Skip to main content

Décisions | Chambre de surveillance

1 resultats
C/27155/2024

DAS/91/2025 du 15.05.2025 ( CLAH ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27155/2024 DAS/91/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 15 MAI 2025

 

Requête (C/27155/2024) en retour de l'enfant A______, né le ______ 2018 en République de Maurice, formée en date du 22 novembre 2024 par Madame B______, domiciliée ______, MAURICE, représentée par Me Vanessa NDOUMBE NKOTTO, avocate.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 26 mai 2025 à :

- Madame B______

c/o Me Vanessa NDOUMBE NKOTTO, avocate

Rue Etienne-Dumont 22, 1204 Genève.

- Monsieur C______
c/o Me Stéphane RYCHEN, avocat
Promenade Saint-Antoine 20, 1204 Genève.

- Maître D______
______, ______ [GE].

- DIRECTION DU SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Route des Jeunes 1E, case postale 75, 1211 Genève 8.

- AUTORITÉ CENTRALE FÉDÉRALE
Office fédéral de la justice
Bundesrain 20, 3003 Berne.


EN FAIT

A. a) B______, née le ______ 1997, de nationalité mauricienne, et C______, né le ______ 1996, de nationalité mauricienne également, ont donné naissance, le ______ 2018, hors mariage, à l’enfant A______ (ci-après: "A______", "l'enfant", ou "le mineur"), en République de Maurice. C______ a reconnu l'enfant.

b) Selon ce qui ressort des déclarations des parties, B______ et C______ ont fait ménage commun, au domicile du père de C______, pendant les six premiers mois de l'enfant environ. C______ est ensuite parti travailler sur un bateau de la compagnie E______. Lorsque A______ avait environ 18 mois, B______ a quitté la maison du père de C______ avec son fils. Les parties se sont par la suite installées dans une nouvelle maison, plus grande, mais leur relation, qui s'était dégradée, a pris fin en 2020.

A compter de la séparation, les parties se sont mises d'accord pour que le mineur vive chez sa mère. Les visites du père, irrégulières, s'exerçaient d'entente entre les parties.

Au moment du départ de l'enfant de Maurice, en janvier 2024, celui-ci vivait, avec sa mère, dans un logement qui se trouvait au-dessus de celui de la mère de B______.

c) A teneur de la requête en vue du retour de l'enfant formée par B______, la prénommée et C______ ont convenu, dans le courant de l'année 2023, de permettre à leur fils de se rendre à Genève, auprès de sa grand-mère paternelle qui y vit.

Toujours selon la requête, A______ devait demeurer à Genève du 12 janvier au 11 mars 2024, pour y passer des vacances.

d) Etant convenu que A______ voyagerait depuis Maurice avec sa grand-mère paternelle, F______, les parties ont signé une autorisation de sortie du territoire en ce sens le 24 décembre 2023. Ce document indique notamment: "Our son A______ is traveling with his grandmother Mrs F______ […] as from 12 january 2024 to the address Avenue 1______ no. ______ [code postal] G______ Genève Suisse" (en traduction libre: "Notre fils A______ voyage avec sa grand-mère Mme F______ dès le 12 janvier 2024 vers l'adresse Avenue 1______ no. ______ [code postal] G______ Genève Suisse").

e) Le 12 janvier 2024, le mineur, muni d'un billet d'avion de la compagnie H______ comprenant un vol aller Maurice-Genève le 12 janvier 2024 et un vol retour Genève-Maurice le 11 mars 2024, avec escale à Paris, a quitté Maurice en compagnie de sa grand-mère paternelle.

Il est admis que A______ a tout d'abord séjourné chez sa tante paternelle, établie à I______, en France, avant de s'installer chez sa grand-mère paternelle, au G______, fin mars 2024. Cette dernière, en Suisse depuis plus de vingt ans, est au bénéfice d'un titre de séjour dans ce pays.

f) Le 28 mars 2024, C______ a quitté Maurice et rejoint son fils à Genève. Il y vit depuis lors au domicile de sa mère, avec son fils A______.

g) Le 29 mars 2024, B______ a saisi l'Autorité centrale mauricienne d'une demande en vue du retour de son fils à Maurice. Sous la rubrique "Endroit où devrait se trouver l'enfant", elle a indiqué: "(i) Avenue 1______ no. ______ [code postal] G______ Genève Suisse, (ii) Paris." Elle a précisé avoir "envoyé son fils en France avec sa mamie paternel pour passer des vacances." (sic)

h) Une fois saisie, l'Autorité centrale suisse a proposé une médiation entre les parents, qui a débuté à la fin du mois de juillet 2024 et pris fin le 27 août 2024, faute d'accord entre les parties sur le retour ou non de A______ à Maurice.

i) Le 22 novembre 2024, B______ a saisi la Cour de justice (ci-après: la Cour) d’une requête en retour de l’enfant.

Sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, elle a conclu à ce qu’il soit fait interdiction au père ainsi qu’à toute personne pouvant se substituer à lui, en particulier F______, d’emmener l’enfant A______ hors du territoire suisse, sans l’accord de sa mère ou de la Cour de justice et ce sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, ordonné l'inscription de l'enfant A______ dans les systèmes de recherches informatisées de la police (RIPOL) et d’information Schengen (SIS), ordonné à C______, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, de déposer immédiatement tous les documents d'identité de l'enfant A______ en sa possession au greffe de la Cour de justice, ordonné toutes autres mesures de protection utiles en faveur de l'enfant A______, à ce que lui soit réservé le droit de communiquer avec l'enfant A______ par le biais de toutes voies de télécommunication utiles, en particulier via WhatsApp, selon les modalités minimales suivantes: un appel ou visio tous les lundis, mercredis, vendredis et dimanches à 19h (heure suisse), pour une durée de dix minutes, selon les besoins de l'enfant, et ordonné à C______ de la renseigner complètement sur la situation de l'enfant A______, en particulier sur son lieu de scolarisation, sa scolarité et son état de santé, le tout sous suite de frais et dépens.

Sur le fond, B______ a conclu à ce que le retour du mineur A______ en République de Maurice soit ordonné, à ce qu’il soit ordonné à C______ de ramener, à ses frais, l'enfant A______ à Maurice dans un délai de cinq jours dès le prononcé de l'arrêt de la Cour de céans, ou dans le même délai, de lui permettre d'organiser le retour de l'enfant aux frais de C______, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP et, en cas d'inexécution, à requérir l'intervention du Service de protection des mineurs (ci-après: SPMi) ou de la Police en vue de l'exécution du retour de l'enfant à Maurice. Le dispositif de l'arrêt à venir devait en outre être déclaré immédiatement exécutoire nonobstant recours au Tribunal fédéral.

Elle a exposé, en substance, avoir donné son accord pour que son fils A______ passe des vacances auprès de sa famille paternelle à Genève, du 12 janvier 2024 au 11 mars 2024. Parti effectivement de Maurice le 12 janvier 2024 en compagnie de sa grand-mère paternelle, l'enfant n'était, depuis lors, pas rentré.

j) Par ordonnance DAS/273/2024 du 25 novembre 2024, la Cour a ordonné la représentation de l'enfant A______ et lui a désigné en qualité de curatrice Me D______, avocate.

k) Par ordonnance DAS/272/2024 du 25 novembre 2024, la Cour, statuant à titre superprovisionnel, a fait interdiction à C______ d’emmener ou de faire emmener par un tiers l’enfant A______ hors du territoire suisse et lui a ordonné de déposer tous les documents d’identité de son fils auprès du SPMi, la décision étant prononcée sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, dont la teneur a été rappelée ; la Cour a également ordonné à l’Office fédéral de la police (FEDPOL) d’inscrire dans les systèmes de recherches informatisées de la police (RIPOL) et d’information Schengen (SIS) l’interdiction de sortie du territoire suisse de l’enfant A______.

l) Dans sa réponse sur mesures provisionnelles, C______ s'en est rapporté à justice s'agissant des conclusions sur mesures provisionnelles n. 1 à 3 et 6 de B______ et a conclu au rejet de toutes ses autres ou plus amples conclusions.

Il a indiqué qu'à l'issue de la médiation intervenue entre les parents en juillet 2024 sous l'égide du K______, il avait été convenu, faute d'accord sur le lieu de résidence de leur fils, que durant la suite de la procédure, les contacts mère-fils se dérouleraient selon les modalités sollicitées par B______ sur mesures provisionnelles. Les appels téléphoniques entre la mère et l'enfant avaient débuté selon ces modalités le 28 août 2024.

Sur le fond, C______ a conclu à ce que la requérante soit déboutée de toutes ses conclusions.

En substance, il a allégué qu'il n'avait jamais été prévu que A______ revienne à Maurice, les père et mère ayant décidé de confier l'enfant à sa famille paternelle pour le long terme. Plus précisément, en août 2023, B______ lui avait dit qu'elle avait le projet de s'installer à J______ [île française], qu'elle n'avait plus le temps de s'occuper de A______, et que sa famille, à qui elle laissait l'enfant pendant les séjours qu'elle effectuait déjà à J______, ne parvenait pas non plus à s'en occuper correctement. C'était B______ elle-même qui avait eu l'idée de confier A______ à la famille paternelle établie en Europe. Il avait également été convenu que la mère rende visite à son fils en février 2024, afin de voir ses conditions de vie, puis que le père lui rende visite à son tour en mars 2024. La mère n'était toutefois jamais venue et elle avait ensuite réclamé le retour de son fils à Maurice. Ainsi, B______ ayant donné son accord pour que le mineur parte s'établir en Europe et y effectue sa scolarité, le déplacement n'était pas illicite.

C______ a encore soutenu qu'au demeurant, un retour de l'enfant dans l'Etat d'origine l'exposerait à un grave danger, dans la mesure où sa mère ne vivait plus à Maurice mais à J______, où celle-ci avait fait subir des mauvais traitements à A______, où elle participait à des réseaux de trafic de drogue et de prostitution auxquels l'enfant avait été exposé, et où celui-ci avait été témoin de violences infligées à sa mère par d'anciens petits amis. La décision qui avait été prise par les deux parents d'envoyer A______ en Europe auprès de sa famille paternelle avait précisément eu pour but de le soustraire à l'environnement toxique dans lequel il évoluait à Maurice.

A l'appui de ses allégations, C______ a produit des enregistrements audio et vidéo contenant de nombreux échanges entre les parties. Il a également produit des images à caractère pornographique impliquant B______, ainsi que des photographies et vidéos montrant la prénommée en train de manipuler et de conditionner de la marijuana. On y trouve également une vidéo de A______ en train de danser dans une pièce avec, en arrière-plan, un homme fumant un bang. Y figure encore la capture d'écran de recherches de sites pour adultes sur le navigateur internet d'un téléphone. Enfin, C______ a produit des messages, ainsi que des photos de billets d'avion et de passeports au nom de diverses personnes de sexe féminin, dont il a allégué qu'ils étaient en lien avec le réseau de prostitution que B______ organisait entre Maurice et J______. C______ a expliqué avoir trouvé ce contenu dans le téléphone que la mère avait remis à l'enfant avant son départ.

Enfin, C______ a exposé que A______ était scolarisé à Genève depuis le 17 mai 2024 et qu'il était pleinement intégré et épanoui dans son nouvel environnement.

m) Le 12 décembre 2024, le SPMi a procédé à l'audition de A______. Il a également entendu le père de celui-ci, C______.

Dans son rapport du même jour, le SPMi a relevé que l'enfant avait déclaré qu'avant de venir en Suisse, il vivait avec sa mère à Maurice, que celle-ci habitait désormais à J______, et que quand il vivait avec elle à Maurice, cela ne se passait pas bien, précisant à l'intervenante: "[T]u sais une fois j'ai fait pipi au lit et elle m'a frappé. Puis elle m'insultait mais en créole".

A la question de savoir s'il souhaitait retourner, en visite ou plus longtemps à Maurice, l'enfant a répondu: "Je ne veux pas aller à Maurice. J'ai tous mes jouets ici et puis après si je vais à Maurice, maman me laissera plus revenir ici. Moi je veux rester ici. Et puis Madame (sic) elle fait que des bêtises."

A la question de savoir s'il appréciait son école, l'enfant a répondu par l'affirmative, en ajoutant: "Avant, maman me changeait tout le temps d'école, rechanger, rechanger, encore rechanger. Moi je veux plus rechanger. Puis d'ailleurs toi, tu dois plus vouloir me parler un autre jour que le mercredi parce que moi je veux aller à l'école et puis le mercredi bah c'est le jour où j'ai pas école."

Enfin, à la question de savoir ce qu'il ferait s'il avait une baguette magique, A______ a répondu: "Je reste ici et peut-être que quand j'aurai 12 ans j'irai une fois à Maurice mais là moi je reste ici. Puis maintenant je te dis que je vais pas tout te raconter parce que je dois vraiment aller à l'école moi".

n) La curatrice de l’enfant a conclu, sur mesures provisionnelles, à la confirmation des mesures ordonnées à titre superprovisionnel, à l'admission de la requête de B______ relative à l'exercice de son droit aux relations personnelles avec le mineur et au rejet de toutes autres ou contraires conclusions.

Sur le fond, la curatrice a conclu à ce que le déplacement illicite soit constaté et à ce que le retour immédiat en République de Maurice de l’enfant soit ordonné, le retour devant être organisé si nécessaire avec le concours du SPMi, voire la curatrice elle-même.

Elle a toutefois précisé réserver l'éventuelle modification de ses conclusions en fonction des pièces produites par la partie requérante et du rapport du SPMi.

o) Par ordonnance DAS/290/2024 du 12 décembre 2024, la Cour, statuant sur mesures provisionnelles, a maintenu l'interdiction faite à C______ d’emmener ou de faire emmener par un tiers son fils A______ hors du territoire suisse, maintenu le dépôt, en mains du SPMi, de tous les documents d'identité du mineur en possession de C______ sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP, dont la teneur a été rappelée, et maintenu l'inscription de l’interdiction de sortie du territoire suisse de l’enfant A______ dans les systèmes de recherches informatisées de la police (RIPOL) et d’information Schengen (SIS); la Cour a également donné acte de l'accord de C______ de laisser l'enfant A______ et sa mère, B______, se parler par le biais de toutes voies de télécommunication utiles, en particulier via WhatsApp, selon les modalités minimales suivantes: un appel ou visio tous les lundis, mercredis, vendredis et dimanches à 19h (heure suisse), pour une durée de dix minutes, selon les besoins de l'enfant, et l'y a condamné en tant que de besoin. Enfin, la Cour a débouté les parties de toutes autres conclusions, dit qu’il serait statué sur les frais de la décision avec le fond et réservé la suite de la procédure.

p) Par "déterminations spontanées" des 27 et 29 janvier 2025, B______ a contesté les allégués de son adverse partie. Elle a expliqué qu'il était prévu que A______ ne reste en France que si elle-même parvenait également à s'installer dans ce pays, ce de manière légale. Il n'avait jamais été question que l'enfant vive à l'étranger sans sa mère, étant entendu avec C______ que A______ rentrerait à la date de retour prévue sur le billet d'avion sur seule demande de sa mère. Ainsi, n'ayant pas réussi à s'installer en France et ne souhaitant pas que son fils et/ou elle-même y vivent dans l'illégalité, elle avait indiqué à C______, au mois de février 2024, que A______ devait rentrer à Maurice à la date prévue.

Elle a par ailleurs expliqué qu'elle s'était pacsée, en mai 2024, avec un homme établi à J______, et qu'elle ne demeurait à J______ que dans l'attente du retour de son fils à Maurice. Elle a contesté s'adonner à la prostitution, au proxénétisme ou encore au trafic de drogue, affirmant travailler sur le terrain agricole appartenant à son père à Maurice et faire des ménages ainsi que des coiffures à domicile.

Pour le surplus, elle a conclu à l'irrecevabilité des pièces 1 à 9, 11 à 29, 45 à 50, 61 à 70, 72 et 73 produites par C______ à l'appui de ses écritures. Elle a notamment contesté que les vidéos et images produites se soient trouvées sur le téléphone qu'elle avait remis à A______ avant son départ et affirmé que C______ se les était procurées en piratant son cloud.

q) La Cour a tenu une audience le 30 janvier 2025, au cours de laquelle les parties, ainsi que la curatrice de l’enfant, ont été entendues, chacune ayant persisté dans ses conclusions. Il n’a pas été possible de concilier les parties. Les déclarations faites lors de cette audience sont résumées plus loin (B.), dans la mesure utile.

A l'issue de l'audience, la Cour a octroyé à la curatrice un délai au 3 février 2025 pour déposer sa note finale d'honoraires et indiqué que la cause serait gardée à juger dès réception de celle-ci.

r) Par courrier du 3 février 2025, la curatrice a exposé qu'au regard des différents reproches formulés à l'encontre de la requérante par le cité et d'une éventuelle mise en danger du développement du mineur, un retour dans son pays d'origine ne pourrait être exigé que si le père devait accompagner son fils. Or, le cité ayant déclaré lors de l'audience, sans étayer cette affirmation, qu'il serait en danger s'il devait retourner à Maurice, la curatrice a sollicité que les père et mère se déterminent sur ce point. Elle souhaitait également que les parents se déterminent sur la question de savoir à quel moment A______ avait été déplacé de la France vers la Suisse, dès lors que les indications fournies à ce sujet étaient peu claires.

s) Par acte du 14 février 2025, le cité a exposé que son refus de retourner dans son pays d'origine reposait essentiellement sur les menaces et dangers liés à ses dénonciations, dans la présente procédure, d'un réseau de proxénétisme et de trafic de drogue à Maurice, étant certain que les signalements qu'il avait effectués seraient relayés à Maurice par la requérante. Il a exposé la situation de divers lanceurs d'alerte dans ce pays et produit des articles de presse à ce sujet. Il convenait également de considérer qu'il n'avait ni logement, ni soutien familial, ni travail à Maurice, ce qui compliquait non seulement son retour, mais compromettait également ses chances d'obtenir la garde exclusive de A______ par décision de justice mauricienne, tandis que la requérante avait exprimé à plusieurs reprises le fait que cela n'était pas un problème pour elle que l'enfant soit placé en foyer, dès lors que ni elle, ni sa mère n'étaient en mesure de s'occuper de l'enfant. Enfin, il a exposé que l'accord initial de la requérante quant au séjour de longue durée en Suisse de A______ était clairement établi à la lecture même de l'autorisation de voyage signée par celle-ci.

t) Par acte du 17 février 2025, la requérante a contesté l'existence d'un quelconque danger pour C______ s'il devait revenir à Maurice.

u) Par acte du 28 février 2025, la requérante a soutenu que les allégations du cité quant aux prétendus dangers qu'il encourrait en cas de retour à Maurice n'étaient ni crédibles ni documentés. Par ailleurs, elle a affirmé qu'il n'avait jamais été question d'un séjour en Suisse, ni même d'un séjour permanent en France de l'enfant sans sa mère. L'adresse de la grand-mère figurait sur l'autorisation de sortie du territoire uniquement parce que le billet d'avion avait pour destination Genève, où celle-ci habitait de surcroît. La requérante contestait enfin avoir l'intention de placer son fils en foyer, ou encore de vivre sans lui à J______.

v) Par déterminations du 10 mars 2025, la curatrice a indiqué s'en rapporter à justice sur la question de savoir si les éléments de la procédure permettaient de conclure à l'existence d'un consentement indubitable de la requérante au déplacement de son fils. Par ailleurs, il existait selon elle un risque avéré que son protégé soit confronté à un environnement préjudiciable à son bien-être physique et psychique en cas de retour auprès de sa mère à Maurice. Un hébergement auprès de B______, dans l'attente d'une décision définitive sur l'attribution de la garde, se heurtait manifestement aux intérêts de l'enfant, qui avait pour le surplus exprimé son souhait de rester en Suisse. La question se posait de savoir s'il pouvait être exigé de C______ qu'il raccompagne lui-même son fils à Maurice. Les dangers allégués n'étaient pas concrets, mais son retour l'exposerait, ainsi que l'enfant, à une situation précaire. Ce constat devait toutefois être nuancé dans la mesure où l'absence de permis de séjour en Suisse plaçait également l'enfant dans une situation de vulnérabilité. En cas de retour, il conviendrait de prononcer des mesures d'exécution au sens de l'art. 1 al. 1 LF-EEA (recte: 10 al. 1) afin de s'assurer que des mesures de protection soient prises à Maurice.

w) La cause a été gardée à juger par avis de la Cour du 18 mars 2025.

x) Les parties se sont encore déterminées par actes des 20 mars, 1er avril et 3 avril 2025, persistant dans leurs conclusions.


 

B. Les faits pertinents suivants résultent pour le surplus du dossier soumis à la Cour ainsi que des déclarations faites lors de l'audience tenue par-devant elle.

a) Situation de l'enfant à Maurice avant son départ :

a.a) Entendue par la Cour, la requérante a exposé que lorsqu'elle vivait encore avec le cité, celui-ci s'était montré violent à plusieurs reprises. Après la séparation, C______ rendait très rarement visite à son fils. Lorsqu'elle lui demandait de venir voir son enfant, il répondait souvent qu'il était très occupé par son travail. Il pouvait se passer deux à trois mois sans que le père ne voie son fils, tandis qu'elle-même se chargeait de tout ce qui le concernait. Lorsqu'elle travaillait, A______ était en garderie ou bien c'était sa mère qui s'en occupait, avant qu'il ne commence l'école à trois ans. A partir d'avril 2023, elle avait fait plusieurs séjours à J______, soit environ trois séjours d'un à deux mois. Bien qu'elle le lui ait proposé, le cité n'avait jamais gardé A______ pendant ses absences, si bien que l'enfant restait auprès de sa grand-mère maternelle.

La requérante a réfuté toute accusation de maltraitance envers son fils. Elle a également contesté les allégations du cité selon lesquelles elle travaillerait comme prostituée et participerait à un réseau de trafic de drogue. Sur ce dernier point, elle a exposé n'avoir jamais vendu de drogue, mais avoir uniquement consommé du cannabis à titre occasionnel et festif avec des amis. Ce n'était d'ailleurs plus le cas aujourd'hui, les photos et vidéos produites par le cité datant du reste de 2022.

Elle a produit diverses lettres signées par des personnes de son entourage (sa mère, sa sœur, une voisine et une cliente) attestant de ses qualités de mère.

a.b) Egalement entendu par la Cour, le cité a assuré que la requérante avait été maltraitante avec A______, ce à partir de 2020. Après avoir notamment découvert qu'elle travaillait dans un salon de massage – selon elle, comme réceptionniste – et voyait d'autres hommes, il avait pris ses distances vis-à-vis d'elle. La requérante s'était alors servie de A______ pour le provoquer. Ainsi, quand A______ voulait venir vers elle, elle le repoussait car elle savait que le cité allait réagir. Il avait décidé de filmer certaines scènes afin d'avoir des preuves de ce qu'elle faisait subir à leur enfant. Après l'avoir envisagé, il avait finalement renoncé à dénoncer la requérante aux autorités compétentes, s'étant dit qu'on lui enlèverait A______ et que lui-même, qui travaillait beaucoup et n'avait pas de soutien familial à Maurice, n'était pas en mesure de l'accueillir. Il avait quitté le domicile familial au mois de juin 2020.

Le cité a par ailleurs déclaré être allé consulter un service de l'Etat ("Child Development Unit") pour savoir s'il était possible de confier A______ à la journée, pendant que lui-même travaillait, mais on lui avait répondu par la négative. Il avait également consulté un avocat qui lui avait indiqué que ses chances d'obtenir la garde de A______ étaient très minces dans la mesure où l'enfant était encore très jeune. Après cela, comme la situation était très difficile pour lui, il avait interrompu ses visites à A______ tout en continuant de lui parler par téléphone et par visio. Le cité a également indiqué avoir toujours financé l'entretien de A______ en envoyant de l'argent à B______ tous les mois.

a.c) La curatrice, qui a rencontré l'enfant à plusieurs reprises en novembre 2024 et janvier 2025, a déclaré que celui-ci lui avait indiqué que sa maman lui manquait, mais se refermait assez vite lorsqu'on abordait ce sujet. Quand on lui demandait comment cela se passait à Maurice, il ne répondait pas grand-chose. Il avait dit à la curatrice que sa mère l'avait frappé, puis avait changé de sujet.

b) Départ de l'enfant de Maurice :

b.a) La requérante a déclaré qu'il n'avait jamais été envisagé que son fils reste en Europe sans elle. Il s'agissait tout d'abord de voir s'il était possible d'obtenir des papiers et de l'inscrire à l'école en France. Avant son départ, elle avait discuté avec le père des diverses possibilités le concernant, rien n'était encore sûr, mais le cité lui avait garanti que si elle souhaitait que A______ rentre à Maurice, alors il rentrerait à la date de retour prévue sur son billet d'avion. L'attestation de voyage qu'elle avait signée devait uniquement permettre à A______ de venir en France sans ses parents, mais ne signifiait absolument pas qu'elle autorisait son fils à venir s'établir sans elle en Europe. Lorsque, au mois de février 2024, le cité lui avait soumis un document pour qu'elle autorise son fils à entrer à l'école en France, elle avait refusé de signer ce papier car elle voulait que A______ rentre à Maurice, comme elle en avait déjà informé le père. Le projet était que son fils se rende en vacances en France, mais elle n'avait jamais donné son accord pour qu'il vienne en Suisse ou qu'il soit scolarisé en Suisse ou en France.

S'agissant de son propre départ pour l'Europe, la requérante a déclaré qu'elle s'était rendue compte "[..] qu'en terme de budget pour le billet d'avion, ainsi que pour le visa et les papiers ici, c'était compliqué et que ce n'était pas possible de le faire".

b.b) De son côté, le cité a affirmé que la requérante, active dans un réseau de prostitution à partir de 2023, lui avait dit, au mois d'août de cette même année, qu'elle n'avait plus le temps pour s'occuper de A______ en raison de ses voyages à J______ et que sa famille ne parvenait pas à bien prendre soin de l'enfant. La requérante lui avait alors proposé d'envoyer A______ en France, chez la sœur du cité, afin qu'il puisse bénéficier d'une meilleure éducation et d'un meilleur environnement. Il en avait parlé à sa sœur et à sa mère, qui avaient trouvé que c'était une bonne idée et que c'était même assez urgent compte tenu de la situation. Il n'avait pas été question que A______ rentre à Maurice si sa mère le demandait, mais uniquement s'il ne s'adaptait pas ou s'il souhaitait rentrer.

b.c) Le cité a produit de nombreux enregistrements de conversations téléphoniques avec la requérante, qu'il a retranscrits dans ses écritures (en traduction libre du créole vers le français). Si la requérante a invoqué le fait que ces extraits étaient souvent sortis de leur contexte, elle n'en a toutefois pas contesté le contenu.

Les plus pertinents, au regard des questions litigieuses, sont reproduits ci-après.

-          Pièce 11, conversation du 20 novembre 2023 entre la requérante et le cité:

B______: "[…] Si tout se passe bien en février, si tout est correct, je viendrai lui rendre une visite, ce qui veut dire qu'il est en train de prolonger son séjour lui, ce qui veut dire qu'il reste pour tout le temps, moi je suis venue pour une visite moi, juste pour voir si tout est correct, j'étais là, j'ai trouvé, j'ai vu et c'est tout c'est comme si tout se passe comme sur des roulettes même et en même temps ce sera des vacances pour moi, en même temps il aura l'occasion de me revoir tu me comprends, c'est juste pour moi, pour lui, pour nous et de toutes les façons toutes les années je vais devoir aller le voir, juste que là je vais aller un peu plus rapidement parce que c'est son commencement, je veux le faire savoir, je vais parler au téléphone pour le rassurer que maman va venir te voir, maman vient te regarder, mais maman va repartir, toi ce que tu es en train de commencer là-bas ça va rester! Comme ça même moi je veux juste être un petit peu dans ton quotidien. C'est tout je ne veux pas venir trop me mélanger avec lui. […] Juste pour qu'il sache qu'on ne l'a pas abandonné et qu'il sait qu'on est tous là, même on va venir le voir et faire à ce qu'il aille à son école tu comprends c'est juste ça".

-          Pièce 13, conversation du 20 novembre 2023 entre la requérante et le cité:

B______: "ça c'est du côté pour moi ça c'est du côté de ma famille, maintenant ca va être du côté de ta famille, écoute bien tu me dis tu es en train de me dire et comprends bien la situation, arrête de mélanger tout, tout le temps A______ a été avec moi. Est-ce que tu es train de comprendre les étapes que A______ va passer là-bas? A______ va faire étape adolescente là-bas! Ce que je te dis, essaie de comprendre pour l'assumer, A______ va passer une autre étape là-bas. Est-ce que A______ va faire, est-ce que les délires que A______ va faire, quand ils vont venir te dire et ils ne vont peut-être pas venir me dire…."

-          Pièce 16, conversation du 20 novembre 2023 entre la requérante et le cité:

B______: […] "Ecoute, écoute, écoute, écoute, écoute, et là si on a pas, je ne sais pas après 3 mois s'il ne va pas bien là-bas, on le retourne ici, mais comme je te redis une dernière fois nous aussi on fait une dépense pour l'envoyer là-bas, mais pour l'envoyer ici j'ai pas trop envie qu'il fréquente l'école gouvernement, on fera le nécessaire depuis peut-être un mois ou deux mois à l'avance on verra qu'il va toujours pas bien, qu'il va pas bien là-bas et qu'il est sur le point de rentrer parce qu'il n'arrive pas à s'adapter on fera le nécessaire, on va économiser et on l'enverra dans une école privée".

-          Pièce 17, conversation du 20 novembre 2023 entre la requérante et le cité:

B______ "J'avais l'occasion de partir là-bas, c'est pour ça que je vais le donner à A______. Je peux regagner mon argent pour mon billet avant toi et je vais partir. Pas toi qui ira avant moi. J'ai fait mes démarches et fait le nécessaire comme ça quand je suis en train de sortir, toi tu peux venir. Je fais le nécessaire, comme ça, on n'a pas besoin d'être là-bas ensemble en même temps. Maintenant, comment je pars maintenant, si toi tu sais que tu prends ton billet admettons le 30 avril, fais un petit effort toi aussi. Tu restes encore une semaine après, s'il le faut. Dès que A______ part, même 2 semaines après lui, je peux partir moi, ce n'est pas un problème ça, mais juste confirme cela pour moi".

c) Demande de la mère en vue du retour de l'enfant à Maurice et lieu de vie de celle-ci :

c.a) Le cité a déclaré qu'à son arrivée, A______ avait tout d'abord été accueilli chez sa sœur en France. C'était lorsqu'il avait soumis à la requérante le document qu'elle devait signer pour que A______ intègre l'école en France, soit en février 2024, qu'elle lui avait annoncé que l'enfant devait rentrer à Maurice, ce qui lui avait paru, après réflexion, inconcevable. A______ avait ensuite été accueilli chez la mère du cité, à Genève, fin mars 2024, moment où lui-même avait quitté Maurice et était arrivé à Genève.

Le cité a admis qu'il n'avait pas sollicité l'autorisation de la requérante pour que A______ vienne à Genève depuis la France et y commence l'école. Elle avait toutefois été tenue informée de l'inscription de A______ à l'école en Suisse dès le 15 avril 2024, soit le jour-même de celle-ci. Initialement, selon les discussions avec la requérante, ni elle ni lui ne devaient rester en Europe avec A______, mais uniquement lui rendre visite chacun son tour. Lui-même était resté en Suisse lorsqu'il avait appris que la requérante avait déposé une plainte contre sa mère à Maurice pour enlèvement d'enfant. Il avait voulu montrer qu'il était aux côtés de son fils.

c.b) A l'appui de ses explications, le cité a produit les enregistrements pertinents suivants:

-          Pièce 18, conversation du 26 février 2024 entre la requérante et le cité:

C______: "Tu es en train de chambouler sa vie, pourquoi tu refuses de voir ça?"

B______: "Arrête de crier. J'ai entendu! J'ai bien écouté et je vais réfléchir et après je reviendrai vers toi mais si toutefois je décide que l'enfant doit venir avec moi et rentrer à sa date retour, ben l'enfant va rentrer à sa date de retour. Si toutefois, mais pas encore décidé…"

Pièce 20, conversation du 26 février 2024 entre la requérante et le cité:

C______: "J'ai juste envie que tu comprennes et que c'est clair dans ta tête, c'est quoi l'enjeu pour l'enfant, dans quelle situation il a été, d'où on l'a retiré. J'ai envie que tu sois consciente de quelle situation on l'a sorti et qu'est-ce qu'on souhaitait pour lui et la raison pour laquelle on l'a envoyé en Europe, pour quelle raison on avait pris cette décision-là. J'ai pas envie que 4 mois après, tu aies déjà oublié pourquoi on avait pris cette décision et c'était quoi le but! Que déjà tu as envie qu'il retourne. Moi c'est ça l'enjeu. Tu m'avais bien expliqué cela. Jamais ça ne m'a traversé l'esprit d'envoyer A______ en France. Jamais, jamais, c'est toi qui a trouvé la nécessité d'envoyer cet enfant en France".

B______: "Je voulais parce que j'étais contente. Parce que maintenant j'ai réussi à me stabiliser à l'étranger, j'ai envie que A______ soit avec moi".

-          Pièce 21, conversation du 28 février 2024 entre la requérante et le cité:

B______: "Ecoute-moi ce que j'ai décidé. J'attends que je reçois mes papiers comme quoi c'est confirmé et que c'est très clair que je vais habiter là que je peux montrer autorités mauriciennes que maintenant je vais habiter à J______. Le billet de A______, je vais changer la date à mi-juillet quand il y aura les vacances d'école là-bas, donc je vais bouger son ticket. Je vais appeler. Je vais changer son ticket. Je vais faire un papier pour dire que voilà pourquoi je l'ai pas envoyé à Maurice, parce que moi-même je n'étais pas à Maurice, c'est pour cela que je ne l'ai pas envoyé à Maurice. Je vais bouger mon billet aussi je vais l'envoyer en juillet et comme ça, pendant ce temps, mes papiers auront le temps d'être prêts. Mes papiers aussi vont prendre un petit peu de temps, le temps qu'il va aller à rentrer à Maurice, mes papiers n'allaient pas être prêts, donc pendant ce temps quand mes papiers seront en train d'être préparés ici, A______ sera toujours là-bas. Et voilà ce temps-là après, je reviendrai à Maurice et après je ferai les démarches pour qu'il vienne à Maurice. Après tu m'as dit que quand il sera à Maurice, tu ne vas rien signer. Ce n'est pas un problème ça, ce n'est pas un problème. Moi je vais venir le prendre".

C______: "Tu peux dire que tu vas venir le prendre toi, mais il y a les autorités. Tu n'auras pas le droit de prendre mon enfant sans mon consentement".

B______: "Attends, attends, c'est ce que je te dis, ce n'est pas un problème ça. Il va rester à Maurice et je vais montrer aux autorités mauriciennes mes papiers que j'habite à J______. Ma maman, elle est vieille, elle ne pourra pas prendre la responsabilité de notre fils."

C______: "Ben moi, je pourrai. Je suis encore en vie".

B______: "Ok, on verra comment on va faire et moi je vais dire que voilà je serai à J______ et que je vais faire le nécessaire pour venir le voir chaque 3 mois. Le papa le prend en charge alors que moi aussi j'ai accepté de prendre mon enfant. Je dirai aux autorités s'il faut le mettre dans un centre (foyer/orphelinat), je dirai que ce n'est pas un problème. Je dirai aux autorités que voilà, moi j'accepterai de prendre mon enfant mais son papa ne pourra le prendre et moi il y a mon papa et ma maman qui ne pourront pas le garder."

C______: "Son papa pourra prendre soin de lui. Je t'ai dit là, je peux le garder!"

B______: "C'est ça, tu iras le visiter!"

C______: "Où ça le visiter?"

B______:" Tu vas aller le visiter régulièrement".

C______: "Où ça je vais le visiter?" Il viendra vivre avec moi, ne parle pas de visite, de quelle visite tu parles?"

B______: "Bah si tu veux le garder, ben là, tu vas le garder!"

C______: "Bah, c'est ça".

-          Pièce 25, conversation du 10 mars 2024 entre la requérante et le cité:

B______: "Je te dis que oui je suis d'accord que A______ parte en France, mais moi j'avais pour projet de venir en France. Moi aussi OK? J'essaie de te rerépéter ça dans des meilleures conditions. Je ne sais plus comment de répéter ça, je suis fatiguée de répéter ça. […]

-          Annexe 11 produite à l'appui des déterminations du 14 février 2025 du cité, messages vocaux de B______ adressés à C______ le 9 mars 2024 à 15h33:

00:05-00:27: "Jamais je n'ai dit que je vais mettre A______ dans un foyer, l'autre fois dans l'un des message vocal (sic) que tu m'as envoyé va réécouter bien, tout le monde est train de me dire foyer, foyer, tu m'as dit que, s'il le faut c'est ma mère qui va garder A______ quand il rentre à Maurice je t'ai dit ça parce que ma mère ne pourra pas prendre soin de A______ et moi je ne pourrai pas le faire…"

00:40-01:00: "Vu que je ne serais pas à Maurice, le mettre dans un foyer toujours et je ferais le va et vient à Maurice je vais faire comme ça mais ma maman ne pas s'occuper de lui c'est ça que je t'ai dit au contraire si tu vas le garder c'est bien mieux pour moi—même s'il faut le mettre dans un foyer je serais très contente point barre, je fais juste les démarches que A______ retourne c'est tout".

02:26-02:56: "On avait pris la décision pour qu'il parte là-bas et là j'ai décidé pour qu'il rentre et procédure qu'ils sont en train de me dire procédure scolaire ou quoi ce soit j'ai dit à ta mère de faire ce qu'il faut faire, moi de toute les façons là ce matin très tôt c'est la station de police qui va venir te voir, j'ai déjà eu la confirmation que tu ne vas pas mettre mon enfant dans l'avion, moi je m'en fous de tout cela, du coup franchement te dire fait le partir à l'école là-bas, fais ce que vous avez à faire avec lui, moi comme je vous ai dit je suis sa maman." (sic)

c.c) Lors de l'audience du 30 janvier 2025, la requérante a déclaré qu'elle habitait toujours à Maurice mais que comme son fils n'était pas là, elle profitait de passer du temps à J______ avec son compagnon. Si son fils revenait à Maurice, elle y habiterait avec lui comme avant, attendrait qu'il retrouve une certaine stabilité et, par la suite, effectuerait sans doute des allers-retours à J______ pour voir son compagnon.

Interpellée par le juge délégué sur le contenu de la pièce 21 du chargé du cité, la requérante a expliqué qu'il était à ce moment-là très difficile de discuter avec le cité, qui s'opposait à tout ce qu'elle disait et répondait toujours qu'elle était à J______. Elle avait donc voulu lui dire que dans tous les cas l'enfant devait revenir à Maurice et que les autorités décideraient de ce qui devrait être fait, mais elle n'avait jamais envisagé de placer son enfant dans un foyer ou un orphelinat.

c.d) A teneur d'un échange de messages entre les parties du 1er avril 2024 produit par B______, cette dernière a relevé que A______ serait dans l'illégalité en France à l'issue d'un séjour de trois mois.

c.e) Il ressort d'une conversation par visio entre la requérante et son fils, intervenue le 4 août 2024 (pièce 45 du chargé du cité), ce qui suit:

B______: "[…] Je n'habite pas à Maurice mon chéri. Maman n'habite pas à Maurice elle, OK, comme je t'ai dit là, tu voulais avoir ta maison, ta chambre pour toi, ton petit ordinateur, partir à l'école. Maman va te quitter, maman va venir te chercher. Ils m'ont fait des gâteaux, on va être avec toi c'est ça que je t'ai dit. Moi, maintenant, maman habite ici pareil comme toi en France, mais là-bas tu es un peu loin le temps que je viens te prendre.

[…]

Tu sais où ça maman est, ton père t'a dit où ça maman est?"

A______: "Oui tu es à J______. Moi je suis plus loin de toi."

B______: "Voilà tout ce que tu vois en France, ça aussi il y a à J______ chéri, tout ce qu'il y a là-bas, jardin, balader en vélo, avec trottinette électrique, trottinette normale, pareil, pareil…"

c.f) B______ a produit une attestation sur l'honneur du 27 janvier 2025 à teneur de laquelle elle était toujours domiciliée à Maurice, des relevés bancaires pour la période du 1er juin au 19 septembre 2024, respectivement du 1er juillet au 19 septembre 2024, qui lui ont été adressés à son domicile de Maurice, ainsi que deux billets d'avion aller-retour entre Maurice et J______ datant d'avril et juin 2024.

Elle a également fait valoir, pièce à l'appui, qu'une démarche qu'elle avait initiée à Maurice en 2020 afin d'accéder à la propriété d'un logement avec l'aide de l'Etat était toujours en cours.

d) Situation de l'enfant en Suisse :

d.a) Le cité a déclaré qu'il travaillait actuellement pour une famille à Genève pour un salaire de 1'200 fr. par mois (dog-sitting et petits travaux) ce qui était suffisant pour l'entretien de A______ car il dépensait peu et avait également le soutien de sa mère, chez qui il vivait avec son fils. Il avait fait une demande de titre de séjour pour A______ auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations, fondée sur une situation de détresse (mauvais traitements et addictions de la mère). Pour lui, il était essentiel que son fils puisse rester en Suisse car il y était bien mieux qu'à Maurice. Il adorait l'école ici, ce qui n'était pas le cas avant.

Enfin, il a indiqué que si le retour de A______ à Maurice était ordonné, il entreprendrait des démarches auprès des autorités mauriciennes pour obtenir sa garde. Il a toutefois déclaré que A______ et lui-même courraient des dangers en cas de retour à Maurice.

d.b) La curatrice a décrit A______ comme un enfant très joyeux et souriant. Il était content d'être ici et adorait l'école. Il parlait vraiment bien le français. Il faisait beaucoup d'activités avec son papa, en particulier du sport. L'enfant exprimait son souhait de rester ici, mais sans élaborer. Il avait une très bonne relation avec son papa et avait également été très content de revoir sa maman, la veille de l'audience.

EN DROIT

1. 1. Selon l'art. 7 de la Loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfant et les conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes (LF-EEA, RS 211.222.32), le Tribunal supérieur du canton où l'enfant résidait au moment du dépôt de la demande connaît en instance unique des demandes portant sur le retour d'enfant.

A Genève, le Tribunal supérieur du canton est la Cour de justice (art. 120 al. 1 LOJ).

Dans la mesure où l'enfant résidait, au moment du dépôt de la requête, et réside encore sur le territoire genevois, la requête déposée par-devant la Cour est recevable.

Le Tribunal compétent statue selon une procédure sommaire (art. 8 al. 2 LF‑EEA).

2. A titre préalable, la requérante conclut à l'irrecevabilité des pièces 1 à 9, 11 à 29, 45 à 50, 61 à 70, 72 et 73 produites par le cité. Elle expose que les pièces 46, 48 et 49 portent atteinte à son intimité et n'étaient aucunement nécessaires à l'instruction de l'affaire et à la préservation de l'intérêt supérieur du mineur. De surcroît, le cité se les était procurées de manière illicite, en piratant son compte Google Drive.

S'agissant des enregistrements audio et vidéo produits (pièces 1 à 9, 11 à 29, 45, 62 à 70 et 73), force était de constater que la requérante n'avait jamais consenti à être filmée ou enregistrée par son ancien compagnon. Ces pièces étaient ainsi illicites.

2.1.1 Selon l'art. 152 al. 2 CPC, le juge ne prend en considération les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si l'intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant.

La preuve illicite est obtenue en violation d'une norme de droit matériel, laquelle doit protéger le bien juridique lésé contre l'atteinte en cause. La preuve obtenue illicitement n'est utilisable que d'une manière restrictive. Le juge doit en particulier procéder à une pesée de l'intérêt à la protection du bien lésé par l'obtention illicite et de l'intérêt à la manifestation de la vérité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_294/2013 du 11 décembre 2013 consid. 3.1).

Sous la note marginale "enregistrement non autorisé de conversations", l'art. 179ter al. 1 CP prévoit que celui qui, sans le consentement des autres interlocuteurs, aura enregistré sur un porteur de son une conversation non publique à laquelle il prenait part, sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

A teneur de l'art. 179quater CP, quiconque, sans le consentement de la personne intéressée, observe avec un appareil de prise de vues ou fixe sur un porteur d’images un fait qui relève du domaine secret de cette personne ou un fait ne pouvant être perçu sans autre par chacun et qui relève du domaine privé de celle-ci, est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Sous la note marginale "Soustraction de données personnelles", l'art. 179novies CP prévoit que celui qui soustrait des données personnelles sensibles qui ne sont pas accessibles à tout un chacun est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Enfin, à teneur de l'art. 197a CP, quiconque transmet à un tiers un contenu non public à caractère sexuel, notamment des écrits, enregistrements sonores ou visuels, images, objets ou représentations, sans le consentement de la personne qui y est identifiable, est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire.

Un enregistrement effectué à l'insu de la personne enregistrée est constitutif d'une preuve illicite (Schweizer in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 14 ad art. 152 CPC).

Suivant la maxime qui s'applique à la procédure, la pondération des intérêts en présence change. Ainsi, si la maxime inquisitoire illimitée (p. ex. art. 280 al. 3, 296 al. 1 CPC) s'applique, l'intérêt à la manifestation de la vérité aura tendance à prendre le pas sur la protection du bien lésé (ATF 140 III 6 consid. 3.2; 139 II 7 consid. 6.4.1). Au contraire, lorsque la maxime inquisitoire sociale (p. ex. art. 247 al. 2 CPC) ou la maxime des débats s'applique, la protection du bien lésé aura plus de poids (Chabloz/Copt, Petit Commentaire du Code de procédure civile, 2021, n. 16 ad art. 152 CPC et les références). La maxime inquisitoire sociale et la maxime inquisitoire illimitée n'ont cependant pas pour but de favoriser la recherche de la vérité, mais de protéger la partie la plus faible. C'est l'objectif poursuivi par le législateur en protégeant cette partie, et non la maxime applicable en tant que telle, qui peut avoir pour conséquence que l'on accorde plus de poids à la recherche de la vérité que dans d'autres cas. La protection du bien de l'enfant constitue par exemple un tel objectif (Baumgartner, KuKo ZPO, 4ème éd., 2021, n. 23 ad art. 152 CPC). Il faut également tenir compte du fait que le titulaire du bien juridique lésé est soumis ou non à une obligation de coopérer (Baumgartner, op. cit., n. 25 ad art. 152 CPC).

Lorsque le bien-être d'un enfant est en cause, la doctrine considère qu'il se justifie de faire usage d'enregistrements de conversations privées prises en violation des art. 179bis et 179ter CP (Schweizer, in CR CPC, 2019, n. 22 ad art. 152 CPC; Hohl, Procédure civile, tome I, 2016, p. 336 n. 2024).

Celui qui se prévaut de l'illicéité de l'obtention du moyen de preuve a la charge de la preuve. Autrement dit, il n'appartient pas à l'autre partie de démontrer la licéité de l'obtention du moyen de preuve. Le Tribunal fédéral a laissé indécise la question de savoir si un rapport confidentiel avait été produit illicitement ou non dans un contexte de déplacement illicite d'enfant, soumis à la maxime inquisitoire illimitée, parce que l'urgence et l'intérêt à l'établissement de la vérité reléguaient au second plan l'absence d'autorisation à la divulgation des faits relatés dans ledit rapport (arrêt du Tribunal fédéral 5A_643/2020 du 11 septembre 2020 consid. 4.4).

2.1.2 En ce qui concerne tout d'abord les enregistrements audio et vidéo produits par le cité, ayant pour contenu des conversations entre les parties au sujet du mineur, ceux-ci sont susceptibles de tomber sous le coup des art. 179ter et 179quater CP dans la mesure où il n'est pas contesté que la requérante n'a pas consenti à ces enregistrements. Il s'agit donc de preuves illicites au sens de l'art. 152 CPC. Cependant, ces moyens de preuve ont été produits dans une procédure d'enlèvement international d'enfant, soumise à la maxime inquisitoire illimitée, dont le but est de protéger le bien-être de l'enfant qui a fait l'objet du déplacement allégué comme étant illicite. Ces enregistrements sont pertinents pour la procédure dans la mesure où ils renseignent en particulier sur la volonté des parties relativement au départ de l'enfant de Maurice, ainsi que sur ses conditions de vie en cas de retour.

Aussi, conformément à la jurisprudence et à la doctrine citée supra, il convient de retenir qu'il existe en l'espèce un intérêt manifestement prépondérant à la découverte de la vérité justifiant de prendre en considération les enregistrements produits.

2.1.3 Pour ce qui a trait aux autres pièces dont la recevabilité est contestée (contenu pornographique, photographies et vidéos montrant la requérante en train de manipuler et de conditionner de la marijuana, vidéo d'un homme en train de fumer un bang en présence de A______, capture d'écran de recherches de sites pour adultes sur le navigateur internet d'un téléphone), la requérante prétend que ces pièces proviennent du piratage de son cloud. Le cité le conteste et explique que ces pièces sont issues du téléphone que la requérante avait donné à son fils avant son départ pour l'Europe. La version d'une partie s'oppose ainsi à celle de l'autre s'agissant de l'origine des pièces produites. Quoi qu'il en soit, la question de savoir s'il s'agit de moyens de preuve illicites peut demeurer ouverte. Ici également, conformément à la jurisprudence précitée, l'urgence et l'intérêt à l'établissement de la vérité, notamment en lien avec les conditions de vie de l'enfant à Maurice, relèguent au second plan l'absence d'autorisation à la divulgation du contenu produit.

2.1.4 Partant, les pièces contestées seront admises à la procédure et la conclusion préalable de la requérante rejetée.

3.      3.1.1 La République de Maurice et la Suisse ont toutes deux ratifié la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfant (CLaH80; RS 0.211.230.02). A teneur de l'art. 4 de cette convention, celle-ci s'applique à tout enfant qui avait sa résidence habituelle dans un Etat contractant immédiatement avant l'atteinte au droit de garde ou de visite.

L'ordonnance du retour de l'enfant suppose que le déplacement ou le non-retour soit illicite. Selon l'art. 3 al. 1 let. a CLaH80, tel est le cas lorsque celui-ci a lieu en violation d'un droit de garde attribué à une personne, seule ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement. L'alinéa 2 de cette norme précise que le droit de garde peut notamment résulter d'une attribution de plein droit, d'une décision judiciaire ou administrative ou d'un accord en vigueur selon le droit de cet Etat. Pour déterminer le ou les parents titulaires du droit de garde, qui comprend en particulier celui de décider du lieu de résidence de l'enfant (art. 5 let. a CLaH80), il y a lieu de se référer à l'ordre juridique de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant immédiatement avant le déplacement. Ce moment est également déterminant pour juger de l'illicéité du déplacement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_884/2013 consid. 4.2.1 et la référence citée).

La procédure prévue par la CLaH80 a uniquement pour objet d'examiner les conditions auxquelles est subordonné le retour selon cette convention de façon à permettre une décision future sur l'attribution de la garde par le juge du fond (arrêt du Tribunal fédéral 5A_884/2013 précité ibid.)

En principe, lorsqu'un enfant a été déplacé ou retenu illicitement, l'autorité saisie ordonne son retour immédiat (art. 1 let. a, 3 et 12 CLaH80) à moins qu'une exception prévue à l'art. 13 CLaH80 ne soit réalisée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_930/2014 consid. 6.1).

3.1.2 Sous titre neuvième, intitulé "De l'autorité parentale" du Code civil mauricien, l'art. 371-2 prévoit que "[l']autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé, sa moralité. Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation."

En vertu de l'art. 371-3 § 1 du même Code, "[s]ous réserve de dispositions spéciales contraires aux règles établies par le présent article, l'enfant ne peut sans permission des père et mère quitter la maison familiale et il ne peut en être retiré que dans les cas de nécessité que déterminera la loi. Toutefois le Juge en Chambre peut autoriser l'enfant à quitter la maison familiale, à la requête de l'un des deux parents, lorsque le refus abusif de l'autre n'est pas justifié par l'intérêt de l'enfant."

3.2 En l’espèce, il est acquis que la résidence habituelle du mineur, avant son déplacement à Genève, se trouvait en République de Maurice, pays dont il a la nationalité, où il est né et dans lequel il a vécu jusqu’en janvier 2024. Le mineur n'a, en particulier, pas pu se constituer une nouvelle résidence habituelle en France en séjournant chez sa tante à I______ pendant deux mois, sans y être scolarisé, avant d'être confié à sa grand-mère à Genève, ce que personne ne prétend réellement.

Il est également établi et non contesté que les deux parents détiennent l’autorité parentale sur leur fils et que depuis leur séparation, la requérante exerçait une garde de fait, tandis que le cité bénéficiait d'un droit de visite déterminé d'entente entre les parties.

Il ressort des dispositions légales de la République de Maurice susvisées que l'autorité parentale, qui comprend le droit de décider du lieu de résidence de l'enfant, est exercée en commun par les deux parents.

Il s'ensuit que la requérante disposait du droit de déterminer le lieu de la résidence habituelle de l'enfant. La question de savoir si elle a consenti à la modification de ce lieu de résidence sera examinée ci-après.

La requérante, ce qui n’est pas contesté, s’est opposée dans les délais utiles au déplacement du 12 janvier 2024, puisqu’elle a, en mars 2024, saisi les autorités compétentes de son pays puis, dans un délai d'un an depuis le déplacement du mineur, respectivement son non-retour, saisi la Cour de céans d’une requête en retour du mineur.

4. Le cité soutient que le déplacement de l'enfant n'est pas illicite car la requérante y avait consenti.

4.1.1 La première exception au retour, prévue à l'art. 13 al. 1 let. a CLaH80, stipule que l'autorité judiciaire de l'État requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsque le parent ravisseur qui s'oppose à ce retour établit que l'autre parent, qui avait le soin de l'enfant, avait consenti ou a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour.

L'établissement, par le parent ravisseur, du consentement de l'autre parent au sens de l'art. 13 al. 1 let. a CLaH80, permet de retenir le défaut d'illicéité du déplacement de l'enfant selon l'art. 3 al. 1 let. a CLaH80, de sorte qu'il faut admettre que ces deux dispositions "se superposent" (arrêt du Tribunal fédéral 5A_766/2024 du 3 décembre 2024 consid. 4).

La CLaH80 ne prévoit pas de présomption relative à l'accord au déplacement de l'enfant, mais exige la preuve de ce consentement, laquelle doit répondre à des exigences particulièrement élevées (arrêts du Tribunal fédéral 5A_766/2024 précité consid. 5.1; 5A_841/2023 du 4 décembre 2023 consid. 4.1.2; 5A_467/2021 du 30 août 2021 consid. 2.2; 5A_709/2016 du 30 novembre 2016 consid. 5.3.1 et les nombreuses références citées); des déclarations conditionnelles ne suffisent pas (arrêt 5A_709/2016 précité ibid. et les références citées). Le consentement, voire l'acquiescement du parent qui avait la garde dans le pays d'origine, doit ainsi être exprimé clairement (arrêts du Tribunal fédéral 5A_766/2024 précité ibid.; 5A_467/2021 précité ibid.); il doit avoir été exprimé en connaissance de cause, comprenant les enjeux d'un déplacement de l'enfant au-delà les frontières vers un pays déterminé (Bucher, CR LDIP/CL, 2ème éd., 2025, n° 295 ad art. 85 LDIP). Le consentement peut être exprès ou donné par actes concluants, étant singulièrement admis qu'il puisse résulter d'un ensemble d'actions, de messages WhatsApp et d'un comportement général (arrêts du Tribunal fédéral 5A_766/2024 précité ibid.; 5A_678/2022 du 23 septembre 2022 consid. 2.1). En cas de doute, l'existence du consentement doit néanmoins être écartée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_841/2023 précité ibid. et les références doctrinales).  

L’accord doit viser spécifiquement le transfert durable de l’enfant; de simples démarches pour obtenir un permis de séjour ne sont pas suffisantes (Bucher, op.cit., n° 295 ad art. 85 LDIP et les références citées). Si l’accord a été donné pour une durée limitée, il n’y a plus de consentement au terme du délai (arrêt du Tribunal fédéral 5A_504/2013 du 5 août 2013 consid. 3.1). Une autorisation de voyage international, de surcroît limitée dans le temps, ne peut être interprétée comme l’acceptation d’un transfert de la garde, même si le parent gardien laisse écouler un certain temps avant de réagir (arrêt du Tribunal fédéral 5A_709/2016 précité consid. 5.3.2).

Un consentement donné au moment du départ ne peut pas être retiré ultérieurement si les choses évoluent par la suite différemment de ce que l'auteur du consentement avait initialement souhaité ou imaginé (arrêts du Tribunal fédéral 5A_467/2021 précité consid. 2.5; 5A_822/2013 du 28 novembre 2013 consid. 3.3).

4.1.2 Dans le contexte de l'art. 13 al. 1 let. a CLaH80, le fardeau de la preuve incombe à la personne qui s'oppose au retour de l'enfant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_766/2024 précité ibid.; 5A_841/2023 précité ibid.; 5A_1003/2015 du 14 janvier 2016 consid. 5.1.1 et les références citées); il appartient ainsi au parent ravisseur de rendre objectivement vraisemblable ("objektiv glaubhaft zu machen"), en présentant des éléments précis, le motif de refus qu'il invoque. Savoir si ces éléments sont rendus objectivement vraisemblables est une question de fait; en revanche, déterminer, sur la base de ceux-ci, s'il existe un motif de refus est une question de droit (arrêts du Tribunal fédéral 5A_766/2024 précité ibid.; 5A_841/2023 précité ibid.; 5A_1003/2015 précité ibid. avec les nombreuses références).

4.2.1 En l'espèce, la requérante a exposé, dans sa demande en vue du retour de l'enfant du 22 novembre 2024, que A______ devait passer des vacances auprès de sa grand-mère paternelle à Genève, soit du 12 janvier au 11 mars 2024, et qu'il n'était pas rentré à la date prévue. Après avoir reçu l'écriture de réponse du cité et les pièces produites à son appui, la requérante a modifié son récit, exposant qu'il avait été convenu avec le père que l'enfant se rende en France durant trois mois et que son séjour deviendrait permanent si elle-même s'installait également dans ce pays. Selon elle, il avait toujours été clair entre les parties que si la requérante ne parvenait pas à rejoindre son fils, celui-ci rentrerait à Maurice à la date prévue sur son billet d'avion. C'est également la version qu'elle a livrée lors de l'audience par-devant la Cour. En d'autres termes, à la suivre, son consentement au déplacement de la résidence habituelle de l'enfant était soumis à la condition qu'elle-même vienne vivre aux côtés de son fils, condition qui ne s'était en définitive pas réalisée.

Le cité a contesté que le consentement de la requérante au déplacement de la résidence habituelle de l'enfant ait été conditionné à son propre établissement en Europe. Selon lui, il n'en avait jamais été question. Lors de son audition, le cité a précisé que les parties s'étaient seulement mises d'accord sur le fait que si A______ ne s'adaptait pas ou ne souhaitait pas rester, il pourrait rentrer à Maurice. Ce n'était que plus tard, soit fin février/mars 2024, que la requérante avait réclamé le retour de son fils et prétexté avoir eu l'intention de venir vivre en France avec lui, sans que ce projet ne se concrétise.

Les enregistrements de conversations que le cité a versés à la procédure appuient sa version. En effet, il ressort en particulier d'une discussion entre les parties de novembre 2023 que la requérante prévoit de venir en février "rendre une visite", précisant que A______, de son côté," reste pour tout le temps". Elle s'est également exprimée en ces termes:" toutes les années je vais devoir aller le voir, juste que là je vais aller un peu plus rapidement parce que c'est son commencement, je veux le faire savoir, je vais parler au téléphone pour le rassurer que maman va venir te voir, maman vient te regarder, mais maman va repartir, toi ce que tu es en train de commencer là-bas ça va rester! "

Toujours en novembre 2023, elle indiquait: "Comme ça même moi je veux juste être un petit peu dans ton quotidien (sic). C'est tout je ne veux pas venir trop me mélanger avec lui. […] Juste pour qu'il sache qu'on ne l'a pas abandonné et qu'il sait qu'on est tous là, même on va venir le voir et faire à ce qu'il aille à son école tu comprends c'est juste ça".

Enfin, dans une conversation du 26 février 2024, la requérante déclare vouloir encore réfléchir sur la question de savoir si elle entend réclamer le retour de son fils ou non (cf. supra, En Fait, c.b)).

La requérante soutient que ces extraits de conversations sont sortis de leur contexte, sans toutefois expliquer le sens qu'il conviendrait alors de leur donner. Au demeurant, ils sont univoques et ne laissent pas de place au doute quant au fait que A______ devait être confié de manière permanente à sa famille paternelle et que sa mère prévoyait de lui rendre des visites ponctuelles. Par ailleurs, il est plausible, comme l'explique le cité, qu'il ait fait l'acquisition d'un billet d'avion au nom de son fils comportant un aller-retour, et non un aller-simple, dans le but de lui éviter toute difficulté au moment d'entrer dans l'espace Schengen sans être muni d'un titre de séjour. Du reste, toujours dans une conversation préalable au départ de l'enfant, la requérante proposait que le cité prenne un billet d'avion pour rendre visite à A______ "admettons le 30 avril" (cf. supra, En Fait, b.c)). Enfin, elle a affirmé dans ses écritures du 27 janvier 2025 (p. 6 et 7) que l'enfant devait commencer par un séjour de trois mois, ce qui ne correspond pas aux dates des billets d'avion (aller le 12 janvier 2024, retour le 11 mars 2024). Partant, la date de retour du billet d'avion au 11 mars 2024 apparait dénuée de toute signification.

S'il est vrai que la requérante évoque, dans des conversations datant de mars 2024, un projet de venir vivre en France qu'elle aurait abandonné, ou encore, en avril 2024, son refus que A______ vive en France dans l'illégalité, ces propos, en contradiction manifeste avec ceux tenus en novembre 2023 et postérieurs au départ de l'enfant, semblent essentiellement servir à justifier son revirement et son souhait d'obtenir le retour de l'enfant. En outre, lorsqu'elle a été interrogée sur les démarches qu'elle aurait entreprises afin de rejoindre son fils en Europe, la requérante s'est bornée à indiquer qu'elle avait regardé le prix du billet d'avion ainsi que "pour le visa et les papiers", et constaté que cela n'était pas possible. S'il avait réellement été prévu qu'elle vienne vivre (légalement) en Europe et que le projet avait été concret au point de faire partir l'enfant avant elle, on pouvait s'attendre à ce que des démarches plus concrètes et plus avancées aient été entreprises par la requérante. On ne comprend pas non plus pourquoi, dans la version qu'elle présente désormais, l'enfant et sa mère ne seraient pas simplement partis ensemble.

Il ressort enfin des déclarations des parties que, depuis 2023, la requérante passait beaucoup de temps à J______, soit des séjours d'un à deux mois, pendant que A______ était gardé par sa grand-mère à Maurice. En mai 2024, elle s'est pacsée à J______ avec un homme qui y vit. Elle partage sa vie avec lui dans ce pays depuis le départ de A______, ce qui constitue un élément supplémentaire contredisant ses prétendues intentions de s'établir en Europe avec son fils, et rend au contraire d'autant plus plausible la décision prise par les parties de confier A______ à sa famille paternelle.

De ce qui précède se dégage l'impression que la requérante adapte son récit en fonction de l'évolution de la procédure et des éléments qui y sont apportés. Dans cette mesure, elle n'est pas crédible lorsqu'elle affirme qu'il n'a jamais été envisagé que A______ vive en Europe sans elle.

A l'inverse, le cité, constant dans ses explications, a suffisamment démontré qu'un projet consistant à confier A______ à sa famille paternelle avait été discuté et avalisé par les parties.

La requérante prétend encore qu'à supposer même qu'elle ait consenti à la modification du lieu de résidence habituelle de l'enfant, il avait été convenu avec le cité que A______ rentrerait à Maurice à tout moment si elle en exprimait le souhait. Cette allégation est contestée par le cité, qui soutient que A______ ne devait retourner à Maurice que s'il ne s'adaptait pas à son nouveau lieu de vie ou ne souhaitait pas y rester. Ici également, la version de la requérante ne ressort pas des pièces produites, qui contiennent pourtant de longs échanges entre les parties à propos du départ de A______, ni de sa requête du 22 novembre 2024, sans que la requérante ne fournisse d'explications sur ce changement de version. Au demeurant, il est douteux que le parent gardien puisse valablement se réserver le droit de révoquer son consentement à n'importe quel moment, avec pour effet d'entraîner l'illicéité du non-retour qui, jusque-là, ne tombait pas sous le coup de la Convention.

Compte tenu de ce qui précède, la Cour a acquis la conviction qu'au moment du départ de A______, la requérante avait donné son consentement au déplacement de la résidence habituelle de l'enfant au sens de l'art. 13 al. 1 let. a CLaH.

4.2.2 La requérante soutient qu'à supposer qu'un consentement au départ de son fils soit retenu, dit consentement portait uniquement sur un déplacement de sa résidence habituelle en France, et non en Suisse.

Il ressort des déclarations du cité qu'à son arrivée, A______ avait été accueilli par sa tante à I______, en France, et que le projet commun des parties était que A______ y effectue sa scolarité. Lorsque, en février 2024, la requérante avait refusé de signer les papiers requis pour l'inscription de A______ à l'école, le cité avait décidé de confier l'enfant à sa grand-mère paternelle à Genève pour qu'il puisse y être scolarisé. Le cité a effectivement pu inscrire A______ à l'école en Suisse sans présenter d'autorisation signée par la mère en ce sens. Il reste dès lors à déterminer si le consentement de la requérante porte aussi bien sur un déplacement en France (à I______, chez la tante) qu'en Suisse (à Genève, chez la grand-mère), étant précisé que I______ est située à la frontière suisse, à environ 3 km de Genève.

Il sied tout d'abord de relever que dans sa requête en vue du retour de l'enfant, la requérante avait exposé que les parties étaient convenues de permettre à leur fils de se rendre à Genève auprès de sa grand-mère paternelle, laquelle est domiciliée au G______, dans le canton de Genève (requête du 22 novembre 2024, all. n° 7 et 8). Elle n'avait alors nullement invoqué le fait que son accord n'aurait porté que sur un séjour en France, et non en Suisse. L'argument subsidiaire dont il est ici question a été développé pour la première fois par la requérante dans ses écritures du 29 janvier 2025.

Ensuite, c'est le lieu d'observer que l'autorisation de voyage signée par la requérante indique, comme lieu de destination de l'enfant, l'adresse du domicile de la grand-mère paternelle au G______, dans le canton de Genève. La requérante fait valoir que l'autorisation a été libellée ainsi dans la mesure où la destination figurant sur le billet d'avion de A______ était Genève. Cela n'explique toutefois pas pourquoi l'adresse de la tante, à quelques kilomètres de l'aéroport de Genève, n'aurait pas pu y figurer. En l'état, l'autorisation de voyage signée par les deux parents permettait uniquement d'emmener l'enfant en Suisse, et non en France.

Enfin, il ne ressort pas des enregistrements des conversations produites par le cité que la requérante se serait plainte du déplacement de A______ de la France vers la Suisse ou se serait prévalue du fait qu'elle n'avait pas donné son accord pour que A______ s'installe en Suisse en particulier. Alors même qu'elle n'ignorait pas que l'enfant avait été accueilli par sa grand-mère au G______ (Genève), comme cela ressort des indications qu'elle a fournies le 29 mars 2024 à l'Autorité centrale mauricienne, la requérante a persisté à évoquer le séjour de l'enfant en France dans ses discussions avec A______ en août 2024 ("Moi, maintenant, maman habite pareil comme toi en France"; "Voilà tout ce que tu vois en France, ça aussi il y a à J______ chéri"], ou encore devant l'autorité centrale mauricienne, déclarant avoir envoyé l'enfant "en France avec sa mamie" (cf. supra, En Fait, A.g et B.c.d), ne faisant de toute évidence pas de distinction entre un côté ou l'autre de la frontière.

Pris dans leur ensemble, ces éléments indiquent que la question de savoir si A______ vivrait plutôt chez sa tante paternelle à I______ ou chez sa grand-mère paternelle au G______, ou encore celle de savoir si la grand-mère était domiciliée en France ou en Suisse, n'importait pas à la requérante. Comme l'a observé la curatrice dans ses écritures du 10 mars 2025, il ressort de la procédure que la requérante a souhaité, dans un premier temps tout du moins, que son fils aille vivre en France chez sa tante ou à Genève chez sa grand-mère car elle souhaitait que son fils grandisse en Europe, afin de l'éloigner de l'environnement dans lequel il évoluait à Maurice. Dans cette mesure, il y a lieu de retenir que le consentement de la requérante portait en tous les cas sur un déplacement en Suisse, à Genève.

4.2.3 Dès lors qu'il est établi que la requérante a consenti au déplacement de la résidence habituelle de l'enfant, le fait qu'elle ait par la suite requis son retour ou se soit opposée à ce qu'il demeure en France ou en Suisse, notamment en refusant de signer les documents scolaires, est sans pertinence. En effet, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus, le consentement ne peut être révoqué et rendre illicite un déplacement qui ne l'était nullement au moment où il est intervenu. De même, dans la mesure où un retour de l'enfant n'était pas prévu, son non-retour à Maurice, en particulier à la date de son billet d'avion (dénuée de toute portée, comme on l'a vu ci-dessus), n'est pas devenu illicite parce que la mère est revenue sur son accord dans l'intervalle.

Compte tenu de ce qui précède, l'une des exceptions de l'art. 13 al. 1 let. a CLaH80 est réalisée dès lors que la requérante avait consenti au déplacement de l'enfant. Pour ce motif déjà, il n'y a pas lieu d'ordonner le retour du mineur.

5. En vertu de l'art. 13 al. 1 let. b CLaH80, l'autorité judiciaire de l'État requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsque la personne qui s'oppose à son retour établit qu'il existe un risque grave que ce retour n'expose l'enfant à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable.

Le cité soutient, par surabondance, que cette exception est également remplie en l'espèce.

5.1.1 La notion de risque grave doit être interprétée de manière restrictive; seuls les dangers réels et atteignant un certain niveau doivent être pris en considération. Quant à la portée du préjudice, elle doit correspondre à une "situation intolérable", autrement dit une situation telle que l'on ne peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un enfant la tolère (arrêts 5A_710/2024 du 13 novembre 2024 consid. 3.1; 5A_658/2024 du 24 octobre 2024 consid. 4.1; 5A_943/2023 du 1er février 2024 consid. 6.1). Selon la jurisprudence, sont notamment considérés comme graves les dangers tels qu'un retour dans une zone de guerre ou d'épidémie ou lorsqu'il est à craindre que l'enfant soit maltraité ou abusé après son retour sans que l'on puisse s'attendre à ce que les autorités interviennent à temps (arrêt 5A_710/2024 précité consid. 3.1 et les références). Les motifs liés aux capacités éducatives des parents n'entrent pas en considération: la CLaH80 n'a pas pour but de statuer au fond sur le sort de l'enfant, notamment sur la question de savoir quel parent serait le plus apte à l'élever et à prendre soin de lui; la procédure de retour tend uniquement à rendre possible une décision future à ce propos (art. 16 et 19 CLaH80; ATF 133 III 146 consid. 2.4). Des conditions de vie plus modestes ou un soutien éducatif limité dans l'État de la résidence habituelle ne suffisent dès lors pas à établir l'exception de risque grave (Conférence de La Haye de droit international privé, Convention Enlèvement d'enfants de 1980, Guide de bonnes pratiques, Partie VI Article 13 (1) (b), § 60).  

L’art. 5 LF-EEA précise l’application de l’art. 13 al. 1 let. b CLaH80 en énumérant une série de cas dans lesquels le retour de l’enfant ne peut plus entrer en ligne de compte parce qu’il placerait celui-ci dans une situation manifestement intolérable. Ainsi, le retour de l’enfant ne doit pas être ordonné notamment lorsque : le placement auprès du parent requérant n’est manifestement pas dans l’intérêt de l’enfant (art. 5 let. a LF-EEA), le parent ravisseur, compte tenu des circonstances, n’est pas en mesure de prendre soin de l’enfant dans l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle au moment de l’enlèvement ou que l’on ne peut manifestement pas l’exiger de lui (let. b), le placement auprès de tiers n’est manifestement pas dans l’intérêt de l’enfant (let. c).

Le critère du retour intolérable dans le pays d’origine concerne l’enfant lui-même et non les parents. Cela signifie que le retour peut entraîner, selon les circonstances, une séparation entre l’enfant et sa personne de référence, séparation qui ne constitue pas encore à elle seule une cause de refus du retour. Lorsque le parent ravisseur, dont l’enfant ne devrait pas être séparé, crée lui-même une situation intolérable pour l’enfant en refusant de le raccompagner, alors qu’on peut l’exiger de lui, il ne peut pas invoquer la mise en danger de l’enfant à titre d’exception au retour ; à défaut, le parent ravisseur pourrait décider librement de l’issue de la procédure de retour (arrêt du Tribunal fédéral 5A_827/2016 du 30 novembre 2016 et les références citées).

5.1.2 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Cette disposition fait partie de l'ordre public suisse positif directement applicable (ATF 128 III 201, consid. 1c). La règle prohibant l'abus de droit permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste (ATF 134 III 52 consid. 2.1). L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances concrètes du cas. L'emploi du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (p. ex. ATF 129 III 493 consid. 5.1; 127 III 357 consid. 4c/bb).

La CLaH80 ne couvre pas l'hypothèse où "l'enfant n'est pas à retourner dans son milieu", c'est-à-dire dans le pays de sa résidence habituelle immédiatement avant l'atteinte au droit de garde commise par le parent "enleveur". Elle entend garantir uniquement la présence de l'enfant dans le pays de sa résidence habituelle et d'empêcher un parent d'utiliser une voie de fait pour créer des liens artificiels de compétence judiciaire internationale en vue d'obtenir la garde de l'enfant. Elle ne vise pas un tel retour dans un Etat qui n'est pas celui de la résidence habituelle (Bucher, op.cit., n° 212).

5.2.1 En l'espèce, le cité a allégué que la requérante s'était montrée maltraitante envers l'enfant, en l'insultant et en le frappant. Ces déclarations font écho à celles du mineur, qui a indiqué à la curatrice et à l'intervenante en protection de l'enfance que sa mère l'avait frappé et l'insultait en créole. La requérante a réfuté les reproches formulés à son encontre et affirmé s'être toujours bien occupée de son enfant, prenant seule en charge son quotidien notamment pendant les périodes d'absence du père. Selon elle, A______ ne faisait que répéter les mensonges que lui avait racontés son père.

Le cité a également soutenu que la requérante travaillait comme prostituée et proxénète entre Maurice et J______, qu'elle consommait de la drogue et en conditionnait des quantités d'une ampleur telle qu'elle devait nécessairement participer à un trafic, que l'enfant avait été témoin de la consommation de drogue et des violences que d'anciens petits amis avaient infligées à sa mère et, enfin, que la mère avait exposé l'enfant à du contenu inapproprié pour son âge en lui remettant un téléphone contenant de la pornographie.

La requérante a exposé que les messages, photos et vidéos produites par le cité provenaient d'un piratage de son téléphone. En cela, elle admet qu'elles sont extraites de ses propres comptes numériques. Or elles représentent, pour certaines, la requérante en train de conditionner de la marijuana en quantité excédant manifestement une consommation personnelle ou avec quelques amis, contrairement à ses allégations. La requérante a également contesté s'adonner à la prostitution et au proxénétisme. Ses dénégations sont toutefois peu convaincantes au regard des pièces produites par le cité. Elle n'a du reste pas fourni d'explications concluantes sur ses activités et sources de revenus, surtout depuis qu'elle vit à J______ et n'est, en toute hypothèse, plus en mesure de travailler sur les terrains agricoles de sa famille à Maurice comme elle le prétend. Par ailleurs, il est suffisamment établi, au regard des explications fournies par le cité et des captures d'écran produites, que l'enfant a été confronté à des images et vidéos inappropriées pour son âge, impliquant de surcroît sa mère, contenues dans le téléphone que lui avait remis celle-ci avant son départ. Enfin, s'agissant d'actes de maltraitance, les vidéos produites par le cité sont peu probantes mais la parole de l'enfant, recueillie par des professionnelles formées à cette fin (la curatrice et l'intervenante du SPMi), ne peut être ignorée, même si aucune démarche auprès des services de protection de l'enfance n'avait été initiée à Maurice.

5.2.2 Le cité a également invoqué le fait que la requérante n'habitait plus à Maurice et qu'elle s'était installée à J______. A cet égard, la requérante a admis que depuis le départ de son fils, elle vivait à J______ avec son compagnon [originaire de] J______, avec qui elle s'était pacsée en mai 2024. Interrogée sur son lieu de vie lors de l'audience du 30 janvier 2025, la requérante a déclaré avoir gardé une adresse à Maurice et être prête à y retourner si le retour de son fils était ordonné. La requérante a précisé qu'elle ferait des allers-retours entre Maurice et J______ pour aller voir son compagnon une fois que A______ aurait retrouvé ses marques à Maurice, étant précisé qu'en 2023, ses allers-retours duraient un à deux mois pendant lesquels A______ était confié à la famille maternelle. Ses déclarations sont toutefois contredites par la teneur des extraits de conversations produites par le cité, dont il ressort que la requérante estime que sa mère n'est pas en mesure de s'occuper de A______, affirme qu'elle-même ne dispose pas du temps nécessaire et évoque, à plusieurs reprises, un placement de l'enfant en foyer. Les pièces qu'elle a produites, soit deux extraits bancaires de septembre 2024 envoyés à son adresse à Maurice ainsi que sa demande d'accession à la propriété formulée en 2020 ne démontrent pas non plus qu'elle vivrait toujours à Maurice, ce d'autant que dans ses conversations avec le cité et avec son fils, elle est parfaitement claire sur le fait qu'elle vit à J______.

Ces éléments soulèvent la question d'un abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC, dès lors que la requérante sollicite le retour de son fils dans un Etat qu'elle a elle-même quitté, sans présenter de garantie d'y revenir en cas de retour de l'enfant. Le fait qu'elle semble désormais construire sa vie à J______ et qu'elle ait abordé à différentes occasions la question d'un placement de l'enfant en foyer suggèrent fortement le contraire. Dans cette mesure, la mère n'aurait pas déposé la requête en retour afin d'exercer ses droits parentaux ou de permettre à l'enfant de réintégrer son précédent centre de vie.

En réalité, les propos qu'elle a tenus au cité le 28 février 2024 révèlent d'autres intentions: "Ecoute-moi ce que j'ai décidé. J'attends ce que je reçois mes papiers que comme quoi c'est confirmé et que c'est très clair que je vais habiter là que je peux montrer aux autorités mauriciennes que maintenant je via habiter à J______. […] Et voilà ce temps-là après, je reviendrai à Maurice et après je ferai les démarches pour qu'il vienne à Maurice. Après tu m'as dit que quand il sera à Maurice, tu ne vas rien signer. Ce n'est pas un problème ça, ce n'est pas un problème. Moi je vais venir le prendre"; puis, en réponse à l'opposition du père: "Ok, on verra comment on va faire et moi je vais dire que voilà je serai à J______ et que je vais faire le nécessaire pour venir le voir chaque 3 mois. Le papa le prend en charge alors que moi aussi j'ai accepté de prendre mon enfant. Je dirai aux autorités s'il faut le mettre dans un centre (foyer/orphelinat), je dirai que ce n'est pas un problème.". On comprend que la requérante envisage, une fois le retour de l'enfant à Maurice obtenu, de le déplacer à J______, cas échéant sans le consentement du père, ou alors, si cela n'est pas possible, de solliciter son placement dans un foyer.

Au regard de ce qui précède, le comportement de la mère ne saurait bénéficier de la protection de la CLaH80; l'invocation de cet instrument aux fins d'obtenir le retour de l'enfant à Maurice parait ainsi abusive.

5.2.3 En tout état, la Cour partage l'avis de la curatrice selon lequel le retour de l'enfant à Maurice l'exposerait à un danger physique ou psychique. En effet, au regard de l'ensemble des motifs développés ci-dessus, il existe un risque sérieux que l'enfant soit confronté, en cas de retour à Maurice, à un environnement préjudiciable à son bien-être physique et psychique, voire même déplacé sans droit vers un autre Etat, dans un nouvel environnement qu'il ne connait pas et dont on ignore absolument tout. De toute évidence, le placement auprès du parent requérant n’est pas dans l’intérêt de l’enfant (art. 5 let. a LF-EEA), pas plus qu'un placement en foyer (art. 5 let. c LF-EEA), ce alors même que l'enfant a retrouvé une stabilité à Genève, se montre pleinement épanoui dans ce lieu de vie et y entretient une relation privilégiée avec son père ainsi qu'avec sa grand-mère, étant encore précisé que le caractère intolérable du retour ne découle pas, ici, de la séparation d'avec le parent de référence (art. 5 let. b LF-EEA). Il appartiendra dès lors au père d'entreprendre toutes les démarches utiles afin d'obtenir un titre de séjour en Suisse pour son enfant, ainsi que pour lui-même.

Il s'ensuit que, pour l'ensemble des motifs qui précèdent, la demande ne peut qu'être rejetée et la requérante déboutée de ses conclusions.

6. Au vu de l’issue de la procédure, les inscriptions RIPOL et SIS seront levées et les documents d'identité du mineur restitués au cité.

7. Les art. 26 CLaH80 et 14 LF-EEA prévoient la gratuité de la procédure; toutefois conformément aux dispositions de l'art. 42 CLaH80 et par application de l'art. 26 al. 3 CLaH80, la République de Maurice a déclaré qu'elle ne prendrait en charge les frais visés à l'al. 2 de l'art. 26 que dans la mesure où les coûts peuvent être couverts par son système d'assistance judiciaire. La Suisse applique dans ce cas le principe de la réciprocité (art. 21 al. 1 let. b de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111), de sorte que la procédure n'est pas gratuite (arrêts du Tribunal fédéral 5A_930/2014 consid. 7; 5A_584/2014 consid. 9).

Dès lors, les frais judiciaires arrêtés à 15'883 fr., dont font partie les frais de représentation de l'enfant par 13'883 fr.33 selon la note de frais et d'honoraires de la curatrice du 17 mars 2025 (arrêts du Tribunal fédéral 5A_346/2012 consid. 6; 5A_840/2011 consid. 6) seront mis à la charge de la mère de l'enfant, qui succombe entièrement, mais provisoirement supportés par l'Etat, vu l'octroi de l'assistance judiciaire.

Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à verser à D______, curatrice de l'enfant, la somme de 13'883 fr. 33. Le présent arrêt sera notifié, outre aux parties, à l'Autorité centrale fédérale, conformément à l'art. 8 al. 3 LF-EEA, à charge pour celle-ci d'en informer les autorités mauriciennes compétentes.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la demande de retour de l'enfant A______, né le ______ 2018, formée en date du 22 novembre 2024 par B______.

Au fond :

La rejette.

Ordonne en conséquence la levée de l’inscription du mineur A______, né le ______ 2018, dans les systèmes de recherches informatisées de la police (RIPOL) et d'information Schengen (SIS).

Invite le Service de protection des mineurs à remettre immédiatement le passeport du mineur A______ déposé auprès de lui à C______.

Ordonne la notification du présent arrêt à l'Autorité centrale fédérale, à charge pour celle-ci d'en informer les autorités mauriciennes compétentes.

Sur les frais :

Met les frais judiciaires, arrêtés à 15'883 fr., y compris les frais de représentation de l'enfant, à charge de B______ et dit que ces frais sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève, vu l'octroi de l'assistance judiciaire.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à verser à D______ la somme de 13'883 fr. 33.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Stéphanie MUSY, juges.; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 2 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.