Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/698/2024 du 17.09.2024 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/3750/2023 ATAS/698/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 17 septembre 2024 Chambre 10 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1957, était titulaire de l’entreprise individuelle « A______, Domaine B______ » (ci-après : le domaine), inscrite au registre du commerce le 3 avril 1990 et radiée le
13 juillet 2022, et affilié auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) en qualité d’indépendant.
b. Les 6 et 15 juillet, 25 octobre et 7 novembre 2022, l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC) a transmis à la caisse les communications fiscales AVS concernant l’intéressé pour les années 2016 à 2020, lesquelles mentionnent, à titre de revenus d’une activité indépendante, les montants de CHF 87'218.- pour 2016, CHF 108'270.- pour 2017, CHF 94'180.- pour 2018, CHF 106'373.- pour 2019 et CHF 74'511.- pour 2020.
c. Par décisions des 6 septembre, 26 octobre et 8 novembre 2022, la caisse a fixé les cotisations personnelles dues pour les années 2016 à 2020, tenant compte des montants communiqués par l’AFC. Les mêmes jours, elle a également rendu des décisions portant sur les intérêts moratoires des cotisations dues.
d. Par courriers des 6 et 25 octobre, 10 novembre et 1er décembre 2022, l’assuré a formé opposition à l’encontre de ces décisions.
Il a exposé que l’AFC avait procédé à une révision de son dossier en 2016, sans qu’il n’y ait eu de modification dans sa situation juridique, patrimoniale ou professionnelle. Elle avait en effet considéré, après interprétation des lois agricoles, en particulier de la loi fédérale sur le droit foncier rural du
4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11) qu’il convenait de rattacher sa maison villageoise, située sur la parcelle n° 1______ à C______, en zone à bâtir 4B, à son exploitation agricole, selon le principe de l’unité de l’exploitation agricole, car il y habitait. Il avait acquis cette maison, financée à 20% par une avance sur son héritage, en 1987 afin d’y loger sa famille, et non pas dans une perspective commerciale. Il était alors salarié dans un autre domaine viticole et n’exerçait encore aucune activité indépendante. Il habitait avec son épouse au
rez-de-chaussée de la maison et louait deux autres appartements aux 1er et
2ème étages à des tiers, lesquels n’avaient aucun lien avec le domaine. Ces trois appartements étaient ainsi sans rapport avec son activité indépendante et commerciale. L’emprunt bancaire avait été amorti et les intérêts payés par les revenus locatifs de la maison exclusivement, et non pas par le revenu de son activité de vigneron-encaveur. À partir de 2016, l’AFC avait ajouté au produit d’exploitation du domaine les revenus locatifs de sa maison villageoise. Ces éléments figuraient sous la rubrique 12.16 (1) et (2) « Autres produits » dans les éléments du compte pertes et profits retenus par l’AFC et correspondaient aux loyers perçus et à la valeur locative de son logement. Les montants retenus fiscalement pour la valeur locative de son logement ne pouvaient être soumis à cotisations sociales, étant souligné qu’il n’avait pas encaissé cette somme qui était une valeur fiscale fictive et hypothétique. Il en allait de même des revenus provenant des deux logements loués à des tiers, qui concernaient la gestion d’un immeuble privé, bien distinct du produit de son exploitation viticole dans la taxation fiscale. Ces montants n’avaient aucun lien avec son activité indépendante et n’étaient pas des revenus, ni des produits d’exploitation, comme cela ressortait clairement de la déclaration fiscale.
Auparavant, ces éléments avaient été pris en compte dans sa fortune privée par l’AFC, de sorte que jusqu’en 2015, aucune cotisation AVS n’avait été perçue sur ses revenus locatifs. Le changement sur le plan fiscal de l’affectation de sa maison, qui était un immeuble privé, était sans incidence sur les éléments de son revenu d’indépendant soumis à cotisations. L’AFC l’avait dissuadé de poursuivre les procédures sur le plan fiscal en raison de la particularité fiscale de sa situation, tout en l’invitant à faire valoir ses droits auprès des assurances sociales, la situation devant être considérée différemment sur ce plan.
Partant, il contestait la prise en compte, dans l’établissement des revenus de son activité indépendante soumise à cotisations, d’une part, des revenus locatifs de sa maison, soit CHF 70'180.- en 2016, CHF 83'225.- en 2017, CHF 74'850.- en 2018, CHF 69'250.- en 2019 et CHF 65'600.- en 2020, et, d’autre part, de la valeur marchande du logement qu’il habitait, à savoir CHF 34'517.- pour 2016 et 2017.
Subsidiairement, il a relevé que l’AFC avait mis plusieurs années à statuer et à établir ses taxations définitives suite à ses réclamations, qui avaient abouti à une révision de ses taxations. Il n’était pas responsable du retard pris à l’obtention d’une taxation définitive, ni de la révision de son dossier fiscal, de sorte qu’il n’avait pas à supporter les intérêts moratoires. Il avait relancé à plusieurs reprises l’AFC pour obtenir une décision.
Les décisions litigieuses le plaçaient, ainsi que sa fille qui avait repris l’exploitation, dans une situation financière critique.
B. a. Par décision sur opposition du 8 juin 2023, la caisse a admis l’opposition, annulé ses décisions de cotisations et d’intérêts moratoires pour les années 2016 à 2020, et renvoyé le dossier au service des indépendants pour nouveau calcul des cotisations. Il ressortait de l’ensemble du dossier et des circonstances que le bien immobilier concerné entrait effectivement dans la fortune privée de l’intéressé et non pas dans sa fortune commerciale au sens du droit des assurances sociales. C’était bien dans l’idée de se constituer une fortune immobilière privée afin d’améliorer ses conditions financières pour sa retraite et pour disposer d’une habitation personnelle que l’assuré avait acquis le bien immobilier dans les années 1980 et non pas pour les besoins ni dans le cadre de l’activité commerciale qu’il développait.
b. Par courriel du 13 septembre 2023, la caisse a demandé à l’AFC de lui communiquer dans le détail le revenu déterminant indépendant pour les années 2016 à 2020, plus exactement le montant correspondant à l’immeuble et celui correspondant à la location des terrains.
c. Le 14 septembre 2023, l’AFC lui a répondu que les « Autres produits » mentionnés étaient le revenu locatif d’un immeuble et la valeur marchande du logement de l’exploitant, et qu’il n’y avait pas de montant pour la location de terrains. Les revenus locatifs immobiliers s’élevaient à CHF 70'180.- pour 2016, CHF 83'225.- pour 2017, CHF 74'850.- pour 2018, CHF 69'250.- pour 2019 et CHF 65'600.- pour 2020.
d. Le 15 septembre 2023, la caisse a demandé à l’AFC de lui confirmer que les différentes communications SEDEX contenaient uniquement le revenu de l’activité de l’assuré en tant qu’agriculteur.
e. Le jour même, l’AFC a confirmé que les communications AVS SEDEX de 2016 à 2020 étaient bien le résultat de l’activité de viticulture du domaine exercée par l’assuré.
f. Par courrier du 20 septembre 2023, la caisse a informé l’assuré que l’AFC lui avait indiqué que les données communiquées et sur lesquelles les décisions des 6 septembre, 26 octobre et 8 novembre 2022 avaient été prises contenaient exclusivement les données relatives à l’activité indépendante de vigneron. Dès lors que les décisions de cotisations personnelles 2016 à 2020 ne prenaient en compte que l’activité de vigneron, il n’y avait pas lieu d’établir de nouvelles décisions tel qu’indiqué dans la décision sur opposition du 8 juin 2023. Si l’AFC venait à revoir ses décisions, elle ne manquerait pas de modifier ses décisions de cotisations personnelles selon les nouvelles informations transmises.
g. Le 25 septembre 2023, l’assuré a contesté la position de la caisse et sollicité copie de son dossier.
h. En date du 12 octobre 2023, la caisse a rendu une décision de reconsidération, au motif que sa décision sur opposition du 8 juin 2023 était manifestement erronée et que sa rectification revêtait une importance notable. L’AFC lui avait indiqué, par téléphone avant le prononcé de la décision sur opposition puis par courriel du 14 septembre 2023, que des revenus locatifs immobiliers faisaient partie des revenus déterminants communiqués. Elle avait dès lors accepté l’opposition, annulé ses décisions de cotisations et renvoyé le dossier au service des indépendants pour nouveaux calculs des cotisations litigieuses en excluant du revenu déterminant les revenus relatifs à la location immobilière. Au moment de calculer à nouveau les cotisations, le service des indépendants avait pris contact avec l’AFC, qui avait affirmé que le revenu locatif d’un immeuble et la valeur marchande du logement de l’exploitant étaient déclarés sous « autres revenus » et n’avaient pas été pris en compte dans les revenus déterminants de l’activité indépendante qui lui avaient été précédemment transmis. L’AFC lui avait confirmé par courriel du 15 septembre 2023 que « les chiffres des communications AVS SEDEX de 2016 à 2020 » étaient le résultat de l’activité de viticulture du domaine exercée par l’intéressé. Ainsi, les décisions de cotisations personnelles définitives précédemment établies pour les années 2016 à 2020 ne contenaient aucun revenu relatif à la location immobilière et reposaient sur les chiffres indiqués par l’AFC, qui lui avaient été confirmés à nouveau. Elle était liée par ces montants, de sorte que ses décisions de cotisations pour les années 2016 à 2020 des 6 septembre, 26 octobre et 8 novembre 2022, bien fondées, étaient maintenues.
C. a. Par acte du 13 novembre 2023, l’assuré a interjeté recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Il a conclu à ce que la décision en reconsidération du 12 octobre 2023 soit annulée, ainsi que les décisions des 6 septembre, 26 octobre et 8 novembre 2022, à ce qu’il soit dit que pour le calcul de ses cotisations d’indépendant et des intérêts moratoires pour les années 2016 à 2020, il devait être tenu exclusivement compte des rubriques indiquées dans les taxations fiscales 2016 à 2020 « Produits d’exploitation » et « Charges » du domaine, à l’exclusion des rubriques « Autres produits » relatives au rendement locatif de son immeuble et à la valeur marchande de l’appartement qu’il habitait, à ce qu’il soit ordonné à l’intimée de rendre une nouvelle décision en ce sens et à ce que l’intimée soit condamnée en tous les frais de l’instance.
Il avait débuté une activité indépendante de vigneron-encaveur en 1990, par la création du domaine, soit trois ans après avoir acquis la maison dans laquelle il logeait avec sa famille. Ses enfants étaient nés dans cette maison et y avaient grandi, et son épouse et lui y vivaient toujours. Cette maison avait été financée par des fonds privés exclusivement, à 20% par une avance sur son héritage et le solde par un emprunt bancaire. Il amortissait ce dernier et payait les intérêts y relatifs avec les revenus locatifs de la maison exclusivement, et pour une partie, en 2012, par l’héritage de son épouse à hauteur de CHF 300'000.-. Ses locataires n’avaient aucun lien avec son activité indépendante, et cela depuis 1987. Il avait exercé comme indépendant de 1990 à 2021, et avait transmis le domaine à sa fille le 1er janvier 2022. Le domaine était propriétaire de la parcelle n° 2______ de la commune de C______, située au cœur du vignoble de D______, sur laquelle se trouvait le bâtiment principal du domaine avec l’ensemble des machines utiles à la production, ainsi que le stockage de bouteilles. Son habitation se trouvait sur la parcelle n° 1______ de la même commune, d’une surface de 1266 m2, sur laquelle il avait en outre construit en 1990 une cave en sous-sol de 180 m2 et deux bâtiments hors sol de 69 m2 et 50 m2, pour la vinification. Seuls ces dernières parties étaient utilisées par l’exploitation viticole. Depuis la reprise du domaine par sa fille et sa transformation en Sàrl, cette cave et les deux bâtiments hors sol faisaient l’objet d’un contrat de bail entre le domaine et lui. En revanche, la parcelle n° 1______, de même que sa maison et les appartements qu’il louait, ne faisaient pas partie du domaine et n’avaient pas été transmis à sa fille. Il continuait de percevoir à titre privé les rendements locatifs de cette habitation, qu’il occupait toujours. Depuis la création de l’entreprise viticole, les comptes d’exploitation n’avaient jamais intégré les rendements locatifs de sa maison, qui avaient toujours été considérés comme purement privés. Le domaine viticole n’avait jamais financé sa maison et les rendements locatifs de cette dernière n’avaient jamais servi à financer le domaine. D’ailleurs, ces rendements n’étaient pas versés sur les comptes bancaires du domaine, mais sur un compte distinct.
Trois rubriques figuraient dans ses taxations fiscales, soit le « produit d’exploitation » du domaine, les « revenus locatifs 1______ » relatifs aux deux appartements dans sa maison (« autres produits »), et la « valeur marchande » de son logement, soit le rendement fictif de son appartement du point de vue fiscal (« autres produits »). Les explications de l’AFC concernant ces trois rubriques figuraient dans chacun des bordereaux fiscaux 2016 à 2020. Le « Total des recettes » étaient composés des « Produits d’exploitation », des « Autres produits » - code 12.16 (1) - et des « Autres produits - code 12.16 (2). Dans les explications, il était précisé que le premier de ces codes correspondait à la « valeur marchande du logement de l’exploitant » et le second au « revenu locatif immeuble n° 1______ ». Ainsi, la parcelle n° 1______ sur laquelle se trouvait sa maison devait être attribuée à sa fortune privée en droit des assurances sociales, celle-ci étant majoritairement affectée à une utilisation privée, tant par sa surface utilisée à titre privé que par sa fonction. La gestion de cet immeuble était celle d’un immeuble privé et ne constituait pas une activité lucrative. Seule la transformation (vinification) était effectuée sur cette parcelle et occupait une surface moins importante que la part privée. Il n’y avait pas de prépondérance de l’activité commerciale sur cette parcelle par rapport à son utilisation privée.
En outre, la décision sur opposition du 8 juin 2023, non contestée, avait acquis force de chose « jugée ». Sur la base de cette décision, le service des indépendants de l’intimée devait uniquement en exécuter le contenu, en procédant à de nouveaux calculs pour ses cotisations 2016 à 2020 sur la base des considérants figurant dans ladite décision. Le service ne pouvait pas s’écarter du contenu de la décision définitive et décider, de manière non motivée et totalement arbitraire, de maintenir les décisions des 6 septembre, 26 octobre et 8 novembre 2022, lesquelles avaient précisément été annulées par la décision sur opposition du
8 juin 2023, après un examen détaillé de son dossier. En tout état, la décision litigieuse, au contenu très succinct et très peu compréhensible, ne satisfaisait pas à l’obligation de motivation.
Enfin, la décision litigieuse était arbitraire. Jusqu’en 2015, les cotisations AVS avaient été perçues uniquement sur le bénéfice du domaine, alors que les cotisations exigées dans la décision litigieuse étaient colossales en comparaison, mais aussi au regard des bénéfices perçus de son domaine viticole sur la base des comptes d’entreprise. Lui imposer des cotisations indépendantes d’une telle ampleur revenait à le mettre dans une situation financière extrêmement précaire au moment même où il avait remis cette entreprise à sa fille.
À l’appui de son recours, il a produit les documents fiscaux relatifs aux années 2016 à 2020.
b. Dans sa réponse du 7 décembre 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours. La décision sur opposition du 8 juin 2023 avait été prise, car l’AFC lui avait indiqué que des revenus locatifs immobiliers faisaient partie des revenus déterminants du recourant qui lui avaient été communiqués. Or, au moment de recalculer les nouvelles décisions de cotisations pour les années 2016 à 2020, elle avait constaté que le revenu locatif d’un immeuble et la valeur marchande du logement de l’exploitant étaient déclarés sous « autres revenus » et qu’aucun revenu locatif immobilier n’avait été pris en compte dans les revenus déterminants de l’activité indépendante. L’AFC lui avait confirmé le 15 septembre 2023 que les chiffres des communications AVS SEDEX de 2016 à 2020 étaient le résultat de l’activité de viticulture du domaine. Elle était donc autorisée à reconsidérer sa décision sur opposition du 8 juin 2023, laquelle était manifestement erronée. Il était évident que si des revenus tirés de la fortune immobilière du recourant avaient été pris en compte, elle aurait modifié ses décisions de cotisations de 2016 à 2020. L’importance notable de la rectification ne faisait pas de doute. Les décisions de cotisations personnelles définitives 2016 à 2020 qu’elle avait établies reposaient sur les chiffres indiqués par l’AFC, qui avaient été une nouvelle fois confirmés. Elle était liée par ces montants, de sorte que ses décisions étaient bien fondées.
c. Par écriture du 19 janvier 2024, le recourant a maintenu que les éléments comptabilisés sous « Autres produits » étaient, sur le plan du droit fiscal, des rendements de la fortune immobilière privée, et non pas des produits d’une activité indépendante. Le principe du parallélisme entre assiette fiscale et sociale ne valait que pour les revenus indépendants, sous réserve d’un motif exigeant manifestement de s’écarter du contenu des décisions fiscales. Il ne valait pas pour les rendements de la fortune immobilière, lesquels n’étaient pas soumis à cotisations sociales en Suisse. Ceci était autant plus évident qu’en l’occurrence, il ne s’agissait pas d’un revenu effectif, mais d’une valeur théorique, dite impôt sur la valeur locative, propre au droit fiscal, car lié à la possibilité de déduire les intérêts hypothécaires privés du rendement de la fortune privée. Imposer une telle valeur en tant que revenu indépendant irait à l’encontre même de la notion de revenu de l’activité lucrative indépendante. Le fait que ces revenus privés avaient été placés « éléments du compte pertes et profits » dans les décisions de l’AFC ne changeait pas leur nature juridique qui n’était pas celle d’un revenu d’une activité lucrative, soumise à cotisations, mais d’un revenu de la fortune immobilière privée, non soumis à cotisations. L’intimée ne pouvait dès lors se contenter de reprendre les montants correspondants des décisions fiscales, mais aurait dû faire porter les cotisations uniquement sur le produit de son activité lucrative indépendante.
d. Dans sa duplique du 31 janvier 2024, l’intimée a persisté dans ses conclusions. Elle avait une nouvelle fois pris contact avec l’AFC afin d’obtenir une confirmation du revenu indépendant du recourant. Celle-ci lui avait confirmé par courriel que les bénéfices des années 2016 à 2020 étaient des revenus issus de l’exploitation agricole et que les « autres produits » avaient été ajoutés par le service de taxation, car ils faisaient partie intégrante de la parcelle agricole sur laquelle se trouvait l’exploitation. Le lendemain, lors d’une discussion téléphonique, l’AFC lui avait précisé que sa direction avait rencontré l’intéressé et lui avait précisé que ses revenus indépendants ne seraient pas modifiés. Durant cette conversation, l’AFC lui avait également signifié que les détails des revenus indépendants du recourant ne pouvaient lui être communiqués. Dans ces circonstances, au vu des informations en sa possession, elle n’avait pas d’autre choix que de suivre la position de l’AFC. Si la chambre de céans souhaitait obtenir plus de détails sur la composition des revenus indépendants du recourant, elle pourrait envisager d’appeler l’AFC à témoigner.
L’intimée a produit un courriel qu’elle avait adressé à l’AFC le 29 janvier 2024 afin de lui demander à nouveau la confirmation que les revenus indépendants communiqués pour les années 2016 à 2020 du recourant ne concernaient que son revenu acquis auprès de son exploitation viticole, étant précisé que l’intéressé soutenait que l’AFC avait intégré dans ses revenus d’indépendant les revenus comptabilisés sous « autres produits ».
Elle a également transmis la réponse du 30 janvier 2024 de l’AFC, lui indiquant que les bénéfices pour chacune des années 2016 à 2020 étaient des revenus issus de l’exploitation agricole. Les « autres produits » avaient été ajoutés par le service de taxation, étant donné qu’ils faisaient partie intégrante de la parcelle agricole sur laquelle se trouvait l’exploitation. Le cas avait été discuté avec le contribuable et il savait que le service de taxation resterait sur sa position.
e. En date du 27 février 2024, le recourant a sollicité la tenue d’une audience, afin de pouvoir expliquer de vive voix sa situation. Comme énoncé par le taxateur contacté par l’intimée, les « autres produits » avaient été « ajoutés » au revenu de son exploitation agricole. Puisqu’ils avaient été ajoutés, ils n’en faisaient dès lors pas partie. Cet ajout s’expliquait par le fait qu’il habitait sur cette parcelle et qu’il était l’exploitant du domaine. Sa situation était un cas fiscal agricole très particulier, qui n’appelait pas à être repris tel quel par les autorités sociales. L’AFC n’avait pas communiqué les détails de ses revenus indépendants à l’intimée, malgré la demande de celle-ci. Or, ses revenus étaient exclusivement ceux qui ressortaient des bilans du domaine, produits avec son recours.
f. Par écriture du 2 avril 2024, l’intimée a relevé que le recourant avait pu faire valoir son point de vue à plusieurs reprises et qu’elle ne voyait dès lors pas l’intérêt de procéder à son audition. Il serait par contre judicieux que la chambre de céans s’adresse directement à l’AFC afin de savoir clairement et sans équivoque de quoi était composé le revenu déterminant de l’activité lucrative du recourant. Cela permettrait une fois pour toute de clarifier si les chiffres communiqués par l’AFC prenaient en compte des éléments immobiliers appartenant à la fortune privée ou s’ils étaient le seul résultat de l’activité de viticulture du domaine.
g. Par courrier du 26 avril 2024, la chambre de céans a sollicité des informations complémentaires auprès de l’AFC.
h. Le 24 mai 2024, Monsieur E______, taxateur fiscal auprès de l’AFC, a confirmé à la chambre de céans que les montants mentionnés dans les communications fiscales AVS litigieuses tenaient effectivement compte de la valeur locative du logement du recourant et de son épouse, ainsi que des revenus locatifs encaissés des appartements loués par le couple. Ces montants étaient diminués des intérêts hypothécaires et des frais d’entretien déductibles, en relation avec la parcelle n° 1______ sise à C______.
Lors de la procédure de taxation de 2016, l’AFC avait procédé à une analyse approfondie de l’exploitation agricole du recourant et la prépondérance privée ou commerciale de la parcelle précitée. Elle avait alors constaté que l’activité lucrative indépendante de l’intéressé constituait une entreprise agricole, selon les dispositions de l’art. 7 LDFR. Ladite parcelle abritant un point de vente, un bureau, une cave, des cuves de vinification et le logement de l’exploitant, elle devait être rattachée à l’entreprise agricole du recourant, conformément à l’art. 2 al. 2 let. a LDFR.
En référence à l’art. 18 al. 2 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du
14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), la fortune commerciale comprenait tous les éléments de fortune qui servaient, entièrement ou de manière prépondérante, à l’exercice de l’activité lucrative indépendante.
La circulaire n° 3 du 25 novembre 1992 de l’administration fédérale des contributions concernant les « Innovations apportées dans le traitement fiscal de l’agriculture et de sylviculture par loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (LIFD) » clarifiait notamment l’affectation fiscale à la fortune commerciale ou privée des biens immobiliers basés sur le principe de l’unité économique, en présence d’une entreprise agricole. Cette circulaire prévoyait notamment que pour les habitations, l’attribution s’appliquait à l’ensemble du bâtiment. Si, à part l’habitation nécessaire à long terme à l’exploitation, on disposait encore d’autres habitations, celles-ci seraient en règle générale attribuées à la fortune privée.
