Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1111/2024 du 11.11.2024 ( OCPM ) , REJETE
IRRECEVABLE par ATA/234/2025
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 11 novembre 2024
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dans la cause
Madame A______, représentée par Me Constance ESQUIVEL, avocate, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Madame A______, née le ______ 1969, est ressortissante croate.
2. Mme A______ déclare résider en Suisse depuis le 17 juillet 2000. L'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) déclare ne disposer de preuves de sa présence en Suisse que depuis le mois d'août 2004.
3. Le 9 janvier 2018, elle s'est vu délivrer par l'OCPM une autorisation de séjour de courte durée en recherche d'emploi, valable jusqu'au 26 juillet 2018.
4. Par requête du 4 juillet 2022, Mme A______ a sollicité auprès de l’OCPM une autorisation de séjour avec activité lucrative.
5. Le 23 juin 2023, l'intéressée a déposé une demande de rente invalidité (ci- après : rente AI) auprès de l'office cantonal des assurances sociales (ci- après : l’OCAS).
6. Le 17 octobre 2023, l'OCPM a informé l'intéressée de son intention de refuser l'octroi d'une autorisation de séjour en sa faveur et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de 30 jours pour faire valoir ses observations, ce que Mme A______ a fait en date du 16 novembre 2023.
7. Par décision du 6 mars 2024, l'OCPM a refusé d'octroyer à Mme A______ une autorisation de séjour avec activité lucrative et a prononcé son renvoi de Suisse.
Elle était arrivée en Suisse, selon ses dires le 17 juillet 2000, et avait produit des preuves de son séjour dès août 2004. Il ressortait du curriculum vitae qu'elle avait produit à l'appui de ses déterminations, qu’elle avait vécu et travaillé en Irlande en 2007 et 2008. En 2008 et 2009, elle était retournée en Croatie où elle aurait travaillé en qualité de comptable. D’après son relevé AVS, elle était revenue en Suisse en août 2009 et elle avait cotisé de 2009 à 2022, en enchaînant les contrats à temps partiel avec des périodes de chômage en 2012, 2018 et 2019.
Elle était titulaire d’une autorisation de séjour de courte durée en recherche d’emploi, valable jusqu’au 26 juillet 2018. Le 26 juin 2018, elle avait sollicité une nouvelle autorisation de séjour en vue de rechercher un emploi.
En septembre 2018, elle avait annoncé une prise d’emploi auprès de la B______ Sàrl à raison de 21 heures par semaine. Néanmoins, après un entretien téléphonique avec l’employeur, ce dernier avait informé l’OCPM qu’elle avait baissé son activité à 5 heures par semaine.
Le 19 décembre 2019, elle avait déclaré un emploi auprès de la société C______ GmbH, responsable des stations-service D______ (ci- après : D______) à raison de 67 heures 20 par mois, soit environ 16 heures par semaine. Le 20 décembre 2019, les contingents pour une prise d’emploi par les ressortissants croates étaient épuisés. Par décision du 3 juin 2020, le service de la main d’œuvre étrangère avait préavisé négativement sa prise d’emploi auprès de D______.
Par requête du 4 juillet 2022, elle avait sollicité une autorisation de séjour avec activité lucrative suite à sa prise d’emploi auprès de la E______ à raison de 16 heures à 24 heures par semaine du 27 juin 2022 au 2 septembre 2022.
Elle avait été déclarée en incapacité totale de travailler du 1er janvier 2023 au 31 janvier 2023.
Depuis le 1er février 2023, elle travaillait 3 heures par semaine auprès de l'Association F______ International (ci-après : F______) dans l’économie domestique, auxquels s’ajoutaient 3h de travail par semaine depuis le 1er juillet 2023, en tant que femme de ménage auprès d’un cabinet de physiothérapie.
Elle avait suivi des cours de français auprès de l’G______ et avait atteint un niveau B1 selon une attestation du 31 août 2018.
Elle faisait l’objet d’actes de défaut de biens pour plus de CHF 14'000.-, mais son extrait de casier judiciaire suisse était vierge de toute inscription.
Selon ses dires, après 23 ans passés en Suisse, elle ne s’imaginait pas retourner en Croatie où elle avait vécu la guerre et où elle ne disposait plus de réseau social.
A teneur du dossier, les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur n’étaient pas remplies. Elle n’avait pas la qualité de travailleuse, ses emplois cumulés atteignant 6 heures de travail par semaine, ce qui était considéré comme une activité marginale au sens de la jurisprudence et ne lui permettait ainsi pas de subvenir à ses besoins sans dépendre de l’aide sociale. Une prise d’emploi complémentaire à brève échéance ne paraissait pas non plus imminente.
Elle ne pouvait pas non plus se voir octroyer une autorisation à la recherche d’un emploi, les délais étant dépassés.
Une autorisation de séjour à titre d’indépendant ou dans le cadre d’un séjour privé ne pouvait être accordée, faute de moyens financiers propres et suffisants, étant rappelé qu’elle émargeait à l’aide sociale depuis le 1er août 2021 pour un montant de CHF 15'000.- environ et faisait l’objet d’actes de défauts de biens depuis février 2020.
Elle ne répondait pas non plus aux conditions relatives au droit de demeurer. Elle ne s’était jamais prévalue de la qualité de travailleur et n’avais jamais obtenu une autorisation de séjour à ce titre. Bien qu’elle eut déposé une demande de rente AI auprès de l’OCAS, laquelle était actuellement en examen, elle ne répondait pas aux conditions du droit de demeurer puisqu’elle avait déjà perdu la qualité de travailleuse à la fin de son emploi chez D______ en juin 2020, soit bien avant la survenance de son incapacité de travail. De plus, elle n’avait pas démontré avoir été frappée par une incapacité permanente de travail.
Aucune raison majeure à teneur de l’art. 20 de l’ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP – RS 142.203) ne pouvait être reconnue, la situation de l'intéressée ne représentant pas un cas d’extrême gravité. En effet, bien que le séjour continu en Suisse de Mme A______, démontré depuis 2009, était de longue durée, l'intégration sociale et professionnelle de la précitée ne pouvait être qualifiée de particulièrement poussée et irréprochable. Elle avait certes pris des cours de français et avait tissé des liens d’amitiés en Suisse, mais son implication sociale n’était pas notablement supérieure à celle qui pouvait raisonnablement être attendue de tout étranger ayant passé un nombre d’années équivalent dans le pays. Elle n’avait pas non plus acquis des connaissances à ce point spécifiques qu’elle ne pût plus les mettre en pratique dans son pays d’origine.
Employée à temps partiel dans l’économie domestique, elle ne pouvait se prévaloir d’une intégration dite exceptionnelle au point de ne plus raisonnablement exiger un renvoi en Croatie. Elle n’avait pas non plus démontré qu’un retour en Croatie la placerait dans une situation personnelle d’extrême gravité. Elle y avait des attaches familiales, mais également des liens professionnels et sociaux comme le démontrait son séjour en Croatie en 2008, où elle avait trouvé un emploi en qualité de comptable. Aucune exception ne lui était donc applicable.
Elle était actuellement âgée de 55 ans et avait vécu dans son pays d’origine jusqu’à l’âge de 31 ans. Elle y avait ainsi passé son enfance et son adolescence, âge déterminant pour la formation de sa personnalité, ainsi qu’une partie de sa vie d’adulte. Ainsi, sa réintégration ne devait pas représenter un profond déracinement.
Les maux (fibromyalgie et hypothyroïdie) dont elle souffrait ne représentaient pas un motif déterminant dans la procédure administrative puisqu’elle pouvait recevoir des soins de qualité équivalente en Croatie. Elle pourrait ainsi avoir accès au traitement ou à l'infrastructure hospitalière et au suivi correspondant aux standards de son pays d'origine ou, à tout le moins, aux soins essentiels adéquats, étant rappelé, au surplus, qu'en cas de perception d'une rente AI, celle-ci serait exportable vers la Croatie.
Compte tenu de ce qui précédait, la réintégration de Mme A______ en Croatie ne devrait pas lui poser de problèmes insurmontables.
Enfin, Mme A______ remplissait un motif de révocation d'une autorisation de séjour en sens de l'art. 62 al. 1 let. e de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) dès lors qu'elle émargeait à l’aide sociale depuis le 1er août 2021.
En définitive, l’intérêt public à la protection de l’économie suisse l’emportait sur l'intérêt privé de l'intéressée à rester en Suisse et ne faisait pas apparaître le refus de l’octroi d’une autorisation de séjour comme disproportionné, ni contraire à l’art. 20 OLCP.
8. Par acte du 22 avril 2024, Mme A______ (ci-après : la recourante) a interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à sa comparution personnelle et, implicitement, à l’annulation de la décision ou à tout le moins à pouvoir être mise au bénéfice d’une admission provisoire. Elle demandait à être dispensée de tout frais de procédure et sollicitait un délai supplémentaire afin de compléter son recours.
Elle était arrivée en Suisse pour la première fois le 17 juillet 2000 et y résidait depuis plus de 20 ans. Les autorités genevoises reconnaissaient pour le moins qu'elle avait cotisé auprès des autorités compétentes, depuis 2004, selon l'OCPM entre 2009 et 2022. Sa présence en Suisse était ainsi attestée depuis une vingtaine d'années, à teneur des documents officiels qui lui avaient été délivrés par l’OCAS en raison des versements opérés par la multitude d'employeurs pour lesquels elle avait travaillé, malheureusement la plupart du temps pour de courtes durées, ce que l'autorité aurait dû prendre favorablement en considération. Elle se battait avec détermination pour faire reconnaître sa situation personnelle et professionnelle. Elle avait certes également travaillé, partiellement, dans d’autres pays européens, au vu de ses fréquentations sentimentales de l'époque. Il n'en demeurait pas moins qu'elle avait passé l’essentiel de son temps en Suisse, démontrant ainsi qu’elle avait travaillé au mieux, au regard de son état de santé physique et des opportunités qui lui avaient été données, malgré son âge qui l'handicapait chaque année davantage.
En 2017, elle avait obtenu un permis L. Par la suite, elle avait trouvé un emploi chez D______, qui avait déposé pour elle une demande de permis de séjour le 19 décembre 2019, refusée en juin 2020 par l'office cantonal des relations et du travail (ci- après : l'OCIRT).
Elle était profondément touchée dans son état de santé ; sur conseil de son médecin, elle avait déposé une demande de rente AI. Elle souhaitait continuer à se faire soigner en Suisse afin de pouvoir garder une capacité de travail intacte. Elle ne rêvait que d’une chose, trouver une activité qui lui permettrait de vivre, de rembourser ses dettes et de poursuivre son activité professionnelle.
Elle avait travaillé de manière « alternative » depuis au moins 2004, élément qui avait été relevé par l’autorité administrative, mais qui lui refusait son autorisation de séjour, l'empêchant ainsi de travailler et de subvenir à ses besoins personnels.
Elle ne comprenait pas qu’on lui demande de rentrer dans un pays qu’elle avait quitté depuis près de 24 ans, ni pourquoi l’OCPM ne demandait pas au Secrétariat d’état et des migrations (ci-après : SEM) de lui octroyer une admission provisoire.
Un appui médical régulier et ininterrompu lui était nécessaire, notamment sur le plan psychologique, en raison des souffrances rencontrées dans l'enfance. Cet aspect particulièrement handicapant, couplé avec son âge relativement avancé, rendaient sa reprise d'activité compliquée en Suisse et encore plus en Croatie.
Elle était suivie par plusieurs médecins en raison de problèmes importants. À cet effet, elle a notamment produit les pièces suivantes :
- Une attestation médicale établie le 16 octobre 2018 par le Dr H______, à teneur de laquelle elle présentait un problème d'arthrose à la main gauche et une hernie invalidante ;
- Un certificat médical établi le 7 février 2019 par l'institut médico-chirurgical de O______, à teneur duquel elle avait été en incapacité de travail du 4 février 2019 au 7 février 2019 ;
- Un certificat médical établi le 24 mars 2019 par le Dr I______, à teneur duquel elle avait été en incapacité de travail du 22 mars 2019 au 24 mars 2019 ;
- Un arrêt de travail établi le 10 janvier 2023 par la Dre J______, à teneur duquel elle avait été en arrêt de travail à 100% du 1er janvier au 31 janvier 2023 ;
- Une attestation établie le 27 mars 2024 par le Dr K______, à teneur de laquelle elle avait été reçue en consultation d'urgence le 15 mars 2024, puis revue le 23 mars 2024. Il était notamment constaté que son état de santé se péjorait et nécessitait des traitements importants et réguliers ;
- Un certificat médical établi le 12 avril 2024 par le Dr L______, à teneur duquel elle avait été suivie du 16 février 2022 au 11 novembre 2023 pour un trouble dépressif récurrent avec un épisode actuel sévère sans symptôme psychotique, ainsi qu'une douleur diffuse chronique, pathologies requérant une prise en charge spécifique pour gérer les symptômes associés ;
- Un certificat médical établi le 17 avril 2024 par la Dre J______, à teneur duquel elle était suivie depuis 2021 pour des douleurs multiples et invalidantes d'origine multifactorielle. Sur le plan psychiatrique, il était indiqué qu'elle était connue pour un état dépressif récurrent avec un épisode actuel sévère. En raison de toutes ces problématiques, elle n'était actuellement pas apte à travailler.
Finalement, elle souhaitait que la longue durée de son séjour et le développement personnel qu’elle avait effectués en Suisse soient tout particulièrement pris en compte dans la décision.
9. Par courrier du 8 mai 2024, la recourante a complété son acte de recours, concluant à l'annulation de la décision querellée et à ce qu'une autorisation de séjour lui soit accordée, sous suite de frais et dépens. Elle a produit des pièces complémentaires dont notamment « un résumé sommaire de sa vie », dont le contenu sera repris ci-après dans la mesure utile.
Elle avait toujours exercé une activité lucrative en Suisse, bien que ses taux d'occupation fussent variés, jusqu'à ce qu'elle soit touchée par une incapacité totale de travailler depuis le 1er janvier 2023, renouvelée le 17 avril 2024. Ainsi, le droit de demeurer devait lui être accordé puisqu'elle avait été touchée par une incapacité permanente de travail à une date indéterminée postérieurement au 4 juillet 2023 et à un moment où elle occupait un emploi.
Elle était établie en Suisse depuis 24 ans et n'était plus retournée en Croatie depuis sa tentative de réintégration de 2008 à 2009. Malgré la désynchronisation entre la délivrance d'une autorisation de séjour et ses prises d'emploi, elle avait toujours fait partie du marché du travail suisse, tant que sa santé le lui avait permis. L'activité qu'elle avait exercée avait atteint sa santé et l'avait rendue incapable de travailler. Sa demande de rente AI était en cours d'examen. Ainsi, sa dépendance partielle à l'aide sociale, qui n'était pas pérenne, ne lui était pas imputable.
Elle ne pouvait pas être renvoyée de Suisse « sans qu'une telle mesure ne heurte gravement le principe de proportionnalité ». En effet, elle résidait en Suisse depuis 24 ans et n'avait jamais inquiété les autorités pénales. Elle parlait et écrivait couramment le français et disposait d'un support amical étroit et soutenant en Suisse, contrairement à son pays d'origine, où elle ne disposait pas de proches bienveillants. Le versement de sa rente AI en Croatie ne l'empêcherait pas de sombrer dans « une précarité émotionnelle abyssale ». Avec le temps, les évènements difficiles vécus dans son pays d'origine avaient pu être mis de côté, mais un renvoi en Croatie aurait pour effet de détruire les bienfaits thérapeutiques qui lui avaient été dispensés en Suisse.
10. Le 24 juin 2024, l'OCPM s’est déterminé sur le recours du 22 avril 2024, complété le 8 mai 2024 et a produit son dossier. Il a conclu au rejet du recours.
A teneur du dossier, la recourante ne revêtait pas la qualité de travailleuse en date du 4 juillet 2023. Ainsi, il était sans pertinence que l'incapacité de travail alléguée soit ou non établie, complète ou partielle, survenue suite à un accident ou une maladie professionnelle ou non professionnelle dès lors que la recourante ne répondait, dans tous les cas, pas aux conditions posées pour bénéficier du droit de demeurer en Suisse.
Les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour sur la base de l’art. 20 OLCP en lien avec l’art. 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n’était pas non plus remplies. La recourante résidait de manière continue sur le territoire genevois depuis 2010. Son intégration économique ne pouvait être considérée comme réussie compte tenu de son parcours professionnel et de sa dépendance à l'aide sociale. Elle faisait l’objet de huit actes de défaut de biens pour un total de CHF 14'266.65.-. Elle maîtrisait le français. Néanmoins, aucun élément au dossier n’indiquait qu’elle avait noué un lien particulièrement étroit avec la Suisse, où de surcroît elle n’avait aucune famille. Elle était actuellement âgée de 55 ans, célibataire et sans enfants. Ainsi, sa réintégration en Croatie n'était pas fortement compromise, bien qu’elle n’y résidait plus depuis 2010. Après une période de réadaptation, elle serait parfaitement disposée à s'y réinstaller, puisqu’elle y avait vécu et travailler jusqu’à 31 ans et qu'elle y avait des membres de sa famille.
Enfin, en cas d'obtention d'une rente AI, le montant de celle-ci ne lui permettrait vraisemblablement pas d'obtenir une autorisation de séjour en Suisse en qualité de personne sans activité lucrative. Néanmoins sa rente AI, si elle devait lui être accordée, pourrait être perçue en Croatie.
11. Le 17 juillet 2024, la recourante, sous la plume de son conseil, a répliqué. Elle a conclu, préalablement, à la suspension de la procédure dans l’attente de l’issue de la procédure AI et, principalement, à l'annulation de la décision de l'OCPM du 6 mars 2024 et à l'octroi d'une autorisation de séjour.
Elle avait travaillé pendant plusieurs années en Croatie, mais elle avait démissionné de son dernier emploi après qu'elle n'avait pas été payée durant trois mois. En 2000, elle avait déménagé à Genève, où elle avait travaillé pendant plusieurs années en qualité d'employée de maison chez des particuliers. Le 1er août 2004, elle avait été engagée en qualité d’hôtesse d’accueil-serveuse chez M______ SA. Depuis cette date, elle avait vécu de manière continue à Genève, à l'exception d'une brève période entre 2007 et 2009, où elle était notamment retournée vivre chez ses parents en Croatie. Sa mère l’avait cependant « chassée » du domicile familial après trois mois. Dans le courant de l'année 2009, elle était ainsi revenue vivre et travailler à Genève, ville dans laquelle elle était domiciliée de manière continue depuis cette date.
Entre 2009 et 2018, elle avait effectué divers emplois, notamment en qualité de serveuse. Le 12 juillet 2018, elle avait été engagée en qualité de serveuse par la société B______ Sàrl.
Le 1er septembre 2019, elle avait commencé à travailler à hauteur de 40% en qualité de « site Assistant » pour D______. Le 9 juin 2020, D______ avait mis fin à son contrat de travail au motif que l'OCIRT avait refusé de lui octroyer un permis de travail, il apparaissait que D______ n’avait pas effectué les démarches nécessaires auprès de l’office de l’emploi avant son engagement.
En juin 2022, elle avait commencé à travailler au sein de la fondation N______ en qualité de nettoyeuse remplaçante.
Le 1er février 2023, elle avait été engagée en tant que femme de ménage au sein de l'association F______, à hauteur de 3 heures par semaine. Le 1er juillet 2023, elle avait conclu un contrat en tant qu'employée domestique dans un cabinet de physiothérapie, à hauteur de 3 heures par semaine. Elle occupait actuellement les deux emplois précités. Ses employeurs actuels avaient également requis, les 19 septembre 2023, respectivement 25 août 2023, qu'une autorisation de séjour lui soit accordée.
Elle était atteinte dans sa santé tant physique que psychique depuis plusieurs années, mais en particulier depuis 2018. En 2019, elle avait fait l’objet de plusieurs arrêts de travail. Depuis 2021, elle était suivie par la Dre J______. Parallèlement, depuis 2022, elle avait été suivie par plusieurs psychologues.
Elle avait vécu de nombreux traumatismes durant son enfance et son début de vie d'adulte en Croatie. Elle a produit à l'appui de ses déterminations un document intitulé « résumé sommaire de ma vie » du 8 mai 2024. En substance, elle entretenait une relation extrêmement conflictuelle avec sa famille. Elle avait fait l’objet de violences, tant physiques que psychologiques de la part de ses parents. Elle avait subi des viols répétés entre ses neuf ans et ses quinze ans, par son
grand-père, son voisin puis par l'oncle de son père. Elle avait en outre été victime de violences sexuelles alors qu'elle était jeune adulte par certains membres de son entourage ou connaissances, à plusieurs reprises sous la menace d'armes. Son petit- ami de l'époque et ses parents l'avaient contrainte à avorter à deux reprises, la première fois en 1990. Elle avait vécu la guerre civile en Croatie. Elle avait notamment été la cible annexe d'une attaque où des balles avaient volé autour d’elle, évènement qui l'avait particulièrement traumatisée. La guerre avait en outre renforcé l’alcoolisme de sa mère. Elle avait été suivie à l'époque, mais elle n'avait pas osé se confier. Elle avait travaillé en Croatie, mais sa situation économique et personnelle avaient été pour le moins précaires. Elle avait fait l'objet de violences conjugales. Elle avait ainsi rompu avant de se marier. Elle n'était jamais parvenue à se sentir en sécurité en Croatie. Sa ville natale avait subi un grave tremblement de terre le 29 décembre 2020, rendant sa maison inhabitable et n'offrant plus aucune perspective économique puisque la majorité de la population était partie. Ce faisant, elle ne saurait pas où aller vivre si elle devait y retourner. Elle n’avait actuellement quasi plus d’attaches dans son pays d’origine et ne pouvait envisager l’avenir qu’à Genève.
A l'appui de ses déterminations, elle a également produit un rapport datant du 7 mai 2024 établi par la Dre J______ duquel il ressort que « sur le plan psychique, elle [la recourante] n’a pas les ressources pour s’adapter aux changements majeurs que représente un retour dans son pays d’origine ».
L’OCPM n’avait pas déterminé à quel moment elle avait perdu la qualité de travailleuse. Il était attesté qu’elle était en incapacité de travail, « à tout le moins partielle », depuis 2019. Bien qu’elle était suivie par la Dre J______ depuis 2021, sa dépression était antérieure et le développement de celle-ci l’avait rendue incapable de travailler. Dès lors, il y avait lieu de considérer que lors de la cessation de ses rapports de travail avec D______ en juin 2020, elle était déjà en incapacité de travail. Ainsi, elle disposait encore d’un statut de travailleuse lorsque son incapacité de travail était survenue. Elle devrait ainsi bénéficier du droit de demeurer, d’autant plus qu’elle était en attente d'une décision de l'OCAS quant à sa rente AI, qui lui permettrait, dès son obtention, de subvenir seule à ses besoins.
Alternativement et dans l'hypothèse où le droit de demeurer ne lui serait pas octroyé, la décision de l'OCPM restait contraire à l'art. 20 OLCP.
Elle était aujourd'hui âgée de 55 ans. Retrouver du travail, alors qu’elle était en incapacité de travail, dans un pays dans lequel elle n'avait aucun lien affectif ou financier avec sa famille, relevait aujourd’hui de l’impossible. C'était d'autant plus vrai qu'elle ne pourrait pas retourner dans sa région d’origine. La maison de ses parents était inhabitable suite au tremblement de terre survenu en 2020, lequel avait en outre exacerbé la crise économique qui avait déjà cours dans cette région.
Enfin, les différentes atteintes physiques et psychiques dont elle souffrait, établies par plusieurs médecins, et qui la rendait incapable de travailler, nécessitaient un suivi régulier et des traitements spécifiques qu’elle recevait en Suisse. Un renvoi en Croatie mettrait en péril sa santé et sa sécurité.
Au vu de ce qui précédait, les conditions de l'art. 20 OLPC étaient réalisées et un permis de séjour devait ainsi lui être accordé.
L'examen de sa demande de rente AI étant pendante et son éventuel octroi influant directement sur le sort de la présente procédure, celle-ci devait être suspendue au sens de l'art. 14 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
12. Dans ses observations du 24 juillet 2024, l'OCPM s'est opposé à la suspension de la procédure.
L'obtention d'une rente AI ne permettrait pas à la recourante de vivre de manière indépendante. De ce fait, elle ne pouvait pas bénéficier d'une autorisation de séjour en qualité de personne sans activité lucrative. De plus, la rente AI pourrait être touchée en Croatie.
13. Le 14 août 2024, l'OCPM a informé le tribunal qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.
14. Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
5. La recourante sollicite sa comparution personnelle.
6. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2). Ce droit ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3).
Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).
7. En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu’ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l’autorité intimée, pour statuer sur le litige, de sorte qu’il n’apparait pas utile de procéder à l’audition de la recourante. En tout état, la recourante a eu la possibilité de faire valoir ses arguments dans le cadre de son recours, du complément à son recours et de sa réplique, de même que de produire tout moyens de preuve utile en annexe à ses écritures. Par conséquent, sa demande d’acte d’instruction, en soi non obligatoire, sera rejetée.
8. Préalablement, la recourante conclut à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé de sa demande de rente AI.
9. Selon l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur cette question.
L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c). La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d'une autre autorité serait utile à l'autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c ; ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l'autorité saisie n'ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d'une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l'interdiction du déni de justice formel fondé sur l'art. 29 al. 1 Cst d'attendre la décision d'une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d'autres motifs (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c. ; ATA/801/2014 du 14 octobre 2014).
À l'instar du Tribunal administratif fédéral, le tribunal de céans prend en considération, dans son jugement, l'état de fait existant au moment où il statue (ATAF 2014/1 consid. 2 ; arrêt F-7169/2017 du 31 janvier 2019, consid. 2).
10. En l'espèce, le tribunal dispose des éléments nécessaires pour trancher le litige dont il est saisi et examiner le bien-fondé de la décision querellée, si bien qu'il n'y a pas lieu de suspendre la présente cause jusqu'à droit connu sur l'octroi d'une rente AI en faveur de la recourante.
En effet, l'obtention d'une rente AI ne permettrait pas à la recourante d'obtenir une autorisation de séjour sans activité lucrative ou de bénéficier du droit de demeurer en Suisse, étant donné que, comme il sera exposé ci-après, les conditions légales ne sont pas réalisées.
11. La requérante sollicite la délivrance d'une autorisation de séjour.
12. La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), dont l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).
13. L’ALCP, entré en vigueur le 1er juin 2002, et l'OLCP s’appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l’UE/AELE. La LEI ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).
14. En l'espèce, la recourante étant ressortissante croate, sa situation doit être examinée sous l'angle de l'ALCP et l'OLCP.
15. Le champ d’application personnel et temporel de l’ALCP ne dépend en principe pas du moment auquel un ressortissant UE arrive ou est arrivé en Suisse, mais seulement de l’existence du droit de séjour garanti par l’accord au moment où l’étranger le fait valoir (ATF 134 II 10 consid. 2 ; 131 II 339 consid. 2). En outre, l'application de l'ALCP suppose que la personne visée entre dans l'une des différentes situations de libre circulation prévues par l'accord (travailleur salarié, indépendant, chercheur d'emploi, étudiant, etc.) et qu'elle remplisse les conditions afférentes à son statut (ATF 131 II 329 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.169/2004 consid. 6).
16. Aux termes de l’art. 16 par. 2 ALCP, dans la mesure où l’application de l’accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes (actuellement : Cour de justice de l’Union européenne; ci-après : la Cour de justice UE) antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature de l’ALCP est cependant prise en compte par le Tribunal fédéral pour assurer le parallélisme du système qui existait au moment de la signature de l’accord et tenir compte de l’évolution de la jurisprudence de l’UE (ATF 136 II 5 consid. 3.4).
17. Pour prétendre à l'application des dispositions de l'ALCP, il faut que le ressortissant étranger dispose d'un droit de séjour fondé sur l'accord (arrêt 2C_308/2017 du 21 février 2018 consid. 5.1).
18. Les droits d'entrée, de séjour et d'accès à une activité économique conformément à l'ALCP, y compris le droit de demeurer sur le territoire d'une partie contractante après la fin d'une activité économique, sont réglés par l'Annexe I ALCP (art. 3, 4 et 7 let. c ALCP).
19. Selon l’art. 6 par. 1 Annexe I ALCP, le travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante qui occupe un emploi d’une durée égale ou supérieure à un an au service d’un employeur de l’État d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance.
La notion de travailleur, qui délimite le champ d’application du principe de la libre circulation des travailleurs, doit être interprétée de façon extensive, tandis que les exceptions et dérogations à cette liberté fondamentale doivent, au contraire, faire l’objet d’une interprétation stricte (ATF 131 II 339 consid. 3.2). Doit ainsi être considérée comme un « travailleur » la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. Cela suppose l’exercice d’activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires. Une fois que la relation de travail a pris fin, l’intéressé perd en principe la qualité de travailleur, étant entendu cependant que, d’une part, cette qualité peut produire certains effets après la cessation de la relation de travail et que, d’autre part, une personne à la recherche réelle d’un emploi doit être qualifiée de travailleur. La recherche réelle d’un emploi suppose que l’intéressé apporte la preuve qu’il continue à en chercher un et qu’il a des chances véritables d’être engagé ; sinon il n’est pas exclu qu’il soit contraint de quitter le pays d’accueil après six mois (arrêt du Tribunal fédéral 2C_390/2013 du 10 avril 2014 consid. 3.1 et les divers arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne [CJCE] cités).
20. Conformément à l'art. 2 par. 1 du règlement (CEE) 1251/70, a le droit de demeurer à titre permanent sur le territoire d'un État membre :
a. le travailleur qui, au moment où il cesse son activité, a atteint l'âge prévu par la législation de cet État pour faire valoir des droits à une pension de vieillesse et qui y a occupé un emploi pendant les douze derniers mois au moins et y a résidé d'une façon continue depuis plus de trois ans ;
b. le travailleur qui, résidant d'une façon continue sur le territoire de cet État depuis plus de deux ans, cesse d'y occuper un emploi salarié à la suite d'une incapacité permanente de travail ; si cette incapacité résulte d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ouvrant droit à une rente entièrement ou partiellement à charge d'une institution de cet État, aucune condition de durée de résidence n'est requise ;
c. le travailleur qui, après trois ans d'emploi et de résidence continus sur le territoire de cet État, occupe un emploi de salarié sur le territoire d'un autre État membre, tout en gardant sa résidence sur le territoire du premier État où il retourne, en principe, chaque jour ou au moins une fois par semaine.
21. Dans tous les cas, pour pouvoir prétendre à demeurer en Suisse sur la base de l'art. 4 Annexe I ALCP en relation avec l'art. 2 par. 1 let. b du règlement 1251/70, il est indispensable qu'au moment où survient l'incapacité permanente de travail, le travailleur ait encore effectivement ce statut et que celui-ci ait ainsi été perdu pour cette raison (ATF 141 II 1 consid. 4 p. 11 ss). Un droit de demeurer à la suite d'une incapacité de travail présuppose donc une qualité de travailleur préalable (cf. ATF 144 II 121 consid. 3.2 ; arrêt 2C_1034/2016 du 13 novembre 2017 consid. 2.2 avec renvois ; arrêt de la CJCE du 26 mai 1993 C-171/91 Tsiotras, Rec. 1993 I- 2925 point 18). Il faut en outre que le travailleur ait cessé d'être salarié en raison de son incapacité de travail ; ce n'est qu'à cette condition qu'il se justifie de laisser subsister ses droits de travailleur migrant au-delà de la perte de son statut de salarié (cf. ATF 141 II 1 consid. 4.3.2 p. 13). Celui qui peut se prévaloir d'un droit de demeurer conserve ses droits acquis en tant que travailleur et a notamment droit à l'aide sociale (ATF 141 II 1 consid. 4.1 p. 11).
22. Selon les Directives du SEM concernant l'introduction progressive de la libre circulation des personnes, le droit de demeurer est en principe maintenu, indépendamment du fait que la personne ait bénéficié ou non d'éventuelles prestations de l'aide sociale, et s'étend aux membres de la famille indépendamment de leur nationalité (Directives OLCP, version janvier 2024, ch. 8.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral F-2589/2017 du 23 avril 2019 consid. 5.1).
23. Le Tribunal fédéral a précisé que lorsqu'une demande de rente AI avait été déposée, il convenait d'attendre la décision de l'office compétent, avant de se prononcer sur un éventuel droit de demeurer en Suisse de l'intéressé (ATF 141 II 1 consid. 4.2.1 p. 11; arrêts 2C_1102/2013 du 8 juillet 2014 consid. 4.5; 2C_587/2013 du 30 octobre 2013 consid. 4.3). Il faut toutefois que les autres conditions du droit de demeurer en Suisse soient réalisées, à savoir que l'intéressé ait cessé d'occuper un emploi à la suite d'une incapacité de travail et qu'il ait exercé son droit de demeurer en Suisse dans le délai de deux ans prévu à l'art. 5 par. 1 du règlement (CEE) 1251/70 ou de la directive 75/34 CEE (cf. arrêts 2C_262/2017 du 16 février 2018 consid. 3.2, destiné à la publication; ATF 141 II 1 consid. 4.2.3 p. 13; 2C_587/2013 du 30 octobre 2013 consid. 4.3). Exceptionnellement, il est également possible de ne pas attendre l'issue de la procédure AI lorsqu'il n'existe aucun doute quant à la réalité de l'incapacité de travail et de son commencement (ATF 141 II 1 consid. 4.2.1).
24. En l'occurrence, il est établi et non contesté par les parties que la recourante séjourne de manière continue en Suisse depuis 2009.
A teneur des éléments figurant au dossier, le tribunal retient que la recourante a exercé diverses activités professionnelles à temps partiel depuis son installation en Suisse en 2009. Il ressort en effet de son relevé AVS qu'elle a cotisé entre août 2009 et septembre 2022, en enchaînant des emplois à temps partiel, avec quelques périodes de chômage en 2012, 2018 et 2019. En particulier, la recourante a obtenu le 28 juillet 2017 une autorisation de courte durée en recherches d'emploi valable jusqu'au 26 juillet 2018. Le 26 juin 2018, elle a sollicité une nouvelle autorisation de séjour en vue de rechercher un emploi. En septembre 2018, elle a annoncé une prise d'emploi auprès de la B______ Sàrl à raison de 21 heures par semaine. Son taux d'activité a rapidement été réduit. Le 1er septembre 2019, la recourante a commencé à travailler pour la société D______ à 40% soit 16 heures par semaine. D______ a mis fin au contrat de travail de la recourante le 9 juin 2020 avec effet au 30 juin 2020, ce qui n'est pas contesté. Par requête reçue le 4 juillet 2022, elle a sollicité une autorisation de séjour avec activité lucrative suite à sa prise d'emploi auprès de la E______ à raison de 16 heures à 24 heures par semaine du 27 juin 2022 au 2 septembre 2022. Depuis le 1er août 2021, la recourante émarge à l'aide sociale pour un montant total perçu d'environ CHF 15'000.-. A teneur des pièces produites, la recourante s'est trouvée en incapacité de travail du 4 février 2019 au 7 février 2019, du 23 mars 2019 au 24 mars 2019 et du 1er janvier 2023 au 31 janvier 2023. Depuis le 1er février 2023, elle travaille à raison de trois heures par semaine auprès de P______ dans l'économie domestique, auxquelles s'ajoutent deux heures par semaine depuis le 1er juillet 2023 en tant que femme de ménage auprès d'un cabinet de physiothérapie. Le 23 juin 2023, elle a déposé une demande de rente invalidité auprès de l'OCAS dont l'examen est actuellement en cours. Il sera par ailleurs retenu qu'à teneur du document établi par la Dre J______ le 31 janvier 2023, la recourant est atteinte dans son état de santé, ce qui ressort également du rapport des HUG du 1er février 2023, mais qu'aucune incapacité de travail n'a cependant été attestée à cette date. La recourante a en outre produit un certificat médical établi par la Dre J______ du 17 avril 2024 lequel indique une incapacité de travail « actuelle ». Conformément à la jurisprudence précitée, il convient d'établir le moment à partir duquel l'incapacité permanente de travail de la recourante est survenue et de déterminer si, au moment de la survenance de celle-ci, la précitée disposait du statut de travailleuse salariée au sens de l'ALCP.
La recourante se prévaut du fait que son incapacité de travail « à tout le moins partielle » aurait en réalité débuté en 2019 déjà. Elle se fonde à cet égard sur le fait que sa dépression est antérieure au suivi qu'elle a initié avec la Dre J______ en 2021 et que son incapacité de travail est la conséquence de l'aggravation de son état de santé. En conséquence, il y avait lieu de retenir que lors de la cessation de ses rapports de travail avec D______ en juin 2020, elle était déjà en incapacité de travail. Ainsi, elle disposait encore d’un statut de travailleuse lorsque son incapacité de travail permanente était survenue.
Sur ce point, le tribunal constate qu'à teneur des éléments figurant au dossier, il ne saurait être retenu que la recourante serait devenue durablement incapable de travailler dès 2019. Pour parvenir à cette conclusion, le tribunal s'appuie tant sur les pièces produites que sur les propres déterminations de la recourante à teneur desquelles elle était employée en 2019 par D______ et qu'elle a été licenciée avec effet au 30 juin 2020 pour des motifs qui n'ont aucun lien avec son état de santé. A cela s'ajoute que la recourante a par ailleurs sollicité, par requête reçue le 4 juillet 2022, une autorisation de séjour avec activité lucrative suite à sa prise d'emploi auprès de la E______ à raison de 16 heures à 24 heures par semaine du 27 juin 2022 au 2 septembre 2022, ce qui paraît incompatible avec une incapacité permanente de travailler qui serait survenue trois ans plus tôt. Il sera encore relevé que l'arrêt de travail établi par la Dre J______ pour la période allant du 1er janvier 2023 au 31 janvier 2023 ne mentionne aucunement une incapacité de travail permanente puisque sa durée est limitée à un mois. Enfin, il ne ressort pas non plus du rapport établi par les HUG en date du 1er février 2023 qu'une incapacité de travail aurait été attestée.
Les pièces produites permettent, sous réserve d’une décision revenant l'autorité compétente, de retenir une incapacité durable de travailler au plus tôt dès le 4 juillet 2023, et au plus tard dès le 17 avril 2024 à teneur du rapport médical produit par la recourante. Or, comme retenu ci-dessus, la recourante a cessé d'être salariée dès la fin de son contrat chez D______ le 30 juin 2020. Elle n'a par ailleurs pas démontré qu'elle revêtait la qualité de travailleuse salariée à tout le moins le 4 juillet 2023. Au contraire, les pièces au dossier et les déterminations qu'elle a produites au cours de l'instruction attestent que, depuis le 1er juillet 2023, elle travaille dans l'économie domestique à raison de cinq heures par semaine. Or, de jurisprudence constante, cinq heures de travail par semaine doivent être qualifiées d'activité marginale et accessoire ne permettant pas à la recourante de subvenir à ses besoins sans dépendre de l'aide sociale.
Partant, il convient de retenir que la recourante a perdu le statut de travailleuse en Suisse le 1er juillet 2020. Or, à cette date, l'incapacité permanente de travailler de la recourante n'était pas encore survenue, celle-ci ayant débuté, comme développé ci-dessus, au plus tôt le 4 juillet 2023.
En conclusion, c'est à bon droit que l'OCPM a retenu que la recourante ne peut pas se prévaloir d'un droit de demeurer en Suisse, en application de l'art. 6 Annexe I ALCP.
Pour le surplus, la recourante ne peut en outre pas se voir attribuer une autorisation à la recherche d'un emploi, les délais étant dépassés et sa situation ne le permettant plus dès lors qu'elle est désormais en incapacité permanente de travailler.
25. Reste à déterminer si la recourante peut prétendre à une autre autorisation de séjour sur la base de l'ALCP ou de l'OLCP.
26. À teneur de l'art. 24 par. 1 Annexe I ALCP, une personne ressortissant d'une partie contractante n'exerçant pas d'activité économique dans le pays de résidence reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins, à condition qu'elle prouve aux autorités nationales compétentes qu'elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l'aide sociale pendant son séjour (let. a) et d'une assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques (let. b).
27. Les conditions posées à l'art. 24 par. 1 Annexe I ALCP servent uniquement à éviter de grever les finances publiques de l'État d'accueil. Ce but est atteint, quelle que soit la source des moyens financiers permettant d'assurer le minimum existentiel de l'étranger communautaire et sa famille (ATF 144 II 113 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_243/2015 du 2 novembre 2015 consid. 3.4.2).
28. L'art. 24 par. 2 Annexe I ALCP précise que les moyens financiers nécessaires sont réputés suffisants s'ils dépassent le montant en-dessous duquel les nationaux, eu égard à leur situation personnelle, peuvent prétendre à des prestations d'assistance. Selon l'art. 16 al. 1 OLCP, tel est le cas si ces moyens dépassent les prestations d'assistance qui seraient allouées en vertu des directives « Aide sociale : concepts et normes de calcul » de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (ci- après : normes CSIAS), à un ressortissant suisse, éventuellement aux membres de sa famille, sur demande de l'intéressé et compte tenu de sa situation personnelle. En d'autres termes, on considère que la condition de l'art. 16 al. 1 OLCP est remplie si les moyens financiers d'un citoyen suisse, dans la même situation, lui fermeraient l'accès à l'aide sociale (ATF 144 II 113 consid. 4.1).
29. En l'espèce, comme retenu ci-dessus, l'activité marginale exercée par la recourante ne lui permet pas d'obtenir des revenus suffisants à la couverture de ses besoins sans avoir recours à l'aide sociale. Ce constat prévaudrait même dans l'hypothèse où l'OCAS ferait droit à sa demande de rente AI. Aussi, faute de disposer des ressources suffisantes, un titre de séjour sans activité lucrative ne saurait lui être délivré.
30. Il convient encore d'examiner si la recourante peut bénéficier d'une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité et donc dans quelle mesure sa situation est susceptible de constituer un cas d'application de l'art. 20 OLPC.
31. Aux termes de cette disposition, si les conditions d’admission sans activité lucrative ne sont pas remplies notamment au sens de l’ALCP, une autorisation de séjour UE peut être délivrée lorsque des motifs importants l’exigent. Il n’existe cependant pas de droit en la matière, l’autorité cantonale statuant librement, sous réserve de l’approbation du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM ; art. 29 OLCP ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_59/2017 du 4 avril 2017 consid. 1.3). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). Cette liberté d’appréciation est toutefois limitée par les principes généraux de droit tels que notamment l’interdiction de l’arbitraire et l’égalité de traitement (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).
32. Les conditions posées à l’admission de l’existence de motifs importants au sens de cette disposition correspondent à celles posées à la reconnaissance d’un cas de rigueur en vertu de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, en lien avec l’art. 31 OASA, de sorte qu’une application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI ne saurait entrer en ligne de compte si les exigences prévues par l’art. 20 OLCP ne sont pas réalisées (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1)
33. À teneur de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.
34. L’art. 31 OASA énumère, à titre non exhaustif, une liste de critères qui sont à prendre en considération dans l’examen de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, à savoir l’intégration, le respect de l’ordre juridique, la situation familiale, la situation financière et la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation, la durée de la présence en Suisse et l’état de santé, étant précisé qu’il convient d’opérer une appréciation globale de la situation personnelle de l’intéressé. Aussi, les critères précités peuvent jouer un rôle déterminant dans leur ensemble, même si, pris isolément, ils ne sauraient fonder en soi un cas de rigueur (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3).
35. Selon la jurisprudence constante relative à la reconnaissance des cas de rigueur en application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, applicable par analogie à l’art. 20 OLCP, il s’agit de normes dérogatoires présentant un caractère exceptionnel et les conditions auxquelles la reconnaissance d’un cas de rigueur est soumise doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu’une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences (ATF 138 II 393 consid. 3.1).
36. Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas particulier. La reconnaissance d’un cas individuel d’une extrême gravité n’implique pas forcément que la présence de l’étranger en Suisse constitue l’unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il s’y soit bien intégré (au plan professionnel et social) et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas individuel d’une extrême gravité ; encore faut-il que la relation de l’intéressé avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger de lui qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine (arrêts du Tribunal administratif fédéral F- 1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).
Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).
37. Les directives OLCP (ch. 6.5), précisent que dans la mesure où l’admission des personnes sans activité lucrative dépend simplement de l’existence de moyens financiers suffisants et d’une affiliation à une caisse maladie, les cas visés par l’art. 20 OLCP en relation avec l’art. 31 OASA ne sont envisageables que dans de rares situations, notamment lorsque les moyens financiers manquent ou, dans des cas d’extrême gravité, pour les membres de la famille ne pouvant pas se prévaloir des dispositions sur le regroupement familial (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).
38. Des motifs médicaux peuvent, suivant les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une dérogation aux conditions d'admission. De même, l'étranger qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle dérogation. De plus, une grave maladie (à supposer qu'elle ne puisse être soignée dans le pays d'origine) ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens des dispositions précitées, l'aspect médical ne constituant qu'un élément parmi d'autres (durée du séjour, intégration socioprofessionnelle et formations accomplies en Suisse, présence d'enfants scolarisés en Suisse et degré de scolarité atteint, attaches familiales en Suisse et à l'étranger, etc.) à prendre en considération (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.3 et les réf. cit. ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5450/2011 du 14 décembre 2012 consid. 6.4 et les références citées). En l'absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, le facteur médical ne saurait ainsi constituer un élément suffisant pour justifier la reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; 123 II 125 consid. 5b/dd et les référence citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_216/2009 du 20 août 2009 consid. 4.2 ; ATA/701/ 2014 du 2 septembre 2014 consid. 5b).
39. En l'espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal constate qu'aucun motif important ne commande que la recourante puisse demeurer en Suisse en vertu de l'article 20 OLCP.
La recourante séjourne en Suisse de manière continue depuis 2009. Cette durée, qui peut être qualifiée de longue, n'est cependant pas suffisante pour permettre à elle seule la reconnaissance de motifs importants justifiant l'octroi d'une autorisation de séjour. Il sera encore relevé que depuis l'échéance de son permis de séjour de courte durée le 26 juillet 2018, l'OCPM a refusé de lui allouer un permis de séjour avec activité lucrative. A partir du 22 avril 2024, date du dépôt de son recours, la recourante bénéficie de l'effet suspensif.
La recourante ne peut se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle remarquable. Depuis son arrivée en Suisse, elle a occupé divers emplois successifs et à temps partiel dans la vente et l’économie domestique. Depuis août 2021, ses revenus ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins, elle émarge à l'aide sociale. Elle n'a pas non plus démontré avoir noué avec la Suisse des liens allant au-delà de ce qui peut être attendu de tout étranger au terme d'un séjour d'une durée comparable. Enfin, la recourante ne peut se prévaloir d’un comportement irréprochable dans la mesure où elle fait l’objet de huit actes de défaut de biens pour un montant de CHF 14'266.65.-.
En outre, la recourante a pour le surplus passé toute son enfance, son adolescence ainsi que le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine. Elle soutient ne plus avoir d'attache en Croatie et y associe les différents traumatismes qu'elle allègue avoir subi de la part de membres de sa famille et de son entourage. Si l'on peut évidemment comprendre, dans ces conditions, que la poursuite de relations avec sa famille d'origine n'est plus possible, on ne saurait admettre qu'il en va nécessairement de même à l'égard du pays dans lequel elle a vécu ces événements. Le fait que la recourante cherche à se distancer autant que possible de lieux précis associés à ses traumatismes, ne saurait englober l'ensemble du territoire croate. Enfin, si les conséquences socio-économiques induites par le tremblement de terre qui a touché sa ville natale en 2020 pourraient compliquer sa réintégration, il ne rend nullement cette dernière impossible.
Pour le surplus, les difficultés d'ordre générale qu'elle pourrait rencontrer en Croatie, afin notamment de retrouver un emploi, ne sauraient constituer une situation rigoureuse au sens de la jurisprudence précitée.
Quant à ses problèmes de santé, il ressort des documents produits et, en particulier, du rapport médical du 7 mai 2024 établi par la Dre J______, que la recourante, qui est suivie depuis le 20 septembre 2021, présente des douleurs diffuses multifactorielles et un état dépressif, avec un épisode actuel sévère. Sur le plan psychique, elle est décrite comme étant anxieuse, triste et en grande détresse psychique. L'évolution est défavorable actuellement sur le plan psychiatrique. S'agissant de ses antécédents, sont rapportés : « une hypothyroïdie en 2018, opéré en 1993 d'une tumeur bénigne du sein D à [Z]agreb, SAOS très sévère appareillé, céphalée mixte possible migraine et tension, syndrome douloureux chronique, fibromyalgie, polyarthrose, lombosciatalgie S1 droite non déficitaire, discopathie multiétagée prédominant en L5-S1 ave conflit racine S1 D et G, infiltration SA D et médiane /10/22), psariasis cutané et unguéal, état dépressif récurrent, épisode actuel sévère (2024)., de fibromyalgie, de polyarthrose, d’un syndrome d’apnées obstructives du sommeil, de céphalée mixte, d’une lombosciatalgie S1 droite non déficitaire, d’une discopathie multiétagée prédominant en L5-S1 avec conflit racine S1 D et G, d’une infiltration S1 D et médiane (10/22) et d’un psoriasis cutané et unguéal, état dépressif récurrent, épisode actuel sévère (2024) ». S'agissant du traitement nécessaire, la recourante bénéficie d'un traitement médicamenteux, d'une prise en charge psychothérapeutique et d'un suivi médical pour ses différentes problématiques rhumatologiques chroniques. Le suivi psychiatrique et la poursuite de la prise en charge rhumatologique doivent être assurés. Le pronostic sans le traitement sus-décrit est réservé. Celui avec traitement est très réservé au vu de la chronicité des symptômes douloureux, de la composante somatoforme aux douleurs et de la sévérité et chronicité de l'état dépressif. D'un point de vue médical, la difficulté d'un retour de la recourante dans son pays d'origine résiderait dans l'absence de personnes ressources et de la précarité financière dans laquelle elle se trouve dès lors qu'elle n'est actuellement pas en mesure de travailler. Sur le plan psychique, la recourante n'aurait pas les ressources pour s'adapter aux changements majeurs que présenterait un retour dans son pays d'origine.
Toutefois, il sied de rappeler à cet égard que, comme indiqué supra, les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi et qu'une personne qui ne peut se prévaloir que d'argument d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans leur pays d'origine et souffrant de la même maladie.
Dans le cas présent, il n'est pas démontré que les soins essentiels et nécessaires à la recourante ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine, étant rappelé que le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier l'octroi d'une autorisation de séjour. Partant, il sera constaté, conformément à la jurisprudence, que l'état de santé de la recourante ne saurait fonder, à lui seul, l'octroi d'un titre de séjour.
Dans ces circonstances, le tribunal considère que l'autorité intimée n'a pas méconnu la législation applicable, ni mésusé de son pouvoir d'appréciation en en estimant qu'aucune raison majeure ne peut être reconnue dans le cas d'espèce, la situation de la recourante ne représentant pas un cas d'extrême gravité au sens au sens de l'art. 20 OLPC.
40. En conclusion, compte tenu de l'ensemble des développements qui précèdent, c'est à bon droit que l'autorité intimée à refuser à la recourante l'octroi d'une autorisation de séjour.
41. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.
Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).
42. Dès lors que l'OCPM a refusé l'octroi d'un titre de séjour à la recourante, c'est à juste titre que le renvoi de cette dernière a été prononcé.
43. Reste à déterminer si l'exécution de cette mesure est possible, licite et raisonnable exigible.
44. Selon l'art. 83 LEI, le SEM décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (al. 1). L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).
L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (ATAF 2009/52 consid. 10.1, ATAF 2008/34 consid. 11.2.2 et ATAF 2007/10 consid. 5.1).
45. S'agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d'origine ou de provenance, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêts du Tribunal administratif fédéral D-6799/2017 du 8 octobre 2020 ; E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées). L'art. 83 al. 4 LEI ne confère pas un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance de l'étranger concerné, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de l'intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 10d).
46. En l'espèce, comme détaillé supra, la recourante souffre de douleurs diffuses multifactorielles et d'un état dépressif, avec un épisode actuel sévère. Elle bénéfice à ce titre d'un traitement médicamenteux, d'une prise en charge psychothérapeutique et d'un suivi médical pour ses différentes problématiques rhumatologiques chroniques.
Sans qu'il y ait lieu de minimiser les atteintes à la santé de la recourante, il n'a cependant pas été démontré que celle-ci souffrirait de problèmes à ce point aigus qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, ses affections entraîneraient de manière certaine la mise en danger concrète de sa vie ou une atteinte très grave à son intégrité physique en cas de retour en Croatie.
Elle n'établit pas non plus qu'elle ne pourrait pas y avoir accès aux soins essentiels à son état tant physique (fibromyalgie et hypothyroïdie) que psychique (état dépressif récurrent avec un état actuel séevère), étant rappelé que la Croatie, pays membre de l'Union européenne, dispose d'un système de santé apte à assurer les soins médicaux nécessaires à l'ensemble des troubles de la santé. A cet égard, l'absence de personnes ressources en Croatie soulignée par la Dre J______ dans son rapport médical du 7 mai 2024 ne saurait suffire. De même, la situation économique précaire de la recourante, même à retenir qu'elle pourrait avoir pour conséquence de priver celle-ci d'un accès à des soins adéquats, ce qui n'est toutefois pas démontré – doit être relativisée dès lors qu'en cas de perception de la rente invalidité suisse qu'elle a sollicitée, celle-ci sera exportable vers la Croatie.
Il résulte de ce qui précède que le renvoi de la recourante est raisonnablement exigible.
47. En conclusion, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.
48. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
49. La recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).
50. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 6 mars 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 500.- ;
4. le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;
5. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
6. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |