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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/9529/2022

ACJC/1273/2024 du 14.10.2024 sur JTBL/52/2024 ( OBL ) , JUGE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9529/2022 ACJC/1273/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 14 OCTOBRE 2024

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 janvier 2024, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

Madame C______, c/o D______, ______, intimée, représentée par Me Cédric LENOIR, avocat, rue des Battoirs 7, 1205 Genève.


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/52/2024 du 18 janvier 2024, reçu le lendemain par les parties, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a déclaré irrecevables les conclusions en paiement de C______ à l'encontre de A______ et B______ (ch. 1 du dispositif), constaté que les baux portant sur l'appartement de 5 pièces situé au 4ème étage et sur le box situé au sous-sol de l'immeuble sis no. ______, chemin 1______, [code postal] Genève, étaient arrivés à échéance le 30 septembre 2022 (ch. 2), condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement l'appartement et le box précités de leurs personnes et de leurs biens ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec eux (ch. 3), transmis la cause - à l'expiration du délai d'appel - au Tribunal siégeant dans la composition prévue à l'art. 30 LaCC pour statuer sur les mesures d'exécution sollicitées (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

En substance, le Tribunal a retenu que la durée déterminée des baux résultait clairement du texte de ceux-ci et que les normes de droit public contenues dans les "Règles et usages locatifs du canton de Genève applicables aux immeubles soumis à la LGL ou la LGZD", traitant de la durée des rapports contractuels, ne revêtaient qu'un caractère supplétif, de sorte que les parties étaient liées par un contrat à durée déterminée au sens de l'art. 266 al. 1 CO. Aucune prolongation de bail ne pouvait être envisagée, au regard du fait que A______ et B______ n'avaient commencé à chercher une solution de relogement qu'un mois avant la fin des contrats litigieux, cela alors qu'ils savaient depuis leur conclusion que les baux arriveraient à échéance le 30 septembre 2022. Depuis l'expiration du terme fixé, les précités ne disposaient plus d'aucun titre juridique les autorisant à rester dans les locaux loués, de sorte que leur évacuation devait être prononcée.

B.            a. Par acte déposé le 19 février 2024 devant la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ et B______ (ci-après également les locataires) ont formé appel de ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, à ce que soit constatée la nullité partielle du contrat de bail et "des avenants n° 1 et 2" portant sur l'appartement susmentionné, s'agissant de la durée déterminée des rapports contractuels, et à ce qu'il soit dit en conséquence que le bail précité s'était reconduit tacitement aux conditions en vigueur pour une année, et ainsi de suite d'année en année, sauf dénonciation par l'une ou l'autre partie donnée trois mois à l'avance. Subsidiairement, ils ont conclu à l'octroi en leur faveur d'une prolongation de bail de quatre ans, échéant au 30 septembre 2026.

b. Dans sa réponse du 22 mars 2024, C______ (ci-après également la bailleresse) a conclu à la confirmation du jugement querellé et au déboutement de A______ et B______ de toutes leurs conclusions.

c. Par réplique et duplique des 7 mai et 7 juin 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. Par plis du greffe de la Cour du 10 juillet 2024, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 19 octobre 2012, C______ a fait l'acquisition d'un appartement de 5 pièces situé au 4ème étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______, [code postal] Genève, et du box s'y rapportant. Cet appartement, situé en zone de développement et soumis au régime de la propriété par étages (PPE), n'a jamais été occupé par la bailleresse.

Issue d'une famille active à Genève dans la gérance de biens immobiliers, C______ est l'une des directrices de E______ SA, société genevoise ayant pour but social l'achat, la vente, la construction, l'exploitation, la location et la mise en valeur de propriétés immobilières.

b. Le 23 mars 2021, C______, en qualité de bailleresse, et A______ et B______, en qualité de locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location de l'appartement précité.

A______ habite dans ce logement avec son fils. Elle travaille pour la société F______ AG et réalise à ce titre un salaire mensuel brut de 9'847 fr. (hors bonus). Selon les explications des locataires, B______ figure sur le contrat uniquement en qualité de garant.

b.a Le contrat a été conclu pour une durée "déterminée de 1 an et 6 mois", du 1er avril 2021 au 30 septembre 2022, "terme fixe".

Le loyer mensuel, charges comprises, a été fixé à 2'396 fr.

Le bail a été établi sur la "formule approuvée par le Conseil d'Etat comme bail type obligatoire" pour les "immeubles LGZD". Il stipule que l'immeuble concerné est soumis à la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD; RS/GE L 1 35) et à son règlement d'application, ainsi qu'au chapitre IV de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL; RS/GE I 4 05). Il précise que l'immeuble est soumis au contrôle de l'Etat selon l'art. 5 LGZD pour une "durée de 10 ans dès l'année 2012".

Le bail énonce par ailleurs les "principales obligations légales et réglementaires applicables à l'immeuble", à savoir les règles sur la "fixation des loyers maximum autorisés par le Conseil d'Etat", ainsi que celles sur la "modification des loyers maximum autorisés par le service compétent" (art. 4.1 et 4.2 du contrat, renvoyant aux art. 5 al. 2 LGZD et 42 LGL).

L'art. 5 du bail - intitulé "conditions générales" - a la teneur suivante :

"Les règles et usages locatifs du canton de Genève applicables aux immeubles soumis à la LGL ou la LGZD, édition 2010, font partie intégrante du présent bail sous réserve des dérogations impératives suivantes :

Art. 4 (Hausse du loyer ou modification du contrat)
Les modifications de loyer peuvent être notifiées au locataire en tout temps, sans tenir compte des échéances contractuelles prévues par le bail, conformément aux [art.] 4.1 et 4.2 ci-dessus.