Ainsi, la parcelle n° 1______ sise à C______ constituait, au regard du droit fiscal, un élément de la fortune commerciale du recourant, notamment le bâtiment 3______ abritant son logement et deux appartements loués, ainsi que le bâtiment 4______ abritant un bureau et un studio loué à l’étage. Par conséquent, les rendements immobiliers découlant de la parcelle précitée constituaient des produits de l’activité lucrative indépendante, selon l’art. 18 al. 1 LIFD et devaient figurer dans les communications fiscales AVS.
i. En date du 5 juin 2024, l’intimée s’en est rapportée à justice concernant le montant du revenu déterminant à retenir. Elle a cependant relevé que s’il était établi que les immeubles appartenaient à la fortune commerciale, il n’était pas nécessaire d’examiner en plus si la location constituait ou non une activité indépendante, et que la délimitation entre la fortune commerciale et la fortune privée s’opérait, en droit des assurances sociales, selon les mêmes critères que ceux établis en matière d’impôt fédéral direct.
j. Par écriture du 28 juin 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il n’avait pas contesté les décisions fiscales, prises conformément à une spécificité du droit foncier agricole, pour éviter des frais de procédure, dès lors que sa situation fiscale ne s’était pas péjorée. E______ lui avait toutefois conseillé d’expliquer la situation aux autorités sociales. Jusqu’en 2016, la parcelle n° 1______ faisait intégralement partie de sa fortune privée, et les rendements locatifs, ainsi que la valeur locative de son logement, n’étaient pas ajoutés à son résultat agricole. L’AFC avait changé de procédure de taxation de 2016 à 2021. Depuis 2022, l’entreprise avait été remise à sa fille et la parcelle concernée était revenue dans sa parcelle privée, puisque sa fille n’y habitait pas. La décision litigieuse avait des conséquences drastiques sur la survie financière du domaine, puisque le bénéfice de ce dernier, après déduction des charges d’exploitation, s’était élevé à CHF 25'000.- en moyenne par année de 2016 à 2020. Sur cette période, les rendements locatifs étaient en moyenne de CHF 72'000.- et la valeur locative de son bien de CHF 35'600.-, soit un total de CHF 107'600.-. La gestion de ses immeubles avait toujours été séparée de ses activités de vigneron. L’assujettissement de sa parcelle à la LDFR n’avait jamais été constaté par aucune autorité et ne figurait pas au registre foncier. Ce bien avait été acquis grâce à un endettement conséquent auprès d’un établissement bancaire, qui n’aurait pas été possible si elle avait été assujettie en raison des règles strictes de la LDFR applicables aux immeubles agricoles.
Le recourant a joint à ses observations son avis de taxation pour l’année 2014, duquel il ressort que l’immeuble en question avait été attribué à la fortune privée du couple, et que les revenus locatifs et la valeur locative avaient été pris en considération dans les revenus privés.
k. Copies de ces écritures ont été communiquées aux parties le 1er juillet 2024.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans la forme et le délai légal, le recours est recevable (art. 56 et
60 LPGA).
2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'AVS réglée dans la première partie, à moins que la LAVS n'y déroge expressément.
3. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du 12 octobre 2023, par laquelle l’intimée a reconsidéré sa décision sur opposition du 8 juin 2023 et maintenu ses décisions de cotisations et d’intérêts moratoires pour les années 2016 à 2020, rendues les 6 septembre, 26 octobre et 8 novembre 2022.
4. En vertu de l’art. 53 al. 2 LPGA, l’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable.
4.1 Par le biais de la reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit, de même qu’une constatation erronée résultant de l’appréciation des faits. Un changement de pratique ou de jurisprudence ne saurait en principe justifier une reconsidération (ATF 117 V 8 consid. 2c ; 115 V 308 consid. 4a/cc).
Une décision est sans nul doute erronée non seulement si elle a été rendue sur la base de normes fausses ou non pertinentes, mais encore lorsque les dispositions pertinentes n’ont pas été appliquées ou qu’elles l’ont été de manière erronée, ou encore lorsqu’elles ont été correctement appliquées sur la base d’une constatation erronée résultant de l’appréciation des faits. Pour des motifs de sécurité juridique, l’irrégularité doit être manifeste (« zweifellos unrichtig »), de manière à éviter que la reconsidération devienne un instrument autorisant sans autre limitation un nouvel examen des conditions à la base des prestations de longue durée. En particulier, les organes d’application ne sauraient procéder en tout temps à une nouvelle appréciation de la situation après un examen plus approfondi des faits. Ainsi, une inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque l’octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont l’examen suppose un pouvoir d’appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de leurs éléments, et que la décision initiale paraît admissible compte tenu de la situation antérieure de fait et de droit. S’il subsiste des doutes raisonnables sur le caractère erroné de la décision initiale, les conditions de la reconsidération ne sont pas réalisées (arrêts du Tribunal fédéral 9C_71/2008 du 14 mars 2008 consid. 2 et 9C_575/2007 du 18 octobre 2007 consid. 2.2).
Pour qu’une décision soit qualifiée de manifestement erronée, il ne suffit donc pas que l’administration ou le juge, en réexaminant l’une ou l’autre des conditions du droit aux prestations d’assurance, procède simplement à une appréciation différente de celle qui avait été effectuée à l’époque et qui était, en soi, soutenable. L’appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l’ignorance ou de l’absence de preuves de faits essentiels (arrêt du Tribunal fédéral 9C_693/2007 du 2 juillet 2008 consid. 5.3). En règle générale, l’octroi illégal de prestations est réputé sans nul doute erroné (ATF 126 V 399 consid. 2b/bb et les références citées). Cette règle doit toutefois être relativisée quand le motif de reconsidération réside dans les conditions matérielles du droit à la prestation, dont la fixation nécessite certaines démarches et éléments d’appréciation (évaluations, appréciations de preuves, questions en rapport avec ce qui peut être raisonnablement exigé de l’assuré). Si, par rapport à la situation de fait et de droit existant au moment de la décision entrée en force d’octroi de la prestation
(ATF 125 V 383 consid. 3 et les références citées), le prononcé sur les conditions du droit apparaît soutenable, on ne saurait dans ce cas admettre le caractère sans nul doute erroné de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_215/2007 du
2 juillet 2007 consid. 3.2).
4.2 En l'espèce, par décision du 8 juin 2023, l’intimée a annulé ses décisions des
6 septembre, 26 octobre et 8 novembre 2022, admettant ainsi les oppositions du recourant. Elle a retenu, sur la base des explications de ce dernier et des informations de l’AFC, aux termes desquelles celle-ci avait notamment tenu compte de la valeur marchande du logement privé de l’intéressé, que les communications AVS sur lesquelles elle s’était fondée pour déterminer le montant des cotisations dues, comprenaient non seulement les revenus de l’activité indépendante, mais également des revenus provenant de la fortune immobilière privée. Toutefois, l’AFC lui a affirmé, par courriel du 15 septembre 2023, que les montants figurant dans les communications étaient « le résultat de l’activité de viticulture du domaine ».
La décision peut donc être qualifiée de manifestement erronée, de sorte que la première condition est réalisée. Il en va de même de la seconde liée à l'importance notable de la rectification, au vu des montants des cotisations et intérêts moratoires en jeu.
L’intimée était donc fondée à la reconsidérer, l'irrégularité étant manifeste.
5. Aux termes de l'art. 4 al. 1 LAVS, les cotisations des assurés qui exercent une activité lucrative sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l'exercice de l'activité dépendante et indépendante.
En vertu de l'art. 9 LAVS, le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (al. 1). Le revenu provenant d'une activité indépendante et le capital propre engagé dans l'entreprise sont déterminés par les autorités fiscales cantonales et communiqués aux caisses de compensation (al. 3).
L'art. 17 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) précise, concernant le revenu provenant d'une activité indépendante, qu'il s'agit de tout revenu acquis dans une situation indépendante provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité, y compris les bénéfices en capital et les bénéfices réalisés lors du transfert d'éléments de fortune au sens de l'art. 18 al. 2 LIFD, et les bénéfices provenant de l'aliénation d'immeubles agricoles ou sylvicoles conformément à l'art. 18 al. 4 LIFD, à l'exception des revenus provenant de participations déclarées comme fortune commerciale selon l'art. 18 al. 2 LIFD.
Selon l'art. 23 RAVS, les autorités fiscales cantonales se fondent sur la taxation passée en force de l'IFD. Elles tirent le capital propre engagé dans l'entreprise de la taxation passée en force de l'impôt cantonal (ICC) adaptée aux valeurs de répartition intercantonales (al. 1). En l'absence d'une taxation passée en force de l'IFD, les données fiscales déterminantes sont tirées de la taxation passée en force de l'impôt cantonal sur le revenu ou, à défaut, de la déclaration vérifiée relative à l'IFD (al. 2). Si l'autorité fiscale procède à une taxation fiscale consécutive à une procédure en soustraction d'impôts, les al. 1 et 2 sont applicables par analogie
(al. 3). Les caisses de compensation sont liées par les données des autorités fiscales cantonales (al. 4).
Aux termes de l'art. 27 RAVS, pour toutes les personnes exerçant une activité indépendante qui leur sont affiliées, les caisses de compensation demandent aux autorités fiscales cantonales de leur communiquer les indications nécessaires au calcul des cotisations. L'Office fédéral des assurances sociales (ci-après: OFAS) édicte des directives sur les indications requises et la procédure de communication (al. 1). Les autorités fiscales cantonales transmettront les indications au fur et à mesure aux caisses de compensation pour chaque année fiscale (al. 2). Si elle n'a reçu aucune demande de communication pour une personne exerçant une activité indépendante dont elle peut établir le revenu conformément à l'art. 23 RAVS, l'autorité fiscale cantonale communiquera spontanément les indications nécessaires à la caisse de compensation cantonale. Le cas échéant, celle-ci les transmettra à la caisse de compensation compétente (al. 3).
5.1 L'art. 17 RAVS formalise une harmonisation de la notion de revenu d'une activité indépendante entre le droit de l'AVS et le droit fiscal. En principe, tous les revenus fiscalement imposables provenant de l'exercice d'une activité indépendante sont également soumis à cotisations, sous réserve de dispositions de la LAVS ou du RAVS prévoyant une solution différente (ATF 134 V 240
consid. 3.2 et les références).
5.2 Le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises, concernant la détermination du revenu et du capital propre engagé dans une entreprise au regard des taxations fiscales passées en force selon l’art. 23 RAVS, que les données fiscales lient les caisses de compensation, mais que le caractère obligatoire des données fiscales que prévoit l’art. 23 al. 4 RAVS ne concerne que la fixation desdits revenu et capital propre – soit le point de savoir s'il existe un revenu provenant d'une activité lucrative et, le cas échéant, si celui-ci résulte d'une activité lucrative indépendante ou dépendante – et n’englobe pas la question de savoir si et dans quelle mesure ceux-ci sont soumis à cotisation, question qu’il incombe aux caisses de compensation d’examiner au regard du droit de l’AVS sans être liées par les communications fiscales, étant toutefois précisé qu’elles doivent en général se fier à ces dernières et ne procéder à leurs propres investigations que lorsqu’il y a des doutes sérieux quant à l’exactitude des données contenues dans les communications fiscales (ATF 147 V 114 consid. 3.4.2 ; 145 V 50 consid. 3.3 ; 134 V 250 consid. 3.3 ; 121 V 80 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_77/2020 du 25 mars 2021 consid. 5.2 et 9C_162/2014 du 31 juillet 2014 consid. 3.1 ; ATAS/820/2021 du 18 août 2021 consid. 5c).
La détermination du revenu étant une tâche qui incombe aux autorités fiscales, l'assuré exerçant une activité lucrative indépendante doit donc faire valoir ses droits en matière de taxation - avec les effets que celle-ci peut avoir sur le calcul des cotisations AVS - en premier lieu dans la procédure judiciaire fiscale
(ATF 110 V 83 consid. 4 ; 110 V 368 ; 106 V 130 consid. 1 ; VSI 1997 p. 26 consid. 2b et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral H 17/00 du 5 décembre 2000 consid. 2).
