Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/531/2025 du 19.05.2025 ( OCPM ) , REJETE
recours terminé sans jugement
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 19 mai 2025
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Francesco MODICA, avocat, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Ressortissant roumain né le ______ 1987, Monsieur A______ est arrivé à Genève en 2012 pour la première fois, selon ses propres déclarations. Il indique séjourner de manière ininterrompue à Genève depuis février 2014.
2. L’intéressé a sollicité et obtenu, du 22 septembre 2017 au 5 juin 2020, de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une autorisation de séjour, faisant valoir qu’il était plaignant dans une procédure dans laquelle il alléguait être victime de traite d’êtres humains.
3. Par jugement du ______ 2019 (P/1______), entré en force, le Tribunal correctionnel (ci-après : TCO) a déclaré Monsieur B______, ressortissant roumain, coupable d’appropriation illégitime, d’escroquerie par métier, de menaces, de contrainte, de tentative de contrainte, de traite d'êtres humains par métier, d’actes d’ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance au préjudice de Madame C______, de conduite sans autorisation et de séjour illégal.
Le TCO a condamné M. B______ à une peine privative de liberté de 5 ans, ainsi qu’à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, avec sursis, et a en outre condamné le prénommé à payer à M. A______ la somme de CHF 4'000.- avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2015, solidairement avec M. D______ à raison de CHF 1'000.-, à titre de réparation du tort moral.
Le TCO a en outre reconnu M. A______ coupable de séjour illégal et l’a condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende, avec sursis.
En ce qui concerne la traite d’êtres humains par métier dont M. B______ s’est rendu coupable au préjudice de M. A______, le TCO a notamment retenu ceci :
« M. B______ a accueilli M. A______ chez lui, alors que celui-ci se trouvait dans une grande misère et qu’il dormait parfois dans la rue. Dans un premier temps, M. B______ a instauré un climat dans lequel M. A______ a pu se sentir sécurisé. Il a ensuite profité de cette position pour asseoir une certaine domination sur lui, jusqu'à le placer finalement au rang de chose. Quand bien même M. A______ n’a pas dit toute la vérité au cours de la procédure, le TCO retient que ses déclarations sont crédibles pour l'essentiel, tout d'abord quant aux mauvais traitements qu’il a subis. Ceux-ci sont documentés par les vidéos versées à la procédure. Elles permettent de constater la violence des comportements de M. B______ à l'encontre de M. A______ et la crainte que celui-ci ressentait à son égard. Ces traitements, dont la plupart étaient filmés, étaient de nature à humilier M. A______.
M. B______ en a admis la plupart, reconnaissant s'être mal comporté à son encontre. Ceux qu'il a reconnus sont suffisants pour avoir concrètement humilié et asservi M. A______. Certains des mauvais traitements ont été corroborés par les déclarations de M. D______, qui a notamment indiqué que les moqueries étaient journalières. À cet égard, son discours apparaît crédible puisque, ce faisant, il s’est auto-incriminé et n'a pas chargé M. B______ plus que nécessaire. Il a notamment indiqué n'avoir dû lui remettre que la moitié de ses gains issus de la prostitution, contrairement à M. A______, qui, lui, devait lui en remettre l'entier.
Par ses agissements, M. B______ a maintenu M. A______ dans un état de terreur face à lui. Les menaces proférées à l'encontre de la famille de celui-ci, qui ne sont pas contestées, ont contribué à l'emprise qu'il avait sur lui. M. E______ a également relevé un changement d'attitude dans le comportement de M. A______, après l'arrivée de M. B______, sentant le premier sous l'influence du second.
Les déclarations de M. A______ sont également crédibles par rapport à son exploitation par M. B______ sur le plan sexuel. M. B______ a ainsi profité de sa domination pour exiger de lui qu'il se prostitue. Il exigeait qu'il se rende tous les jours sur le site F______, lui imposait d'accepter certaines prestations et récupérait l'entier de ses gains. Ces faits sont confirmés par M. D______. Les recherches auprès des établissements financiers n’ont d'ailleurs pas permis de constater que M. A______ aurait envoyé de l'argent en Roumanie, contrairement à ce qu'a affirmé M. B______. La mère de M. A______ a confirmé n'avoir reçu que d'infimes montants. M. A______, a en outre paru sincère au Tribunal lorsqu'il a expliqué avoir été obligé d'accepter certaines pratiques sexuelles.
M. B______ a ainsi placé M. A______ dans un état de soumission tel que celui-ci était privé de toute liberté. S'il a pu bénéficier parfois de sa carte d'identité, il s'avère, selon les explications de M. B______, que celle-ci a bien été déchirée, ce qui confirme la crédibilité des déclarations de M. A______ à ce sujet. Le fait qu’il ait pu se rendre seul en France et rentrer en Roumanie n'ôte rien à l'emprise exercée par M. B______, lequel était persuadé qu'il reviendrait vers lui, le billet d'avion acheté comprenant le vol retour. Le fait que M. B______ soit allé rechercher M. A______ suite à sa fuite à G______, est un élément de plus démontrant qu'il n'était pas libre de ses mouvements et que M. B______ le considérait comme une chose, un outil destiné à obtenir de l'argent. La surveillance de M. A______ par M. D______, sur ordre de M. B______, est un élément de plus montrant que le précité ne lui laissait aucune liberté.
Compte tenu de tout ce qui précède, il apparaît que M. B______ a profité de l’état de soumission dans lequel il a plongé M. A______ pour l'exploiter sexuellement, en le faisant se prostituer à ses conditions et en récoltant les gains qu'il avait pu en tirer. Le fait que M. A______ ait pu se prostituer avant de rencontrer M. B______ n'est pas relevant dans le cadre de cette infraction. Il a d'ailleurs indiqué avoir été contraint par ce dernier à subir des relations sexuelles qu'il n'aurait pas acceptées s'il avait décidé seul.
Au vu du temps consacré par M. B______ à l’exploitation de M. A______, en lien avec la prostitution, et des revenus qu'il en a obtenus et qu’il espérait en obtenir, la circonstance aggravante du métier doit être retenue ».
4. Par lettre du 23 avril 2020, l’OCPM a rappelé à M. A______ que sa présence en Suisse pour les besoins de la procédure pénale n’était plus nécessaire. Un délai au 30 mai suivant lui était dès lors imparti pour présenter des observations concernant la poursuite de son séjour.
5. Le 23 mai 2020, M. A______ a répondu à l’OCPM qu’il souhaitait demeurer en Suisse, craignant d’être poursuivi en Roumanie par M. B______.
6. Par pli du 4 septembre 2020, l’OCPM a fait part à l’intéressé de son intention de refuser de lui octroyer une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.
7. Le 31 mars 2021, M. A______ a déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour fondée sur l’art. 14 al. 1 let. a de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains du 15 mai 2005 (ci-après : CTEH - RS 0.311.543), 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 36 al. 6 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Subsidiairement, il a sollicité son admission provisoire.
Le TCO avait reconnu qu’il avait été victime de traite d’êtres humains commise par M. B______.
Il souffrait énormément sur le plan psychologique. L’instance H______ lui avait accordé une indemnité pour tort moral aux prétentions formulées par ses conseils de l’époque. Sa souffrance influençait sa situation sociale et ses efforts d’intégration. Il était suivi par le I______. Son état physique et psychique ne lui avait pas permis de s’engager dans les projets professionnels dans lesquels il s’était projeté.
Sa famille, en Roumanie, se composait de sa mère et de sa grand-mère. Elles vivaient dans une situation financière précaire. Elles avaient dû fuir à l’intérieur du pays en raison des menaces représentées par M. B______. En outre, il ne disposait d’aucune formation professionnelle. Un retour dans son pays d’origine le rendrait très vulnérable et l’exposerait au risque d’une nouvelle victimisation. Le taux de chômage en Roumanie s’élevait à 8 % pour la population active masculine qui ne disposait, tel que lui-même, que d’un niveau d’études de base.
8. Le 5 mai 2021, l’OCPM a adressé à M. A______ une demande de renseignements portant sur sa situation médicale, sur les solutions envisageables pour lui permettre d’accéder à une indépendance financière et, enfin, sur la question des menaces que sa famille aurait reçues de la part de M. B______, cas échéant, sous quelle forme et à quelles dates. L’intéressé devait également préciser si sa famille avait sollicité l’aide de la police et où elle avait trouvé refuge depuis lors.
9. Par pli du 16 août 2021, M. A______ a expliqué à l’OCPM qu’il avait entamé un suivi psychologique avec la Dresse J______, qui indiquait dans une attestation qu’il était suivi à la consultation pour les victimes de torture et de guerre des HUG en raison d’un passé traumatique. Il présentait une symptomatologie anxio-dépressive compatible avec un épisode dépressif modéré à sévère et faisait part d’une irritabilité, de ruminations anxieuses importantes, d’un sentiment de
mal-être et de tristesse, de troubles du sommeil et de cauchemars.
Il éprouvait déjà de grandes difficultés à se remettre de son vécu traumatique à Genève, malgré l’encadrement social dont il bénéficiait et le suivi d’une experte en questions de victimes de traitements inhumains et dégradants. Dès lors, il n’était pas envisageable qu’il retourne en Roumanie. Sur le plan somatique, des rendez-vous avaient été appointés, qui avaient toutefois dus être annulés. Il souffrait également d’épilepsie. En raison de son passé traumatique et de son handicap, il n’était pas à même d’exercer une activité lucrative, ni d’entamer une formation.
Il n’était pas en mesure d’indiquer si sa mère et sa grand-mère étaient encore menacées à la suite de la libération de M. B______. Cependant, elles s’étaient réfugiées dans une localité inconnue de celui-ci. Si elles n’avaient plus été menacées, c’étaient en raison de leur fuite à l’intérieur du pays. M. B______ ignorait où elles se trouvaient exactement. Vivant dans la précarité et effrayées par les menaces proférées par ce dernier, elles n’avaient pas sollicité l’aide de la police. Il avait été exploité sexuellement par un compatriote à Genève, qui avait pu œuvrer en toute tranquillité. Il était illusoire qu’il puisse bénéficier de la protection des autorités locales en cas de retour en Roumanie. Il n’avait pas été à même de contacter les associations actives dans le domaine de la défense des victimes de traite d’êtres humains.
10. Le 4 mars 2022, M. A______ a fait part à l’OCPM qu’il n’avait pas été en mesure d’entreprendre un suivi médical, mais qu’il s’y engageait. Un rendez-vous avait été agendé le 11 mars suivant.
11. Le 22 avril 2022, l’intéressé a réexpliqué à l’OCPM ses problèmes médicaux et a demandé à être entendu verbalement.
12. Par jugement du ______ 2023 (P/2______), entré en force, le Tribunal de police (ci-après : TP) a déclaré M. A______ coupable de vol et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951
(LStup - RS 812.121). Il l’a condamné à une amende, ainsi qu’à une peine privative de liberté de 30 jours, cette dernière sanction étant suspendue au profit d’une mesure de traitement institutionnel des addictions au sens de l’art. 60 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).