Art. 11 (Fixation du loyer)
Cette disposition n'est pas applicable, les loyers de l'immeuble étant fixés conformément aux [art.] 4.1. et 4.2 ci-dessus.

Art.16 (Compte annuel et répartition)
Lettre a : les services généraux étant fournis au prix coûtant, le système du forfait est exclu.
"

L'art. 6 du bail stipule encore que "les clauses particulières et les avenants, ou tout autre document ayant pour but de compléter ou de modifier le présent bail à la suite d'un accord entre le bailleur et le locataire, ne doivent en aucun cas être contraires aux dispositions légales et réglementaires, ni aux conditions générales énoncées ci-dessus, qui sont impératives".

b.b Les parties ont paraphé l'édition 2010 des "Règles et usages locatifs du canton de Genève applicables aux immeubles soumis à la LGL ou la LGZD" (ci-après : RULG-LGZD). Les art. 1 et 2 RULG-LGZD - lesquels prévoient que le bail est conclu pour une durée d'une année et reconduit tacitement aux conditions en vigueur pour une année, et ainsi de suite d'année en année, sauf dénonciation par l'une ou l'autre partie donnée trois mois à l'avance - ont été intégralement biffés.

b.c Les art. 7, 65 et 81 des clauses particulières, annexées au bail et paraphées par les parties, attirent l'attention des locataires sur la fin automatique du contrat à l'expiration de la durée convenue, leur obligation de libérer l'objet loué à ce terme et l'impossibilité de se voir accorder une prolongation de bail. L'art. 81 précise que la bailleresse projette de vendre l'objet loué à la fin du bail.

c. Dans un courriel adressé le 15 février 2021 à D______, régie chargée de la gérance de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______ à Genève, A______ a confirmé avoir "bien compris les conditions contractuelles" et s'engager à "quitter le logement au terme du bail".

d. Le 23 mars 2021, les parties ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location du box lié à l'appartement, situé au sous-sol du même immeuble, pour une durée "déterminée de 1 an et 6 mois", du 1er avril 2021 au 30 septembre 2022, "terme fixe".

Le loyer mensuel a été fixé à 170 fr.

Le contrat a été établi sur la "formule approuvée par le Conseil d'Etat comme bail type obligatoire" pour "les immeubles HBM, HLM, HCM, HEM et LGZD". Il précise que l'immeuble est soumis au contrôle de l'Etat pour "une durée de 10 ans dès l'année 2012" et énonce les "principales obligations légales et réglementaires applicables à l'immeuble", soit les règles sur la "fixation des loyers maximum autorisés par le Conseil d'Etat" et celles sur la "modification des loyers maximum autorisés par le service compétent" (art. 4.1 et 4.2 du contrat, renvoyant aux art. 27 et 42 LGL).

Les art. 6 et 23 des clauses particulières, annexées au bail et paraphées par les parties, attirent l'attention des locataires sur la fin automatique du contrat à l'expiration de la durée convenue et leur obligation de libérer l'objet loué à ce terme.

e. Par requête du 2 mai 2022, déclarée non conciliée le 6 septembre 2022 et introduite devant le Tribunal le 5 octobre 2022, A______ et B______ ont conclu à la constatation de la nullité partielle des baux sous l'angle de leur durée déterminée et sollicité du Tribunal qu'il dise que ceux-ci étaient conclus pour une durée initiale d'une année et reconduits tacitement aux conditions en vigueur pour une année, et ainsi de suite d'année en année, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties trois mois à l'avance.

Les locataires ont fait valoir que la clause de durée déterminée contenue dans les baux était illicite, dès lors qu'elle contrevenait aux normes impératives des RULG-LGZD.

La cause a été enregistrée sous C/9529/2022.

f. Par requêtes du 27 juillet 2022, déclarées non conciliées le 18 octobre 2022 et introduites devant le Tribunal le 17 novembre 2022, A______ et B______ ont sollicité une prolongation de bail de quatre ans pour l'appartement et le box, pour le cas où leur action en constatation de droit ne serait pas admise.

Ces causes ont été enregistrées sous C/14785/2022 et C/14786/2022, puis jointes à la cause C/9529/2022 et enregistrées sous ce dernier numéro.

g. Dans ses écritures responsives des 18 novembre et 22 décembre 2022, C______ a conclu au déboutement des locataires de toutes leurs conclusions, faisant valoir que la LGZD contenait des règles impératives quant à la fixation des loyers pour les logements soumis au contrôle de l'Etat, mais aucune disposition impérative au sujet de la durée des baux.

A titre reconventionnel et s'agissant des points encore litigieux en appel, elle a conclu à ce que le Tribunal constate que les baux portant sur l'appartement et le box avaient pris fin à leur terme fixe du 30 septembre 2022, condamne A______ et B______ à évacuer les locaux loués et leur ordonne de lui remettre les clés, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

h. Dans leurs écritures des 22 décembre 2022 et 6 février 2023, A______ et B______ ont conclu au déboutement de C______ de toutes ses conclusions.

Ils ont fait valoir qu'en vertu de l'art. 5 LGZD, les bâtiments d'habitation édifiés en zone de développement - destinés à la location ou à la vente - devaient répondre par le nombre, le type et les loyers (ou les prix) des logements prévus, à un besoin prépondérant d'intérêt général. En d'autres termes, les logements concernés étaient destinés à la classe moyenne, voire à la classe moyenne supérieure, et, dans cette optique, faisaient l'objet d'un contrôle étatique des loyers et des prix de vente appliqués pendant une période de dix ans. En 2013, le Conseil d'Etat avait présenté un projet de loi tendant à modifier la LGZD afin de mettre fin à certaines pratiques spéculatives (PL 11141). Plusieurs types d'abus avaient en effet été constatés dans le cadre d'opérations PPE en zone de développement : certains logements n'étaient pas vendus immédiatement mais gardés en location et vendus au prix du marché à la fin de la période de contrôle. Cette thésaurisation ou ces acquisitions à des fins d'investissements empêchaient les acheteurs de la classe moyenne d'accéder à la propriété de logements. Si cette pratique ne contrevenait pas à la lettre de la loi, elle était manifestement contraire à son esprit et contrevenait aux objectifs fixés à l'art. 5 LGZD. Pour remédier à ce problème, le Conseil d'Etat avait proposé de compléter cet article en imposant que les logements destinés à la vente soient occupés par leurs propriétaires. Dans le cadre de l'adoption du PL 11141, l'art. 5 al. 1 let. b LGZD - entré en vigueur le 19 novembre 2016 - avait dès lors instauré, pour tout nouvel acquéreur d'un logement PPE en zone de développement, l'obligation d'occuper personnellement ce logement durant la période de contrôle, sauf justes motifs.

Selon les locataires, la bailleresse avait ainsi profité d'une faille législative, depuis lors comblée, pour acquérir l'appartement et le box concernés à des conditions favorables, dans le cadre du régime de la LGZD, afin de pouvoir ensuite les revendre, avec bénéfice, à la sortie du contrôle étatique prévu par cette même loi. Dans ce contexte particulier, le fait de conclure des baux de durée déterminée, dont l'échéance coïncidait avec la sortie du contrôle étatique, violait l'esprit de la LGZD, de même que ses dispositions impératives.

i. Entre les mois d'août 2022 et août 2023, A______ a effectué plusieurs demandes de logements, respectivement déposé plusieurs candidatures auprès de diverses régies et organismes de la place.

j. Dans leurs plaidoiries finales des 1er et 5 septembre 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

k. Le 18 septembre 2023, C______ a répliqué spontanément en relevant que certaines des candidatures effectuées par A______ avaient été adressées à des organismes proposant des logements à loyers modérés pour lesquels elle n'était pas éligible vu ses revenus.

l. Les parties se sont encore déterminées spontanément les 22 et 27 septembre 2023, après quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid.1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389; 136 III 196 consid. 1.1).

S'agissant d'une procédure ayant exclusivement trait à une prolongation de bail, la valeur litigieuse correspond au loyer à acquitter, par le locataire, de la date de la décision attaquée jusqu'au terme de la prolongation contestée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_567/2010 du 16 décembre 2010 consid. 1; 4A_280/2008 du 11 novembre 2008 consid. 1).

1.2 En l'espèce, en prenant en compte le loyer brut de l'appartement (2'396 fr.) et celui du box (170 fr.), la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 Selon l'art. 311 CPC, l'appel écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier.

L'appel ayant été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 3 et 311 al. 1 CPC), il est ainsi recevable.

1.4 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

La présente cause est régie par la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. c CPC) et la maxime inquisitoire sociale (art. 247 al. 2 let. a CPC).

2. Les appelants font valoir que la clause de durée déterminée contenue dans leurs baux serait illicite sous l'angle du droit privé. Selon eux, le fait d'utiliser l'institution du bail à terme fixe pour revendre l'appartement litigieux à l'échéance de la période de contrôle étatique serait constitutif d'un abus de droit. Ils se prévalent en outre d'une fraude à la loi, au motif que la conclusion d'un bail à durée déterminée permettrait à la bailleresse de contourner les dispositions impératives sur la protection contre les congés (art. 271 ss CO).

2.1 Aux termes de l'art. 255 CO, le contrat de bail à loyer peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée (al. 1). Il est de durée déterminée lorsqu'il doit prendre fin, sans congé, à l'expiration de la durée convenue (al. 2) Les autres baux sont réputés conclus pour une durée indéterminée (al. 3).

Selon l'art. 266 CO, lorsque les parties sont convenues expressément ou tacitement d'une durée déterminée, le bail prend fin sans congé à l'expiration de la durée convenue (al. 1). Si le bail est reconduit tacitement, il devient un contrat de durée déterminée (al. 2).

Doit être qualifié de contrat à durée indéterminée au sens de l'art. 255 al. 3 CO le bail dit "congéable" conclu initialement pour une certaine durée, mais reconductible si aucune partie ne donne son congé (comportant une clause de tacite reconduction) (ATF 121 III 397 consid. 2b/bb; 114 II 165 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.1; 4C.61/2005 du 27 mai 2005 consid. 3; LACHAT, in CR CO I, 2021, n. 7 ad art. 255 CO). Un tel contrat revêt le caractère de bail à durée indéterminée ab ovo et non pas seulement lorsqu'il est reconduit (arrêt du Tribunal fédéral 4C.61/2005 du 27 mai 2005 consid. 3).

Le bail à durée déterminée se distingue du bail à durée indéterminée en particulier sur les points suivants : prenant fin sans congé, il sort du champ d'application des règles de protection contre les congés abusifs, qui sont de nature impérative (cf. art. 273c CO). Dans le bail à terme fixe, le loyer ne peut pas être modifié en cours de contrat. En raison du principe de fidélité contractuelle, la loi autorise à augmenter ou diminuer le loyer uniquement pour le prochain terme de résiliation, qui est en l'occurrence un terme extinctif; si les parties décident de conclure un nouveau contrat, le bailleur pourra augmenter le loyer, qui sera susceptible de contestation au titre de loyer initial (art. 270 CO). Enfin, le délai pour requérir une prolongation de bail varie selon que le contrat est de durée déterminée ou indéterminée (art. 273 al. 2 CO) (ATF 139 III 145 consid. 4.2.3 et les références citées).

2.2 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Cette norme permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes, qui sont déterminantes (ATF 143 III 279 consid. 3.1; 143 III 666 consid. 4.2). L'abus de droit peut consister dans l'attitude contradictoire d'une partie. Lorsqu'une partie adopte une certaine position, elle ne peut pas ensuite soutenir la position contraire, car cela revient à tromper l'attente fondée qu'elle a créée chez sa partie adverse; si elle le fait, c'est un venire contra factum proprium, qui constitue un abus de droit. La prétention de cette partie ne mérite alors pas la protection du droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_590/2016 du 26 janvier 201 consid. 2.1 et les références citées). Les autres cas typiques d'abus de droit sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence et l'exercice d'un droit sans ménagement. L'abus de droit doit être admis restrictivement, comme l'exprime l'adjectif "manifeste" utilisé dans le texte légal (ATF 143 III 279 consid. 3.1; 143 III 666 consid. 4.2; 140 III 583 consid. 3.2.4).

Le bail est un contrat qui n'oblige les parties que jusqu'à l'expiration de la période convenue; au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacun a la faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant. La résiliation du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (art. 266a al. 1 CO), et ce même si elle entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1). Un congé donné par le bailleur pour des motifs économiques, c'est-à-dire en vue d'en tirer un profit, est en principe valable, l'ordre juridique suisse permettant à chacune des parties, dans les limites fixées par la loi, d'optimaliser sa situation économique (ATF 136 III 190 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_448/2021 du 11 avril 2022 consid. 3.1; 4A_69/2021 du 21 septembre 2021 consid. 4.1.1 et la référence citée).

Dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral a jugé que la résiliation ordinaire donnée par le bailleur propriétaire en vue de vendre son bien à de meilleures conditions sans occupant (Leerverkaufskündigung) ne constituait pas un abus de droit, la poursuite d'un but économique n'ayant, en règle générale, rien d'illégitime ou d'abusif (arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 4.4 et les arrêts cités). S'agissant d'une société active dans le domaine de l'achat et de la vente de biens immobiliers, le Tribunal fédéral a considéré que la résiliation signifiée par celle-ci à la locataire d'un appartement de 5 pièces pour vendre celui-ci libre de tout occupant à des acquéreurs, qui généralement souhaitent y habiter, n'était pas abusive, dès lors qu'il avait été constaté que la locataire disposait d'un revenu confortable et était prête à déménager, que la bailleresse devait vendre un ou deux objets par année pour fonctionner normalement et qu'il était évident que la vente d'un appartement isolé à une personne qui souhaite l'habiter elle-même est plus facile si l'appartement est libre de tout occupant (arrêt du Tribunal fédéral 4A_484/2012 du 28 février 2013).

2.3 Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'un justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat (norme éludée) par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (norme éludante). Pour décider s'il y a fraude à la loi, il faut interpréter la norme d'interdiction en recherchant si, selon son sens et son but, elle s'applique aussi à l'opération litigieuse, ou si cette dernière est exclue du champ d'application de la norme d'interdiction et est ainsi valable. Il convient d'examiner si la norme éludée entend uniquement prohiber une certaine manière de procéder, ou si elle veut interdire un résultat en soi. Dans cette seconde hypothèse, la norme éludée doit être appliquée nonobstant la construction destinée à la contourner. Comme précisé à l'art. 2 al. 2 CC, un abus de droit doit, pour être sanctionné, apparaître manifeste. Il n'est pas aisé de tracer la frontière entre le choix d'une construction juridique offerte par la loi et l'abus de cette liberté, constitutif d'une fraude à la loi. Répondre à cette question implique une appréciation au cas par cas, en fonction des circonstances du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 2C_751/2014 du 23 février 2015 consid. 4.1 et les arrêts cités).

Dans un système de baux à durée déterminée, chaque partie est entièrement libre de conclure ou non un nouveau contrat à l'expiration du précédent, sans avoir à se justifier. Sur le principe, il est licite d'enchaîner des baux de durée déterminée, sous réserve d'une fraude à la loi. Commet une telle fraude à la loi le bailleur qui, en soi, a l'intention de s'engager pour une durée indéfinie, mais opte pour un système de baux à durée déterminée aux seules fins de mettre en échec des règles impératives conférant des droits aux locataires, telles les règles contre les loyers abusifs ou contre les congés abusifs (ATF 139 III 145 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_48/2018 du 18 mai 2018 consid. 6).

2.4 En l'occurrence, les appelants ne contestent pas, en soi, s'être entendus avec l'intimée sur le fait de conclure des baux à durée déterminée pour l'appartement et le box, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se pencher sur une éventuelle question d'interprétation des contrats à ce sujet. Reste à examiner si, compte tenu des circonstances de l'espèce, la conclusion de baux à terme fixe serait constitutive d'un abus de droit, respectivement d'une fraude à la loi.

L'intimée motive son choix de conclure un bail à durée déterminée par sa volonté de revendre les locaux litigieux, avec un bénéfice, à la sortie du régime LGZD. Un tel but, de nature purement économique, n'est - selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral - pas abusif. Il a par ailleurs été clairement exprimé par l'intimée, notamment à l'art. 81 des clauses particulières du bail. Les locataires en ont été expressément avisés en amont de la conclusion des baux, comme en atteste le courriel de la locataire du 15 février 2021, par lequel celle-ci a confirmé à la régie son intérêt pour l'appartement et être consciente du caractère déterminé de la durée des rapports contractuels. Dans ces conditions, l'on ne saurait reprocher à l'intimée d'avoir exercé son droit sans ménagement, respectivement d'avoir adopté une attitude contradictoire à l'égard des appelants, ni voir dans l'utilisation du bail à terme fixe un abus de droit de sa part.

C'est également en vain que les appelants se prévalent d'une fraude à la loi. En effet, la fraude à la loi suppose l'utilisation d'une construction juridique destinée à éluder une réglementation en vigueur. Or, le bail de durée déterminée prenant fin sans résiliation, l'application des art. 271 et 271a CO est par définition exclue. Le défaut d'application de ces dispositions ne résulte donc pas d'un contournement de la loi que l'intimée aurait orchestrée en vue de se soustraire à ses obligations, mais de la systématique légale elle-même. L'intimée a fait usage d'une faculté expressément réservée par le législateur, sans chercher à dissimuler ou déguiser ses intentions à ce sujet. En outre, comme il sera vu ci-après, ce procédé ne contrevient pas à des dispositions impératives de droit public cantonal (cf. consid. 3). Autre aurait été la situation si l'intimée avait, en soi, eu l'intention de louer les locaux concernés pour une durée indéfinie, mais opté pour une succession de baux de durée déterminée dans le seul but de mettre en échec les règles impératives contre les congés abusifs.

Infondé, ce premier grief sera par conséquent rejeté.

3.             Dans un second grief, les appelants soutiennent que les clauses de durée déterminée des baux de l'appartement et du box seraient nulles, car contraires à des dispositions impératives de droit public cantonal.

3.1 A titre liminaire, se pose la question de la compétence de la Cour de céans pour juger de l'éventuelle violation de normes de droit public.

Dans un arrêt récent, la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la Chambre administrative) a jugé que l'Office cantonal du logement et de la planification foncière (OCLPF) était incompétent pour statuer sur la licéité d'un bail de durée déterminée portant sur un appartement soumis au régime de la LGL, soit un logement subventionné au sens de l'art. 253b al. 3 CO. En effet, la question à résoudre ne concernait pas le montant du loyer, mais la durée des rapports contractuels. Or cette question, réglée à l'art. 255 CO, relevait du contrôle exercé par les juridictions ordinaires en matière de bail à loyer (soit, à Genève, par le Tribunal des baux et loyers en première instance). Par ailleurs, la juridiction civile était parfaitement habilitée, à titre préjudiciel, à traiter d'une question de droit public. L'inverse aurait pour effet de conduire à des réponses contradictoires de l'OCLPF et du Tribunal des baux et loyers sur ce point, ce que le législateur fédéral avait entendu prohiber (ATA/194/2022 du 22 février 2022 consid. 6 et 7).

3.2 En l'espèce et conformément à la jurisprudence précitée, la compétence de la Cour de céans pour trancher de la licéité des clauses de durée déterminée sous l'angle des normes de droit public cantonal invoquées par les appelants doit être admise. Privilégier la solution inverse reviendrait à dire qu'aucune juridiction n'est compétente pour se saisir de la question, privant ainsi les justiciables de la possibilité de faire contrôler la licéité de telles clauses.

3.3 Les appelants plaident que la conclusion de baux à terme fixe contrevient aux art. 1 et 2 RULG-LGZD, auxquels le "bail type obligatoire" établi par le Conseil d'Etat renverrait de manière impérative. En imposant la conclusion de baux de durée indéterminée, les art. 1 et 2 RULG-LGZD avaient pour but de s'assurer que les mesures d'encouragement prises par les pouvoirs publics profiteraient à la classe moyenne, à laquelle les logements soumis à la LGZD étaient destinés, et ne seraient pas détournées à l'avantage des propriétaires et des promoteurs immobiliers. Dès lors qu'elles permettaient d'assurer l'efficacité du contrôle étatique des loyers, au sens de l'art. 253b CO, ces règles de droit public cantonal étaient, selon eux, compatibles avec le droit fédéral.

De son côté, l'intimée fait valoir que, sous réserve des règles relatives à la fixation des loyers soumis au contrôle d'une autorité, les cantons ne sauraient adopter des règles de droit public dérogeant aux art. 253 ss CO et plus particulièrement à l'art. 255 CO. En outre, faute de base légale, le Conseil d'Etat ne serait quoi qu'il en soit pas habilité, par l'adoption d'un contrat de bail type, à interdire la conclusion de baux de durée déterminée pour les immeubles soumis à la LGZD.

3.3.1 La LGL définit le rôle de l'Etat de Genève en matière de logement, qui consiste à encourager la construction de logements d'utilité publique et s'efforcer d'améliorer la qualité de l'habitat dans les limites et selon les critères fixés par la loi (art. 1 al. 1 LGL). L'Etat instaure un contrôle des loyers sur tous les logements ou locaux construits par ou avec son aide (art. 1 al. 3 LGL).

Outre la LGL, la politique genevoise du logement est fondée sur la LGZD, conçue comme un instrument de lutte contre la pénurie de logements et la spéculation immobilière. Elle repose sur la considération que l'application des normes d'une zone de développement, au lieu de celles de la zone primaire à laquelle la zone de développement se superpose, produit une plus-value devant aussi profiter à la collectivité publique, autrement dit en échange de laquelle le promoteur-constructeur et, partant, le propriétaire des parcelles dites "déclassées" doivent concéder des sacrifices, notamment "sous la forme de création de logements à des conditions raisonnables". La LGZD fixe ainsi les conditions applicables à l'aménagement et l'occupation rationnelle des zones de développement affectées à l'habitat, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire (art. 1 LGZD) (ACST/13/2022 du 14 octobre 2022 consid. 5).

En zone de développement, les mesures de contrôle de l'Etat sur les prix de vente ou les loyers ou les autres conditions posées à l'acquisition d'un appartement apparaissent comme une contrepartie à l'intervention étatique : celle-ci a en effet permis, par le déclassement et l'application de règles spécifiques à ce type de zone, une plus-value foncière, une densification des surfaces et une construction à un coût modéré. Dans ce cas, l'Etat peut dès lors poser certaines conditions propres à la réalisation d'un intérêt public déterminé (arrêts du Tribunal fédéral 1C_529/2015 du 5 avril 2016; 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4.4.1).

L'autorisation de construire en zone de développement est subordonnée à la condition que les bâtiments d'habitation locatifs (ou destinés à la vente) répondent par le nombre, le type et les loyers (ou les prix) des logements à un besoin prépondérant d'intérêt général (art. 5 al. 1 let. a et b LGZD). Ces prix et loyers sont soumis au contrôle de l'Etat pendant une durée de dix ans dès la date d'entrée moyenne dans les logements ou locaux selon les modalités prévues au chapitre VI (art. 42 à 48) de la LGL (art. 5 al. 3 LGZD). Aussi longtemps que les logements sont au bénéfice de la LGL, le propriétaire ne peut les louer à un loyer supérieur à celui autorisé et le service compétent, soit l'OCLPF, statue sur les demandes de modification de l'état locatif agréé présentées par le propriétaire et autorise ou refuse la demande (art. 42 al. 1, 2 et 3 LGL). Aux termes de l'art. 45 LGL, "les locataires de logements ou de locaux soumis à la présente loi bénéficient, à l'exception des règles relatives à la fixation des loyers dans les logements, de la protection instituée par le titre huitième du code des obligations (bail à loyer)".

En application de l'art. 47 LGL, le Conseil d'Etat, après consultation des milieux intéressés, a établi un "bail type obligatoire" pour les logements et les locaux soumis au contrôle des loyers (ci-après : bail LGZD; annexe 6 du règlement d'exécution de la LGL). Le bail LGZD prévoit notamment (i) que le Conseil d'Etat fixe les loyers que le bailleur est autorisé à percevoir conformément à l'art. 5 LGZD (art. 4.1 bail LGZD), (ii) que les modifications de loyer fixées par le service compétent selon l'art. 42 LGL doivent être notifiées au locataire sur formulaire officiel, moyennant un préavis de 30 jours (art. 4.2 bail LGZD), et (iii) que les RULG-LGZD, édition 2010, font partie intégrante du bail, sous réserve des dérogations impératives aux art. 4, 11 et 16 RULG-LGZD (art. 5 bail LGZD).

3.3.2 Selon l'art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en œuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 137 I 167 consid. 3.4).

En principe, la réglementation de droit civil est exclusive et les cantons ne peuvent adopter des règles de droit privé dans les domaines régis par le droit fédéral que si ce dernier leur en réserve la possibilité (art. 5 al. 1 CC). En matière de bail à loyer, la réglementation fédérale est exhaustive, sous réserve de la compétence laissée aux cantons d'édicter certaines règles de droit privé complémentaires (cf. art. 253b al. 3, 257e al. 4 et 270 al. 2 CO). A défaut d'une telle réserve, il est interdit aux cantons d'intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail. Une seule et même matière peut toutefois être saisie à la fois par des règles de droit privé fédéral et par des règles de droit public cantonal. Dans les domaines régis en principe par le droit civil fédéral, les cantons conservent la compétence d'édicter des règles de droit public en vertu de l'art. 6 CC, à condition que le législateur fédéral n'ait pas entendu régler une matière de façon exhaustive, que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_500/2013 du 25 septembre 2014 et les arrêts cités).

3.3.3 Selon l'art. 253b al. 3 CO, les dispositions relatives à la contestation des loyers abusifs ne s'appliquent pas aux locaux d'habitation en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis au contrôle d'une autorité. L'art. 2 al. 2 OBLF précise que seuls les art. 253 à 268b, 269, 269d al. 3, 270e et 271 à 273c CO sont applicables aux appartements en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis au contrôle d'une autorité.

Ces dispositions délimitent le champ d'application des règles du code des obligations relatives au bail à loyer (titre huitième du CO). Elles prévoient ainsi que tous les mécanismes permettant au juge civil de se prononcer sur le loyer admissible sont écartés, à savoir la contestation du loyer initial (art. 270 CO), la contestation d'une augmentation de loyer (art. 270b CO), la demande de réduction de loyer (art. 270a CO) et la contestation du loyer indexé (art. 270c CO). L'art. 253b al. 3 CO trace aussi une frontière entre le droit privé et le droit public. Dans le cadre de sa politique sociale du logement, la collectivité publique peut accorder une aide financière à des propriétaires dans le but d'abaisser le montant des loyers et de répondre ainsi au besoin d'une partie de la population. Pour atteindre ce but, il est nécessaire que la collectivité publique ait la faculté d'exercer un contrôle sur la fixation des loyers (arrêts du Tribunal fédéral 1C_500/2013 du 25 septembre 2014 consid. 2.3, SJ 2015 I 205; 4A_267/2009 du 7 août 2009 consid. 2.2).

Ainsi, la fixation et l'examen des loyers des logements subventionnés obéissent à des règles particulières découlant de la législation fédérale (par ex. la loi fédérale encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements - LCAP) ou cantonale. En contrepartie d'aides prodiguées par la collectivité, ces lois instaurent un contrôle des loyers des immeubles concernés par une autorité administrative. Dès lors, afin d'empêcher un double contrôle des loyers et d'éviter le prononcé de décisions contradictoires, l'art. 253b al. 3 CO, norme de compétence, exclut de la cognition des juridictions civiles ordinaires tous les litiges relatifs aux loyers des logements subventionnés (LACHAT/BOHNET, in CR CO I, 2021, n. 6 ad art. 253b CO; ATF 124 III 463 consid. 4b/dd).

3.3.4 Dans un arrêt du 30 novembre 2021, la Chambre administrative a retenu que l'OCLPF n'était pas compétent pour statuer sur la licéité de la durée déterminée d'un bail portant sur un logement soumis à la LGZD, aucune disposition légale ne fondant une telle compétence. Elle a en particulier relevé ce qui suit : "le fait que le bail soit prévu, en l'espèce, pour une durée déterminée, laquelle dépasse la période du contrôle étatique, n'a aucune incidence sur les loyers de la période de contrôle, lesquels sont les seuls objets du contrôle de l'OCLPF […]. En conséquence, c'est à juste titre que le [Tribunal administratif de première instance] a confirmé la décision de l'OCLPF qui s'est déclaré incompétent pour examiner la conformité au droit de la durée déterminée du contrat de bail en l'absence de base légale" (ATA/1312/2021 consid. 5).

Dans l'ATA/194/2022 du 22 février 2022 déjà cité, la Chambre administrative a par ailleurs considéré que la question de la durée d'un bail portant sur un logement subventionné au sens de l'art. 253b CO était réglée par l'art. 255 CO et relevait donc de la compétence exclusive des juridictions civiles ordinaires (cf. supra consid. 3.1).

3.3.5 Le principe de la légalité, consacré à l'art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Il s'agit d'un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l'égalité de traitement, de l'interdiction de l'arbitraire ou la violation d'un droit fondamental spécial (ATF 146 II 56 consid. 6.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.1).

Le principe de la séparation des pouvoirs impose en particulier le respect des compétences établies par la constitution et vise à empêcher un organe de l'Etat d'empiéter sur les compétences d'un autre organe. Il interdit ainsi au pouvoir exécutif d'édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 2C_38/2021 du 3 mars 2021 consid. 3.2.1).

A Genève, le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif (art. 80 Cst-GE) et adopte les lois (art. 91 al. 1 Cst-GE), tandis que le Conseil d'Etat, détenteur du pouvoir exécutif (art. 101 Cst-GE), joue un rôle important dans la phase préparatoire de la procédure législative (art. 109 al. 1 à 3 et 5 Cst-GE), promulgue les lois et est chargé de leur exécution et d'adopter à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE).

Le Conseil d'Etat peut ainsi adopter des normes d'exécution, soit des normes secondaires, sans qu'une clause spécifique dans la loi soit nécessaire. Les normes secondaires ne débordent pas du cadre de la loi; elles peuvent établir des règles complémentaires de procédure, préciser et détailler le sens et le contenu de certaines dispositions de la loi, éventuellement combler de véritables lacunes. Elles ne peuvent en revanche pas, à moins d'une délégation expresse, poser des règles nouvelles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles sont conformes au but de la loi (ATF 147 V 328 consid. 4.2; 139 II 460 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.2). Pour que le Conseil d'Etat puisse édicter des normes primaires, il faut qu'une clause de délégation législative l'y habilite, pour autant que la constitution cantonale ne l'interdise pas dans le domaine considéré et que la délégation figure dans une loi au sens formel, se limite à une matière déterminée et indique le contenu essentiel de la réglementation si elle touche les droits et obligations des particuliers (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1; ACST/17/2023 du 26 avril 2023 consid. 5.2.2 et l'arrêt cité).

Une norme primaire est une règle dont on ne trouve aucune trace dans la loi de base, qui étend ou restreint le champ d'application de cette loi, confère aux particuliers des droits ou leur impose des obligations dont la loi ne fait pas mention (ATF 139 II 460 consid. 2.2; 136 I 29 consid. 3.3).

3.4 En l'espèce, le bail type LGZD, dont les parties ont fait usage, renvoie aux RULG-LGZD, lesquels stipulent notamment que le contrat de bail est conclu pour une durée d'une année et reconduit tacitement d'année en année, sauf dénonciation donnée trois mois à l'avance (art. 1 et 2 RULG-LGZD).

Les dispositions contenues dans le bail type LGZD ont été édictées par le pouvoir exécutif. L'art. 47 LGL, applicable par renvoi de l'art. 5 al. 3 LGZD, dispose en effet que "le Conseil d'Etat, après consultation des milieux intéressés, établit un bail type obligatoire pour les logements et les locaux soumis au contrôle des loyers. A ce bail est jointe une notice donnant toutes indications utiles sur le régime auquel est soumis l'immeuble abritant les locaux loués".

Or, en imposant aux administrés de conclure des baux de durée indéterminée pour tous les immeubles soumis au régime LGZD, le Conseil d'Etat ne se contente pas de préciser la loi précitée ou d'établir des règles complémentaires à cette dernière. Il impose une nouvelle obligation qui, par essence, prive les administrés d'une possibilité que leur confère le droit privé, soit l'art. 255 CO, lequel laisse le choix aux cocontractants de conclure un bail de durée déterminée ou indéterminée. Les art. 1 et 2 RULG-LGZD restreignent ainsi les droits des parties au bail de façon significative. Lorsqu'elles sont édictées par le pouvoir exécutif, de telles normes doivent nécessairement faire l'objet de précisions du pouvoir législatif, lequel est tenu d'indiquer le contenu essentiel de la réglementation qu'il entend déléguer au Conseil d'Etat. Force est de constater que l'art. 47 LGL ne satisfait pas à cette exigence, dès lors qu'il se limite à instruire le Conseil d'Etat d'établir un bail type obligatoire pour les "logements soumis au contrôle des loyers", sans autre forme de précision. Il en va de même de l'art. 5 al. 3 LGZD, qui instaure un contrôle étatique "des prix et des loyers" pendant une durée de dix ans, mais ne traite aucunement de la question de la durée du bail ou de son renouvellement.

Ne bénéficiant pas d'une délégation législative valable à ce propos - si tant est que les cantons soient autorisés à légiférer sur ce point, ce qui paraît douteux au vu des principes rappelés plus haut (cf. consid. 3.3.2 à 3.3.4) -, le Conseil d'Etat n'est pas habilité à instaurer, pour les parties à un contrat de bail portant sur un logement soumis au contrôle des loyers selon la LGZD, l'obligation de se lier par un contrat de durée indéterminée. En conséquence, les art. 1 et 2 RULG-LGZD revêtent uniquement un caractère supplétif et non impératif.

C'est dès lors à raison que le Tribunal a considéré que les clauses contractuelles stipulant une durée déterminée pour les baux de l'appartement et du box concernés n'étaient pas illicites. Il s'ensuit que les parties se sont valablement liées par des contrats de durée déterminée - au sens des art. 255 al. 2 et 266 al. 1 CO - lesquels sont arrivés à échéance le 30 septembre 2022.

Ce second grief tombant également à faux, les appelants seront déboutés de leurs conclusions en constatation de droit.

4. Les appelants soutiennent que le Tribunal aurait versé dans l'arbitraire en refusant de leur octroyer une prolongation de bail.

4.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail de durée déterminée ou indéterminée lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. Pour trancher la question, le juge doit procéder à une pesée des intérêts en présence, en prenant en considération notamment les critères énumérés à l'al. 2 de cette disposition. Lorsqu'il s'agit d'un bail d'habitation, la durée maximale de la prolongation est de quatre ans; dans cette limite, le juge peut accorder une ou deux prolongations (art. 272b al. 1 CO).

Lorsqu'il doit se prononcer sur une prolongation de bail, le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but de la prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement (ATF 142 III 336 consid. 5.3.2; 125 III 226 consid. 4b) ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 142 III 336 consid. 5.3.1; 116 II 446 consid. 3b). Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que les circonstances de la conclusion du bail et le contenu du contrat, la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, le besoin du bailleur ou ses proches parents ou alliés, de même que la situation sur le marché locatif local (art. 272 al. 2 CO; ATF 142 III 336 consid. 5.3.2; 125 III 226 consid. 4b). Il peut tenir compte du délai qui s'est écoulé entre le moment de la résiliation et celui où elle devait prendre effet, ainsi que du fait que le locataire n'a pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver une solution de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 4A_459/2020 du 15 décembre 2020 consid. 4.1).

4.2 En l'espèce, les locataires ont été informés lors de la conclusion des baux que les rapports contractuels prendraient fin le 30 septembre 2022, de sorte qu'ils étaient en mesure de chercher un logement de substitution bien avant cette échéance. Cela étant, s'ils n'ont entrepris des recherches que peu de temps avant la fin des baux, les locataires ne sont pas restés inactifs. Il est en effet établi que l'appelante, qui occupe l'appartement loué avec son fils, a envoyé de nombreux dossiers de candidatures auprès de diverses régies de la place.

Il convient en outre de prendre en considération, dans la pesée des intérêts en présence, le fait que l'intimée - issue d'une famille active à Genève dans la gérance d'immeubles et directrice d'une société ayant pour but l'achat, la vente, la construction, l'exploitation, la location et la mise en valeur de propriétés immobilières - n'a pas besoin d'occuper personnellement les locaux loués ni de les mettre à disposition de sa famille ou de ses proches. Son intérêt à récupérer l'usage de l'appartement et du box est purement économique. Mis en balance avec l'intérêt de la locataire à pouvoir bénéficier d'une période supplémentaire pour trouver une solution de relogement adaptée pour elle-même et son fils, celui de l'intimée n'apparaît ni prépondérant ni urgent, d'autant moins au regard de la pénurie notoire de logements sévissant actuellement à Genève.

Dans ces circonstances, il apparaît équitable d'octroyer aux locataires une unique prolongation de bail de deux ans et trois mois, pour l'appartement et le box, échéant au 31 décembre 2024.

Le jugement attaqué sera par conséquent réformé dans ce sens.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 19 février 2024 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/52/2024 rendu le 18 janvier 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/9529/2022.

Au fond :

Annule les chiffres 3 et 4 du dispositif de ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau :

Accorde à A______ et B______ une unique prolongation de bail de deux ans et trois mois, pour l'appartement et le box, échéant au 31 décembre 2024.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Cosima TRABICHET-CASTAN et Madame Sibel UZUN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.