Décisions | Chambre des prud'hommes
ACJC/728/2025 du 28.05.2025 sur JTPH/212/2024 ( OO ) , RENVOYE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/19346/2021 ACJC/728/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des prud'hommes DU MERCREDI 28 MAI 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié p.a. Foyer B______, ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 14 août 2024 (JTPH/212/2024), représenté par le SYNDICAT C______, ______,
et
Monsieur D______, domicilié ______, intimé, représenté par Me Mirolub VOUTOV, avocat, de Candolle Avocats, place des Eaux-Vives 3, 1207 Genève.
A. Par jugement JTPH/212/2024 du 14 août 2024, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des prud'hommes, après avoir déclaré irrecevables les pièces 4 à 6 et 11 à 24 de A______ et 10 à 15 de D______ (ch. 2), a condamné D______ à verser à A______ 993 fr. 70 bruts, 23 fr. 20 bruts, 5'106 fr. 85 bruts et 954 fr. nets avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021 sur 993 fr. 70, dès le 1er avril 2021 sur 23 fr. 20 et sur 954 fr., et dès le 1er mai 2021 sur 5'106 fr. 85 (ch. 3 à 5 et 7), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 6), dit qu'il ne serait pas perçu de frais ni alloué de dépens (ch. 8) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 9).
Il a écarté certaines des pièces déposées par les parties, motif pris de ce qu'elles n'étaient pas, ou de manière insuffisante, rattachées à un allégué, et (sans le reprendre dans le dispositif de la décision) de ce qu'un rapport adressé par la Commission paritaire des chantiers n'avait pas fait l'objet de déterminations des parties. Ne tenant pas compte desdites pièces, il a retenu qu'aucun élément du dossier n'accréditait les notes de l'employé relativement à son temps de travail, si bien que celles-ci ne seraient pas prises en considération.
B. Par acte du 16 septembre 2024, A______ a formé appel contre le jugement précité. Il a conclu à l'annulation des chiffres 2, 3 à 5 et 7 du dispositif de ce jugement, et, cela fait, a repris ses conclusions de première instance. Préalablement, il a requis l'audition des parties.
Il a notamment relevé, à l'appui de cette conclusion préalable, que sa déclaration au Tribunal (relative au fait qu'il ne lui était pas "possible de rendre un décompte journalier précis sur la base des conversations whatsapp") devait se comprendre en lien avec la circonstance qu'il avait allégué un total moyen d'heures journalières.
D______ a conclu à la confirmation du jugement.
Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.
Par avis du 21 février 2025, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :
a. D______ a exploité une entreprise de menuiserie, d'ébénisterie et d'agencements en raison individuelle, à l'enseigne "E______/D______", inscrite au Registre du commerce genevois de juin 2018 au ______ mars 2021.
b.a A______ allègue s'être engagé en décembre 2019 au service de D______ en qualité de plâtrier peintre, moyennant un salaire de 150 fr. nets par jour, soit 15 fr. 80 l'heure.
Il allègue avoir travaillé en moyenne 9h30 par jour depuis février 2020 (dont 7 samedis et 23 dimanches) jusqu'au 5 mars 2021 (à l'exception de la période du 17 mars au 5 mai 2020, durant laquelle il n'avait pas reçu d'indemnités RHT faute pour l'employeur d'avoir demandé de telles indemnités), et de celle du 1er janvier au 8 février 2021 qu'il avait passée à "attendre du travail"), à raison de certains jours qu'il a détaillés en se référant à un décompte établi par ses soins, pour un total de 189 jours, et une rémunération reçue de 14'895 fr. nets.
Il allègue n'avoir pas bénéficié de jours de vacances, ni perçu de treizième salaire ou d'indemnités forfaitaires (pour les 189 jours de travail allégués).
Il a produit des notes de sa main, détaillant des jours travaillés, avec en regard dans certains cas l'indication d'un chantier. Il en résulte, selon lui, huit jours travaillés entre le 27 février et le 16 mars 2020, 164 entre le 6 mai et le 30 décembre 2020, et 17 jours entre le 9 février et le 5 mars 2021, dont 7 samedis et 23 dimanches en 2020.
Il a également versé des copies de messages whatsapp, faisant état d'échanges entre lui-même et "F______" à propos d'horaires, de lieux de chantier, de demandes d'argent, expédiés et reçus entre le 20 juin 2020 et le 12 février 2021, ainsi qu'entre le 22 février et le 11 mars 2021. Il n'en a pas allégué le contenu.
b.b Selon D______, A______ a effectué quelques heures de travail à son service en décembre 2019. Ensuite, "après son retour dans le courant du mois de janvier 2020", il avait travaillé sur appel, sur huit chantiers (qu'il a détaillés, avec l'activité opérée), pour un total de 441 heures, entre juillet et décembre 2020 ("étant précisé que 10 heures effectuées en février 2021 ont été comptées en tant que rémunérées au mois de décembre 2021 vu que [l'employé] avait reçu une somme largement supérieure au montant du salaire convenu par heure travaillée"), soit 60 heures en juillet, 37 heures en août, 75 heures en septembre, 40 heures en octobre, 99 heures en novembre et 130 heures en décembre 2020. Le salaire horaire convenu était de 23 fr. 50. Un total de 13'395 fr. lui avait été versé à ce titre. L'employé n'avait pas travaillé les samedis et les dimanches, sauf "occasionnellement" pour des nettoyages de chantiers.
D______ a produit des fiches de salaire établies à l'attention de A______. Celles-ci font état d'un nombre d'heures travaillées, soit 92 en juillet 2020, 84 en août 2020, 80 en septembre 2020, 88 en octobre 2020, 84 en novembre 2020, et 56 en décembre 2020, ainsi que d'un salaire horaire brut.
Il n'a pas contesté qu'il était le correspondant de A______ dans le cadre des messages whatsapp produits par ce dernier. Selon lui, ceux-ci démontraient les "missions à confier à l'employé".
Il a fait valoir que les décomptes d'heures établis par A______ étaient largement exagérés et semblaient avoir été établis a posteriori, en particulier au vu d'une erreur récurrente (mention de "2021" au lieu de "2020"), qui y apparaissait.
Il s'est prévalu de ses difficultés financières, du manque de travaux confiés à l'entreprise, et d'un chiffre d'affaires faible.
b.c Au Tribunal, A______ a déclaré avoir commencé à travailler au service de D______ en octobre 2019, puis être revenu après une pause entre fin décembre 2019 et fin février 2020. Il avait été payé en 2019; il avait commencé à établir un décompte de jours travaillés (sans mention des heures de travail) dès le 27 février. Il lui arrivait de commencer sa journée à 7h00 ou à 6h00, ou à 8h00 ou à 7h45 selon les ordres reçus, et de terminer "plus tôt" si le travail était achevé et qu'il lui était dit de quitter le chantier. Il y avait plusieurs chantiers en parallèle, généralement il exécutait un chantier par jour, mais parfois il y en avait plusieurs le même jour. Il n'avait pas reçu de bulletins de salaire. Il n'avait pas indiqué à l'auteur du rapport du 3 octobre 2020 qu'il travaillait sur appel; il travaillait tous les jours. Il échangeait des messages whatsapp avec D______ pour coordonner le travail, savoir où se rendre et à quelle heure. Il n'avait pas travaillé pour d'autres employeurs, à l'exception d'un chantier en janvier 2021, payé 150 fr. par jour selon ce qui avait été convenu avec D______.
Ce dernier a déclaré qu'il avait réalisé un chiffre d'affaires de 138'424 fr. en 2019 avec une perte de 4'356 fr., et que A______ avait travaillé pour trois entreprises tierces qu'il a nommées.
b.d Un ami des deux parties, G______, entendu par le Tribunal en qualité de témoin, a déclaré qu'il les avait présentées l'une à l'autre, et qu'elles n'avaient pas discuté en sa présence de contrat de travail, de salaire ou d'horaire; à son souvenir c'était en 2019 "suite au besoin" de travailler de A______, et s'il se rappelait bien celui-ci "devait travailler un ou deux jours par semaine". Il ignorait combien d'heures de travail par jour ou par semaine le précité avait effectuées, ainsi que le salaire versé.
Selon un bénéficiaire des prestations de l'entreprise de D______ entre début novembre et début décembre 2019 au souvenir de celui-ci, le précité était intervenu à presque 90%, en étant accompagné "aussi" de A______, intervenu entre dix et quinze fois, sans pouvoir donner de précision sur le nombre d'heures travaillées par jour (témoin H______).
Selon un autre bénéficiaire des prestations de l'entreprise de D______, au mois de mai 2020 "environ", A______ avait été vu travaillant quelques fois durant les travaux, qui étaient aussi effectués par D______; il n'était pas possible de préciser le nombre de fois où il avait été vu, ni si les travaux avaient eu lieu le samedi ou le dimanche. Les travaux étaient effectués de manière discontinue, et non la journée pleine. Le chantier avait duré un mois et demi pour un prix total s'agissant de D______ de 5'000 fr. (témoin I______).
Selon un troisième bénéficiaire des prestations de l'entreprise de D______ en mars 2020 ou 2021 ("quand le virus a débuté"), A______ était un des employés intervenus sur le chantier, mais il n'était pas souvent là; les ouvriers venaient les après-midis uniquement et il pensait que A______ était présent entre 10% et 15% du temps, et D______ environ 70% du temps. La facture totale des travaux devait s'élever à un montant entre 40'000 fr. et 50'000 fr. Les travaux avaient duré six mois, tous les jours il devait réclamer que le chantier avance, et il avait versé trois fois, à son souvenir, 50 fr. aux employés de D______ pour les motiver en ce sens (témoin J______).
c. Le 12 juin 2020, D______ a rédigé un projet de contrat de travail écrit à l'attention de A______, prévoyant un emploi à compter du 1er juin 2020 en qualité d'aide-menuisier, au taux de 50%, soit 20 heures par semaine.
D______ a produit cette pièce sans avoir formé d'allégué sur le sujet.
A______ allègue ne pas connaître ce projet de contrat.
d. A______ allègue que le 5 mars 2021, D______ lui a dit qu'il n'y aurait désormais plus de travail pour lui.
D______ allègue qu'il n'avait pas confié de travail sur appel à A______ en 2021, faute de mandats, ce qui avait conduit à radier l'entreprise du Registre du commerce le ______ mars 2021.
e. Par courrier de son syndicat du 24 mars 2021, A______ a requis de D______ le paiement de 76'438 fr. bruts, sous déduction de 14'895 fr. nets, et 3'402 fr. nets.
f. Le 4 octobre 2021, A______ a saisi l'Autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes d'une requête en paiement de 76'870 fr. 40 bruts et 3'402 fr. nets, dirigée contre D______.
Au bénéfice d'une autorisation de procéder, il a déposé au Tribunal une demande par laquelle il a conclu à ce que D______ soit condamné à lui verser 41'095 fr. 10 bruts à titre de salaire pour la période travaillée du 27 février au 30 décembre 2020, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021, sous déduction de 14'395 fr. nets, 4'372 fr. 50 bruts à titre de salaire de vacances pour la même période, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021, 3'787 fr. 45 bruts à titre à titre de treizième salaire pour la même période, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021, 5'939 fr. 40 bruts à titre d'indemnités pour horaire réduit "afférentes à cette période", avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021, 5'774 fr. 45 bruts à titre de salaire pour la période du 1er janvier au 8 février 2021 "pendant laquelle il a passé à attendre du travail", avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mars 2021 sous déduction de 500 fr. nets, 614 fr.40 bruts à titre de salaire vacances pour la même période avec suite d'intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mars 2021, 532 fr. 20 bruts à titre de treizième salaire pour la même période, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mars 2021, 4'061 fr. 70 bruts à titre de salaire du 9 février au 5 mars 2021 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 432 fr. 15 bruts à titre d'indemnité vacances du 9 février au 5 mars 2021 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021 374 fr. 35 bruts à titre de treizième salaire avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 3'402 fr. nets à titre d'indemnités forfaitaires de 18 fr. nets par jour pour 172 jours de travail effectués en 2020 et 17 jours effectués en 2021, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021, 8'249 fr. 20 bruts à titre de salaire du délai de congé, du 6 mars au 30 avril 2021, avec suite d'intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2021, 877 fr. 70 bruts à titre de paiement du salaire de vacances afférent au délai de congé avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2021, 760 fr. 25 à titre de treizième salaire afférent au délai de congé, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2021. A titre préalable, il a requis la production de rapports établis par la Commission paritaire des métiers du Second œuvre à la suite de contrôles effectués sur le chantier de D______ le concernant.
Il a offert en preuve de ses divers allégués les déclarations des parties et des pièces qu'il a produites.
g. D______ a conclu au déboutement de A______ des fins de ses conclusions.
Il a offert en preuve de ses divers allégués les déclarations des parties, des pièces qu'il a produites, ainsi que des pièces à produire (qu'il n'a pas décrites, sur ses allégués de salaire horaire, de nombre d'heures), et l'audition en qualité de témoin de J______ (sur ses 3 allégués relatifs aux heures travaillées par A______ et sur un autre rapport de travail existant entre le précité et le témoin).
Il a déposé les pièces annoncées (à savoir le contrat de travail non signé daté du 12 juin 2020, un certificat de salaire de A______ pour l'année 2020 établi le 16 février 2021, et des bulletins de salaire pour A______, pour les mois de juillet à décembre 2020), sans formuler de nouveaux allégués ou modifier ses allégués précédents.
Le Tribunal a transmis ces pièces à A______, annoncé qu'il n'envisageait pas de second échange d'écritures, et qu'il fixerait une audience de débats d'instruction "prochainement".
h. Le 7 septembre 2022, A______ a déposé un chargé de pièces comprenant, selon l'indication figurant en page de garde, des "traductions" relatives aux périodes du 3 mai au 18 juin, du 20 au 27 juin, du 1er juillet au 20 août, du 27 août au 5 septembre, du 10 au 11 septembre, du 15 septembre au 19 octobre, du 20 au 23 octobre, du 26 octobre au 6 novembre et du 16 au 25 novembre 2020. Il se révèle que le bordereau comprend, outre les traductions, les messages whatsapp originaux échangés entre le précité et "F______".
Le 21 septembre 2022, le Tribunal a convoqué les parties à une audience de débats d'instruction.
Le 27 septembre 2022, A______ a déposé un bordereau de titres, comportant des messages whatsapp échangés avec "F______", et leurs traductions, du 4 au 15 janvier, du 18 janvier au 19 février, du 23 février au 1er mars, et du 9 au 10 mars 2021.
A______ a déposé une liste de trois témoins, dont il a offert l'audition en preuve de ses allégués relatifs aux heures travaillées.
i. A l'audience de débats d'instruction du Tribunal du 26 octobre 2022, D______ a déposé des bordereaux fiscaux.
Selon le procès-verbal d'audience, les parties n'ont pas apporté d'éléments nouveaux, ni ne se sont exprimées, spontanément ou sur question, sur des divergences apparentes entre leurs allégués et leurs pièces. A______ s'est limité à modifier un de ses allégués et à formuler un allégué supplémentaire relatif à son horaire (soit qu'il avait travaillé par trois fois une demi-journée uniquement, et qu'il avait effectué des heures supplémentaires au-delà de 18h30), précisant qu'il ne lui était "pas possible de rendre un décompte journalier précis sur la base des conversations whatsapp entre les parties", et qu'il avait procédé à un calcul de 9,5 heures journalières travaillées comprenant les heures supplémentaires et les heures effectuées "selon des horaires différenciés".
j. Sur quoi, le Tribunal a notamment admis au titre des moyens de preuve "les titres produits", l'audition des parties et des témoins requis et ordonné la production par la Commission paritaire des métiers du second œuvre de tous les rapports établis, à la suite des contrôles effectués sur le chantier sis avenue 1______ no. ______, de D______, concernant A______.
Déférant à cette ordonnance, la Commission précitée a fait parvenir au Tribunal, en date du 3 novembre 2022, un rapport de contrôle de chantier, en précisant qu'elle n'avait pas établi d'autre rapport. Ce rapport d'un contrôle effectué le samedi 3 octobre 2020 à 10h35, comporte notamment les mentions suivantes : à la rubrique "personne contrôlée", "date d'engagement : décembre 2019, taux d'activité : sur appel NB d'heures par mois, profession : carreleur, activité déployée lors du contrôle : débarras + divers", et à la rubrique "faits constatés lors du contrôle" : "L'entreprise a fait l'objet de 4 rapports depuis 2019", "l'entreprise […] apparaît sur la liste (CPSO) des sociétés ne payant pas régulièrement la contribution professionnelle et les cotisations à la retraite anticipée", et "Une demande de documents est faite par mail du 6 octobre 2020. Le 7 octobre 2020 l'entreprise nous informe que la responsable du suivi administratif de l'entreprise serait la fiduciaire K______ et d'effectuer la demande directement à cette dernière. Contactée par téléphone, Madame K______ nous informe qu'elle n'a plus de nouvelles de l'entreprise depuis le mois de juin 2020".
Le Tribunal a communiqué copie du rapport aux parties. Aucune d'elles ne s'est déterminée.
k. A l'audience du Tribunal du 12 décembre 2022, les parties ont renoncé aux premières plaidoiries.
A l'issue de l'audience du Tribunal du 18 janvier 2023, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.
l. Par jugement du 16 mai 2023, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des prud'hommes a condamné D______ à verser à A______ 27'532 fr. 05 bruts sous déduction de 14'895 fr. nets, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021 (ch. 2), 3'023 fr. 50 bruts sous déduction de 500 fr. nets avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2021 (ch. 3), 2'494 fr. 45 bruts avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021 (ch. 4), et 5'258 fr. 20 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2021 (ch. 5), 3'402 fr. nets avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er avril 2021 (ch. 7), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales légales et usuelles (ch. 6), dit qu'il ne serait pas perçu de frais ni alloué de dépens (ch. 8), et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 9).
m. Par arrêt du 9 janvier 2024, la Cour, statuant sur appel de D______, a annulé le jugement précité, et renvoyé la cause au Tribunal pour nouvelle décision.
Elle a notamment requis que celui-ci examine avec précision les allégués des parties ainsi que les moyens de preuve de ces allégués régulièrement offerts et administrés et rende une nouvelle décision dans le respect du droit d'être entendu des parties.
n. A la suite du renvoi de la cause, le Tribunal n'a procédé à aucun acte si ce n'est l'annonce qu'il délibérerait à nouveau prochainement dans une composition qu'il a communiquée. Sur quoi le jugement attaqué a été rendu.
1. Interjeté contre une décision finale, dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr., dans le délai et selon la forme prescrite par la loi, l'appel est recevable (art. 308 et 311 CPC).
2. La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).
3. Les conclusions des parties devant être interprétées à la lumière de la motivation, mise en relation avec la décision attaquée (ATF 137 III 617 consid. 6.2), il apparaît que l'appelant s'en prend en réalité au déboutement, en tant que ses prétentions excédaient les montants alloués aux chiffres 3 à 5 et 7 (qui lui sont ainsi acquis, en l'absence d'appel joint), visé sous chiffre 8 du dispositif du jugement.
Par ailleurs, l'appelant ne remet en cause le chiffre 2 du dispositif qu'en tant que ses propres pièces ont été déclarées irrecevables. Il s'ensuit que son appel sur ce point ne porte pas sur les pièces 10 à 15 de l'intimé, également déclarées irrecevables.
4. L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir écarté trois des pièces qu'il avait déposées avec sa demande, ainsi que les titres versés en septembre 2022. Il soulève sur ce point également une violation de son droit d'être entendu.
4.1 Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès. Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (fardeau de l'administration des preuves) et contester les faits allégués par la partie adverse (fardeau de la contestation), le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC) (ATF 144 III 519 consid. 5.1). A cet égard, il importe peu que les faits aient été allégués par le demandeur ou par le défendeur puisqu'il suffit que les faits fassent partie du cadre du procès pour que le juge puisse en tenir compte (ATF 143 III 1 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_164/2021 du 21 décembre 2021 consid. 3.1; 4A_11/2018 du 8 octobre 2018 consid. 6.1, non publié in ATF 144 III 519; 4A_559/2016 du 18 janvier 2017 consid. 3.1; 4A_555/2015 du 18 mars 2016 consid. 2.3; 4A_566/2015 du 8 février 2016 consid. 4.2.1). Il n'en demeure pas moins que celui qui supporte le fardeau de la preuve (art. 8 CC) et donc, en principe, le fardeau de l'allégation objectif, a toujours intérêt à alléguer lui-même les faits pertinents, ainsi qu'à indiquer au juge ses moyens de preuve, pour qu'ils fassent ainsi partie du cadre du procès (ATF 143 III 1 consid. 4.1; arrêt 4A_164/2021 précité consid. 3.1; ATF 149 III 105 consid. 5.1).
Un moyen de preuve qui ne repose pas sur un allégué n'est pas pris en considération. Le renvoi à une pièce du dossier ne suffit pas pour alléguer un fait (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1). Un moyen de preuve n'est régulièrement offert que lorsque l'offre de preuve se rattache sans équivoque à l'allégation de fait à prouver (arrêt du Tribunal fédéral 4A_360/2017 du 30 novembre 2017 consid. 4).
4.2 Garanti aux art. 29 al. 2 Cst et 53 CPC, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur sujet (ATF 135 II 286 consid. 5.1; 135 I 187 consid. 2.20; 129 II 497 consid. 2.2).
4.3 En l'occurrence, comme le relève pertinemment l'appelant, le Tribunal a, par ordonnance de preuves du 26 octobre 2022, admis les titres versés, sans autre observation. S'il est certes envisageable sur le principe de rétracter une telle ordonnance (cf. art. 154 CPC), rien de tel n'a eu lieu avant le (deuxième) jugement. Il en est résulté une violation du droit d'être entendu, du fait de l'absence de possibilité des parties de se déterminer sur la recevabilité – admise dans le jugement du 16 mai 2023 ultérieurement annulé – desdites pièces.
De surcroît, les motifs invoqués dans la décision attaquée ne convainquent pas. La Cour a, en effet, déjà relevé qu'il pouvait être compris de ces pièces (dont le contenu précis n'a pas été allégué) qu'étaient visés les horaires qui y étaient mentionnés; cela implique donc un rattachement suffisant de ces pièces (produites initialement, puis complétées, sous un descriptif incomplet) à l'allégué initial relatif aux horaires, autre étant la question de l'appréciation de la preuve ainsi offerte.
Par ailleurs, le Tribunal a tenu pour irrecevable le rapport produit par la Commission paritaire, alors qu'il avait lui-même ordonné son dépôt, en relevant que les parties ne s'étaient pas déterminées à son sujet. Cette motivation est dépourvue de pertinence, et inapte à entraîner le résultat susmentionné, au demeurant non repris dans le dispositif de la décision. Le rapport de chantier est ainsi une pièce recevable, à prendre en considération dans l'administration des preuves.
Au vu de ce qui précède, le grief de l'appelant est fondé.
Le chiffre 2 du dispositif du jugement, en tant qu'il a déclaré irrecevables les pièces 4 à 6, et 11 à 24 de l'appelant, sera annulé (les pièces 10 à 15 de l'intimé demeurant irrecevables, faute d'appel ou d'appel joint sur ce point).
Comme les premiers juges ont assis leur raisonnement notamment sur la circonstance que l'appelant n'aurait pas produit de pièces recevables en lien avec son allégué sur les horaires, ce qui ne se révèle pas exact, le chiffre 8 du dispositif du jugement sera annulé.
Pour respecter le double degré de juridiction, la cause n'étant pas en état d'être jugée sur ce point (art. 318 al. 1 let. c CPC), la procédure sera retournée au Tribunal. Celui-ci devra examiner avec précision les allégués des parties ainsi que les moyens de preuve de ces allégués, régulièrement offerts et administrés, avant de rendre une nouvelle décision dans le respect du droit d'être entendu des parties (comme l'avait déjà souligné la Cour).
A cet égard, il sera rappelé que l'appelant a conclu préalablement à une nouvelle audition des parties, faisant en particulier valoir que sa déclaration au Tribunal (relative au fait qu'il ne lui était pas "possible de rendre un décompte journalier précis sur la base des conversations whatsapp") devait se comprendre en lien avec la circonstance qu'il avait allégué un total moyen d'heures journalières. Cette explication, qui prima facie n'apparaît pas insoutenable, pourrait conduire les premiers juges à examiner, avec les parties, lesdits messages, tout en restant dans le cadre posé par l'art. 55 al. 1 CPC, aux fins de cerner la volonté exprimée par leurs auteurs.
5. Il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 71 RTFMC) ni alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).
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PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :
A la forme :
Déclare recevable l'appel formé par A______ contre les chiffres 2, en tant qu'étaient déclarées irrecevables les pièces 4 à 6 et 11 à 24 du précité, et 8 du dispositif du jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 14 août 2024.
Au fond :
Annule le chiffre 2, en tant qu'étaient déclarées irrecevables les pièces 4 à 6 et 11 à 24 déposées par A______, et le chiffre 8 du dispositif de ce jugement. Statuant à nouveau sur le premier de ces points :
Déclare recevables les pièces 4 à 6 et 11 à 24 produites par A______.
Renvoie pour le surplus la cause au Tribunal des prud'hommes pour nouvelle décision.
Déboute les parties de toute autre conclusion d'appel.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais ni alloué de dépens.
Ordonne la restitution à A______ de l'avance de frais versée.
Siégeant :
Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nadia FAVRE, Monsieur Valery BRAGAR, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.
Indication des voies de recours et valeur litigieuse :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.