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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1770/2023

JTAPI/1215/2024 du 11.12.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

ADMIS par ATA/798/2025

Descripteurs : TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;SOUSTRACTION D'IMPÔT;CHARGES COMMERCIALES(DROIT FISCAL)
Normes : LIFD.151.al1; LPFisc.59.al1; LIPM.12.leth; LIFD.58.al1.letb; LIFD.175.al1; LPFisc.69.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

 

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1770/2023 ICCIFD

JTAPI/1215/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 décembre 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Stéphanie FONTANET, avocate, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après : la contribuable), inscrite au registre du commerce genevois depuis le ______ 1991, est active dans le domaine de gestion de patrimoine.

2.             De 2001 à 2017, Monsieur B______ a occupé les fonctions suivantes au sein de la contribuable :

-          directeur de décembre 2001 à juin 2009 ;

-          administrateur de juin 2009 à juin 2014 ;

-          administrateur et vice-président de juin 2014 à juillet 2016 ;

-          administrateur et président de juillet 2016 à juillet 2017 ;

-          administrateur de juillet 2017 à avril 2019.

3.             Dans ses déclarations fiscales pour les années 2009 à 2016, la contribuable a fait état des éléments suivants :

Années

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Bénéfices

76'082.-

306'648.-

347'051.-

94'157.-

412'914.-

508'246.-

223'124.-

108'337.-

Frais de voyages et de réception

 

500'118.-

 

559'557.-

 

541'365.-

 

551'694.-

 

490'533.-

 

357'801.-

 

337'130.-

 

309'218.-

Salaire de M.

B______

561'638.-

517'796.-

413'750.-

479'766.-

677'804.-

608'093.-

448'093.-

638'093.-

Frais forfaitaires de M.

B______

 

36'000.-

 

36'000.-

 

36'000.-

 

36'000.-

 

36'000.-

 

36'000.-

 

36'000.-

 

36'000.-

4.             L’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé la contribuable sur les bénéfices suivants :

Années

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Bénéfices taxés

79'676.-

310'037.-

347'206.-

244'157.-

412'914.-

508'951.-

223'124.-

157'211.-

Ces taxations sont entrées en force.

5.             Dans sa déclaration fiscale 2017, déposée en juin 2018, la contribuable a indiqué un bénéfice de CHF 169'785.- pour l’ICC et de CHF 245'227.- pour l’IFD, des frais de voyages et de réception de CHF 319'318.-, des frais de représentation de M. B______ de CHF 36'000.- et le salaire de ce dernier de CHF 663'093.-.

6.             Selon les explications données par l'AFC-GE dans la présente procédure, non contredites par la contribuable, l'autorité précitée a effectué des contrôles auprès de cette dernière les 6, 8 et 10 août et 17 octobre 2018, dans le cadre de la taxation 2017, consultant ses divers documents comptables. Dans le grand-livre 2017 figurait l’identité du père de M. B______, Monsieur C______, qui n’avait plus de fonction au sein de la contribuable depuis fin 2015. Celle-ci avait comptabilisé tant des frais forfaitaires de représentation que des frais effectifs. Ces derniers se retrouvaient dans trois catégories : (i) des frais payés en espèce figuraient dans le compte « caisse », (ii) des relevés de carte de crédit et (iii) des tableaux regroupant les autres frais. Seule une écriture globale récapitulative était passée par mois. Des tableaux récapitulatifs servant de base aux écritures comptables n'étaient pas précis. L’identité des clients ayant bénéficié des frais de représentation était rarement indiquée sur les tickets de caisse. En 2017, M. B______ se faisait rembourser de nombreux frais, tout en bénéficiant de frais forfaitaires. De nombreux frais comptabilisés n'étaient pas identifiables, car comptabilisés de façon groupée. Certains frais concernaient M. C______, ainsi que l’épouse de M. B______, qui n’était pas salariée de la contribuable. Certains frais de restaurant concernaient des repas pris le soir ou le week-end.

Par ailleurs, de nombreux frais de représentation paraissaient ne pas être justifiés par l'usage commercial, dont notamment des frais relatifs à des parties de chasse organisées en Pologne et ceux concernant l’actionnaire M. B______. S’agissant des premiers, la contribuable avait expliqué qu’ils étaient engagés pour des prospects. Elle avait remis à l'AFC-GE des tableaux indiquant les noms des participants, sans préciser que ceux-ci étaient ses clients. Ces tableaux indiquaient le gibier abattu par participant et le prix y relatif. M. C______ prenait part aux parties de chasse et des frais lui étaient directement remboursés, alors qu’il n’avait plus de fonctions dans la société. M. B______ avait notamment expliqué qu'il s'agissait d'un territoire de plus de 15’000 hectares en Pologne, qu'il avait une sorte d’exclusivité sur ce territoire grâce à un contrat signé par sa famille, que cela datait de plus de 30 ans, qu'il avait un « plan de tir » des autorités locales des eaux et forêts à respecter dans le but de réguler la faune. Il s'y rendait généralement en voiture, tandis que les invités prenaient un vol pour Berlin, avant que des taxis ne viennent les récupérer.

7.             Le 3 avril 2019, l'AFC-GE a ouvert à l’encontre de la contribuable des procédures de rappel et de soustraction des impôts concernant les années 2009 à 2016. Lors du contrôle sur place effectué dans le cadre de la taxation 2017, elle avait constaté des charges non justifiées par l'usage commercial, sous forme de frais de voyage et de représentation.

8.             Du 2 au 4 décembre 2019, l'AFC-GE a procédé à de nouveaux contrôles sur place et consulté divers documents comptables des années 2009 à 2016. Elle avait notamment constaté, s'agissant des frais de représentation, que des inscriptions manuscrites (noms, pseudos, explications) avaient été ajoutées a posteriori par M. B______ sur certains justificatifs. S'agissant des frais relatifs aux chasses en Pologne, les grands livres 2009 à 2017 (sous le compte n° 60’300 « Frais de représentation ») faisaient état d'écritures comptables libellées : « ______ [i.e. M. C______] frais prospect », « C______ frais de prospection », « C______ prospect déc », « prospect », « chasse prospect », « C______ prospect 2012 », « C______ frais de représentation » et « C______ frais de voyage ». Sur certains tableaux relatifs aux chasses, figuraient des inscriptions manuscrites « C______ prospect » ou encore « C______ frais de prospection ». Des factures relatives à ces frais de chasse étaient adressées directement à M. C______, et non à la contribuable.

9.             Le 24 juillet 2020, la contribuable a remis à l'AFC-GE un tableau listant « les opérations ponctuelles découlant directement et indiscutablement de la présence d'un invité particulier lors d'une partie de chasse, avec la date de cette dernière et le revenu généré » pour elle.

10.         Les 12 janvier et 22 juillet 2021, des entretiens ont eu lieu entre les parties afin de parvenir à une solution non judiciaire au litige.

11.         Le 15 novembre 2021, l'AFC-GE a remis à la contribuable le détail des reprises envisagées, lui indiquant qu’elle projetait de refuser l'ensemble des frais comptabilisés pour M. B______, faute de justificatifs probants. La déduction de nombreux frais serait refusée en raison des frais forfaitaires déjà comptabilisés. Les autres frais n'étaient pas suffisamment justifiés. Elle refuserait en outre l'ensemble des frais relatifs aux chasses en Pologne, ainsi que les frais relatifs aux sorties d'entreprise.

12.         Le 29 mars 2022, l'AFC-GE a notifié à la contribuable les bordereaux de rappel des ICC et IFD 2009 à 2016, les bordereaux de taxation ICC et IFD 2017 et les bordereaux d’amende pour soustraction des ICC et IFD 2012 à 2016, accompagnés des tableaux détaillant les reprises effectuées. La quotité des amendes était fixée à 3/5ème des impôts soustraits. La faute reprochée à la contribuable n’était pas précisée.

13.         Le 2 mai 2022, la contribuable a formé réclamation contre ces bordereaux, contestant le refus des frais de chasse, de représentation et de sorties d'entreprise, ainsi que les amendes. Elle a notamment produit un tableau mettant en lien des invités aux chasses avec des revenus générés par des mandats relatifs à la chasse.

14.         Le 7 juin 2022, la contribuable a remis à l'AFC-GE de nouveaux tableaux relatifs notamment aux frais de chasse. Un tableau, intitulé « Participants aux chasses par année », indiquait des noms en lien avec un pseudonyme et comportait des mentions « mari de », « père de », « fils de » ou encore « maman de ». Un autre tableau, intitulé « Clients chasses », mentionnait des noms de personnes, des pseudonymes et des revenus générés par année.

15.         Le 8 juin 2022, un nouvel entretien a eu lieu entre les parties.

16.         Par décision du 19 avril 2023, l'AFC-GE a admis partiellement la réclamation, la rejetant pour le surplus. Les frais relatifs à des sorties d'entreprise, des billets d’avion pour des courts déplacements et des repas proches du lieu de travail étaient admis. En revanche, les dépenses à caractère manifestement privés, ainsi que celles pour des repas les soirs et week-ends et pour la chasse étaient refusées.

S'agissant en particulier des frais de chasse, l'ensemble des factures y relatives comptabilisées avaient été adressées au père de M. B______, et non à la contribuable. De plus, celle-ci ne payait pas directement ces factures, mais versait les montants y relatifs directement à M. C______. Les explications de la contribuable avaient varié entre le début de la procédure, où cette dernière indiquait qu'elle y amenait principalement des « prospects », et les derniers entretiens, où elle indiquait qu'il s'agissait de prospects, d'apporteurs d'affaires et/ou de clients. Dans les grands livres, ces frais étaient comptabilisés avec la mention « prospect » ou « frais de prospection ». Après le premier contrôle sur place en 2018, c’était des annotations « prospects » que l’on retrouvait sur les charges identifiées comme étant en lien avec la chasse (notamment sur les relevés des cartes de crédit de M. B______). Dans le cadre des premières investigations, seul un tableau succinct avait été remis pour justifier les frais de chasse. Ce n'était que lors de l’entretien de juin 2022 que de nouveaux tableaux avaient été remis, avec comme explication que le tableau fourni précédemment regroupait uniquement les revenus « extraordinaires ». Ces nouveaux tableaux ne permettent pas d'emporter la conviction quant au lien entre les parties de chasse et le chiffre d'affaires de la société. Ainsi, le lien entre ces frais de chasse et l'acquisition, respectivement le maintien, du chiffre d'affaires de la société n'était pas établit.

Les autres frais de représentation étaient mal comptabilisés, dans la mesure où une écriture globale récapitulative était passée par mois pour les cartes de crédit, sans aucun détail. L’identité des clients était rarement indiquée sur les tickets. De nombreux frais étaient remboursés à M. B______, alors que celui-ci percevait des frais de représentation forfaitaires. Des frais relatifs à des proches étaient de nature privée. La contribuable avait postérieurement annoté les documents pour justifier ces frais. A titre d'exemple, pour une facture de fitness de 2009, comptabilisée dans le grand livre sous le libellé « silhouette abo » pour un montant de CHF 1’119.-, la contribuable avait soutenu qu’il ne s'agissait pas de l'abonnement personnel de M. B______, mais d'un nombre d'entrées individuelles au fitness pour n'importe lequel de ses employés. Or, cette facture était adressée personnellement à M. B______, à son adresse privée dans le canton de Vaud, avec comme intitulé « réabonnement de votre contrat ». Néanmoins, elle avait admis de nombreux frais concernant M. B______, en particulier ceux de ses déplacement à l'étranger et de représentation, sur la base des relevés de carte de crédit.

Enfin, s’agissant des amendes, elle avait retenu comme circonstances atténuantes la bonne collaboration de la contribuable et le fait que la procédure avait duré plusieurs années.

17.         Par acte du 22 mai 2023, sous la plume de ses conseils, la contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et celles des bordereaux y relatifs, sous suite des frais et dépens. Préalablement, elle a requis l’audition de M. B______ et de Madame D______, qui était en charge de sa comptabilité pour la période en cause.

Entre 2009 et 2017, elle avait réalisé des chiffres d’affaires se situant entre CHF 7 et CHF 10 millions. Elle était ainsi une société de gestion de fortune sérieuse.

Ses trois actionnaires, dont M. B______, l’avaient acquise alors qu’elle appartenait à un chasseur belge installé en Suisse. C’était ainsi dans le milieu de la chasse que le vendeur et les acquéreurs s’étaient rencontrés. Dès 2001, elle avait eu pour « clientèle cible » des chasseurs fortunées issus de grandes familles européennes. Sans la chasse et les chasseurs qui étaient au fil du temps devenus ses nombreux clients, elle ne serait pas ce qu’elle était aujourd’hui. La chasse s'inscrivait ainsi véritablement dans sa philosophie. Depuis 2006, elle organisait chaque année à tout le moins une partie de chasse en Pologne où des clients et prospects étaient invités. Les factures y relatives étaient adressées au père de M. B______, parce qu’il était titulaire d’un accord d’exclusivité sur le territoire de chasse en Pologne, qu'il avait pu reprendre de l'un de ses oncles (appartenant à la famille E______) au décès de ce dernier. Le père de M. B______ était en outre l'actionnaire majoritaire de F______ SA, de sorte qu'il y avait une logique à ce que les factures lui soient adressées, étant par ailleurs précisé que le gouvernement polonais n'aurait pas accepté des paiements d'une autre personne. Le précité ne faisait que régler ces factures pour elle et elle le remboursait immédiatement, sans aucune rémunération.

Une part significative de ses revenus était issue des chasses. En particulier, la famille « B., la famille E. (JE, LE, AE, CE, P.E. et NE), ainsi que LG ; EJ ; PJ ; OO ; TR ; HT ; EL ; GV » - tous de fortunés chasseurs - étaient devenus ses clients uniquement grâce aux parties de chasse organisées par elle. C'était en effet à la suite des invitations à chasser que chacun de ces clients avait noué une relation avec elle et continué d'augmenter leurs actifs sous gestion ou d'investir, puisque cette activité renforçait leurs rapports et la confiance.

Entre 2009 et 2017, les frais de chasse s’élevaient entre CHF 85'000.- et CHF 175'000.- par année, tandis que les actifs des clients sous gestion, issus exclusivement des chasses, lui avait rapporté entre CHF 2'762'000.- et CHF 3'871'000.- par année, soit un total de près de CHF 30'000'000.-. De nombreux invités avait investi dans la société suite à la chasse. Ces frais étaient ainsi justifiés par l’usage commercial.

Elle remboursait à ses gestionnaires leurs frais de voyages et/ou de déjeuners professionnels et faisait parfois des cadeaux à ses clients. Contrairement à ce que retenait la décision querellée, elle n’avait pas postérieurement annoté des documents pour justifier ces frais. Elle avait des difficultés à réunir certains justificatifs compte tenu du fait que le rappel d'impôt s'étendait sur près de 9 ans et portait sur des éléments datant de quatorze ans auparavant.

L’audition de M. B______ était requise car celui-ci était le mieux à même de renseigner dans le détail le tribunal de céans sur la manière dont étaient organisées les parties de chasse en Pologne, ainsi que sur tout ce qui s'y passait et s'y discutait, au fil des années. Les nombreux échanges avec les clients, prospects et apporteurs d’affaires lors de ces voyages n'avaient pas été consignés par écrit, mais M. B______ se souvenait bien de tout cela et en particulier de l'important travail fourni par lui-même et autres collaborateurs pour que les chasses soient aussi rémunératrices. Il était également indispensable d'entendre Mme D______ qui connaissait parfaitement bien la société, ses gestionnaires et les pseudonymes des clients et était en charge de sa comptabilité pendant les années concernées. Elle avait également été chargée de répondre aux diverses demandes de l'AFC-GE pendant le contrôle et pourrait venir confirmer l'attitude « plus que particulière » de celle-ci durant toute la procédure.

Toutes les factures relatives aux chasses, leurs détails (le nom de chaque participant aux chasses, la durée du séjour etc.), ainsi que les preuves de paiement étaient dûment conservées. Ainsi, sur chaque facture, le libellé de l'écriture correspondante, le montant, les références de l'émetteur, la date de son établissement et le paiement étaient identifiables, si bien que la réalité de la transaction et de son montant étaient immédiatement vérifiables. Le fait que leurs paiements se faisaient par l'intermédiaire du père de M. B______, pour des raisons expliquées plus avant, ne pouvait remettre en cause la réalité de cette charge pour elle. Les parties de chasse représentaient effectivement des charges. Elles étaient en relation directe et même intrinsèque avec son activité et ses revenus. Elles lui permettaient d'acquérir de nouveaux riches clients férus de chasse et de fidéliser les clients chasseurs existants, ainsi que de réaliser des opérations particulières extraordinaires avec eux. Elles étaient très rémunératrices pour elle. Elles lui avaient rapporté près de CHF 30’000'000.- en 9 ans, ce qui représentait, chaque année, environ 35 % de son chiffre d'affaires. Il s'agissait ainsi incontestablement de frais qui lui avaient non seulement permis d'acquérir un important revenu, mais aussi de le maintenir et de le développer, de sorte qu'il n'était pas possible de nier la causalité entre les frais de chasse et son but économique. Il en allait de même s'agissant des autres charges qui avaient été réintégrées à tort dans son bénéfice imposable, sur lesquelles elle reviendrait dans le cadre d’un complément au recours.

Enfin, dans la mesure où les reprises sur des frais n’étaient pas justifiées, s'agissant notamment des frais de chasse pour les années 2009 à 2017, les conditions de la soustraction fiscale n’étaient pas réalisées. En tout état, elle n'avait pas violé de quelconques obligations légales, pas plus qu'elle n'avait commis de faute.

18.         Dans sa réponse du 8 novembre 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La demande d’audition des deux témoins devait être rejetée dans la mesure où les pièces au dossier suffisaient pour trancher le litige.

Le voyages de chasse avaient notamment été effectués avec des tierces personnes ne travaillant pas dans l'entreprise. Les factures y relatives n’étaient pas adressées à la contribuable, ni payées par elle. Pour cette seule raison déjà, la déduction des charges requises devait être écartée. En tout état, la corrélation entre ces frais et le chiffre d'affaires réalisé durant les périodes fiscales litigieuses n'avait pas été établie. En effet, les grands livres 2009 à 2017 (sous le compte n° 60'300 « Frais de représentation ») faisaient état d'écritures comptables libellées: « C______ frais prospect », « C______ frais de prospection », « C______ prospect déc », « prospect », « chasse prospect », « C______ prospect 2012 », « C______ frais de représentation » et « C______ frais de voyage ». En outre, lors du contrôle sur place d'août 2018, la recourante avait oralement confirmé qu'il s'agissait de frais de prospection.

De plus, les « tableaux gibier » comprenaient des inscriptions manuscrites tels que « C______ prospect » ou encore « C______ frais de prospection ». Ces tableaux ne faisaient toutefois qu'énumérer des noms de participants aux chasse, le gibier abattu par personne et le prix du gibier par personne. Le premier tableau mettant en lien des invités aux chasse à un prétendu revenu généré grâce à une partie de chasse n'avait été produit qu'en juillet 2020. Aucun justificatif ne venait appuyer les données contenues dans ce tableau. II n'était ainsi pas prouvé que ce serait grâce aux parties de chasse que des contrats générant des revenus auraient été conclus. Un second tableau, similaire, avait été produit le 2 mai 2022. Une fois encore, la recourante n'avait produit aucune pièce justificative permettant de vérifier les informations contenues dans ce tableau. Les tableaux produits le 7 juin 2022 ne prouvaient toujours pas que les parties de chasse en Pologne avaient permis de générer des revenus durant les années fiscales litigieuses, étant relevé que certains invités figurant dans les tableaux des 24 juillet 2020 et 2 mai 2022 n'y apparaissaient plus. Certaines personnes étaient invitées chaque année aux parties de chasse alors qu'elles ne généraient aucun revenu pour la recourante.

S'agissant des autres frais, la recourante n’avait fourni aucune motivation, ni justification commerciale. Partant, elle maintenait les reprises y relatives.

Enfin, les conditions d’une soustraction fiscale étaient remplies et la quotité des amendes était adéquate.

19.         Par réplique du 5 janvier 2024, la recourante, sous la plume de ses conseils, a maintenu ses conclusions précédentes.

Dans la décision litigieuse, l'AFC-GE lui avait notifié des tableaux de reprises. Les frais admis étaient expliqués de façon générale par l'AFC-GE. Or, elle n'était tout simplement pas en mesure de comprendre une partie des reprises effectuées (pour un total CHF 174'804,87), ni les frais pour lesquels des astérisques avaient été ajoutés dans ces tableaux. En effet, certains postes y figurant regroupaient différents frais, à l'instar des relevés de carte VISA. En se contentant d'indiquer que certains frais avaient été acceptés - sans toutefois préciser lesquels, l'AFC-GE lui rendait la tâche tout simplement impossible, car elle ne pouvait identifier les frais « problématiques ». Elle n'était donc pas en mesure de se déterminer dans ces circonstances. Le manque de motivation et d'explication de l'AFC-GE constituait ainsi une violation de son droit d'être entendue et la décision querellée devait être annulée pour ce motif.

Entre 2009 et 2017, elle avait eu des frais de CHF 408'118,43 pour : des déplacements de ses collaborateurs auprès des clients à l’étranger, des repas d'affaires avec des clients et des prospects, des cadeaux à des clients importants pour des occasions très particulières (naissance, mariage, anniversaire, etc.), des cadeaux à des collaborateurs (notamment de Noël et d'anniversaire), la sortie annuelle de l’entreprise et « quelques repas de travail » des collaborateurs. Ces frais étaient ainsi parfaitement justifiés par l'usage commercial.

L'AFC avait également repris à tort les frais relatifs « à divers dons » à des personnes morales en Suisse, ainsi que des frais « en lien avec les locaux » de la société.

Pour un total de 103 postes comptables se rapportant aux années 2009 à 2017, l'AFC-GE n’avait pas indiqué les motifs pour lesquels elle avait admis certains montants et pas d'autres, ni comment elle avait calculé les montants qui demeuraient problématiques. Sans ces informations, elle n'était pas en mesure de se déterminer sur les reprises effectuées dans ce cadre, ni de venir critiquer la décision entreprise. Cela étant, elle avait effectué un travail conséquent en reprenant les tableaux de reprises de l'AFC-GE, qu'elle reproduisait en tant que pièces I à IX. Dans ce cadre, elle avait numéroté chaque poste et indiqué les frais n’ayant pas été analysés en raison de leur faible importance (soit les frais inférieurs à CHF 50.-), les frais de chasses, les frais pour lesquels l'AFC-GE n’avait fourni aucune explication et les frais pour lesquels elle n'était pas encore en mesure de retrouver les pièces justificatives. Ces pièces avaient existé lors de l'établissement des comptes, mais certaines d'entre elles avaient été égarées à la suite des différentes visites des contrôleurs dans ses locaux. Une « grande partie » de ces pièces devraient se trouver dans le dossier du fisc.

Afin de se conformer à la loi fédérale sur les établissements financiers du 15 juin 2018 (LEFin - RS 954.1), elle avait anonymisé les noms des clients, prospects et apporteurs d'affaires. Elle disposait toutefois d'un index des abréviations utilisées, qu’elle pouvait produire à la demande du tribunal. De manière générale, M. B______ et ses collaborateurs devaient voyager pour rendre visite aux clients et les inviter à déjeuner ou à dîner lors de leurs rencontres en Suisse ou à l'étranger (Londres, Allemagne, Belgique et Espagne). Il s'agissait là de frais indispensables pour nouer des relations durables avec les clients qui appréciaient ces invitations. A cet égard, elle présentait des tableaux indiquant les frais que l'AFC-GE aurait dû admettre à titre de charges commerciales, à savoir les frais de voyages professionnels à l'étranger, les frais de déplacements et de repas en Suisse et les frais pour cadeaux à des clients ou à ses collaborateurs. En résumé, elle contestait les reprises effectuées par l'AFC-GE à hauteur d'un montant minimum de CHF 404'879,18. Ce montant ne tenait pas compte des postes sur lesquels elle ne pouvait en l'état se déterminer, faute d’explications de l'AFC-GE s'agissant des motifs de leur reprise. Il appartiendrait donc à cette dernière de lui faire parvenir les explications nécessaires afin qu’elle puisse analyser ces postes repris à tort, lesquels totalisaient CHF 174'804,87.

Pour des frais de « restaurant siège », elle était uniquement en mesure de « mettre la main » sur des pièces justificatives des années 2009 et 2010.

Selon ses tableaux, l'AFC-GE n’aurait pas dû reprendre les montants suivants :

Frais de voyages à l'étranger

Autres frais (restaurants, cadeaux etc.)

2009

13'276,11

24'631,60

2010

47'572,07

13'151,75

2011

55'980,95

26'819,02

2012

36'997,44

40'918,20

2013

15'681,71

20'200,76

2014

4'618,50

28'095,58

2015

11'154,69

17'043,08

2016

13'376,79

3'499,50

2017

14'630,54

17'230,89

20.         Par duplique du 29 février 2024, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions, explicitant la manière dont les reprises avaient été effectuées.

M. B______ ayant bénéficié de frais forfaitaires de représentation, elle avait refusé l'ensemble des menus frais le concernant inférieurs à CHF 50.-. Afin de déterminer les reprises effectuées, elle avait tout d’abord établi des tableaux de reprises sous format Excel, en reprenant telles quelles les écritures comptabilisées dans les grands livres et susceptibles de faire l'objet d'une reprise. Ces tableaux reproduisaient ainsi les extraits des comptes des grands livres avec date, libellé et montant tels que comptabilisés par la contribuable. Elle avait ensuite examiné la ou les pièces relatives à l'écriture comptable pour vérifier si les frais étaient justifiés commercialement. S’agissant des écritures comptables simples, si le montant comptabilisé ne s'avérait pas justifié commercialement, il était repris tel quel dans le tableau des reprises. En cas d'écritures comptables globales ou regroupées, elle avait examiné le détail du relevé et des éventuels justificatifs y relatifs. Les frais justifiés commercialement avaient été déduits du montant initialement comptabilisé, le solde étant repris. Dans le cas où seulement quelques montants étaient admis, un astérisque avait été ajouté dans la colonne à côté du montant comptabilisé pour attirer l'attention de la contribuable sur le fait que certains frais avaient été admis. Dans ces cas, le détail des frais admis était visible dans la cellule de calcul du fichier Excel, qu’elle avait remis à la recourante sous format Excel et PDF par courriel du 20 avril 2023 (pièce 84 AFC-GE) et qu'elle remettait au tribunal sous forme de clé USB (pièce 87 AFC-GE). Dans ces conditions, cette dernière était à même de se déterminer sur les reprises effectuées, de sorte que son droit d'être entendu avait été respecté.

S’agissant des tableaux produits par la recourante avec sa réplique, elle relevait d’abord que M. B______ était associé gérant de G______ Sàrl. Les factures émises par cette société ne comportaient aucuns détails relatifs aux voyages organisés, mais se limitaient à mentionner des « forfaits », ce qui ne prouvait pas la justification commerciale de ces frais. Dans ses décisions, elle avait fait preuve de pragmatisme et de souplesse en admettant partiellement la réclamation et en acceptant de revoir les reprises liées aux frais de représentation. En effet, elle avait admis les frais relatifs aux sortie d'entreprise et refusé les menus frais (inférieurs à CHF 50.-). S'agissant des autres frais de représentation (hors chasse et supérieurs à CHF 50.-), elle avait effectué, au vu des dernières explications données, une analyse pragmatique des frais revendiqués sans tenir compte de l'existence ou non de justificatifs, soit une analyse à l'avantage de la contribuable, à qui incombait le fardeau de la preuve en la matière. Ainsi, les billets d'avion pour des courts déplacements ou encore des frais de repas proche du lieu de travail avaient été acceptés. En revanche, les dépenses à caractère manifestement privés ou les repas les soirs et week-end avaient été refusées.

De nombreux frais comptabilisés n’étaient justifiés par aucun document probant, ni ne mentionnaient l'identité des bénéficiaires. De plus, les indications vagues telles que « frais de déplacements professionnels en Suisse », « divers prospects », « avec des clients et prospects » ou « prospection toujours en cours » ne suffisaient pas à apporter une justification commerciale. Finalement, les nombreux frais à l'étranger ou proches des résidences privées de M. B______, ainsi que ceux engagés durant les week-ends ou les soirées paraissaient davantage d'ordre privé ou de convenance personnelle.

Pour le surplus, l'AFC-GE a commenté en détail les tableaux de frais que la recourante avait produits avec sa réplique, considérant, en substance, que la corrélation avec l'acquisition du revenu n’avait pas été établie.

21.         Par écriture spontanée du 17 mai 2024, la recourante a campé sur sa position.

Selon ses nouveau tableaux, l'AFC-GE n’aurait pas dû reprendre les montants suivants :

Frais de voyages à l'étranger et autres frais (restaurants, cadeaux etc.)

2009

37'907,71

2010

60'723,82

2011

82'799,97

2012

77'915,64

2013

35'882,47

2014

32'714,08

2015

28'197,77

2016

16'876,29

2017

31'861,43

22.         Pour le surplus, les arguments des parties et le contenu des pièces qu’elles ont produites seront repris et discutés, en tant que de besoin, ci-après dans la partie en droit.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Il convient tout d'abord d'examiner le grief de nature formelle que la recourante soulève à l'encontre de la décision litigieuse, au motif que les tableaux de reprises qui l'accompagnaient n'expliquaient que de manière générale les frais admis, sans qu'il soit possible de comprendre une partie des reprises effectuées. En effet, certains postes regroupaient différents frais, à l'instar des relevés de carte VISA. En se contentant d'indiquer, à l'aide d'un astérisque, que certains frais avaient été acceptés - sans toutefois préciser lesquels, l'AFC-GE lui rendait la tâche tout simplement impossible, car elle ne pouvait identifier les frais « problématiques ». Le manque de motivation et d'explication de l'AFC-GE constituait ainsi une violation de son droit d'être entendue et la décision querellée devait être annulée pour ce motif.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu implique, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision (cf. art. 46 al. 1 LPA). Selon la jurisprudence, il suffit que celle-ci mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que son destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision. La motivation est ainsi suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d'en comprendre les raisons et de la déférer à l'instance supérieure en connaissance de cause. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; cf. aussi ATA/967/2016 du 15 novembre 2016 consid. 2b). L'autorité peut donc passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l'évidence non établi ou sans pertinence et il n'y a violation du droit d'être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents (cf. ATF 135 III 670 consid. 3.3.1 ; 133 III 235 consid. 5.2 ; 129 I 232 consid. 3.2 ; 126 I 97 consid. 2b et les références citées ; cf. également ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1).

5.             En l'espèce, dans ses écritures du 29 février 2024, l'autorité intimée a expliqué la manière dont elle avait réalisé les tableaux des reprises qu'elle avait annexés à la décision litigieuse, précisant en particulier que le document Excel qu'elle avait remis à la recourante permettait, lorsque certains frais avaient été admis en déduction, d'en prendre connaissance de manière détaillée dans la cellule de calcul du fichier. Ainsi, à titre d'exemple, pour la période fiscale 2009, la recourante avait comptabilisé sous le compte « 60300 – frais de représentation » une écriture globale datée du 27 janvier 2009 libellée « visa relevé 27 janvier ______ frais de voyage » d'un montant de CHF 3'415,69. Dans ce total, l'autorité intimé avait admis différents frais, soit CHF 200.-, CHF 81.-, CHF 128,40, CHF 118.33, CHF 115,11, CHF 312,50, CHF 62,55 et CHF 58,65.

6.             A l'examen du document Excel mentionné ci-dessus, le tribunal constate que, conformément aux explications données par l'autorité intimée, chacun des montants faisant l'objet d'un astérisque permet, lorsque le curseur est positionné dessus, de faire apparaître la liste des montants qui ont été admis en déduction, comme dans l'exemple décrit plus haut. Il en découle que la recourante était parfaitement en mesure de déterminer, au sein d'une écriture globale, quels frais avaient été admis par l'autorité intimée, et par conséquent lesquels avaient été refusés. Quant au motif d'un tel refus, il est vrai qu'il n'a pas été indiqué en regard de chaque frais concerné, mais la décision litigieuse s'en explique valablement de manière générale, s'agissant du problème récurrent relatif à l'absence de démonstration probante du caractère commercialement justifié des frais concernés.

7.             Au vu de ce qui précède, le grief de violation du droit d'être entendu devra être rejeté.

8.             S'agissant du fond du litige, la recourante conteste l'appréciation de l'autorité intimée sur le caractère commercialement non justifié des frais qu'elle a ramenés dans le bénéfice de la société.

9.             Le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le rappel d’impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles. En revanche, en ce qui concerne la poursuite pénale pour soustraction fiscale, le nouveau droit, entré en vigueur le 1er janvier 2017, s'applique au jugement des infractions commises au cours de périodes fiscales précédant son entrée en vigueur s'il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales (principe de la lex mitior ; cf. art. 205f LIFD et 78f de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 [LHID - RS 64214] ; cf.  arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2021 du 27 avril 2022 consid. 5).

10.         En l’occurrence, en matière d’IFD, la LIFD, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, est ainsi applicable aux périodes fiscales litigieuses. Quant aux ICC, ceux-ci sont régis, pour ce qui concerne l'année fiscale 2009, par les anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques des 31 août et 22 septembre 2000 (aLIPP-I à V), abrogées au 31  décembre 2009, et, pour ce qui concerne les années fiscales 2010 à 2016, par la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27  septembre 2009 entrée en vigueur le 1er janvier 2010 (LIPP - D 3 08 ; cf. art. 69 LIPP), par la LIPP (art. 71 LIPP), par la LPFisc et par la LHID.

11.         Pour le surplus, il y a lieu de constater que dans la mesure où un avis d'ouverture de la procédure de rappel d'impôt a été notifié à la recourante le 3 avril 2019 pour les périodes fiscales 2009 à 2016, le délai de péremption de dix ans pour introduire une telle procédure (art. 152 al. 1 LIFD et 61 al. 1 LPFisc) a été respecté et que le délai de quinze ans relatif au droit de procéder au rappel d’impôt pour ces périodes (art. 152 al. 3 LIFD et 61 al. 3 LPFisc) n’est pas encore échu, si bien que ce droit n’est pas périmé.

Par ailleurs, que l’on applique le nouveau droit (art. 184 al. 1 let. b ch. 1 et al. 2 LIFD en vigueur dès le 1er janvier 2017) ou l’ancien (ancien art. 184 al. 1 let. b et al. 2 LIFD, en vigueur avant le 1er janvier 2017), la poursuite pénale de la soustraction d’impôt consommée reprochée à la recourante au cours des périodes 2012 à 2016 n’est pas prescrite, dès lors que l'AFC-GE a prononcé les amendes 29 mars 2022 pour ces années, soit avant le délai de dix ans après la fin de ces périodes, que, le 3 avril 2019, elle a informé la recourante de l'ouverture à son encontre de la procédure en soustraction d’impôt et qu'il ne s’est pas encore écoulé quinze ans depuis fin 2009.

12.         La recourante sollicite l'audition de M. B______ et de Mme D______.

13.         Aux termes des art. 115 LIFD et 18 al. 2 LPFisc, les offres de preuve du contribuable doivent être acceptées, à condition qu’elles soient propres à établir des faits pertinents pour la taxation.

Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend pour le justiciable le droit d'obtenir l’administration des preuves pertinentes et valablement offertes (cf. ATF 142 Il 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1). Cette garantie constitutionnelle n'empêche toutefois pas l’autorité de renoncer à procéder à des mesures d'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il s’ensuit que le droit d'être entendu n'emporte avec lui aucun droit absolu d'obtenir l'audition de témoins ; l'autorité peut renoncer à les faire citer si, dans le cadre d'une appréciation anticipée non arbitraire des preuves, elle peut d'emblée dénier à ces témoignages une valeur probante décisive pour le jugement (ATF 130 II 425 consid. 21).

14.         En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause sur le litige, de sorte qu’il n’apparaît pas utile de procéder à l’audition de M. B______ et de Mme D______. Les témoignages de ces personnes ne sauraient pallier l’absence de justificatifs comptables. En tout état, leur déposition devrait être appréciée avec circonspection dès lors qu’ils ont des liens contractuels et/ou de subordination avec la recourante. De plus, celle-ci ne motive pas les raisons pour lesquelles les explications qui seraient données en audience par ces personnes seraient susceptibles d'emporter davantage la décision du tribunal que les pièces et explications fournies dans le cadre de la procédure écrite.

Partant, cet acte d’instruction, en soi non obligatoire, ne sera pas ordonné.

15.         La recourante conteste les reprises sur des frais de chasse, de voyages professionnels et de représentation (restaurants, cadeaux etc.).

16.         Selon les art. 59 al. 1 LPFisc et 151 al. 1 LIFD, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.

17.         Aux termes de l’art. 57 LIFD, l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Selon l’art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend notamment le solde du compte de résultats (let. a), ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial (let. b).

Selon l’art. 24 al. 1 let. a LHID, l’impôt sur le bénéfice a pour objet l’ensemble du bénéfice net, y compris les charges non justifiées par l’usage commercial, portées au débit du compte de résultat. Cette règle est concrétisée en droit genevois par l’art. 12 let. a et h de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), qui correspond sur ce point à l’art. 58 al. 1 let. a et b LIFD.

Les cantons doivent imposer l’ensemble du bénéfice net, dans lequel doivent notamment être inclus les produits et les charges non justifiées par l'usage commercial, portées au débit du compte de résultats (art. 24 al. 1 let. a et b LHID cum art. 2 al. 1 let. b LHID).

18.         Ces dispositions légales énoncent le principe de l'autorité du bilan commercial (ou principe de déterminance), selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal. Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. L'autorité fiscale peut donc s'écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou que des normes fiscales correctrices l'exigent. Selon ce principe, le contribuable est lié à la situation patrimoniale de la période fiscale, telle qu'elle ressort des livres de compte régulièrement établis. En revanche, si la comptabilisation se fait de manière contraire au droit commercial, une correction de bilan est possible jusqu'à l'entrée en force de la déclaration d'impôt. La correction de bilan peut intervenir en faveur ou en défaveur du contribuable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_857/2020 du 11 février 2021 consid. 4.1 et les références).

Ce principe déploie aussi un effet contraignant pour le contribuable. En effet, celui-ci est lié par son mode de comptabilisation et seules les écritures ressortant des comptes sont décisives (cf. Robert DANON, in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, p. 1074 n. 74). Les écritures comptables effectivement passées doivent être reprises par le droit fiscal et le contribuable ne peut se prévaloir que des écritures qu'il a effectivement enregistrées dans ses comptes, lesquels lui sont d'ailleurs opposables (principe de comptabilisation). Ce dernier principe implique donc que le contribuable est lié par les comptes qu'il a joints à sa déclaration. Il ne peut, sous réserve de dispositions légales spécifiques du droit fiscal ou de l’application du principe de la bonne foi, se prévaloir d’une réalité autre que celle ressortant des comptes commerciaux (cf. P.-M. GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, vol. 2, 2005, pp. 89 et 173).

19.         Conformément au principe de l'autorité du bilan commercial, une personne morale doit se laisser opposer la façon dont elle a comptabilisé ses charges. En outre, en vertu du principe de l'évaluation individuelle, la justification commerciale d'une charge doit être établie pour elle-même (arrêt 2C_645/2012 du 13 février 2013 consid. 8).

« Tenir une comptabilité de façon régulière, c'est, en particulier, organiser la comptabilité de façon à ce que tous les mouvements de valeur soient enregistrés de manière systématique, c'est-à-dire selon un ordre aussi bien logique (ce qui implique la mise au point et le respect d'un plan comptable) que selon un ordre chronologique. La comptabilité doit également être organisée de façon à ce que sa structure soit adaptée à l'entreprise. (…) L'enregistrement de chaque mouvement de valeur, c'est-à-dire chaque écriture dans les livres, doit être accompagnée d'une pièce justificative (factures, correspondance, reçus, etc.). Une exception est cependant faite pour les virements internes. (…) en outre une comptabilité tenue de façon régulière implique la possibilité d'un contrôle a posteriori, c'est-à-dire une organisation rendant possible un tel contrôle, après la fin des opérations d'enregistrement, afin de déceler les défectuosités dans l'enregistrement » (H. TORRIONE, Commentaire romand, Code des obligations II, 2008, p. 607 n. 34).

Les pièces comptables doivent être propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liés à l'activité et pouvoir être contrôlées dans des conditions raisonnables par les autorités fiscales (arrêts 2C_189/2016 du 13 février 2017 consid. 6.4.4; 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 6.5). Cette exigence est d'autant plus importante lorsque le contribuable entend alléguer des faits de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa p. 266), ce qu'il lui incombe de prouver (ATF 133 II 153 consid. 4.3).

La fonction première de la comptabilité commerciale est de fournir un système d’information fiable. Cette fiabilité intéresse en particulier les créanciers et les actionnaires de l’entreprise ou encore l’administration fiscale (déclaration d’impôt). Le principe d’intégralité (art. 957a al.2 ch.1 et 958c al.1 ch.1 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse - CO - RS 220) exige que toutes les informations qui sont nécessaires à l’évaluation de la situation économique de l’entreprise (art. 957a al.1 CO) soient communiquées. Le principe de fiabilité, quant à lui, englobe les principes de l’exactitude des comptes, de la sincérité (fidélité) du bilan et de l’absence d’arbitraire. Selon ce principe, les informations fournies dans les comptes doivent être exemptes d’erreurs importantes et de distorsions. En particulier, les écritures ne doivent pas être falsifiées ou déformées. De plus, les transactions doivent être enregistrées chronologiquement et intégralement dans un journal, la comptabilité doit être tenue en partie double et les comptes doivent s’aligner sur une structure logique qui soit conforme à un plan comptable reconnu. Le principe de justification de chaque enregistrement par une pièce comptable, qui concerne l’établissement de la comptabilité (art.957a al.2 ch. 2 CO), commande de documenter chaque opération significative par une pièce comptable reflétant l’élément de fait concerné (MSA 2014, 33). La pièce justificative doit porter le libellé de l’écriture, son montant, les références de l’émetteur et la date de son établissement (cf. DANON in op. cit., art. 58 § 21 - 24, p. 1059-1060).

20.         Suivant les art. 58 al. 1 let. b LIFD et 12 let. h LIPM, les charges de l'entreprise doivent être réintégrées au bénéfice imposable lorsque celles-ci ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial. Cette reprise peut intervenir en raison d'une violation du droit commercial ou encore pour assurer la périodicité de l'impôt. Contrairement à ce qui prévaut en présence d'une distribution dissimulée de bénéfice, la reprise n'est pas liée à un appauvrissement de la société. En effet, une charge non justifiée a uniquement pour conséquence de créer une réserve latente qui réduit temporairement le résultat de la société. L'art. 58 al. 1 let. b LIFD ne précise pas ce qu'il convient d'entendre par "dépense justifiée par l'usage commercial". Elle prévoit plutôt une liste non exhaustive de certains éléments dont la déduction n'est pas admise. La justification commerciale d'une dépense dépend de son contexte et de toutes les circonstances du cas d'espèce. Selon la jurisprudence constante, une dépense dûment comptabilisée est justifiée par l'usage commercial lorsqu'il existe entre celle-ci et l'activité commerciale exercée par l'entreprise une connexité objective, c'est-à-dire lorsque la dépense aurait été consentie par un gestionnaire ordinaire faisant preuve de la diligence objective requise par le droit commercial. Peu importe, en revanche, que la dépense soit effectuée dans l'intérêt de l'entreprise ou soit même réellement nécessaire. Pour en juger, l'administration ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du contribuable. Cette réserve s'accorde avec le principe de l'autorité du droit comptable. Ce n'est donc que si celle-ci ne peut objectivement pas être expliquée commercialement que les autorités fiscales sont en droit d'intervenir (cf. DANON in op. cit., p. 1090 s n. 129 et 130).

21.         Les déductions forfaitaires pour charges commerciales ne sont pas admises, mais seulement celles correspondant aux dépenses dont l’existence et la justification commerciale sont dûment prouvées par le contribuable, l'obligation de ne garder les pièces comptables que pendant dix ans ne jouant pas de rôle à cet égard, ce d’autant moins si ce délai n’est pas encore échu à la date de l'avis d'ouverture de la procédure de rappel d'impôt. Ces exigences ne violent pas le principe de l’imposition selon la capacité économique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_15/2021 du 27 mai 2021 consid. 5.2 s. et les arrêts cités).

Le renvoi du législateur à l'usage commercial ou professionnel donne à l'autorité de taxation un pouvoir d'appréciation important, renforcé par le fait qu'elle ne supporte pas le fardeau de la preuve du refus de déduction (arrêt du Tribunal fédéral 2C_658/2007 du 13 février 2008 consid. 2.1). Si l'énumération par la loi des frais justifiés par l'usage commercial ou professionnel n'est qu'exemplative, leur déductibilité est conditionnée par la preuve de leur montant et de leur nécessité au regard de l'activité poursuivie. Cette preuve incombe au contribuable, puisqu'elle tend à la diminution de la charge fiscale. Des explications générales et non étayées ne suffisent pas à établir que l'usage commercial justifie les frais en cause. En effet, conformément à la répartition du fardeau de la preuve, il incombe au contribuable d'apporter la preuve que la totalité des dépenses comptabilisées est en relation directe avec l'acquisition ou le maintien du chiffre d'affaires (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2C_760/2017 du 15 juin 2018 consid. 7.1 ; ATA/1060/2017 du 4 juillet 2017 consid. 7b et les références citées).

Dans la taxation des sociétés, s’agissant de charges représentant des prestations insolites, il appartient à la société contribuable d’établir leur caractère de charge justifiée par l’usage commercial, afin que les autorités fiscales puissent s’assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et le bénéficiaire de la prestation, ont conduit à la prestation insolite (ATF 119 Ib 431 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_275/2010 du 24 août 2010 ; ATA/17/2016 du 12 janvier 2016 consid. 6e).

22.         En l'espèce, s’agissant tout d’abord des frais de chasses, indépendamment de leur justification commerciale qui sera discutée plus loin, l'autorité intimée relève tout d'abord que les factures de frais de chasse n'ont pas été adressées à la société, mais à M. C______, à l'adresse professionnelle de ce dernier auprès de la banque H______. Pour cette seule raison, la déduction des charges requises devrait être écartée. Cet argument de forme ne convainc pas le tribunal. En effet, que les factures aient transité par le précité (qui avait au demeurant, comme l'admet l'autorité elle-même, des fonctions au sein de la recourante jusqu'en 2016) pour des raisons liées aux accords dont il bénéficiait avec l'administration polonaise, ne change rien au fait qu'il s'agit de charges qui ont été in fine supportées par la recourante, ce que l'autorité ne conteste pas.

L'autorité intimée semble ensuite remettre en question la valeur probante des explications et documents fournis par la recourante au sujet des personnes qui ont participé aux parties de chasse. A cet égard, le tribunal observe que la recourante a fourni des documents détaillés à l'appui de ses explications. De l'année 2009 à l'année 2017, elle a produit (pièces 17), pour chaque partie de chasse (parfois plusieurs parties par année), des tableaux récapitulant les noms des différents participants et comportant en annexes, entre autres, des formulaires de l'administration polonaise à compléter, indiquant les noms des chasseurs et récapitulant dans le moindre détail les pièces de gibier facturées, de sorte qu'il n'y a pas lieu de douter de la participation des personnes figurant dans les tableaux récapitulatifs de la recourante. L'autorité intimée reproche néanmoins à la recourante d'avoir varié dans ses explications au sujet de la qualité des personnes invitées à ces parties de chasse, mais l'on ne saurait retenir cet argument sans faire preuve de formalisme excessif. En effet, si la recourante a tantôt expliqué que ses invités étaient des prospects, tantôt qu'il s'agissait de clients, il n'en demeure pas moins que dans un cas comme dans l'autre, il est d'usage qu'une société comme la recourante consente des frais de représentation soit pour entretenir et conserver des relations commerciales établies, soit pour acquérir de nouveaux clients. En outre, la recourante a expliqué que certaines personnes invitées en tant que prospects à certaines parties de chasse étaient devenues des clients par la suite (comme c'était d'ailleurs le but), ce qui relativise également la distinction qu'il conviendrait de faire entre ces deux catégories. Etant rappelé que les investigations menées par l'autorité intimée, depuis son contrôle du mois d'août 2018 jusqu'aux bordereaux de rappel d'impôt du 29 mars 2022, ont duré près de quatre ans, les menues variations intervenues durant ce laps de temps dans les explications données par la recourante au sujet des invités aux parties de chasse ne sauraient d'autant moins être retenues contre elle, qu'elle a fourni les listes nominatives desdits participants et que leur présence aux parties de chasse, comme déjà dit, est attestée par des documents officiels.

Etant admis que les informations fournies par la recourante attestent de manière probante de la participation de ses prospects, clients et apporteurs d'affaires aux parties de chasse qu'elle a organisées en Pologne durant les années fiscales litigieuses, ainsi que des frais y relatifs, se pose encore la question du caractère commercialement justifié de ces dépenses, ou plus spécifiquement de leur déductibilité. A cet égard, l'approche de l'autorité intimée consiste non pas à contester qu'une société comme la recourante soit légitimée à organiser de coûteuses parties de chasse pour entretenir ses relations avec ses clients et les conserver, de même que pour tenter d'en attirer de nouveaux, mais à soutenir l'absence de connexité démontrée entre ces dépenses et, respectivement le maintien de ses relations d'affaires avec ses clients ou la création de nouvelles relations d'affaires (soit en d'autres termes avec le chiffre d'affaires réalisé par la recourante). En particulier, l'autorité intimée reproche à la recourante de ne pas avoir produit les contrats qu'elle aurait signés suite aux parties de chasse.

Comme rappelé plus haut, le lien de connexité entre les dépenses et l'activité commerciale dépend du contexte et ne doit pas s'écarter d'un certain bon sens, la jurisprudence se rapportant à cet égard à l'attitude d'un gestionnaire ordinaire faisant preuve de la diligence objective requise par le droit commercial (arrêt du Tribunal fédéral du 16 juin 2016 2C_521/2016 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral du 4 avril 2012 2C_985/2012 consid. 7.2). Comme également souligné plus haut, il importe peu que la dépense soit effectuée dans l'intérêt de l'entreprise ou soit même réellement nécessaire et que pour en juger, l'administration ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du contribuable.

En l'occurrence, l'exigence de l'autorité intimée selon laquelle la recourante devrait démontrer le lien de connexité entre les dépenses relatives aux parties de chasse et le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé tend à complexifier cette question, en la détachant d'une approche fondée sur l'attitude d'un « gestionnaire ordinaire faisant preuve de la diligence requise » et en resserrant l'examen autour du rapport de cause à effet entre une dépense et une affaire spécifique obtenue grâce à cette dépense. Il est cependant évident que tous les frais de représentation ne peuvent faire l'objet de la preuve matérielle d'un lien direct avec le chiffre d'affaire. Il peut en aller ainsi, par exemple, des frais engagés par rapport à un client existant afin de le fidéliser : au-delà de la démonstration qu'il s'agit bien d'un client du contribuable, le fait, suivant les cas, de devoir encore établir le lien direct entre la dépense et le chiffre d'affaires peut s'avérer non seulement relativement complexe, mais également impossible dans les situations où le chiffre d'affaires lié à tel ou tel client est réalisé avant et après l'année fiscale considérée, mais pas pendant cette dernière. Or, les dépenses consenties en faveur d'un client pour l'amener à poursuivre des relations d'affaires peuvent avoir commercialement d'autant plus de sens que son intérêt pour le maintien de ces relations semble décroître ou sur le point de disparaître, c'est-à-dire pendant une année durant laquelle il est possible qu'aucune affaire ne soit conclue avec ce client. La difficulté, voire l'impossibilité de démontrer la connexité entre les frais de représentation et le chiffre d'affaires est potentiellement encore plus forte à l'égard des personnes qui ne sont pas encore clientes du contribuable et qui, pour certaines, ne le deviendront finalement pas. Plus largement, on ne saurait ramener les dépenses fiscalement déductibles uniquement à celles qui découlent des démarches commerciales ayant permis concrètement et spécifiquement la conclusion de nouveaux contrats, sauf à en écarter, par exemple, l'ensemble des efforts de marketing, dont les résultats, outre qu'ils ne sont pas garantis, peuvent être extrêmement difficile à mesurer. Pour en revenir aux frais de représentation, il se peut, de la même manière, qu'ils soient consentis en pure perte, sans pour autant sortir du cadre des dépenses effectuées par un gestionnaire diligent.

Dans le cas d'espèce, il découle des tableaux produits par la recourante sous pièce 305 que ses clients lui confient la gestion de valeurs extrêmement importantes, qui se comptent pour nombre d'entre eux en millions de francs suisses, voire parfois en dizaines de millions. A titre d'exemple, le total de ces valeurs a atteint, pour l'année 2009, un total de l'ordre du milliard de francs suisses. Dans ces circonstances, la recourante a un intérêt commercial évident à offrir à ses clients amateurs de chasse des séjours leur permettant d'assouvir ce penchant. Il s'agit non seulement d'une manière de fidéliser ses clients actuels ou d'en acquérir de nouveaux, mais également, en réunissant ensemble un certain nombre de ces clients pour des séjours de quelques jours, de disposer du temps nécessaire pour les intéresser à certaines opérations complexes, telles que décrites par la recourante sous pièce 19.

Au vu de ce qui précède, s’élevant entre CHF 85'000.- et CHF 175'000.- par année, les frais de chasse apparaissent tout à fait dans l'ordre des dépenses qu'une société comme la recourante peut consentir vis-à-vis de certains clients spécifiques, sans sortir du cadre qu'admettrait un gestionnaire diligent.

A toutes fins utiles, on ajoutera encore que l'on trouve régulièrement mention, parmi les participants aux parties de chasse, de M. B______ et de son père, M. C______, dont il faut rappeler qu'il était lui-même actionnaire de la recourante entre 2009 et 2016 et, manifestement, proche d'un certain nombre de clients de longue date. La participation des deux personnes précitées à ces événements, auprès des clients de la recourante, apparaît comme une nécessité sur le plan commercial, de sorte que les frais qui en découlent sont eux aussi déductibles.

Il découle de ces considérations que, sous l'angle de la déductibilité des dépenses liées aux parties de chasses organisées en Pologne durant les années 2009 à 2017, le recours doit être admis et la cause renvoyée à l'autorité intimée pour l'établissement de nouveaux bordereaux fiscaux.

Il en va différemment s’agissant des autres frais (voyages à l’étranger, déplacements en Suisse, restaurants, « dîner[s] annuel[s] à I______ (BE) », cadeaux etc.). En effet, au vu du dossier, force est d’admettre que la recourante n’a pas établi leur justification commerciale, faute de pièces comptables détaillées émises au moment de leur comptabilisation, À l'inverse des frais de chasse, qui, comme on l'a vu, portent de manière probante la trace de la présence des clients ou prospects de la recourante. Les pièces que la recourante a établies postérieurement aux années litigieuses et produites dans le cadre du contrôle et de la présente procédure ne permettent pas de suppléer a posteriori à l'absence de mention des relations d'affaires concernées sur les pièces comptables. Ainsi, à titre d’exemple :

-          Le montant de CHF 560,52 sur l’extrait de la carte Visa porte sur des factures adressées à M. B______ (pièce n° 27 de la recourante).

-          La facture d’hélicoptère de CHF 3’358,78 ne comporte aucune indication en lien avec l’activité commerciale de la recourante (pièce n° 30 de la recourante).

-          La somme de CHF 1'188,75 sur l’extrait de la carte Visa concerne notamment des frais dans un magasin électronique et un magasin de sport (pièce n° 32 de la recourante).

-          Le relevé de la carte Visa d’un montant de CHF 4'666,30, comportant les mentions « Voyage Pologne prospects » et « achat pic nic Pologne », n’est accompagné d’aucun justificatif (pièce n° 33 de la recourante).

-          La facture de fitness de CHF 1'199.- est adressée à M. B______ et concerne son abonnement personnel (pièce n° 36 de la recourante).

-          Pour les factures de l'hôtel J______ de CHF 14'701.-, CHF 13'044,44 et CHF 21'107,41, la seule mention « Frais de restaurant avec des clients et prospects - Diner annuel à I______ (BE) » ne permet pas d’admettre le caractère commercial de ces dépenses (pièces n° 43, 110 et 129 de la recourante). Il en est de même de la facture de l’hôtel K______ de CHF 16'073,15 (pièce n° 59 de la recourante).

-          Les factures de CHF 44'160.- et CHF 36'660.- de la société G______ Sàrl, dont la recourante et M. A______ sont actionnaires uniques, comportent la mention « organisation de voyages et séminaires et mise à disposition du personnel », mais ne sont accompagnées d’aucune documentation propre à établir le caractère commercial de ces dépenses (pièces n° 57 et 75 de la recourante). Le recourante indique par ailleurs ne disposer d’aucun contrat écrit avec cette société.

-          Pour la facture d'______ de CHF 7'500.- à l’attention de « L______», pour un « pliant pippa », la recourante indique uniquement qu’il est question de « frais de cadeau de mariage au client M______ » (pièce n° 48 de la recourante). La corrélation de cette dépense avec ses revenus n’est ainsi pas établie.

-          La facture de CHF 3'700.- d’N_____ est adressée à M. B______ (pièce n° 67 de la recourante).

-          Le caractère commercial du paiement de CHF 1'702,24 en faveur de l’hôtel K______ n’est pas justifié (pièce n° 74 de la recourante).

-          Pour la facture de CHF 30'000.- de G______ Sàrl, portant sur un « forfait arrangement voyages 2012 », la recourante se limite à indiquer « facture annuelle de l'agence s'occupant d'organiser l'ensemble des voyages des collaborateurs de A______ » (pièce n° 108 de la recourante). En l’absence de toute documentation, cette allégation est insuffisante pour admettre ces frais.

-          La facture de restaurant de CHF 10'000.-, comportant comme seule mention « vente bon 10’000 », sans aucun détail ni documentation, n’est pas non plus déductible (pièce n° 107 de la recourante).

-          Aucune justification commerciale n’est apportée pour les « frais de voyages à ______ (Espagne) » de CHF 10'958,30, indiqués dans le « Décompte vols B______, mise à disposition de l'avion Pilatus » (pièce n° 115 de la recourante).

-          La facture d’O______ de CHF 1'296,30 est adressée à M. B______ (pièce n° 116 de la recourante).

-          La charge de CHF 1'138,68, revendiquée sur le tableau correspondant à la pièce n° 150 de la recourante, comprend notamment un ticket de la P______ pour « fromage Pologne », ou encore un ticket de l'auberge de Q______, pour un souper au restaurant le dimanche 23 novembre 2014, ou encore des tickets d'essence. La contribuable indique qu’il s’agit de « Frais de déplacements professionnels en Suisse (taxi et essence) et de restaurant avec un prospect », ce qui ne saurait suffire pour admettre cette charge.

-          Les nombreux tableaux présentés par la recourante, listant diverses dépenses, ne constituent que des allégations, en l’absence de justificatifs concrets démontrant leur caractère commercial (cf. not. pièces n° 22 à 26, 29, 47, 48, 50, 54, 63, 71, 84, 88, 93, 94, 100, 102, 112, 114, 117, 121, 126, 128, 132, 136, 137, 138, 140, 150, 155, 163, 168, 171, 173, 180 à 183 et 190 à 199). Il en va de même de nombreux extraits et relevés des cartes de crédit (cf. pièces n° 27, 28, 31 à 35, 37, 45, 46, 49, 51, 53, 55, 58, 60, 61, 65, 68, 69, 70, 72, 73, 74, 76, 77, 86, 96, 97, 98, 99, 101, 104, 111, 122, 125, 133, 148, 151, 156, 158, 160, 182 et 186).

Pour le surplus et de manière générale, la recourante s’est limitée à alléguer, après coup, l’affectation commerciale de divers montants repris par l'AFC-GE - dont en particulier ceux à caractère manifestement privé (cf. not. frais concernant les époux B______ et le père de M. B______), sans toutefois produire de documentation probante permettant de le confirmer.

Dans ces conditions, le refus de l'AFC-GE d’admettre les charges litigieuses ne peut qu’être confirmé, étant souligné que, de manière globale, le dossier révèle que la recourante ne semble pas s'être préoccupée de respecter le principe de fiabilité de la comptabilité, tel que rappelé plus haut, ni s'être préoccupée de rendre cas échéant possible un contrôle fiscal a posteriori, auquel il soit possible de procéder en toute transparence. Au contraire, la présente affaire révèle une comptabilité tenue, sous l'angle des frais déductibles, de manière relativement confuse, voire avec une certaine opacité.

Ainsi, les rappels d’impôts sont justifiés dans leur principe. Ils doivent toutefois être rectifiés dans leur quotité, en fonction des frais de chasse dont la déduction doit être admise conformément à ce qui précède.

23.         La recourante conteste les amendes, dans la mesure où les reprises litigieuses seraient injustifiées, soutenant n’avoir violé aucune obligation légale ni commis aucune faute. Ce faisant, elle ne remet pas en cause leur quotité en tant que telle.

24.         Est notamment puni d'une amende le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée, alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète (art. 69 al. 1 LPFisc et 175 al. 1 LIFD).

Pour que cette infraction soit retenue, il faut qu'il y ait soustraction d'un montant d'impôt, en violation d'une obligation légale incombant au contribuable, une faute de ce dernier, ainsi qu'un lien de causalité entre le comportement illicite et la perte fiscale subie par la collectivité (arrêts du Tribunal fédéral 2C_553/2018 du 17 juin 2019 consid. 4.2.1 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 7 et les arrêts cités).

25.         Selon les art. 74 al. 1 LPFisc et 181 al. 1 LIFD, lorsque des obligations de procédure ont été violées ou qu'une soustraction ou une tentative de soustraction d'impôt a été commise au profit d'une personne morale, celle-ci est punie d'une amende.

Lorsque la soustraction d'impôt est commise par une personne morale, la faute au sens des art. 69 al. 1 LPFisc et 175 al. 1 LIFD ne peut être qu'un attribut de la personne physique, soit d'un organe de la personne morale, dont le comportement doit être imputé à celle-ci (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_11/2018 du 10 décembre 2018 consid. 10.2 et l'arrêt cité).

26.         Les personnes morales peuvent commettre la soustraction fiscale par des irrégularités dans la tenue de la comptabilité, le revenu imposable se déterminant à partir du solde de pertes et profits. Par exemple, peut, selon les circonstances, constituer une soustraction la prise en charge par la société des frais privés de l’actionnaire (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_802/2011 du 22 mars 2012 ; 2C_724/2010 du 27 juillet 2011).

Ainsi, en règle générale et pour autant que toutes les autres conditions soient remplies, une soustraction est commise dès qu’il y a irrégularité dans la comptabilité (ATF 135 II 86 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_508/2014, 2C_509/2014 du 20 février 2015 consid. 5.3.1 ; 2C_907/2012, 2C_908/2012 du 22 mai 2013 consid. 5.2.1).

27.         La conformité du comportement du contribuable à ses obligations légales s'examine de manière objective, et non suivant la représentation subjective que celui-ci avait des événements à l'époque (ATA/203/2014 du 1er avril 2014 consid. 6c).

Pour retenir l'intention, à tout le moins par dol éventuel, il faut toutefois que le contribuable eût été en mesure de reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s'il avait agi avec la diligence requise et qu'il eût ainsi été en mesure de la faire corriger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3 et les arrêts cités).

28.         En l’espèce, les deux conditions objectives d’une soustraction fiscale, soit la violation d’une obligation légale (cf. art. 124 al. 2 LIFD et 26 al. 2 LPFisc) et la perte fiscale pour la collectivité, sont manifestement données, dès lors que des charges injustifiées ont été comptabilisées et que ceci a engendré une perte d’impôt pour l’autorité intimée.

29.         L'élément subjectif de la soustraction fiscale, soit la faute, apparaît également donné. La recourante a en effet porté à charge de ses bénéfices un très important nombre de frais injustifiés commercialement, dont certains manifestement de nature privée, ce que son organe, M. B______, ne pouvait pas ignorer. En n’ayant pas fait de la sorte que la comptabilité de sa société soit exacte et conforme à la vérité, il a agi fautivement, à tout le moins par dol éventuel.

Partant, le prononcé des amendes est fondé dans son principe.

30.         La recourante n’ayant formulé aucun grief, ni conclusion, concernant la quotité des amendes, il n’y a pas lieu d’examiner plus avant cette question. Le montant des amendes devra toutefois être recalculé en fonction des nouveaux bordereaux de rappels d’impôt 2009 à 2016 qu’il appartiendra à l'AFC-GE d’établir.

31.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement, en tant qu’il porte sur les frais de chasse, et rejeté pour le surplus. En conséquence, le dossier sera renvoyé à l'AFC-GE pour nouveaux bordereaux de rappel d’impôt et d’amende ICC et IFD 2009 à 2016 et nouveaux bordereaux de taxation pour l’année 2017.

32.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA, 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe dans une large mesure, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’500.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours.

33.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à titre de dépens (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 mai 2023 par A______ SA contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 19 avril 2023 ;

2.             l’admet partiellement ;

3.             renvoie le dossier à l'administration fiscale cantonale pour nouveaux bordereaux de rappel d’impôt et d’amende ICC et IFD 2009 à 2016 et nouveaux bordereaux de taxation ICC et IFD 2017 ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’500.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

5.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1’000.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Yuri KUDRYAVTSEV et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière