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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3681/2023

JTAPI/617/2024 du 24.06.2024 ( ICCIFD ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : NOTIFICATION DE LA DÉCISION;RETARD;DROIT CONSTITUTIONNEL À LA PROTECTION DE LA BONNE FOI
Normes : LIFD.140.al1; LPFisc.49.al1; Cst; LIFD.133.al3; LPFisc.41.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3681/2023 ICCIFD

JTAPI/617/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Par décisions sur réclamation datées du 22 septembre 2023 et expédiées sous pli simple, l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC-GE) a remis à Monsieur B______ et Madame A______ (ci-après : les contribuables ou les recourants) des bordereaux rectificatifs modifiant et complétant leur imposition relative à l’année fiscale 2022 et confirmé leur taxation 2022 pour le surplus.

L’en-tête des décisions susvisées portait la mention « Date de notification : 3 octobre 2023 ».

Il était indiqué en page 2 desdites décisions qu’elles étaient sujettes à recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) dans les trente jours à compter de leur notification.

2.             Le 4 octobre 2023, les contribuables ont accusé réception des décisions susmentionnées et des avis de taxation 2022 modifiés par le biais de la messagerie des e-démarches fiscales. Ils ont relevé une probable erreur dans le calcul des frais généraux de leur activité indépendante, ceux-ci ayant été fixés à un montant trop bas, et ont sollicité une modification de leur taxation.

3.             L’AFC-GE a répondu aux contribuables par message du 5 octobre 2023. Elle les a priés de se référer à la décision sur réclamation notifiée le 3 octobre 2023 dans laquelle étaient expliquées les modifications apportées à leurs frais généraux. Comme indiqué en page 2 de la décision précitée, les contribuables pouvaient contester celle-ci auprès du tribunal.

4.             Par message du 19 octobre 2023, les contribuables ont accusé réception de la réponse de l’AFC-GE et ont persisté à solliciter la modification de leur taxation.

5.             Par message du 20 octobre 2023, l’AFC-GE a indiqué aux contribuables que, comme mentionné dans les décisions notifiées le 3 octobre 2023, celles-ci pouvaient être contestées auprès du tribunal. Les dispositions relatives aux réclamations et aux recours étaient de nature impérative et elle ne pouvait y déroger. Elle laissait dès lors les contribuables s’adresser directement à l’instance précitée.

6.             Par acte posté le 7 novembre 2023, les contribuables ont recouru contre « la taxation du 3 octobre 2023 » auprès du tribunal. Leur recours faisait suite à leurs échanges du mois d’octobre avec le service de taxation et plus particulièrement au dernier message du 20 octobre 2023. L’avis de taxation omettait les frais de véhicule privé qui s’étaient élevés à CHF 3'780.-. Les frais à déduire de leur revenu s’élevaient dès lors à CHF 21'227.- et non à CHF 17'448.-.

7.             Dans sa réponse du 8 janvier 2024, l’AFC-GE a conclu à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté.

Les contribuables avaient contacté l’AFC-GE le 4 octobre 2023 par le biais de leur espace e-démarches fiscales en accusant réception des décisions sur réclamation du 22 septembre 2023. Ils avaient dès lors reçu ces décisions le 4 octobre 2023 au plus tôt. Le délai pour recourir avait par conséquent commencé à courir le lendemain et était venu à échéance le 3 novembre 2023. N’ayant été posté que le 7 novembre 2023, le recours était tardif.

8.             Par réplique du 15 janvier 2024, les recourants ont contesté être hors délai. Ils avaient en effet échangé des messages avec l’AFC-GE en date des 4, 5, 19 et 20 octobre 2023. Ils pensaient dès lors de bonne foi que le délai de recours n’avait commencé à courir qu’à cette dernière date, ce qui ressortait d’ailleurs de leur recours.

9.             Par duplique du 26 janvier 2024, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions. Elle avait répondu aux contribuables en rappelant à chaque fois la voie de droit ouverte auprès du tribunal. A supposer que le recours soit déclaré recevable, elle sollicitait l’octroi d’un délai complémentaire pour se déterminer sur le fond.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Le recours a été interjeté dans les formes prescrites et devant la juridiction compétente au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD. Sous cet angle, il doit être déclaré recevable. Reste à déterminer s’il a été formé en temps utile.

3.             Aux termes des art. 140 al. 1 LIFD et 49 al. 1 LPFisc, le contribuable peut s'opposer à la décision sur réclamation de l'autorité de taxation en s'adressant au tribunal dans les trente jours à compter de la notification de la décision attaquée.

Le délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si le recours est remis à l'autorité de recours, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 133 al. 1 LIFD ; art. 41 al. 1 LPFisc).

En l'absence d'envoi recommandé, la preuve de la notification d'un acte peut résulter de l'ensemble des circonstances, en particulier de la correspondance échangée ou de l'absence de protestation de la part d'une personne qui reçoit des rappels (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; 136 V 295 consid. 5.9).

4.             En l’espèce, la date exacte de la réception des décisions sur réclamation du 22 septembre 2023 ne peut être précisément déterminée. L’AFC-GE a en effet choisi de les communiquer par pli simple et l’indication au niveau de l’en-tête, selon laquelle elles auraient été notifiées le 3 octobre 2023, ne constitue pas une preuve de leur remise aux recourants.

Cela étant, les recourants ont accusé réception desdites décisions, ainsi que des avis de taxation y afférents, par message du 4 octobre 2023. Il doit dès lors être considéré comme établi qu’elles leur ont été notifiées au plus tard à cette date, de sorte que le délai de recours a expiré le 3 novembre suivant. Déposé à un office de poste le 7 novembre 2023, le recours est par conséquent tardif.

5.             Reste à déterminer si les recourants pouvaient partir de bonne foi du principe que le délai de recours ne commençait à courir que le 20 octobre 2023, à réception du dernier message de l’AFC-GE.

6.             Aux termes de l’art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les organes de l’État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu’ils s’abstiennent d’adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 consid. 4). De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l’État, consacré à l’art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 1C_277/2020 du 27 août 2020 consid. 2.2 ; 1C_267/2019 du 5 mai 2020 consid. 4.1). Le principe de la confiance, découlant de celui de la bonne foi, commande également à l’administration d’adopter un comportement cohérent et dépourvu de contradiction; la jurisprudence y a recours parfois pour corriger les conséquences préjudiciables aux intérêts des administrés qui en découleraient (ATF 111 V 81 consid. 6 ; 108 V 84 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_153/2015 du 23 avril 2015 consid. 4).

Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l’égard d’une personne déterminée. Il faut ensuite que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment ou la promesse a été faite (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; ATA/420/2017 du 11 avril 2017 consid. 5c et les références citées).

7.             À teneur des art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, un recours tardif n'est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu'il l'a déposé dans les trente jours après la fin de l'empêchement.

Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n'a pas respecté le délai légal en raison d'un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2 et les références citées). Celui-ci peut résulter d'une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/463/2018 du 8 mai 2018).

8.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d'être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n'est par le législateur lui-même (art. 21 al. 1 LPFisc, 119 al. 1 LIFD et 16 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATA/461/2018 du 8 mai 2018 consid. 4). Ainsi, celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et le jugement ou la décision en cause acquièrent force obligatoire (ATA/328/2018 du 10 avril 2018 consid. 4a et les références citées).

Les règles relatives à ce type de délai nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif (cf. ATF 125 V 65 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_586/2015 du 12 novembre 2015 consid. 2.3 ; 2C_56/2015 du 23 mai 2015 consid. 2.4; cf. aussi ATA/461/2018 du 8 mai 2018 consid. 4 et les références citées).

9.             En l’espèce, il convient de relever d’emblée que les décisions querellées mentionnaient qu’elles étaient susceptibles de recours auprès du tribunal dans un délai de trente jours suivant leur notification, ce qui ne prête pas à confusion Or, les recourants ne contestent pas avoir correctement saisi la portée de cette mention.

Lorsque les intéressés ont persisté à solliciter une modification de leurs bordereaux, l’AFC-GE les a renvoyés sur le champ aux décisions litigieuses, en attirant expressément leur attention sur les voies de recours susmentionnées. Elle a en outre précisé, dans son second message, qu’il s’agissait de dispositions impératives auxquelles elle ne pouvait déroger. L’on ne discerne guère en quoi ces indications pouvaient susciter chez les recourants la croyance que le délai de recours à l’encontre des décisions du 22 septembre 2023 n’avait pas commencé à courir à réception de celles-ci. A supposer qu’ils aient eu un doute à ce sujet, il leur incombait de se renseigner auprès de l’AFC-GE ou d’un homme de loi afin de sauvegarder leurs droits. Les conditions permettant aux recourants d’invoquer la protection de leur bonne foi ne sont par conséquent pas réalisées.

La mauvaise compréhension des recourants du moment à compter duquel le délai de recours commençait à courir ne saurait au surplus constituer un motif de restitution du délai de recours au sens des dispositions mentionnées ci-avant. Les recourants ne font d’ailleurs rien valoir de tel.

Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable, étant rappelé en tant que de besoin qu’une telle sanction n’est pas constitutive de formalisme excessif.

10.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 350.-, lequel est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de ladite avance leur sera par conséquent restitué. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 7 novembre 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 22 septembre 2023 ;

2.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 350.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             ordonne la restitution aux recourants du solde de l’avance de frais de CHF 350.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Philippe FONTAINE et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière