Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1051/2024 du 28.10.2024 ( ICC ) , IRRECEVABLE
recours terminé sans jugement
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 28 octobre 2024
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dans la cause
Monsieur A______
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
1. Par décision sur réclamation datée du 8 août 2024, comportant la mention « Date de notification : 19 août 2024 » et expédiée sous pli recommandé, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a rectifié le bordereau qu’elle avait notifié à Monsieur A______ pour les impôts cantonal et communal (ICC) 2012.
2. Selon les données ressortant du système du suivi des envois (« Track & Trace ») mis en place par la Poste, ce pli a été déposé auprès d’elle le 9 août 2024 et distribué au destinataire le 13 août suivant.
3. Par acte déposé le 17 septembre 2024, M. A______ a recouru contre la décision sur réclamation susmentionnée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à son annulation et à celle du bordereau ICC 2012 y relatif.
Ce bordereau lui ayant été notifié le 19 août 2024, son recours était recevable sous l’angle de l’art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17).
Il a produit une copie de la lettre de l'AFC-GE, contenue dans son pli du 8 août 2024, comportant la mention « reçu le 13 août 2024 », ainsi que celle de la première page de la décision sur réclamation comportant l’annotation « Date de notification : 19 août 2024 ».
4. Par courrier recommandé du 24 septembre 2024, le tribunal a notamment indiqué au recourant que son recours paraissait manifestement tardif, qu’il lui était dès lors loisible de le retirer et que, s’il le faisait, aucun émolument ne sera en principe mis à sa charge.
5. Par courrier du 26 septembre 2024, le recourant a indiqué maintenir son recours.
Le bordereau litigieux lui avait bien été notifié le 19 août 2024, puisque cette date y figurait comme date de sa notification.
Depuis septembre 2022, l'AFC-GE indiquait sur ses courriers une date de notification, différente de celle du « document » concerné, à partir de laquelle courait le délai de recours. C’était donc sur cette « nouvelle pratique » de l'AFC-GE qu’il s’était fondé pour calculer la date « limite » pour le dépôt de son recours. A ce sujet, l'AFC-GE avait publié un « communiqué » sur son site internet.
1. Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 LPFisc).
2. Selon l'art. 72 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l'autorité de recours peut, sans instruction préalable, par une décision sommairement motivée, écarter un recours manifestement irrecevable ou rejeter un recours manifestement mal fondé.
3. Aux termes des art. 140 al. 1 LIFD et 49 al. 1 LPFisc, le contribuable peut s'opposer à la décision sur réclamation de l'autorité de taxation en s'adressant au tribunal dans les 30 jours à compter de la notification de la décision attaquée. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si le recours est remis à l'autorité de recours, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 133 al. 1 LIFD ; art. 41 al. 1 LPFisc).
4. Selon l’art. 19 al. 1 LPFisc, les décisions de taxation sont notifiées au contribuable par écrit et indiquent les voies de droit. Toutes les communications à faire au contribuable lui sont adressées sous pli fermé. Elles sont recommandées lorsque la loi l’exige (art. 19 al. 2 LPFisc).
5. La notification doit permettre au destinataire de prendre connaissance de la décision et, le cas échéant, de faire usage des voies de droit ouvertes à son encontre. Une décision est notifiée, non pas au moment où le contribuable en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée (ATF 113 Ib 296 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/73/2016 du 26 janvier 2016 consid. 4b ; ATA/890/2015 du 1er septembre 2015 consid. 2b).
6. La jurisprudence établit la présomption réfragable que les indications figurant sur la liste des notifications de la Poste, telle que notamment la date de la distribution du pli, sont exactes. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : si ce dernier ne parvient pas à établir l’absence de la distribution attestée par le facteur, la remise est censée être intervenue à cette date. Le destinataire ne doit cependant pas apporter la preuve stricte de l’absence de remise, s’agissant d’un fait négatif ; il suffit d’établir qu’il existe une vraisemblance prépondérante que des erreurs se soient produites lors de la notification (ATF 142 IV 201 consid. 2.3 ; ATA/395/2023 du 18 avril 2023 consid. 2.3).
7. Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (art. 21 al. 1 LPFisc, et 16 al. 1 LPA cum art. 2 al. 2 LPFisc). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos (ATA/599/2023 du 6 juin 2023 consid. 3.2 et les références citées).
Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).
8. Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; ATF 137 I 69 consid. 2.5.1).
Parallèlement à la protection de la confiance, le principe de la bonne foi interdit à chacun d'abuser de ses droits. Compris dans cette perspective, le principe de la bonne foi impose aux justiciables et aux parties à une procédure l'obligation d'exercer leurs droits dans un esprit de loyauté. L'interdiction de l'abus de droit représente un correctif qui intervient dans l'exercice des droits (ATF 129 II 361 consid. 7.1 ; ATA/622/2014 du 12 août 2014). L'abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger s'avère manifeste (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 198 n. 583 ; Andreas AUER /Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., p. 551 n. 1184). L'interdiction de l'abus de droit vaut, en droit administratif, pour les administrés et l'administration (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 198 n. 584).
9. Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l’égard d’une personne déterminée. Il faut ensuite que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment ou la promesse a été faite (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; ATA/420/2017 du 11 avril 2017 consid. 5c et les références citées).
10. Le droit fiscal est toutefois dominé par le principe de la légalité, de telle sorte que le principe de la bonne foi ne saurait avoir qu’une influence limitée en cette matière (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 118 Ib 312 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1120/2015 du 26 avril 2017 consid. 6.3.2 ; ATA/162/2021 du 9 février 2021 consid. 5b). La règle de l’application limitée du principe de la bonne foi en droit fiscal implique que les conditions de la protection qu’il entraîne soient strictement réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_99/2010 du 6 septembre 2010 consid. 4.2.3 ; ATA/1264/2015 du 24 novembre 2015 consid. 5c). Ainsi, le contribuable ne peut bénéficier d'un traitement dérogeant à la loi que si les conditions prévues par la jurisprudence – qui doivent être interprétées de façon stricte – sont remplies de manière claire et sans équivoque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_461/2021 du 19 janvier 2022 consid. 5.1 ; 2C_603/2012 du 10 décembre 2012 consid. 4).
11. La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l’application d’une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d’interpréter la loi ou de faire usage d’une liberté d’appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d’opportunité ou d’efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l’égalité de traitement (ATA/515/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.1 ; ATA/557/2022 du 24 mai 2022 consid. 11a).
L’on ne conçoit pas qu'une autorité administrative puisse conserver sa pratique lorsqu'une autorité judiciaire de recours la censure (ATA/494/2024 du 16 avril 2024 consid. 4.4).
12. Dans deux jugements récents, concernant les décisions sur réclamation notifiées sous plis simples, le tribunal a relevé que la mention « Date de notification : 18 décembre 2023 » figurant sur les décisions datées du 6 décembre 2023 paraissait incompatible tant avec le caractère impératif du délai de recours de 30 jours fixé par l’art. 49 LPFisc qu’avec le principe de l’égalité de traitement, dans la mesure où elle était susceptible d’induire en erreur les contribuables, en ce sens qu’ils pourraient se fonder plutôt sur celle-ci que sur la date à laquelle ils avaient effectivement reçu la décision, pour calculer le dies a quo dudit délai. Il a néanmoins conclu que, dans la mesure où il s’agissait de notifications sous plis simples, il convenait de se fier à la déclaration du destinataire quant à la date de leur réception effective par ce dernier, et qu’en conséquence, les deux recours en question étaient recevables sous l’angle de l’art. 49 LPFisc (JTAPI/989/2024 et JTAPI/990/2024 du 7 octobre 2024, consid. 2, non entrés en force).
13. En l’espèce, cette jurisprudence n’est d’aucun secours au recourant dès lors que la décision contestée lui a été envoyée sous pli recommandé et qu’elle lui a été effectivement communiquée le 13 août 2024, ce qu’il ne remet au demeurant pas en cause. Dès lors, c’est cette date qui doit être retenue pour calculer le dies a quo du délai de 30 jours fixé par l’art. 49 LPFisc, et non celle indiquée sur cette décision. Ainsi, en l’occurrence, comme le tribunal l’a relevé dans son courrier du 24 septembre 2024, le délai de recours est arrivé à l’échéance le 12 septembre 2024. En conséquence, déposé le 17 septembre 2024, le présent acte de recours l’a été en dehors du délai légal.
Le recourant ne saurait pour le surplus se prévaloir du principe de la bonne foi, ne serait-ce déjà que parce que la fixation du délai de recours et son calcul ne relèvent pas de la compétence de l'AFC-GE, ni d’ailleurs de celle du tribunal, mais de celle du législateur. Il faut aussi rappeler que la copie produite par le recourant porte la mention « reçu le 13 août 2024 » et que ce dernier ne prétend pas que la décision sur réclamation n’indiquerait pas la voie et le délai de recours au tribunal, étant relevé qu’il n’en a produit que la première page. Invoquer la protection de la bonne foi dans ces conditions apparait ainsi manifestement abusif. Cela étant, il est néanmoins tout à fait regrettable que l’AFC-GE indique des informations erronées sur ses décisions, lesquelles pourraient effectivement induire en erreur des justiciables qui ne seraient pas familiers de la procédure administrative - ce qui n’est manifestement pas le cas du recourant -, quand bien même nul n’est censé ignorer la loi.
Dans ces conditions, la « pratique » de l'AFC-GE sur laquelle le recourant voudrait s’appuyer, si tant est que l’on puisse considérer qu’il s’agisse d’une « pratique administrative » ne saurait être maintenue, étant contraire au droit. Partant, lorsque l’AFC-GE envoie ses décisions par courriers recommandés ou A+, ce qui permet de connaitre la date précise de la notification (effective ou fictive), le délai de recours courra dès le lendemain de cette date, sans autre option possible, alors que si elle souhaite continuer de procéder par courrier simple, ce qui ne permet pas de connaitre la date exacte de notification de ses décisions, elle devra s’accommoder du risque en découlant en termes de respect des délais légaux de recours.
14. Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable, en raison de sa tardiveté.
15. En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 250.-, il est couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de cette avance, soit CHF 450.-, lui sera restitué.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare irrecevable le recours interjeté le 17 septembre 2024 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 8 août 2024 ;
2. met à la charge du recourant un émolument de CHF 250.- ;
3. ordonne la restitution au recourant du solde de l’avance de frais de CHF 450.- ;
4. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Caroline GOETTE et Stéphane TANNER, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Marielle TONOSSI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
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La greffière |