13. Par jugement du ______ 2023 (PM/3______), le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a ordonné la levée du traitement institutionnel des addictions ordonné par le TP et ordonné en lieu et place, un traitement ambulatoire, au sens de l’art. 63 CP, devant porter en particulier sur ses problèmes d’addiction et ce, jusqu’au 10 novembre 2025.
14. Les 23 février et 18 avril 2024, M. A______ a confirmé à l’OCPM, sur demande de celui-ci, qu’il poursuivait toujours son traitement ambulatoire.
15. Le 23 juillet 2024, l’OCPM a avisé M. A______ de son intention de refuser de lui délivrer une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai lui a été accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.
16. Le 23 août 2024, l’intéressé a présenté ses observations.
17. Par jugement du ______ 2024 (PM/4______), le TAPEM a constaté que le traitement ambulatoire ordonné le 10 novembre 2023 était voué à l’échec. Il a ainsi levé cette mesure.
18. Par décision du 11 septembre 2024, l’OCPM a refusé de délivrer à M. A______ une autorisation de séjour fondée sur les art. 14 let. a CTEH, ainsi que 31 et
36 al. 6 OASA et a prononcé son renvoi de Suisse.
Il avait été arrêté et condamné à de multiples reprises, n’avait jamais exercé d’activité lucrative et dépendait de l’aide sociale depuis de nombreuses années. Il ne pouvait dès lors se prévaloir d’une intégration réussie.
Il n’avait pas adhéré aux suivis et aux traitements médicaux qui lui avaient été proposés pour soigner ses addictions. En particulier, il n’avait pas honoré ses obligations de suivi ambulatoire et d’assistance de probation qui lui incombaient depuis sa sortie de détention en novembre 2023.
Il ne ressortait plus de ses dernières déclarations que des membres de sa famille vivant en Roumanie auraient récemment reçu des menaces. Il n’avait pas non plus prouvé qu’il ne pourrait pas trouver du soutien auprès des organisations ou des institutions publiques dans son pays d’origine, compétentes pour la prise en charge des victimes de traite d’êtres humains, ni qu’un retour en Roumanie l’exposerait davantage à un risque de nouvelle victimisation.
Enfin, dès lors qu’il n’occupait pas d’emploi, il ne pouvait pas se prévaloir de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).
19. Par acte du 14 octobre 2024, M. A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision du 11 septembre précédent en concluant, préalablement, à sa comparution personnelle, principalement à l’octroi d’une autorisation de séjour et, subsidiairement à son admission provisoire, le tout sous suite de frais et dépens.
Issu d’un milieu très modeste, il n’avait pas suivi de formation après avoir achevé sa scolarité obligatoire. Il avait travaillé pour son oncle dans le domaine de la construction, percevant une rémunération mensuelle oscillant entre EUR 300.- et EUR 400.-, montant très inférieur au salaire moyen roumain. Sa mère résidait en Roumanie dans des conditions très difficiles, à savoir dans un logis de 9 m2 sans accès à l’eau potable, ni aux toilettes. Elle subsistait grâce à l’aide qu’il lui procurait. Il avait quitté la Roumanie en raison de sa situation socio-économique et de la précarité dans laquelle sa famille et lui-même vivaient, ainsi que pour trouver un emploi qui lui permette de vivre dignement et d’entretenir sa famille. Il résidait à Genève de manière ininterrompue depuis février 2014, à savoir il y a plus de dix ans. Il maîtrisait parfaitement le français, tant à l’écrit qu’à l’oral.
Dans son jugement du 8 février 2019, le TCO avait retenu que M. B______ s’était rendu coupable, à son préjudice, de traite d’êtres humains par métier. À plusieurs reprises, il avait menacé de mort sa famille. De ce fait, sa mère avait dû quitter son village pour se cacher dans une autre localité roumaine, dont il préférait taire le nom. En raison de son témoignage à charge contre M. B______ et de la lourde condamnation qui en avait résulté, il craignait de retourner dans son pays d’origine, de peur que son bourreau ne mette ses menaces de représailles à exécution. Il ignorait le lieu de vie de M. B______, mais celui-ci résiderait en Roumanie.
Consécutivement à un accident, il souffrait d’un handicap au pied et à la jambe gauche, qui ne lui permettait pas de trouver un emploi le sollicitant physiquement. Les nombreuses difficultés rencontrées dans sa vie l’avaient plongé dans une dépendance à la drogue dont il cherchait à se soigner. Il souffrait par ailleurs d’épilepsie. Plus récemment, il avait été victime d’une fracture du grand trochanter, qui l’empêchait complètement de se déplacer. Par le passé, il avait été suivi par la consultation pour victimes de torture et de guerre des HUG, qui avait constaté qu’il avait vécu un passé traumatique et qu’il présentait une symptomatologie anxio-dépressive compatible avec un épisode dépressif modéré à sévère.
L’OCPM considérait qu’il ne pouvait se prévaloir d’une intégration réussie compte tenu de ses condamnations pénales, du fait qu’il n’avait jamais exercé d’activité lucrative et qu’il dépendait de l’aide sociale. Or, il n’avait jamais commis d’infraction grave et ses condamnations présentaient toutes un lien avec la traite d’êtres humains dont il avait été victime. Par ailleurs, il était prêt à entreprendre un suivi médical. Il lui était impossible d’exercer une activité lucrative et, faute de titre de séjour, il était normal qu’il dépende de l’aide sociale. En outre, sa santé était mauvaise, voire critique.
Il convenait que le tribunal l’entende verbalement afin qu’il puisse s’exprimer sur les violences subies, sur les risques encourus en cas de retour en Roumanie, sur sa volonté de s’en sortir et, enfin, sur son engagement de respecter le droit suisse. Il y avait également lieu d’auditionner sa mère, afin qu’elle puisse témoigner des menaces subies et des risques qu’il encourrait en cas de retour en Roumanie.
Étant donné que M. B______ avait été condamné à une peine privative de liberté de cinq ans en raison de son témoignage, il existait un risque qu’il veuille se venger. L’organisation internationale pour les migrations (ci-après : OIM) considérait qu’il existait un risque de 50 % de nouvelle victimisation en cas de retour au pays. La Roumanie faisait preuve d’un manquement considérable en matière de financement de l’assistance et de la protection des victimes de traite d’êtres humains. Le Groupe d'experts du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite d’êtres humains
(ci-après : GRETA) relevait également qu’en Roumanie, l’accès des victimes aux soins de santé demeurait un problème, car nombre d’entre elles n’étaient pas couvertes par une assurance-maladie et ne pouvaient bénéficier que d’une assistance médicale d’urgence de courte durée.
Même si le tribunal devait considérer qu’il n’était pas suffisamment intégré en Suisse, il se trouvait dans une situation d’extrême gravité, de sorte qu’un retour en Roumanie ne pouvait être exigé de lui.
Subsidiairement, son renvoi était impossible, illicite et inexigible. En effet, son état de santé physique et psychique, ainsi que son besoin de protection contre les représailles de son bourreau justifiaient qu’il ne soit pas renvoyé en Roumanie. Les menaces contre sa mère et sa grand-mère avaient été retenues par les autorités pénales, de sorte qu’elles étaient justifiées et concrètes.
20. Le 22 octobre 2024, le recourant a été arrêté par la police.
Lors de son audition, il a notamment expliqué qu’il était célibataire et sans enfant et qu’il ne disposait d’aucun lien avec la Suisse. Sa mère vivait en Roumanie, mais il ne connaissait pas son père. Il était fils unique. Il n’avait jamais vécu en Suisse entre sa naissance et l’âge de 20 ans. Enfin, il avait été victime de traite d’êtres humains. Il ne souhaitait pas retourner dans son pays d’origine, car sa vie y était menacée.
21. Dans ses observations du 13 décembre 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, reprenant les arguments exposés dans la décision entreprise.
Le recourant faisait valoir un risque pour sa vie s’il retournait en Roumanie, mais il ne fournissait aucun élément concret à ce sujet. Il ne démontrait pas non plus qu’il ne pourrait pas trouver du soutien auprès des organisations ou des institutions roumaines compétentes pour la prise en charge des victimes de traite d’êtres humains. Ces dernières années, la Roumanie avait entrepris un effort substantiel dans la prise en charge de la coordination et du suivi de la lutte contre la traite d’êtres humains. Enfin, le comportement délictueux récurrent de l’intéressé s’opposait à son admission provisoire.
22. Par réplique du 30 janvier 2025, M. A______ a persisté dans les termes et les conclusions de son recours.
Selon le GRETA, la Roumanie demeurait un pays d’origine des victimes de la traite d’êtres humains, dont beaucoup étaient soumises à la traite dans le pays. Par ailleurs, les victimes n’étaient pas indemnisées et les enquêtes policières, défaillantes. La réponse de la justice pénale était affaiblie. La Roumanie disposait d’une pratique visant à divulguer le nom et l’adresse des victimes sur le site internet public des institutions judiciaires, de sorte qu’elles étaient intimidées par les personnes mises en cause. Par ailleurs, l’exploitation sexuelle y était souvent qualifiée de prostitution. Ainsi, en cas de renvoi dans son pays, il risquait d’être qualifié de travailleur du sexe et non de victime de traite d’êtres humains. De la sorte, il ne bénéficierait d’aucune protection, ce d’autant qu’il n’avait pas été victime de traite d’êtres humains en Roumanie mais en Suisse.
23. Dans sa duplique du 28 février 2025, l’OCPM a maintenu la décision attaquée. Compte tenu de ses condamnations pénales, le recourant ne pouvait être considéré comme intégré.
24. À teneur des pièces du dossier, le recourant a été condamné (mesures non comprises) :
- le 23 août 2013, par le Ministère public de Genève (ci-après : MP), à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, à CHF 30.-, avec sursis, pour vol ;
- le 8 février 2019, par le TCO, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende, à CHF 20.-, avec sursis, pour séjour illégal ;
- le 10 décembre 2019, par le MP, à une peine privative de liberté de 60 jours, avec sursis, ainsi qu’à une amende de CHF 300.-, pour vol et contravention à la LStup ;
- le 1er juillet 2022, par le MP, à une peine privative de liberté de 3 mois, pour séjour illégal, vol et violation de domicile ;
- le 27 juillet 2022, par le MP, à une peine privative de liberté de 40 jours, ainsi qu’à une amende de CHF 600.-, pour violation de domicile, contravention à la LStup et vol d’importance mineure ;
- le 2 septembre 2022, par le MP, à une peine privative de liberté de 90 jours, pour vol ;
- le 13 septembre 2022, par le MP, à une peine privative de liberté de 80 jours, ainsi qu’à une amende de CHF 800.-, pour séjour illégal, vol, contravention à la LStup et vol d’importance mineure ;
- le 6 juin 2023, par le TP, à une peine privative de liberté de 30 jours, ainsi qu’à une amende de CHF 100.-, pour vol et consommation de stupéfiants ;
- le 12 juillet 2024, par le MP, à une amende de CHF 500.- pour non respect de l’assistance de probation ;
- le 15 octobre 2024, par le MP, à une peine privative de liberté de 150 jours, ainsi qu’à une amende de CHF 500.-, pour vol et vol d’importance mineure ;
- le 23 octobre 2024, par le MP, à une peine privative de liberté de 4 mois, pour vol ;
- le 26 février 2025, par le Tribunal de police, à une peine privative de liberté de 20 jours, ainsi qu’à une amende de CHF 500.-, pour vol, vol d’importance mineure et consommation de stupéfiants.
Selon le système informatique du Pouvoir judiciaire, il fait également l'objet d'une procédure en cours auprès du MP, pour vol, violation de domicile, dommages à la propriété et consommation de stupéfiants.
25. Selon une attestation du 17 janvier 2024, le recourant bénéficie de prestations de l’Hospice générale depuis le 1er septembre 2017. Pour les années 2020 à 2023, la somme totale reçue totalise quelque CHF 73'000.-.
26. Les arguments des parties seront repris, ci-après, dans la mesure utile.
1. Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b).
5. Le recourant sollicite sa comparution personnelle, ainsi que celle de sa mère.
6. Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2). Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2).
Il comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Par ailleurs, il ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3).
7. En l’espèce, le tribunal estime qu’il est en mesure de trancher sur le vu des pièces remises par les parties, ainsi que du double échange d’écritures produites par celles-ci par-devant lui. Par conséquent, il ne se révèle pas utile de procéder à la comparution personnelle du recourant et à l'audition de la mère de celui-ci, mesures d'instruction en soi non obligatoire.
8. La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), dont l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). La LEI ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).
9. En l'espèce, le recourant est de nationalité roumaine, de sorte que sa situation doit être examinée sous l'angle de l'ALCP et de l'ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne1 et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP – RS 142.203).
10. D'emblée, il sera souligné que le recourant ne saurait prétendre à une autorisation de séjour avec activité lucrative au sens de l’ALCP, dès lors qu'il n'en exerce manifestement aucune. Il ne peut pas davantage solliciter la délivrance d’un titre de séjour sans activité lucrative, étant donné qu’il ne dispose pas de moyens financiers suffisants afin de subvenir à ses besoins sans l'aide de l'assistance publique.
La question de savoir s’il peut bénéficier d’un permis au sens de l’art. 20 OLCP (auquel correspond l’art. 30 al. 1 let. b LEI) sera examiné infra.
11. Le recourant conteste le refus de l’OCPM de lui délivrer une autorisation de séjour fondée sur les art. 14 let. a CETH, ainsi que 31 et 36 al. 6 OASA.
12. Selon l’art. 14 al. 1 CTEH, chaque partie délivre un permis de séjour renouvelable aux victimes, soit dans l’une des deux hypothèses suivantes, soit dans les deux :
a. l’autorité compétente estime que leur séjour s’avère nécessaire en raison de leur situation personnelle ;
b. l’autorité compétente estime que leur séjour s’avère nécessaire en raison de leur coopération avec les autorités compétentes aux fins d’une enquête ou d’une procédure pénale.
Les deux lettres de l’art. 14 al. 1 CTEH sont d’application directe (arrêt du Tribunal fédéral 2C_483/2021 du 14 décembre 2021 consid. 4.3).
13. La LEI ne contient pas de disposition spécifique pour concrétiser l’art. 14 al. 1 let. a CTEH (arrêt du Tribunal fédéral 2C_334/2022 du 24 novembre 2022 consid. 6.2). L’art. 30 al. 1 let. e LEI dispose en effet uniquement qu’il est possible de déroger aux conditions d’admission (art. 18 à 29) dans le but de régler le séjour des victimes ou des témoins de la traite d’êtres humains et des personnes qui coopèrent avec les autorités de poursuite pénale dans le cadre d’un programme de protection des témoins mis en place en Suisse, dans un État étranger ou par une Cour pénale internationale.
14. La LEI ne contient pas non plus de disposition spécifique pour concrétiser l’art. 14 al. 1 let. b CTEH. À cet égard, il sied de relever qu’une telle disposition n’est pas nécessaire dans la mesure où les autorités migratoires ne peuvent pas, dans ce cadre spécifique, s’écarter de l’appréciation des autorités pénales qui seules ont le pouvoir d’estimer de manière fiable la nécessité de la présence de la victime pour la suite de la procédure (ATF 145 I 308 consid. 4.2 in fine).
15. Les art. 35 et 36 OASA précisent le champ d’application de l’art. 30 al. 1 let. e LEI (ATF 145 I 308 consid. 3.3.2) et concrétisent l’art. 14 CTEH en droit suisse (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4436/2019 du 1er février 2021 consid. 5.4.1).
Ainsi, selon l’art. 35 al. 1 OASA, l’autorité migratoire cantonale accorde à un étranger, dont le séjour en Suisse n’est pas régulier, un délai de rétablissement et de réflexion de trente jours au moins - période durant laquelle aucune mesure d’exécution, notamment de renvoi, n’est appliquée - s’il y a lieu de croire qu’il est une victime ou un témoin de la traite d’êtres humains.
L’art. 36 OASA précise, pour sa part, que lorsque la présence de la victime ou du témoin est encore requise, les autorités compétentes pour les recherches policières ou pour la procédure judiciaire en informent l’autorité migratoire cantonale, en précisant la durée, avant le terme du délai de réflexion (al. 1) ; que l’autorité compétente en matière d’étrangers du canton dans lequel l’infraction a été commise délivre une autorisation de séjour de courte durée pour la durée probable de l’enquête policière ou de la procédure judiciaire. Si des enquêtes policières sont menées dans plusieurs cantons, c’est le dernier canton dans lequel la personne a séjourné qui délivre l’autorisation de séjour de courte durée (al. 2) ; que la personne concernée doit quitter la Suisse lorsque le délai de réflexion accordé a expiré ou lorsque son séjour n’est plus requis pour les besoins de l’enquête et de la procédure judiciaire (al. 5) ; qu’une prolongation du séjour peut être autorisée en présence d’un cas individuel d’une extrême gravité. Il y a lieu de tenir compte de la situation particulière des victimes ou des témoins de la traite d’êtres humains. L’octroi d’une admission provisoire est réservé (al. 2).
Selon la jurisprudence, l’on ne se trouve dans le champ d’application matériel de l’art. 30 al. 1 let. e LEI que dans le cas où les autorités de police ou de justice compétentes interviennent auprès de l’autorité migratoire - conformément à l’art. 36 al. 1 OASA - en l’informant que la présence de la personne étrangère en Suisse est requise pendant une période déterminée pour les besoins d’une enquête policière ou d’une procédure judiciaire dans laquelle celle-ci apparaît comme victime ou témoin de la traite d’êtres humains. Si ces conditions ne sont pas réalisées, le cas doit être traité à l’aune de l’art. 30 al. 1 let. b LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4436/2019 du 1er février 2021 consid. 5.4 ; ATA/471/2021 du 4 mai 2021).
16. En l’espèce, par jugement du ______ 2019 (P/1______), le TCO a notamment reconnu M. B______ coupable de traite d'êtres humains par métier commise au préjudice du recourant. Or, ce jugement est actuellement entré en force. Il en résulte que le recourant ne peut pas se prévaloir d’un droit de présence en Suisse en lien avec la procédure pénale susmentionnée. Par ailleurs, il ne prétend pas être actuellement partie à une autre procédure pénale en lien avec la traite d’être humains infraction, ni n’affirme qu’il est victime ou témoin de cette infraction en Suisse. Les éléments qu’il expose dans son recours se rapportent soit aux faits ayant conduit au jugement du TCO précité, soit à un risque de victimisation qu’il encourt en Roumanie. En conséquence, il ne peut se fonder sur la CTEH pour obtenir un titre de séjour en Suisse.
Se pose la question de savoir si le recourant se trouve dans une situation d’extrême gravité.
17. Aux termes de l’art. 20 OLCP, si les conditions d’admission sans activité lucrative ne sont pas remplies notamment au sens de l’ALCP, une autorisation de séjour UE peut être délivrée lorsque des motifs importants l’exigent. Il n’existe cependant pas de droit en la matière, l’autorité cantonale statuant librement, sous réserve de l’approbation du secrétariat d’État aux migrations (art. 29 OLCP ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_59/2017 du 4 avril 2017 consid. 1.3). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). Cette liberté d’appréciation est toutefois limitée par les principes généraux de droit tels que notamment l’interdiction de l’arbitraire et l’égalité de traitement (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).
18. Les conditions posées à l’admission de l’existence de motifs importants au sens de cette disposition correspondent à celles posées à la reconnaissance d’un cas de rigueur en vertu de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, en lien avec l’art. 31 OASA, de sorte qu’une application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI ne saurait entrer en ligne de compte si les exigences prévues par l’art. 20 OLCP ne sont pas réalisées (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).
19. Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'une extrême gravité.
L'art. 31 al. 1 OASA, qui précise les critères déterminants pour la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dispose que, lors de l'appréciation du cas, il convient de tenir compte, notamment, de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse par celui-ci (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) et de ses possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).
Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).
Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1).
20. Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7).
La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).
21. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).
22. S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012). Le Tribunal fédéral a en outre considéré que l’on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l’intéressé est seulement tolérée en Suisse et qu’après la révocation de l’autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n’emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (arrêt 2C_926/2010 du 21 juillet 2011).
23. En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).
Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3).
L’intégration socioculturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine).
24. Une demande de séjour pour motifs humanitaires peut, à l'échéance du délai de rétablissement et de réflexion, être déposée à tout moment dans le cadre d'un cas individuel d'une extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI en relation avec l'art. 31 OASA. Cette règle s'applique indépendamment du fait que la victime ait ou non été disposée à collaborer avec les autorités de poursuite pénale. Dans le contexte de la traite d'êtres humains, un cas d'une extrême gravité peut être avéré lorsqu'un retour dans le pays d'origine ne peut raisonnablement être exigé par risque d'une nouvelle victimisation, faute de perspectives d'intégration sociale ou en raison de l'impossibilité de traiter de manière adéquate un problème de santé. S'il ressort de la pondération des éléments constitutifs d'un cas individuel d'une extrême gravité qu'un retour ne peut être raisonnablement exigé, la demande de séjour pour motifs humanitaires peut être approuvée, même si le degré d'intégration en Suisse est jugé insuffisant (Directives LEI, version d'octobre 2013, actualisée le 1er janvier 2025, ch. 5.7.2.5).
Dans l'évaluation de la détresse de la personne concernée, il y a lieu de tenir compte de la situation particulière des victimes ou des témoins de la traite d'êtres humains. Lors de l'examen et de la pondération des critères prévus à l'art. 31 OASA, une attention particulière doit être accordée à de telles circonstances. Il y a lieu, par exemple, de tenir compte d'atteintes graves à la santé qui ne peuvent être traitées de manière adéquate dans le pays d'origine (la santé de la victime est menacée), des obstacles auxquels se heurte la réinsertion dans l'État de provenance ou du risque de voir la victime retomber entre les mains de trafiquants d'êtres humains (Directives LEI, ch. 5.7.2.5).
Lors de l’octroi ou du renouvellement d’une autorisation de séjour dans un cas individuel d’une extrême gravité au sens de l’art. 31 OASA, les rapports et autres documents utilisés doivent notamment documenter les points suivants (Directives LEI, ch. 5.7.2.5) :
- contexte, situation dans le pays de provenance et risque d’être exploité ;
- situation familiale, rapports de services spécialisés ;
- situation de danger, menace en cas de retour ;
- état de santé, certificat médical ;
- niveau d’intégration et efforts d’intégration par rapport à la situation personnelle ;
- éventuels rapports sur la situation de l’intéressé et rapports de police permettant d’évaluer les dangers auxquels la personne concernée est exposée ;
- éventuelle plainte pénale et condamnation des auteurs du délit si ce point est important pour l’appréciation de la demande ;
- éventuels rapports d’autres services sur la situation qui règne dans le pays de provenance ;
- document de voyage en cours de validité ;
- autres documents pertinents.
25. Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d’un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d’une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d’urgence, indisponibles dans le pays d’origine, de sorte qu’un départ de Suisse serait susceptible d’entraîner de graves conséquences pour sa santé. Le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation (ATA/766/2024 du 25 juin 2024 consid. 2.8). La personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATA/1474/2024 du 17 décembre 2024 consid. 3.8).
En l’absence de liens d’une certaine intensité avec la Suisse, l’aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d’origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l’octroi d’un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l’examen de la licéité et de l’exigibilité de l’exécution du renvoi et un individu ne pouvant se prévaloir que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie (arrêt du Tribunal administratif fédéral F‑4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1).
26. En l'espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 20 OLCP, ainsi que 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d’une autorisation de séjour pour motifs importants, respectivement d'un cas de rigueur.
Le recourant a immigré en Suisse, selon ses propres déclarations en 2012 ou en 2014, soit depuis au moins onze ans ou treize ans, ce qui représente une longue durée de présence, à supposer que son caractère continu soit établi. Toutefois, seule une partie de son séjour s’est déroulée dans la légalité, à savoir du 3 décembre 2020 au 25 février 2022. Durant cette période, il a bénéficié d’un permis B (UE/AELE). Il a également séjourné légalement durant la procédure pénale ayant abouté au jugement du TCO.
Le recourant n’a jamais occupé d’emploi ni été en mesure de subvenir à ses besoins par ses propres moyens et dépend entièrement de l’Hospice général pour sa subsistance. Il ne peut se prévaloir d’aucune intégration. Le fait qu’il maîtrise la langue française à l’oral et à l’écrit – ainsi qu’il le soutient dans son recours et sa réplique – ne constitue pas une circonstance déterminante pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité.
Par ailleurs, il a été condamné pénalement à douze reprises. Même si sa toxicomanie peut s’expliquer par les profonds traumatismes subis, le tribunal relève qu’il a refusé de collaborer à la mesure de traitement institutionnel des addictions et au traitement ambulatoire portant sur ses problèmes d’addiction, conduisant le TAPEM à lever ce dernier, par jugement du 23 août 2024. Son comportement dénote ainsi son absence de volonté de se conformer à l’ordre juridique suisse.
De plus, célibataire et sans enfant, il ne dispose d’aucun lien avec la Suisse. Ainsi qu’il l’a déclaré à la police le 22 octobre 2024, il n’a jamais vécu en Suisse entre sa naissance et l’âge de 20 ans. Né en 1987, le recourant serait ainsi arrivé à Genève à l’âge de 25 ou 27 ans. C’est dire qu’il a passé dans son pays d’origine son enfance et le début de sa vie d’adulte, mais surtout toute son adolescence, laquelle constitue la période de la vie décisive pour la formation de la personnalité.
27. Le recourant rappelle qu’il a été victime de traite d’êtres humains. En raison de son témoignage, l’auteur de l’infraction, M. B______, ressortissant roumain comme lui, a été condamné à une peine privative de liberté de cinq ans. L’intéressé craint donc pour sa vie en cas de renvoi dans son pays d’origine. Il ajoute que sa mère a dû fuir le village où elle habitait.
Il fonde ses allégués sur des rapports du GRETA, qui pointent du doigt les nombreuses lacunes existant en Romanie dans le domaine de la protection des victimes de traite d’êtres humains. Celles-ci n’y sont pas indemnisées et les enquêtes policières, défaillantes. Il relève la pratique de cet État consistant à divulguer le nom et l’adresse des victimes sur le site internet public des institutions judiciaires, de sorte qu’elles sont intimidées par les personnes mises en cause. Par ailleurs, l’exploitation sexuelle y est souvent qualifiée de prostitution. Ainsi, en cas de renvoi dans son pays d’origine, il risque d’être qualifié de travailleur du sexe et non de victime de traite d’êtres humains.
28. En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant a été victime de traite d’être humains. En effet, le jugement du TCO du ______ 2019, exécutoire, a notamment reconnu M. B______ coupable de cette infraction à son préjudice, avec la circonstance aggravante du métier.
Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’il s’agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé et qu'il connaît donc mieux que quiconque, l’étranger est soumis à une obligation de collaboration que la jurisprudence qualifie de spécialement élevée (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-4396/2016 du 12 février 2020 consid. 5.4).
Or, le 5 mai 2021, l’OCPM lui a adressé une demande de renseignements portant sur l’existence desdites menaces, ainsi que, cas échéant, sur la question de savoir si sa famille aurait sollicité de l’aide auprès de la police. Le recourant a répondu qu’il n’était pas en mesure d’indiquer si sa famille faisait encore l’objet de menaces, mais qu'elle avait dû fuir à l’intérieur du pays. En outre, vivant dans la précarité, sa mère et sa grand-mère n’avaient pas fait appel à l’assistance de la police. Dans son recours, le recourant, réitère son allégation selon laquelle M. B______ a menacé de mort sa famille, qui a dû quitter son village pour se réfugier dans une autre localité roumaine. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le recourant aurait concrètement rendu vraisemblable l’existence de menaces proférées par M. B______, ni un risque de nouvelle victimisation, ni un danger pour sa propre vie ou sa propre santé. Il ne rend pas davantage plausible que la vie ou la santé de mère seraient menacées.
29. Au vu de ce qui précède, l'OCPM n'a pas violé le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (art. 96 LEI) en refusant de délivrer les autorisations de séjour sollicitées et le refus de l’intimé de proposer au SEM l’octroi d’autorisations de séjour pour motifs importants ne peut qu’être confirmé.
Puisque l’intéressé ne peut se prévaloir de liens avec la Suisse, les arguments d’ordre médical qu’il fait valoir dans son recours seront examiné dans le cadre de l’exécution du renvoi.
30. Subsidiairement, le recourant sollicite son admission provisoire.
31. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI).
32. Le renvoi d'un étranger ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États
(art. 83 al. 2 LEI).
Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).
33. À teneur de l’art. 83 al. 7 LEI, l’admission provisoire visée aux al. 2 et 4 n’est pas ordonnée dans les cas suivants :
a. l’étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée en Suisse ou à l’étranger ou a fait l’objet d’une mesure pénale au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP ;
b. l’étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et à l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse.
Lorsque l’art. 83 al. 7 LEI est appliqué, seule doit être examinée la question de savoir si l’exécution du renvoi est licite (arrêt du Tribunal administratif fédéral
E-46/2018 du 28 février 2020 consid. 2.3).
34. En l’espèce, par jugement du 6 juin 2023, le TP a déclaré le recourant coupable de vol et de contravention à la LStup. Il l’a condamné à une amende, ainsi qu’à une peine privative de liberté de 30 jours, cette dernière sanction étant suspendue au profit d’une mesure de traitement institutionnel des addictions au sens de l’art. 60 CP. L’intéressé a été condamné à l’une des mesures pénales visées par
l’art. 83 al. 7 LEI. En conséquence, la question de savoir si l’exécution de son renvoi serait possible ou raisonnable exigible, n’a pas à être examinée. Seule entre en ligne de compte la problématique d’une éventuelle illicéité du renvoi au sens de l’art. 83 al. 3 LEI.
35. L’art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a). Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 et les références citées).
Le retour forcé d'une personne touchée dans sa santé est susceptible de constituer une violation de l'art. 3 CEDH si elle se trouve à un stade de sa maladie avancé et terminal, au point que sa mort apparaît comme une perspective proche. Il s'agit de cas très exceptionnels, en ce sens que la personne concernée doit connaître un état à ce point altéré que l'hypothèse de son rapide décès après le retour confine à la certitude et qu'elle ne peut espérer un soutien d'ordre familial ou social. Un tel cas exceptionnel peut aussi être reconnu lorsqu'il existe des motifs sérieux de croire qu'en l'absence d'un traitement ou d'accès à un traitement, se fait jour un risque réel que la personne renvoyée soit exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, lequel entraînerait des souffrances intenses ou une réduction significative de l'espérance de vie (arrêt du Tribunal administratif fédéral
E-1236/2022 du 30 mars 2022).
36. En l’espèce, il découle d’un avis de sortie des soins aigus établis le 2 octobre 2024 par la Dresse K______, médecin interne aux HUG, que l’intéressé a été hospitalisé pour une fracture du grand trochanter. Sous comorbidités, ledit avis mentionne : épilepsie, contexte psycho social complexe, anémie normochrome normocytaire et accident AVP de vélo avec séquelles motrices au niveau des genoux. Un rapport de la Dresse I______ des HUG, établi le 28 juillet 2021, indique qu’il est suivi à la consultation pour les victimes de torture et de guerre et qu’il présente une symptomatologie anxio-dépressive compatible avec un épisode modéré à sévère. Les graves problèmes médicaux dont le recourant se prévaut doivent être considérés comme établis. Il ne résulte cependant pas des documents médicaux produits que l’intéressé se trouve à ce point atteint dans sa santé qu’en cas de renvoi en Roumanie, il risque sa vie à brève échéance. Il ne fait pas non plus valoir qu’il y serait soumis à des traitement inhumain et dégradants. En conséquence, son renvoi en Roumanie se révèle licite.
37. Partant, le recours doit être rejeté.
38. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée
(art. 87 al. 2 LPA).
39. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 14 octobre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 11 septembre 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La Présidente
Gwénaëlle GATTONI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.
| Genève, le |
| Le greffier |