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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/887/2024

JTAPI/239/2024 du 15.03.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.76.al1.letb.ch4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/887/2024 MC

JTAPI/239/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 mars 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Clara POGLIA, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le 17 novembre 2022, M. A______, né le ______ 2003 et originaire du Maroc, démuni de documents d'identité, a déposé une demande d'asile en Suisse au Centre fédéral pour requérants d'asile (CFA) de la Région Suisse romande du Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : le SEM) à Boudry.

2.             Par décision du 5 décembre 2022, prise en application de l'art. 74 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), le Service des migrations du canton de Berne lui a fait interdiction de pénétrer dans le canton en question pendant vingt-quatre mois, après qu'il eut, le 3 décembre 2022, commis un vol à l'étalage d'importance mineur dans un magasin (H&M) de la Marktgasse 6, à Berne, et qu'il eut été arrêté par la police pour cela.

3.             Le 28 janvier 2023, l'intéressé a violé la décision précitée, en sus d'être entré, de concert avec un tiers, dans le magasin COOP, sis rue de la Gabelle 31, à Bienne, et d'y soustraire, dans un dessein d'enrichissement illégitime, plusieurs victuailles d'une valeur totale de CHF 73,15, en les dissimulant dans un sac à dos avant de quitter les lieux avec ces articles sans les payer, au préjudice du magasin en question. M. A______ a été condamné pour cela, soit pour non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de l'art. 119 LEI et pour vol d'importance mineure, selon l'art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) cum art. 172ter CP, par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Berne Région Jura bernois-Seeland du 12 juillet 2023.

4.             Le 22 février 2023, l'intéressé a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public des Grisons à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à CHF 30.- avec sursis et à une amende de CHF 600.- pour vol (art. 139 ch. 1 cum art. 172ter CP) et violation de domicile (art. 186 CP), infractions commises le 19 décembre 2022.

5.             Par décision du 21 avril 2023, le SEM a rejeté la demande d'asile de l'intéressé et a simultanément prononcé son renvoi de Suisse, l'enjoignant de quitter le territoire helvétique et l'espace Schengen le jour suivant l'entrée en force de sa décision pour rejoindre le pays dont il possédait la nationalité, respectivement le pays dont il était originaire ou tout autre pays hors de l'espace Schengen où il était légalement admissible, faute de quoi le renvoi pourrait être exécuté sous la contrainte. Le SEM a chargé le canton de Genève de procéder à l'exécution de cette décision de renvoi, laquelle est entrée en force le 2 juin 2023. Dans le cadre de cette décision, le SEM a retenu qu'au titre des motifs de sa requête d'asile, M. A______ avait essentiellement fait valoir qu'après le décès de sa mère avec laquelle il vivait à B______ (Maroc), son père s'était remarié et qu'il avait eu des problèmes avec sa belle-mère. Celle-ci lui reprochait de fumer et de mal travailler à l'école. Pour ces raisons, son père le mettait régulièrement à la porte et il devait se réfugier chez son cousin et chez des amis. Trois mois avant son départ du pays, il s'était rendu à C______ (Maroc) dans le but de quitter le Maroc.

6.             Le 9 août 2023, M. A______ a été arrêté par les services de police genevois, à la place Simon-GOULART, où il venait de vendre 2.69 grammes de cannabis contre la somme de CHF 10.- à un tiers et alors qu'il détenait 48.79 grammes de résine de cannabis conditionnés en 18 emballages et un morceau de résine de cannabis de 50.50 grammes destinés, à tout le moins en partie, à la vente, ainsi qu'à sa consommation personnelle.

7.             Au cours de son audition par la police, il a reconnu les faits qui lui étaient reprochés, a précisé qu'il consommait environ 10 grammes de haschich par jour et qu'il avait effectué deux ventes avant d'être interpellé.

8.             M. A______ a été condamné pour ces faits, soit pour délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) au sens de l'art. 19 al. let. c LStup, pour consommation de stupéfiants au sens de cette même loi et pour infraction à la LEI, par ordonnance pénale du Ministère public du 10 août 2023.

9.             Le 11 septembre 2023, cours d'un entretien de départ dans les locaux de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM), il a été rappelé à l'intéressé qu'il était tenu de quitter immédiatement la Suisse, le délai qui lui avait été imparti pour ce faire étant échu depuis le 3 juin 2023. L'OCPM a également indiqué à l'intéressé que la Croix-Rouge genevoise ne l'avait pas avisé qu'il s'y serait rendu ou qu'il aurait entrepris des démarches en vue de son retour au Maroc, ce qui tendait à démontrer qu'il n'était pas disposé à collaborer à l'organisation de son retour. Enfin, il a par ailleurs été remémoré à M. A______ qu'en cas de non-collaboration à l'organisation de son départ, une détention administrative pourrait être ordonnée à son encontre par les services de police, lesquels seraient chargés de l'exécution de son renvoi de Suisse.

10.         Le 11 septembre 2023, l'OCPM a sollicité le soutien du SEM en vue de l'identification de M. A______ et pour l'obtention d'un document de voyage de remplacement permettant son refoulement. Le 13 septembre 2023, le SEM a sollicité, dans ce but, la représentation marocaine en Suisse.

11.         Le 19 septembre 2023, l'intéressé a été écroué à la prison de Champ-Dollon en vue d'y subir la peine privative de liberté prononcée à son encontre par ordonnance pénale du Ministère public du 10 août 2023. Il s'est vu octroyer sa libération conditionnelle le 18 décembre 2023 par jugement du Tribunal d'application des peines et des mesures du 30 novembre 2023.

12.         Par courrier du 20 décembre 2023, l'Ambassade du Maroc, à Berne, a informé le SEM du fait que l'intéressé avait été identifié en tant que marocain.

13.         Le 6 janvier 2024, M. A______ été arrêté par les services de police en infraction à la LEI. Il a été condamné pour cela par ordonnance pénale du Ministère public du 7 janvier 2024 à laquelle il s'est opposé.

14.         Par communication du 12 janvier 2024, le SEM a informé l'OCPM de l'identification par les autorités marocaines de M. A______ comme étant leur citoyen.

15.         Le 23 janvier 2024, cours d'un nouvel entretien dans les locaux de l'OCPM, l'intéressé a été avisé, à la demande du SEM, du fait que ses démarches auprès des autorités marocaines en vue de son identification et de l'obtention d'un document de voyage avaient abouti à son identification, par les autorités en question, comme étant leur citoyen. M. A______, informé de ce qui précède, a déclaré qu'il n'était toujours pas disposé à organiser son départ, ni à se présenter auprès du Service d'aide au retour (SAR) de la Croix-Rouge genevoise afin de bénéficier de son aide quant à l'organisation de son retour au Maroc où il ne voulait pas retourner. L'OCPM lui a encore rappelé qu'au vu de sa non-collaboration à l'organisation de son départ, une détention administrative pourrait être ordonnée à son encontre par les services de police, lesquels seraient chargés de l'exécution de son renvoi de Suisse

16.         Le 8 février 2024, l'OCPM a chargé les services de police de procéder à l'exécution du renvoi de l'intéressé à destination du Maroc.

17.         Les services de police ont immédiatement procédé à la réservation d'un vol pour M. A______ lequel a été confirmé pour le 12 mars 2024 à 07h15 au départ de Genève ; un laissez-passer à cette fin, valable jusqu'au 5 mai 2024, a été délivré par les autorités marocaines le 5 mars 2024.

18.         Le 12 mars 2024, M. A______, interpellé par les services de police la veille et s'étant alors vu notifier l'interdiction d'entrée en Suisse prise à son encontre par le SEM le 4 mars 2024, a refusé de prendre le vol de ligne réservé en sa faveur pour ce même jour à 07h15, au départ de Genève.

19.         Les démarches en vue de l'organisation d'un vol avec escorte policière immédiatement été entamées.

20.         Sur ordre du commissaire de police, M. A______ a été mis à disposition du Ministère public pour insoumission à une décision de l'autorité (art. 292 CP), lequel l'a condamné, le lendemain, par ordonnance pénale, avant de le remettre en mains des services de police.

21.         Le vol avec escorte policière de M. A______ a été confirmé pour le 19 mars 2024, à 10h55 au départ de Genève.

22.         Le 13 mars 2024, à 18h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de huit semaines.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Maroc.

23.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

24.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré que, sur la base du résumé que le tribunal venait de faire de son dossier, qu'il n'était pas au courant de l'interdiction qui lui avait été faite le 5 décembre 2022 de pénétrer dans l'ensemble du canton de Berne pendant deux ans.

Il a indiqué qu'il refusait de retourner au Maroc où il était menacé de mort. Il a expliqué qu'il avait reçu des coups et qu'à la même occasion, l'un de ses amis avait perdu sa jambe. Il s'agissait de violences liées à des rivalités entre supporters de différentes équipes de football. M. A______ a précisé que c'était des coups de couteau qu'il avait reçu vers le haut de la jambe gauche.

La représentante du commissaire de police a précisé qu'actuellement les renvois contraints à destination du Maroc, qui n'avaient de toute façon lieu que par voie maritime et non par vol spécial, étaient interrompus depuis environ une année et que si M. A______ refusait de prendre l'avion le 19 mars 2024, les autorités suisses tenteraient une nouvelle fois un vol avec escorte policière. La solution qui suivrait serait une détention pour insoumission.

La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de huit semaines.

Le conseil de M. A______ a conclu à l’annulation de l’ordre de mise en détention administrative et à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à ce que la levée de sa détention soit assortie d'une assignation à un lieu de résidence, à savoir son foyer actuel au D______ et plus subsidiairement encore à ce que cette assignation soit assortie d'une obligation de se présenter régulièrement à une autorité.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 13 mars 2024 à 17h40.

3.            L'art. 76 al. 1 let. b LEI stipule que lorsqu'une décision de renvoi a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre qu'elle entende se soustraire au renvoi, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (ch. 3) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

4.            Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

5.            Selon la jurisprudence, un risque de fuite existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.2 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_743/2009 du 7 décembre 2009 consid. 4), qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine (cf. ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; 130 II 56 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1139/2012 du 21 décembre 2012 consid. 3.2 ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014).

6.            Lorsqu’il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prêtera son concours à l’exécution du renvoi, soit qu’il se conformera aux instructions de l’autorité et regagnera ainsi son pays d’origine le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions seront réunies. Dans ce cas, le juge de la détention dispose d’une certaine marge d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C.400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1).

7.            Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.2 ; 2C_142/2013 du 1er mars 2013 consid. 4.2 ; 2C_1017/2012 du 30 octobre 2012 consid. 4.1.1 ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014). Ne constituent pas des éléments suffisants le seul fait que l'étranger soit entré en Suisse de façon illégale ou le fait qu'il soit démuni de papiers d'identité (cf. ATF 129 I 139 consid. 4.2.1). De même, le fait de ne pas quitter le pays dans le délai imparti à cet effet n'est pas à lui seul suffisant pour admettre un motif de détention au sens de l'art. 76 al. 1 ch. 3 ou 4 LEI, mais peut tout au plus constituer un indice parmi d'autres en vue d'établir un risque de fuite (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_142/2013 du 1er mars consid. 4.2 in fine ; ATA/315/2014 du 2 mai 2014). En effet, si tel était le cas, il aurait appartenu au législateur d'indiquer expressément à l'art. 76 al. 1 LEI que le non-respect du délai de départ constitue à lui seul un motif justifiant la mise en détention de l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées). Dans la même ligne, le fait de travailler au noir ne constitue pas non plus un indice d'un risque de fuite (ATF 140 II 1 consid. 5.4.2 p. 5). A l'inverse, la circonstance que la personne concernée s'est tenue, assez longtemps et de manière ininterrompue, en un endroit stable à la disposition des autorités plaide en défaveur du risque de fuite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées).

8.            En l'espèce, s'il est vrai, comme l'a souligné son conseil que M. A______ n'a pas tenté de fuir ou de disparaître durant son séjour en Suisse et qu'il a pu être trouvé facilement par la police la veille du vol prévu pour lui le 12 mars 2024, il a néanmoins manifesté par des actes sa volonté de se soustraire coûte que coûte à son renvoi, en refusant précisément d'embarquer à bord du vol du 12 mars 2024 qui devait le ramener dans son pays d'origine. Par ailleurs, il fait l'objet d'un renvoi de Suisse prise par le SEM le 21 avril 2023. Par conséquent, les conditions légales de sa détention sont réalisées.

C'est le lieu de préciser que le tribunal n'est habilité à réexaminer l'exécutabilité du renvoi que dans des cas tout à fait exceptionnels (Grégor CHATTON/Laurent MERZ, Code annoté des droits des migrations, vol. II ad art. 80 LEtr, p. 882), notamment lorsque les circonstances permettent clairement au juge de la détention de conclure à une impossibilité juridique ou matérielle, notamment pour des raisons humanitaires. Dans le cas d'espèce, même si l'on tient compte de la réalité des blessures subies par M. A______, apparemment par un ou des coups de couteau, il n'est pas possible à teneur de ses explications et du dossier de retenir qu'il est effectivement soumis à risque de mort pratiquement certain en cas de retour au Maroc. Tout d'abord, il faut observer que les explications qu'il a données sur l'origine de ce risque à l'audience de ce jour sont complètement différentes de celles qu'il avait données dans le cadre de sa requête d'asile, ce qui remet en cause la vraisemblance de chacune des deux versions. Mais en outre, même si l'on retenait la crédibilité des explications qu'il a données devant le tribunal, on ne voit pas pourquoi, à priori, son retour dans son pays entrainerait nécessairement un risque de mort en raison de rivalité entre supporters d'équipes de football. M. A______, qui a pu s'expatrier et tenter de s'insérer dans un pays dont il ignorait tout pourrait à fortiori, si cela s'avérait absolument nécessaire, s'installer au Maroc dans une autre ville que B______ (Maroc), ou en tout cas, s'éloigner des personnes qui feraient éventuellement encore peser une menace sur lui. Au vu de ce qui précède, il n'est pas possible de retenir de manière suffisamment vraisemblable l'existence d'un motif d'inexécutabilité du renvoi.

9.             Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

10.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

11.         Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

12.        Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

13.        En l'espèce, la question se pose tout d'abord de savoir si la détention administrative de M. A______ est la seule mesure apte à assurer l'exécution de son renvoi ou si une mesure moins incisive y parviendrait également. A cet égard, M. A______ a conclu, subsidiairement à la levée pure et simple de sa détention, à ce qu'une assignation à un lieu de résidence au sens de l'art. 74 LEI soit prononcée, cas échéant, accompagné d'une obligation de se présenter régulièrement à une autorité. A nouveau, il insiste sur le fait que durant son séjour en Suisse, il n'a jamais tenté de fuir ou de disparaître et que la police a facilement pu le trouver la veille du vol du 12 mars 2024. Cela étant, il s'agit de tenir compte de deux facteurs défavorables. D'une part, si M. A______ n'a pas cherché à disparaître ou à fuir durant son séjour en Suisse depuis novembre 2022, c'est certainement en raison du fait qu'il espérait pouvoir y séjourner, cas échéant même sans être au bénéfice du statut de requérant d'asile. Or, ces circonstances ont aujourd'hui complètement changé, puisque les autorités ont activement commencé à faire en sorte que son renvoi puisse être exécuté, ce dont il a reçu un signal très clair avec la réservation du vol du 12 mars 2024 et l'information selon laquelle un prochain vol aura lieu le 19 mars 2024. Par conséquent, M. A______ a vraisemblablement, désormais, une conscience très claire du fait que son séjour en Suisse arrive à son terme, ce qui ne peut que l'amener à chercher à disparaître dans la clandestinité, cas échéant, en se rendant illégalement, dans un autre pays d'Europe. Par ailleurs, il faut observer que M. A______ n'a manifestement en Suisse aucune attache, qu'elle soit familiale, sociale ou professionnelle. Cette situation rend la possibilité qu'il ne quitte la Suisse d'autant plus importante.

Au vu de ces différents éléments, il apparaît qu'une assignation à un lieu de résidence, même assortie d'une obligation de se présenter à une autorité, ne l'empêcherait vraisemblablement pas de se soustraire à son renvoi.

Par ailleurs, les autorités compétentes ont entrepris avec rapidité les démarches utiles à l'exécution de son renvoi et ont donc respecté leur devoir de diligence.

Enfin, quant à la durée de détention prononcée par le commissaire de police, elle n'apparaît pas à priori excessive, compte tenu des explications données à l'audience par sa représentante. En effet, si M. A______ se refuse à nouveau à prendre le vol prévu le 19 mars 2024, en démontrant de la sorte avec encore plus de clarté son refus de retourner dans son pays, les autorités devront alors à nouveau tenter d'organiser un vol avec escorte policière, ce qui entrainera l'écoulement de quelques semaines supplémentaires. Il n'y a pas lieu en l'occurrence de contraindre d'emblée les autorités à devoir déposer une demande de prolongation de détention pour pouvoir effectuer ces démarches.

14.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de huit semaines.

15.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 13 mars 2024 à 18h à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de huit semaines, soit jusqu'au 6 mai 2024 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière