si le recourant risque certes de traverser une phase de réadaptation, il pourra vraisemblablement compter sur l’aide des membres de sa famille pour reprendre pied au Kosovo dont il connaît la langue et les us et coutumes. Au surplus, le fait de se retrouver dans les mêmes circonstances économiques que ses compatriotes restés au pays ne constitue pas un cas d’extrême gravité, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. Sa réintégration dans son pays d’origine ne paraît ainsi pas gravement compromise en soi et le recourant, en bonne santé, ne fait état d’aucun élément particulier qui permettrait de retenir le contraire. Il il n’apparaît d’ailleurs nullement que les difficultés auxquelles il devra faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour lui plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays.

Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI et il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d’admission en Suisse en sa faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Il convient encore de rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Le recourant ne pouvait ignorer, au vu de son statut précaire en Suisse, qu’il pourrait à tout moment être amené à devoir y mettre un terme en cas de refus de l’OCPM.

En conclusion, l’appréciation que l’OCPM a faite de la situation du recourant sous l’angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA ne prête pas le flanc à la critique. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.

15.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).

16.         Dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier du recourant au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.

17.         Infondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

18.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

19.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 26 novembre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 28 octobre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière