Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/82/2025 du 23.01.2025 ( MC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 23 janvier 2025
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Naïma BOUAZIZ, avocate
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______, né le ______ 2003, originaire d'Albanie et démuni de documents d'identité, a été interpellé à Genève le 24 octobre 2024 pour trafic de stupéfiants (héroïne) et infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Il ressort du rapport d'arrestation qu'il est entré en Suisse en possession de 30 sachets minigrip contenant 166 grammes d'héroïne.
2. Entendu par les services de police, il a déclaré qu'il n'avait aucune famille ni attache particulière en Suisse, n'avait aucun domicile fixe en Suisse et était démuni de moyens légaux de subsistance.
3. Après avoir été entendu par le Ministère public le 25 octobre 2024, M. A______ a été maintenu en arrestation provisoire dans l'attente de son jugement.
4. Par jugement du 9 janvier 2025, le Tribunal de police a déclaré M. A______ coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. b, c, d, g et al. 2 let. a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121)), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup), l'a condamné à une peine privative de liberté de 15 mois, sous déduction de 78 jours de détention avant jugement (art. 40 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)) et a simultanément ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de 5 ans (art. 66a al. 1 CP).
5. Par décision du 20 janvier 2025, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le non-report d'expulsion à l'encontre de M. A______, après que la possibilité de s'exprimer, conformément au droit d'être entendu, lui ait été donnée.
6. A sa sortie de prison, le 20 janvier 2025, M. A______ a été remis en mains des services de police, chargés de l'exécution de son expulsion judiciaire, lesquels avaient d'ores et déjà procédé à une réservation de vol en sa faveur, prévu pour le 31 janvier 2025 à 14h50 au départ de Genève.
7. Le 20 janvier 2025, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines.
Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait à son renvoi en Albanie.
8. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.
9. Entendu ce jour par le tribunal, sur question de son conseil, M. A______ a déclaré qu'il souhaitait retourner en Albanie parce que son père était malade et aussi pour trouver du travail. S'il avait participé à du trafic de drogue l'année précédente, c'était parce qu'il n'avait plus d'argent et qu'il souhaitait financer son retour en Albanie. Il n'avait jamais été condamné précédemment pour des faits similaires.
Le représentant du commissaire de police a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines.
Le conseil de M. A______ a conclu à l’annulation de l’ordre de mise en détention administrative et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à une assignation à domicile, éventuellement assortie d'une obligation de présentation.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).
2. En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 20 janvier 2025 à 9h20.
3. L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 lettre h LEI, permet d'ordonner la détention administrative d'un ressortissant étranger afin d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion notifiée à celui-ci, lorsque la personne concernée a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de 3 ans (art. 10 al. 2 CP).
4. L'infraction instituée par l'art. 19 al. 2 let. a LStup est un crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_442/2012 du 11 mars 2013 consid. 3.2 ; ATA/795/2023 du 19 juillet 2023 consid. 3.7 ; ATA/882/2022 du 30 août 2022 consid. 3c). Il n'est pas nécessaire que le jugement pénal rendu en première instance soit définitif (ATA/769/2023 du 14 juillet 2023 consid. 3.2 ; ATA/451/2023 du 28 avril 2023 consid. 4.2 ; ATA/127/2015 du 3 février 2015 consid. 6).
5. En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une mesure d'expulsion du territoire Suisse prononcée par le Tribunal de police de Genève le 9 janvier 2025 et valable pour une durée de cinq ans, mesure dont l'OCPM a décidé le non-report. Il a par ailleurs été reconnu coupable par cette même juridiction et dans le même jugement d'infraction contre l'art. 19 al. 2 let. a LStup, ce qui constitue un crime selon ce qui vient d'être rappelé.
6. Par conséquent, sur le principe, la détention administrative de M. A______ respecte les conditions prévues par les dispositions légales susmentionnées.
Il convient de préciser, suite à l'argumentation développée par M. A______ au sujet du fait qu'il ne présenterait soi-disant plus une menace à l'avenir pour la sécurité et la santé d'autres personnes, que cette question est sans incidence dans le cas d'espèce, nonobstant les longs développements auxquels procède à ce sujet la décision litigieuse. En effet, la détention administrative de M. A______ trouve de toute manière à se fonder sur l'art. 75 al. 1 let. h LEI, également cité par cette décision. A toutes fins utiles, il convient encore de préciser que la détention de M. A______ pourrait être confirmée par substitution de motifs en raison du crime pour lequel il a été condamné, s'il fallait considérer que la décision litigieuse n'était pas expressément fondée sur ce motif.
7. Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.
8. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).
9. Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).
10. Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).
11. En l'espèce, M. A______ considère que sa détention n'est pas nécessaire sous l'angle du principe de proportionnalité, puisqu'il aurait la garantie, en demeurant en Suisse jusqu'à la date de son renvoi, de pouvoir retourner en Albanie, ce qui serait son objectif pour les raisons qu'il a expliquées à l'audience. Un tel raisonnement pourrait être examiné avec attention, pour autant qu'il faille accorder foi aux explications qu'il a données concernant précisément son intention de retourner dans son pays afin d'y retrouver son père malade et de chercher un emploi. Or, rien n'indique dans le dossier que l'on pourrait accorder crédit aux déclarations de M. A______, qui ne sont que de simples allégations. Il convient également de souligner que la difficulté de le croire sur sa simple parole est d'autant plus grande, que son comportement pénal en Suisse entame très sérieusement la confiance que l'on peut avoir en lui. Dans ces conditions, sa détention administrative apparaît comme le seul moyen véritablement adéquat pour assurer son renvoi vers l'Albanie. Quant à la durée de sa détention, elle n'est pas critiquée par M. A______ et apparaît quoi qu'il en soit comme parfaitement adaptée.
12. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois semaines.
13. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 20 janvier 2025 à 9h45 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 9 février 2025 inclus ;
2. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |