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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3784/2023

JTAPI/600/2024 du 20.06.2024 ( LCI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : TRAVAUX D'ENTRETIEN(CONSTRUCTION);TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION;CHANGEMENT D'AFFECTATION;DÉCISION INCIDENTE;PROPRIÉTÉ PAR ÉTAGES
Normes : LPA.57.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3784/2023 LCI

JTAPI/600/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 juin 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Mark MULLER, avocat, avec élection de domicile



contre



DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après : A______) est une société ayant pour but l'achat, la vente, la détention, la gestion et l'administration de tous biens immobiliers. Monsieur B______ en est l’administrateur unique.

2.             A______ SA est copropriétaire depuis 1987 de plusieurs lots au sein de la propriété par étage (ci-après : PPE) de l’immeuble sis sur la parcelle n° 1______ de la commune de C______ à l'adresse ______[GE].

3.             Ses parties privatives sont situées entre les troisième et huitième étages, inclus. Elles sont gérées par la régie D______ SA (ci-après : la Régie).

4.             Les sous-sols, le rez-de-chaussée et le premier étage (dont l'élévation englobe un second étage) de l’immeubles sont les parties privatives d'E______ GmbH (ci-après : E______).

5.             L'immeuble accueille les locaux du magasin F______ aux sous-sols, rez-de-chaussée et 1er étage et des locaux destinés à l'habitation aux étages supérieurs. Le 8ème étage est un attique, dont les portes-fenêtres permettent d'accéder à la terrasse située sur le toit.

6.             Par courrier recommandé du 29 septembre 2023, faisant suite à un contrôle effectué sur la parcelle n° 1______ le 21 septembre 2023, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a informé A______ avoir constaté que plusieurs éléments soumis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) avaient été réalisés sans autorisation. Seize points étaient relevés, soit notamment :

« 1-5 (…)

6        les garde-corps de la terrasse du 8ème étage accessible ne sont pas conformes, contrevenant aux art. 50 et ss du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01);

7        une cabane de jardin conséquente a été posée, sans autorisation, sur la terrasse du 8ème étage, contrevenant à l'art. 1 LCI ;

8        les façades de l'attique (8ème étage) ne sont pas conformes à l'autorisation DD 2______, ouvertures largement agrandies y compris la création de portes-fenêtres, contrevenant à l'art. 1 LCI ;

9        de l'utilisation non conforme du local principal du. 8ème étage validé par ta DD 2______ précisant que cet espace doit être un séchoir. Ces propos sont corroborés par le fait qu'un panneau est posé sur la porte annonçant « G______ » et que l'état locatif définit cet étage comme étant deux bureaux alors qu'une seule porte d'entrée existe. Au surplus, la BTPI [Brigade de lutte contre la traite d'êtres humains et la prostitution illicite], nous fait savoir qu'un salon de massage est enregistré dans leurs données à cet emplacement précis ;

10       vu la modification de l'espace buanderie de l'immeuble au 8ème étage par une autre utilisation, la buanderie de l'immeuble est manquante, contrevenant à l'art.  57 LCI ;

11-16 (…) ».

Il manquait également des systèmes de fermeture coupe-feu au sous-sol, point qui faisait partie de l'infraction I-3______ en cours d’instruction.

En outre, compte tenu de la mise en danger du public et des utilisations/habitants, crée par l'absence de garde-corps conformes sur la terrasse située en attique (8ème étage), accessible tant par le local « séchoir » que par la cage d'escaliers de l'immeuble, il ordonnait l'interdiction d'utiliser le 8ème étage du bâtiment avec effet immédiat.

Afin de se déterminer sur la suite à donner à cette affaire, il l’invitait à lui faire part de ses déterminations par écrit dans un délai de 10 jours.

Un dossier d'infraction I-4______ a été ouvert à la suite de ce constat.

11           Par acte du 6 octobre 2023, agissant sous la plume d’un conseil, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal ou TAPI) contre l'interdiction d'utiliser le 8ème étage.

Cette procédure, enregistrée sous le numéro de cause A/5______, a été retirée par courrier du 17 octobre 2023, ce que le tribunal a constaté par décision du ______ 2023 (RTAPI/6______).

12           Par courrier du 12 octobre 2023, la propriétaire, sous la plume de son conseil, s'est déterminée suite au courrier du 29 septembre 2023.

En raison de la constitution de l’immeuble en copropriété par étages, tous les locaux visés n’étaient pas sous sa responsabilité. Elle avait toutefois demandé à l’autre propriétaire d’intervenir auprès de sa locataire, s’agissant des points 2 à 5, 13 et 15.

S’agissant du point 6, les travaux avaient été effectués et une attestation de conformité serait transmise prochainement au département. La cabane de jardin (point 7) avait été installée par un locataire, lequel avait été sommé de l'enlever. Les façades de l'attique (point 8) étaient dans cet état au moment de l'achat de l'immeuble, il y avait trente-cinq ans. Le 8ème étage accueillait des activités commerciales (point 9) depuis plus de trente ans, ce qui était confirmé par l'attestation de l'ancien locataire et le cahier de répartition des locaux de 1987. La situation de l'espace buanderie (point 10) perdurait également depuis plus de trente ans. Aucune demande dans ce sens n'ayant été faite par les locataires, une dérogation était demandée. Les autres points étaient en cours d’examen et/ou régularisation.

Elle a joint des pièces, dont un ordre de travail du 4 octobre 2023 en vue du débarrassage urgent du cabanon sur la terrasse du 8ème, le cahier de répartition des locaux de 1987, une attestation de Monsieur H______ du 4 octobre 2023 confirmant avoir exercé son activité d’avocat dès 1983 et pendant plusieurs années dans les bureaux se trouvant au 8ème étage et que ces derniers disposaient de portes offrant un accès direct sur la terrasse entourant lesdits locaux.

13           Par courrier du 27 octobre 2023, le département a informé A______ qu’au vu des explications données concernant les points 2, 3, 4, 5, 13 et 15, il entendait se tourner vers les perturbateurs par comportement pour qu'ils exercent leur droit d'être entendu et reviendrait vers elle en fonction de leur retour.

Les points 11, 14 et 16 seraient traités directement par les services compétents en la matière de LDTR [loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20)] et OCEN [office cantonal de l’énergie].

Il relevait cependant que les travaux de remplacement des colonnes de l'immeuble (point 12) ainsi que de sécurisation des garde-corps de la terrasse (point 6) avaient été engagés sans lui avoir été annoncés, contrevenant à l'art. 33 al. 1 RCI, ce qui ne pouvait être toléré et devait être sanctionné. Par conséquent, une amende de CHF  1'000.-, montant qui tenait compte de la gravité tant objective que subjective de l'infraction commise, lui était infligée, en vertu de l’art. 137 LCI.

Compte tenu de la dangerosité due aux amas d'encombrants divers stockés au sous-sol (point 1) et en application des art. 121, 122 et 129ss LCI, il ordonnait leur évacuation immédiate, un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devant lui parvenir.

Concernant enfin les points 7 à 10, il lui confirmait que leur réalisation/modification était soumise à l'obtention d'une autorisation de construire conformément à l'art. 1 LCI. Selon les photographies aériennes historiques, la cabane de jardin (point 7) avait été réalisée entre 2016 et 2018, la modification des façades de l'attique (point 8) n'était pas conforme à la seule autorisation les concernant (DD 2______) et l’attestation de l’ancien locataire des lieux ne permettait pas de savoir si la situation actuelle était inchangée depuis 30 ans. S’agissant du point 9, les documents transmis permettaient de faire valoir une prescription trentenaire pour l’existence de bureaux en lieu et place du local « séchoir ». La suppression de la buanderie (point 10) violait enfin l’art. 57 LCI.

Par conséquent, en application des art 129 et ss LCI, il lui ordonnait de requérir d'ici au 15 décembre 2023, une autorisation de construire en procédure définitive (DD) complète et en bonne et due forme par le biais d'un mandataire professionnellement qualifié, sous réserve de l'art. 2 al 3 LCI, en précisant dans la description du projet « Demande de régularisation I-4______ suivi du détail ». A défaut, elle s’exposait à toutes autres mesures et/ou sanctions justifiées par la situation. À l’issue de l’instruction d’une éventuelle requête, il serait statué par décision séparée sur d’éventuelles nouvelles mesures visant au rétablissement d’une situation conforme au droit. La sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit demeurait en l’état réservée.

Pour le surplus, en application de l'art. 41 LPA, si elle estimait que son droit d'être entendu n'a pas été totalement respecté, malgré son courriel du 12 octobre 2023, s'agissant des manquements à l'art. 33 al. 1 RCI, il lui était loisible de lui faire part par écrit et dans un délai de 10 jours, de tout complément d'explications et/ou d'observations quant aux faits présentement retranscrits.

Enfin, concernant sa demande de transmission de l'état locatif (point 16), il l’invitait à le demander directement à sa gérance d’immeuble.

Un recours auprès du tribunal contre cette décision était possible, dans un délai de dix jours, pour ce qui était de l'ordre de requérir une autorisation de construire, respectivement 30 jours, pour le surplus, dès sa notification, étant précisé que l'ordre d’évacuation immédiate des encombrants divers stockés au sous-sol était déclaré exécutoire nonobstant recours.

14           Par acte daté du 9 novembre 2023, A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours auprès du tribunal à l’encontre de cette décision, concluant à ce qu’il lui soit donné acte que la cabane située sur la terrasse du 8ème étage (point 7) avait été démolie et de ce qu’elle s'engageait à déposer une demande de changement d'affectation du local du 8ème étage en « salon de massage » (point 9) et à l’annulation de ladite décision en tant qu'elle concernait l'ordre de requérir une autorisation de construire pour régulariser la modification des façades de l'attique du 8ème étage (point 8), respectivement la suppression de la buanderie de l'immeuble (point 10), le tout sous suite de frais et dépens.

Dès lors qu’elle avait mis en demeure sa locataire de procéder à l'évacuation de la cabane (point 7) et soumettrait prochainement au département une demande de changement d'affectation du local du 8ème (point 9), afin de régulariser l'affectation de salon érotique de ce dernier, seuls les points 8 et 10 demeuraient litigieux. Or, à cet égard, il ressortait de l'examen de la situation que les travaux ayant conduit à la modification des façades de l'attique ainsi qu'à la suppression de la buanderie étaient au bénéfice de la prescription trentenaire, ces deux modifications étant de toute évidence survenues il y avait bien plus de trente ans. Elles ne sauraient dès lors faire l'objet d'un ordre du département visant à rétablir une situation conforme au droit.

Ainsi, l’ancien locataire avait certifié que les façades de l'attique n'avaient subi aucune transformation depuis plus de trente-cinq ans et les plans annexés au cahier de répartition des locaux établis en 1987 permettaient de distinguer les grandes ouvertures donnant sur la terrasse (pièce 4 - feuille 18), étant rappelé que M.  B______ était déjà copropriétaire de l'immeuble lors de l'établissement dudit cahier de répartition des locaux et que ni lui ni la recourante n'avait procédé à aucune modification des façades de l'attique depuis lors.

La suppression de la buanderie avait également eu lieu il y avait plus de trente ans. En effet, si les plans originaux de la DD 2______/1 mentionnaient bien la présence d'un « séchoir » dans l'attique du 8ème étage, dans lequel se trouvait la buanderie, il ressortait de l'examen du cahier de répartition de 1987 que les locaux étaient destinés à une affectation de « bureau » à cette date déjà. En outre, comme exposé ci-dessus, le local principal de l'attique était affecté à des activités commerciales dès 1983 au moins, ce que l'OAC admettait. Il fallait en déduire que la buanderie avait été supprimée entre 1963 et 1983, soit il y avait plus de trente ans.

Elle a joint un chargé de pièces, dont des extraits de la DD 2______/1 et des photographies satellitaires non datées de l’immeuble et son attique.

15           En date du 15 janvier 2024, le département a transmis ses observations au tribunal, accompagnées de son dossier. Il a conclu à l'irrecevabilité du recours, au fond, à son rejet et à la condamnation de la recourante aux dépens de l'instance.

La recourante contestait la décision du 27 octobre 2023, uniquement en ce qui concernait les points 7 à 10, à savoir l'ordre de déposer une requête en autorisation de construire pour ces éléments. Or, de jurisprudence constante, une telle décision, qui ne mettait pas fin à la procédure et revêtait un caractère incident, n’était susceptible de recours que si elle pouvait causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours pouvait conduire immédiatement à une décision finale qui permettait d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Ce n’était manifestement pas le cas en l’espèce, la recourante n’alléguant pas, d’une part, que le dépôt d'une requête en autorisation de construire lui causerait un préjudice irréparable et ne démontrant pas, d’autre part, que la procédure serait longue et coûteuse ni que le dépôt d'une autorisation de construire demanderait un travail démesuré ou excessivement coûteux, ni que son instruction nécessiterait des mesures probatoires prenant un temps considérable et exigeant des frais importants.

La prescription trentenaire alléguée n'excluait en tout état pas la nécessité de requérir une autorisation de construire spécifiquement pour le salon de massage (arrêt du TF IC 638/2020 du 17 juin 2021 consid. 3.1), cette activité étant soumise à autorisation, même si les locaux avaient préalablement une affectation commerciale générale.

Les conditions de la recevabilité du recours n’étant pas remplies, il n’entendait pas entrer en matière sur le fond.

16           Par réplique du 16 février 2024, la recourante a rappelé que seuls restaient litigieux les points 8 et 10, ce dont le département ne semblait pas avoir tenu compte. Elle a persisté pour le surplus à soutenir que la prescription trentenaire était atteinte concernant ces derniers. Il en découlait que ladite prescription permettait bel et bien d’éviter une procédure longue et couteuse (art. 57 let. c LPA). Le recours était partant recevable. Par surabondance de moyen, elle a encore relevé qu’étant copropriétaire minoritaire de la PPE, elle n’était pas en mesure d’agir directement sur les parties communes de l’immeuble. La décision querellée aurait dès lors dû être adressée à la communauté des copropriétaires et non pas à elle.

Elle a joint un courriel de M. B______ du 15 février 2024 attestant de l’enlèvement de la cabane de jardin.

17           Le 13 mars 2024, le département a dupliqué, persistant dans ses déterminations et conclusions.

Concernant les points 7 et 9, il en prenait bonne note mais constatait que l’élément de preuve produit au sujet de l’évacuation de la cabane n’était pas suffisant et que la recourante n’avait pas encore déposé de demande de changement d’affectation, en dépit de son engagement dans ce sens.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Il convient d'emblée de trancher la question de la recevabilité du recours, le département considérant que celui-ci est irrecevable en raison de la nature incidente de la décision litigieuse, contrairement à la recourante qui soutient, qu'il s'agit d'une décision finale, ou à tout le moins susceptible de lui causer un préjudice irréparable.

3.             Selon l'art. 57 LPA, sont notamment susceptibles d’un recours les décisions finales (let. a) et les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. c).

4.             De jurisprudence constante, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) retient que ne peut être considérée comme finale une décision qui ordonne de déposer une requête d’autorisation de construire relative à des travaux non autorisés constatés par le département. Celui-ci, suite au constat fait, ouvre une procédure administrative qui prend fin par une décision qui peut soit constater, sur la base du dossier complet, que les travaux ne sont pas soumis à une autorisation, soit dire que ceux-ci sont soumis à autorisation et accorder ou refuser cette autorisation. Cette décision ne met pas fin à la procédure mais constitue une simple étape dans le cours de celle-ci (ATA/1548/2017 du 28  novembre 2017 consid. 4 ; ATA/433/2018 du 8 mai 2018 consid. 4 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 confirmé par un arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2019 du 21 avril 2020 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 4).

Récemment, le Tribunal fédéral a encore confirmé que l'ordre de déposer une demande d'autorisation de construire constitue une décision incidente, dans la mesure où elle ne résout pas la question de savoir si la construction litigieuse, doit être autorisée a posteriori et, le cas échéant, dans quelle mesure elle doit l'être. Il a précisé que l'obligation de déposer une demande d'autorisation de construire implique simplement la nécessité d'engager une procédure formelle qui, avec la collaboration du recourant, permettra de vérifier pleinement cette question et ses aspects de légitimité matérielle, ce qui aboutira à une décision finale sur la nécessité ou non d'un permis de construire et, le cas échéant, sur son octroi ou son refus (arrêt du Tribunal fédéral 1C_66/2023 du 23 février 2023 consid. 2.5).

5.             En l'espèce, la décision du 27 octobre 2023 n'a pas d'autres effets juridiques que d’ordonner à la recourante de déposer une demande d'autorisation de construire afin de régulariser les différents éléments dont elle fait la description. En se limitant à inviter la recourante à déposer une DD, elle constitue une étape qui devra conduire le département à analyser le dossier au fond. Elle ne met donc pas fin à la procédure mais en ouvre une nouvelle phase. La procédure que sera amenée à instruire le département prendra fin par une décision qui pourra soit constater, sur la base du dossier complet, que les changements d'affectation voire les éventuelles transformations ne sont finalement pas soumises à autorisation ; soit dire qu'elles sont bel et bien soumises à autorisation et accorder cette autorisation; soit encore refuser l'autorisation de construire.

Partant, la décision litigieuse est bien une décision incidente, ce que la recourante ne conteste au demeurant pas.

6.             La recourante soutient que la décision querellée peut faire l'objet d'un recours dès lors que l'admission de ce dernier peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse au sens de l'art. 57 let. c LPA précité.

7.             Pour qu’une procédure soit « longue et coûteuse », il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels (arrêt du Tribunal fédéral 4A_162/2015 du 9 septembre 2014 consid. 2 et les références citées ; cf. aussi ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2c ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2d). Tel peut être le cas lorsqu’il faut envisager une expertise complexe ou plusieurs expertises, l’audition de très nombreux témoins, ou encore l’envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2c ; ATA/639/2014 du 19 août 2014 et les références citées).

8.             En l'espèce, la présente procédure ne permet précisément pas de trancher la question de fond, la prescription trentenaire étant contestée par le département concernant la modification des façades de l'attique du 8ème étage (point 8) et n'excluant en tout état pas la nécessité de requérir une autorisation de construire spécifiquement pour le salon de massage, dont la présence depuis plus de trente ans n’est au demeurant ni alléguée ni démontrée. Il n’en va pas différemment concernant les points 7 et 9, dont la régularisation n’a, à ce jour, pas été valablement démontrée, que ce soit par une photographie des lieux attestant du démontage et/ou le dépôt d’une demande d’autorisation (régularisation et/ou changement d’affectation). Partant, à défaut du dépôt d’une requête formelle et de l’instruction du dossier par le département, aucune autorité ne peut se prononcer valablement.

9.             Il découle de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable.

10.         En dernier lieu et à toutes fins utiles, le tribunal rappellera que la question de savoir si la décision querellée pouvait effectivement être adressée à la recourante, soit en l’occurrence l’une des copropriétaires - mais également perturbatrice par comportement - alors que, s’agissant de parties communes, seule la communauté des copropriétaires pourrait agir, est une question de fond (JTAPI/461/2023 du 27 avril 2023 confirmé par ATA/1174/2023 précité), qui n’a pas à être examinée à ce stade.

11.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours et le solde de l'avance de frais sera restitué à la recourante.

12.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 9 novembre 2023 par la A______ SA contre la décision du département du territoire du _______ 2023 ;

2.             met à la charge de la recourante, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Diane SCHASCA et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière