Skip to main content

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/1516/2024

ACJC/805/2024 du 20.06.2024 sur JTBL/305/2024 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1516/2024 ACJC/805/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 20 JUIN 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, et B______ SA, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 mars 2024, représentés par [la régie immobilière] C______,

et

1) Monsieur D______, domicilié ______, intimé,

2) Madame E______ et Monsieur F______, domiciliés ______, autres intimés.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/305/2024 du 14 mars 2024, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré irrecevable la requête en évacuation formée le 18 janvier 2024 par A______ et B______ SA à l'encontre de D______, F______ et E______ s'agissant de l'appartement de 3 pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 3).

En substance, le Tribunal a retenu que l'appartement en cause, dont D______ était locataire, avait été sous-loué à F______ et E______. Le sous-loyer, de 1'700 fr. par mois, ne semblait pas abusif au regard du loyer principal de 1'605 fr. Des investigations, incompatibles avec la procédure sommaire, devaient être effectuées pour déterminer si les conditions d'une résiliation fondée sur l'art. 257f CO étaient réunies. Par conséquent, l'état de fait ne pouvait pas être établi sans peine et la situation juridique n'était pas clair. La requête devait dès lors être déclarée irrecevable.

B. a. Par acte expédié le 28 mars 2024 à la Cour de justice, A______ et B______ SA ont formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation. Ils ont conclu à ce que la Cour fasse droit à leur requête d'évacuation, en exécution de celle-ci et en paiement.

Ils ont allégué de nouveaux faits et ont produit une nouvelle pièce (n. 27).

b. D______ n'a pas déposé de réponse dans le délai fixé à cet effet.

c. F______ et E______ ont conclu, par déterminations du 15 avril 2024, à la confirmation du jugement entrepris.

d. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 17 mai 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Le 15 janvier 2021, A______ et B______ SA ont conclu avec D______ un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3 pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, à Genève, à terme fixe au 31 janvier 2026, ayant comme dépendance la cave n°29.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'605 fr. par mois.

D______ a fourni des sûretés sous forme de cautionnement bloqué de 4'815 fr. auprès de [la société de cautionnement] G______ SA.

b. Par courrier du 18 avril 2023, la régie en charge de la gestion de l'immeuble a informé D______ que d'après les renseignements en sa possession, il n'occupait pas l'appartement. Il était par conséquent mis en demeure de réintégrer le logement dans les trente jours, respectivement, si le sous-locataire refusait de quitter les lieux, de prendre les mesures nécessaires à son encontre en adressant à la régie copie de ses correspondances y relatives, ou d'adresser à la régie, dans les trente jours, sa résiliation de bail pour le terme du 31 janvier 2026 ou pour une date antérieure.

c. Par courrier du 14 mai 2023, D______ a répondu à la régie qu'il occupait son appartement et ne le sous-louait pas. Une amie vivait avec lui de temps en temps.

d. Le 26 juillet 2023, la régie a adressé à D______ une nouvelle mise en demeure. Les renseignements en sa possession ne corroboraient pas les dires du précité; la régie avait découvert qu'il était officiellement domicilié au chemin 2______ no. ______, immeuble dans lequel il était propriétaire d'un appartement de 7 pièces depuis avril 2001. A l'adresse de l'appartement loué, son nom n'apparaissait pas sur la porte et deux autres noms figuraient sur la boîte aux lettres et la porte palière, soit F______ et E______. F______ était officiellement domicilié à l'adresse du bail. D______ n'avait plus été vu dans l'immeuble concerné depuis plusieurs mois. Il était en outre mis en demeure de communiquer à la régie, dans les trente jours précités, les informations inhérentes à la sous-location.

e. Par courrier du 14 septembre 2023, D______ a réaffirmé occuper l'appartement et aider son amie, E______.

f. Le 14 septembre 2023, A______ et B______ SA ont résilié le bail de manière anticipée (art. 257f CO), pour le 31 octobre 2023, aucune suite n'ayant été donnée à leur mise en demeure du 26 juillet 2023.

g. Le 21 septembre 2023, D______ a contesté ledit congé par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (C/3______/2023).

h. D______ n'ayant pas comparu lors de l'audience de conciliation du 14 décembre 2023, la cause C/3______/2023 a été rayée du rôle.

i. Par requête en protection de cas clair déposée le 18 janvier 2024, A______ et B______ SA ont introduit devant le Tribunal une action en évacuation du locataire, D______, et des sous-locataires, F______ et E______, assortie de mesures d'exécution directes du jugement d'évacuation.

Ils ont également conclu à la condamnation de D______, F______ et E______ au paiement de 1'605 fr. à titre d'indemnité pour occupation illicite et provision pour frais accessoires pour le mois de janvier 2024 et de 1'605 fr. par mois jusqu'au prononcé du jugement, avec intérêts à 5% l'an dès l'échéance moyenne, ainsi qu'à la libération des sûretés à concurrence du montant dû le jour de la rédaction du jugement, le tout sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.

j. Lors de l'audience du Tribunal du 14 mars 2024, A______ et B______ SA ont persisté dans leurs conclusions. Elle a fait état d'un arriéré de loyer de 1'840 fr. 40, décompte à l'appui.

D______, bien que valablement convoqué, n'était ni présent ni représenté.

E______, pour sa part, accompagnée de son fils F______, a déclaré sous-louer l'appartement à D______ pour un montant de 1'700 fr. par mois, qu'elle lui payait directement, quittances à l'appui. Elle vivait dans le logement avec son fils et souhaitait y rester. D______ ne les avait pas informés de la résiliation du bail. Le loyer du mois de mars 2024 avait été réglé en mains de D______.

F______ a exposé avoir 21 ans, ne pas avoir de revenus et suivre des cours à l'école H______.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid.1).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 = JdT 2019 II 235; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

1.2 En l'occurrence, l'action tend à l'évacuation des intimés de l'appartement litigieux et la question de l'efficacité de la résiliation se pose. La valeur litigieuse est dès lors supérieure à 10'000 fr. (1'605 fr. x 12 x 3 ans), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

Interjeté selon la forme et dans le délai prescrits, l'appel est recevable (art. 311 al. 1 CPC).

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Les appelants ont formé de nouveaux allégués et produit une pièce nouvelle.

2.1 Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le requérant en cas clair qui a succombé en première instance et a vu sa requête déclarée irrecevable ne peut pas produire en appel des pièces nouvelles, même s'il ne lui était pas possible de les produire devant le premier juge. Il lui est par contre loisible d'introduire une nouvelle fois sa requête en cas clair devant le premier juge (arrêts du Tribunal fédéral 4A_470/2022 du 4 janvier 2023 consid. 4.1; 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5). 

2.2 Il s'ensuit que les faits nouvellement allégués et la pièce nouvellement produite sont irrecevables. Ils ne sont en tout état pas déterminants pour l'issue du litige.

2.3 Les appelants soutiennent que des faits allégués lors de l'audience du Tribunal du 14 mars 2024 ne figureraient pas dans le procès-verbal de l'audience. Les appelants n'ont toutefois pas allégué, pièces à l'appui, avoir demandé la rectification du procès-verbal au Tribunal. Ledit procès-verbal sera donc tenu pour complet.

3. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir déclaré leur requête irrecevable.

3.1 La procédure de protection dans les cas clairs prévue à l'art. 257 CPC permet d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation en fait et en droit n'est pas équivoque (ATF
138 III 620 consid. 5.1.1 avec référence au Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6959 ad art. 253; arrêts du Tribunal fédéral 4A_195/2023 du 24 juillet 2023 consid. 3.2; 4A_385/2022 du 14 février 2023 consid. 3.2, 4A_282/2015 du 27 juillet 2015 consid. 2.1).

3.1.1 Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou peut être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. Si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC) et la déclare irrecevable. Il est exclu que la procédure aboutisse au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5.2.3 et 5.3).

3.1.2 La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

3.1.2.1 Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. Il ne s'agit pas d'une preuve facilitée: le demandeur doit apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur soulève des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig) qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1. et les arrêts cités).

3.1.2.2 Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite un certain pouvoir d'appréciation du juge ou si celui-ci doit rendre une décision fondée sur l'équité qui intègre les circonstances concrètes (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_195/2023 précité consid. 3.2.2.2; 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

3.1.3 Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont réalisées, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire. Si elles ne sont pas remplies, le juge doit prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 144 III 462 consid. 3.1 et les arrêts cités).

3.2 Le Tribunal de première instance est compétent pour tous les actes de la juridiction civile contentieuse ou non contentieuse que la loi n'attribue pas à une autre autorité judiciaire ou administrative (art. 86 LOJ).

Le Tribunal des baux et loyers connaît des litiges relatifs au contrat de bail à loyer (art. 253 à 273c CO) et au contrat de bail à ferme non agricole (art. 275 à 304 CO) portant sur une chose immobilière (art. 89 al. 1 let. a LOJ).

Depuis l'arrêt de la Chambre des baux et loyers du 6 mai 2019 (ACJC/646/2019), la compétence ratione materiae pour connaître de tout litige relatif aux baux et loyers opposant un bailleur principal à un sous-locataire (restitution des locaux, évacuation, exécution de l'évacuation, demande en paiement d'une indemnité pour occupation illicite, etc.) revient à la juridiction des baux et loyers et non à celle de la juridiction ordinaire (Tribunal de première instance). Cette compétence ne concerne cependant que les rapports entre un bailleur principal et un sous-locataire, à l'exclusion d'un squatteur, d'un occupant non titulaire d'un contrat de bail de sous-location ou d'un occupant à titre gratuit titulaire d'un contrat de prêt à usage, cas où la compétence de la juridiction ordinaire demeure conformément à l'art. 86 LOJ (ACJC/646/2019 précité consid. 2.1.7).

3.3 Le propriétaire d'une chose peut la revendiquer contre quiconque la détient sans droit (art. 641 al. 2 CC).

3.4.1 Le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au locataire moyennant un loyer (art. 253 CO).

Le locataire est tenu d'user de la chose louée avec le soin nécessaire et d'avoir pour les personnes habitant la maison et les voisins les égards qui leur sont dus (art. 257f al. 1 et 2 CO).

L'art. 257f al. 3 CO sanctionne le non-respect de ce devoir et prévoit que lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois.

De plus, nonobstant l'avertissement écrit, le locataire doit avoir continué ou recommencé à enfreindre son devoir de diligence, étant précisé que la nouvelle violation doit être en relation avec celle mentionnée dans l'avertissement écrit, et le maintien du contrat doit être insupportable pour le bailleur ou pour les autres habitants de l'immeuble (Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 889).

C'est au moment où la résiliation est donnée qu'il faut se replacer pour juger de sa validité (ATF 140 III 496 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4C_270/2001 du 26 novembre 2001).

3.4.2 L'usage normal d'un logement implique le droit pour le locataire d'y héberger notamment son conjoint, son partenaire, son concubin, ses enfants, ainsi que d'autres proches (Lachat, op. cit., p. 59).

3.4.3 Selon l'art. 262 al. 1 CO, de droit semi-impératif, le locataire ne peut sous-louer tout ou partie de la chose qu'avec le consentement du bailleur. Ce dernier ne peut cependant refuser son consentement que dans les hypothèses prévues à l'art. 262 al. 2 CO, à savoir si le locataire refuse de lui communiquer les conditions de la sous-location (let. a), si les conditions de la sous-location, comparées à celles du contrat de bail principal, sont abusives (let. b) et, enfin, si la sous-location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs (let. c). Il faut encore ajouter le cas où le locataire abuse de son droit à la sous-location au sens de l'art. 2 CC : la jurisprudence a ainsi admis que si le locataire a perdu toute idée de reprendre un jour l'usage de la chose louée et qu'il a procédé en réalité à une substitution de locataires par la voie détournée de la sous-location, il y a abus de droit et le locataire ne saurait se prévaloir de son droit de sous-louer (ATF
134 III 446; 138 III 59).

Un congé donné en raison de la sous-location est valable lorsque celle-ci n'a pas été autorisée et lorsque, suite à un examen rétrospectif, il apparaît qu'elle ne devait pas l'être (arrêt du Tribunal fédéral 4A_38/2010 du 1er avril 2010 consid. 3.2).

Le bailleur qui notifie un congé fondé sur l'art. 257f al. 3 CO doit prouver les faits qui en sont la condition. Lorsque le bailleur soutient que le locataire a procédé à une sous-location abusive, consistant en réalité en une substitution de locataire, il lui incombe, conformément à l'art. 8 CC, d'apporter la preuve des faits permettant de parvenir à cette conviction (arrêts du Tribunal fédéral 4A_367/2010).

Selon la jurisprudence, le locataire qui sous-loue le logement remis à bail sans requérir le consentement du bailleur s'expose à une résiliation anticipée du contrat (art. 257f al. 3 CO) lorsque le bailleur aurait disposé d'un motif valable au sens de l'art. 262 al. 2 CO pour s'opposer à la sous-location (ATF 134 III 300 consid. 3.1 in fine; arrêt du Tribunal fédéral 4A_39/2019 du 23 juillet 2019 consid. 4.1). De même, le locataire qui sous-loue le logement sans y être autorisé alors qu'il a perdu toute idée de reprendre un jour l'usage de celui-ci, procède en réalité à une substitution de locataires par la voie détournée de la sous-location, ce qui l'expose à une résiliation anticipée (art. 257f al. 3 CO) (ATF 134 III 446 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_39/2019 précité, ibid.). Il a également été jugé, dans le cadre d'une action en annulation d'un congé ordinaire (art. 271-271a CO), que le locataire qui sous-loue, alors qu'il n'a plus que la vague possibilité d'user à nouveau lui-même de la chose louée, commet un abus de droit (art. 2 CC) (ATF 138 III 59 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_556/2015 du 3 mai 2016 consid. 3; 4A_316/2015 du 9 octobre 2015 consid. 2; 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 2.1).

3.5 En l'espèce, le logement, propriété des appelants, est sous-loué, depuis une date non précisée, aux intimés F______ et E______. Le contrat de sous-location, pour autant qu'il ait été conclu en la forme écrite, n'a pas été produit. On ignore également si l'appartement a été sous-loué meublé, ne serait-ce que partiellement, ou non. Il résulte des déclarations des précités qu'ils s'acquittent d'un montant de 1'700 fr. à titre de sous-loyer; le loyer principal s'élève à 1'605 fr. Comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, le sous-loyer ne paraît pas, prima facie, être abusif.

Une instruction complémentaire, incompatible avec la procédure sommaire en protection des cas clairs, est nécessaire afin de déterminer si les cinq conditions de la résiliation anticipée de l'art. 257f al. 3 CO sont réalisées, notamment si la sous-location a présenté pour la bailleresse des inconvénients majeurs, si le sous-loyer est abusif, si l'intimé D______ a l'intention ou non de retourner vivre dans l'appartement et si le délai imparti au locataire pour réintégrer son logement était raisonnable.

C'est ainsi à bon droit que le Tribunal est parvenu à la conclusion que l'état de fait était litigieux et que la situation juridique n'était pas claire, de sorte que l'évacuation ne pouvait pas être prononcée par la voie de la protection du cas clair.

3.6 L'appel se révèle ainsi infondé. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé.

4.  A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 28 mars 2024 par A______ et B______ SA contre le jugement JTBL/305/2024 rendu le 14 mars 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/1516/2024‑6-SD.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.