Sur les questions liant en principe les caisses de compensation, ces dernières doivent néanmoins s’écarter des données résultant de la taxation fiscale lorsque celles-ci contiennent des erreurs manifestes susceptibles d’être corrigées aisément ou lorsqu’il s’agit d’apprécier des faits non pertinents d’un point de vue fiscal mais décisifs au regard du droit des assurances sociales (ATF 111 V 289
consid. 3 ; 110 V 369 consid. 2a ; 102 V 27 consid. 3a ; ATAS/820/2021 précité consid. 5c ; ATAS/903/2015 du 24 novembre 2015 consid. 8b). Un examen autonome des facteurs d’imposition sur lesquels se fonde la décision de cotisations reste exceptionnellement possible lorsque le montant de l’impôt fixé dans la décision de taxation est peu élevé et que l’absence d’une valeur litigieuse suffisante enlève tout motif d’entamer une procédure fiscale, a fortiori lorsqu’aucun impôt n’est dû (arrêt du Tribunal fédéral 9C_441/2015 du
19 février 2016 consid. 6.5 et la jurisprudence citée ; ATAS/820/2021 précité consid. 5c).
5.3 Les revenus que tire un indépendant d'immeubles dont il est propriétaire ressortissent de son activité indépendante - et sont dès lors soumis à cotisations AVS - lorsque ceux-ci appartiennent à sa fortune commerciale. S'il est établi que les immeubles appartiennent à la fortune commerciale, il n'est pas nécessaire d'examiner en plus si la location constitue ou non une activité indépendante. La réponse à cette question découle déjà de l'affectation des immeubles à la fortune commerciale (ATF 134 V 250 consid. 4.3). En revanche, les revenus résultant d'immeubles appartenant à la fortune privée ne sont pas soumis à cotisations AVS, la seule gestion de la fortune privée ne constituant pas une activité indépendante au sens des art. 9 al. 1 LAVS et 17 RAVS (ATF 134 V 250 consid. 3.1 ;
125 V 383 consid. 2a).
La délimitation entre la fortune commerciale et la fortune privée s'opère, en droit des assurances sociales, selon les mêmes critères que ceux établis en matière d'impôt fédéral direct. Elle dépend de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. Est décisive la fonction économique de la valeur patrimoniale en question ; on considère qu'un bien est attribué à la fortune commerciale lorsqu'il sert effectivement à l'activité commerciale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_987/2010 du 22 juin 2011 consid. 6.3 ; 2A.44/2006 du 17 novembre 2006 consid. 2.2). Constituent également des indices les circonstances de l'acquisition du bien, le motif de son aliénation, la manière dont il est effectivement utilisé, l'activité professionnelle de son propriétaire, l'origine des fonds utilisés pour son financement, son traitement comptable, ou encore la manière dont le droit de propriété est réglé sur le plan civil. S'agissant d'un immeuble, peuvent jouer un rôle la nature de l'inscription au registre foncier et la question de savoir s'il garantit un crédit commercial ou si, compte tenu de toutes les circonstances, il occupe une fonction de réserve (arrêts du Tribunal fédéral 9C_987/2010 précité consid. 6.3 ; 2A.44/2006 précité ; 2A.44/2006 du 17 novembre 2006 consid. 2.2 ; 677/2004 du 3 novembre 2005 consid. 2.2). En revanche, la location de ses propres immeubles relève en règle générale de l'administration de la fortune privée (arrêt du Tribunal fédéral 2P.317/2005 du 3 avril 2006 consid. 2.2).
5.4 Selon l'art. 18 al. 2, 3ème phrase LIFD, la fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à l'exercice de l'activité lucrative indépendante. La notion de fortune commerciale en droit fiscal suppose donc la réunion de deux éléments constitutifs : d'une part, une activité indépendante et, d'autre part, le fait que l'élément de fortune en question sert effectivement à l'exercice de l'activité lucrative. Du point de vue du droit des assurances sociales, il n'y a aucune raison de nier le rapport entre la fortune commerciale et l'activité indépendante ; par définition, il n'est pas possible de considérer que le produit provenant de la gestion de la fortune commerciale constitue un revenu de l'administration de la fortune privée. Il résulte en particulier de l'art. 17 RAVS que, de même qu'en droit fiscal, il existe du point de vue de la perception des cotisations de l'AVS un lien entre la fortune commerciale et l'activité indépendante. Conformément à cette disposition, les bénéfices réalisés lors du transfert d'éléments de fortune au sens de l'art. 18 al. 2 LIFD sont soumis à cotisations et constituent donc un revenu d'une activité lucrative indépendante. Il ne serait dès lors pas compréhensible que les revenus résultant de la location d'immeubles faisant partie de la fortune commerciale ne tombent pas sous le coup de l'obligation de cotiser à l'AVS, alors que dans le cas d'un transfert de ces avoirs immobiliers dans la fortune privée, les gains en provenant seraient soumis à cotisations (ATF 134 V 250 consid. 4.2 et les références).
5.5 Selon les directives de l’OFAS sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative dans l’AVS, AI et APG
(ci-après : DIN, valables dès le 1er janvier 2008, état au 1er janvier 2023), la question de savoir dans quelle mesure le revenu obtenu par un assuré constitue le produit d’une activité lucrative ou une autre sorte de revenu doit être élucidée sur la base de l’ensemble des circonstances du cas particulier (DIN, ch. 1080).
La gestion d’immeubles privés n’est en principe pas considérée comme une activité à but lucratif, autant bien entendu que la nature et l’affectation des immeubles ne présentent pas un caractère commercial (DIN, ch. 1082).
Le revenu provient en revanche d’une activité lucrative lorsqu’il résulte du placement, de la jouissance ou de la mise en valeur de biens faisant partie de la fortune commerciale. Ceci vaut notamment pour le fermage, mais aussi pour les revenus provenant de la location de locaux commerciaux après la fin de l'activité commerciale ou pour les revenus d’un immeuble qui, après des investissements, est utilisé principalement à des fins privées. Ce n’est qu’après le transfert de la propriété immobilière dans la fortune privée qu’il n’y a plus de revenu de l’activité lucrative (DIN, ch. 1083).
Le revenu provient également d’une activité lucrative lorsqu’il découle du placement de la jouissance ou de la mise en valeur systématique – débordant le cadre d’une simple gérance de fortune – de biens ou de droits qui ne sont pas formellement qualifiés de fortune commerciale (DIN, ch. 1084).
En principe, la délimitation entre la fortune commerciale et la fortune privée s’opère selon les mêmes critères que ceux établis par la pratique et la jurisprudence pour l’impôt fédéral direct. L’élément décisif pour l’attribution d’un bien à la fortune commerciale réside dans le fait que celui-ci a été acquis à des fins commerciales ou sert effectivement à l’entreprise. Pour procéder à cet examen, on se fondera sur des critères objectifs. La volonté de l’assuré, telle qu’elle peut notamment s’exprimer dans la manière de comptabiliser le bien considéré, représente toutefois une indication importante. Un financement significatif par des fonds étrangers est un indice d’une utilisation commerciale, respectivement d’une activité lucrative (DIN, ch. 1122).
Les immeubles à utilisation mixte sont attribués dans leur intégralité à la fortune privée ou à la fortune commerciale. Ils sont considérés comme servant principalement à l’exercice de l’activité indépendante, lorsqu’il y a prépondérance de l’exploitation commerciale par rapport à l’utilisation privée. La propriété immobilière faisant partie de la fortune commerciale qui, après des investissements, est principalement utilisée à des fins privées continue à faire partie de la fortune commerciale jusqu'à ce qu'elle soit transférée dans la fortune privée (DIN, ch. 1123)
6. En l’espèce, l’intimée a fixé les cotisations personnelles dues par le recourant pour les années 2016 à 2020 sur la base des montants communiqués par l’AFC les 6 et 15 juillet, 25 octobre et 7 novembre 2022.
6.1 Il ressort des pièces produites que ces communications fiscales comprennent, à titre de revenus d’une activité indépendante, la valeur locative du logement habité par le recourant, ainsi que les revenus locatifs des deux appartements que l’intéressé loue dans la même bâtisse.
Ces faits ont d’ailleurs été confirmés par E______ dans son courrier du
24 mai 2024. Le taxateur a notamment expliqué que le recourant exploitait une entreprise agricole et que la parcelle n° 1______ sise à C______ abritait, outre le bâtiment dans lequel habitaient le recourant et sa famille, ainsi que ses locataires, un point de vente, un bureau, une cave et des cuves de vinification. Compte tenu de sa prépondérance commerciale, cette parcelle avait été rattachée à l’entreprise agricole. Dès lors que la fortune commerciale comprenait tous les éléments de fortune qui servaient, entièrement ou de manière prépondérante, à l’exercice de l’activité lucrative indépendante, les revenus locatifs et la valeur locative étaient compris dans les communications fiscales.
Ainsi, l’affectation fiscale du bien immobilier litigieux à la fortune commerciale résulte du principe de l’unité économique de la parcelle. Dans ces conditions, la qualification des autorités fiscales doit être considérée avec retenue du point de vue du droit de l'AVS.
6.2 Il convient donc d’examiner si le bâtiment, qui comprend le logement privé de l’intéressé et les deux appartements loués à des tiers, fait partie de la fortune privée ou commerciale du recourant.
Le recourant allègue avoir acquis ce bien immobilier en 1987 pour s’y installer avec sa famille, alors qu’il était salarié, et avoir débuté son activité indépendante en 1990 seulement. Le bien avait été financé à 20% par des fonds propres provenant d’une avance sur héritage et garanti pour le solde par un emprunt hypothécaire. Il avait toujours servi de logement familial et les appartements des 1er et 2ème étages avaient été loués à des tiers qui n’avaient aucun lien avec le domaine. Les rendements locatifs de sa maison avaient toujours été considérés comme purement privés et utilisés pour rembourser l’hypothèque nécessaire à l’acquisition de ce bien. Le domaine viticole n’avait jamais financé sa maison ni n’avait été financé par les rendements de cette dernière. D’ailleurs, ces revenus n’étaient pas versés sur les comptes bancaires du domaine, mais sur un compte distinct.
Les données SITG confirment que plusieurs bâtiments sont érigés sur la parcelle n° 1______ à C______ et que certains sont affectés à l’activité agricole (bâtiments
nos 5______ et 4______), mais pas le bâtiment n° 3______, destiné à l’habitation, dont il est précisément question. Selon les avis de taxation du recourant, ce dernier est effectivement propriétaire de cet immeuble, qu’il occupe personnellement depuis 1987, et les informations publiées sur le site Internet du registre du commerce indiquent que l’intéressé a bien crée le domaine en 1990, soit après l’acquisition de cette maison. En outre, les déclarations fiscales au dossier établissent que le recourant a annoncé l'immeuble en question, ainsi que la dette hypothécaire et les revenus immobiliers qui s’y rapportent, dans sa déclaration personnelle pour personne physique, et non pas dans celle relative à son activité indépendante. Enfin, le bordereau et l’avis de taxation pour 2014 attestent de l’existence d’une dette hypothécaire du contribuable et de la prise en compte de la valeur de cet immeuble et des revenus générés dans les impôts du couple, et non pas dans ceux du domaine. Ces éléments, qui ne sont au demeurant pas contestés par l’intimée, confortent ainsi la thèse du recourant, selon laquelle l’immeuble n° 3______ est un immeuble privé, financé par des fonds propres privés et garanti au surplus par une dette personnelle, et qui est exclusivement utilisé à des fins privées.
Les comptes d’exploitation du domaine aux 31 décembre 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 mentionnent que les produits sont constitués des ventes, de la vinification et des subventions, sans référence aucune à d’éventuels revenus locatifs. Quant aux charges, elles ne comportent notamment pas l’emprunt hypothécaire ou des charges liées à l’immeuble en question. Ces documents corroborent donc les allégations du recourant quant à l’existence de comptabilités distinctes.
Les documents intitulés « Mouvements du compte capital » pour les années 2016 à 2020, annexés aux comptes annuels de l’exploitation produits par le recourant, comportent une rubrique « État locatif versé sur c/c commercial – apports privés » et une rubrique « Prélèvement privé ». Si l’existence de ces catégories semblent mettre à mal les affirmations du recourant aux termes desquelles le domaine n’avait jamais été financé par ses rendements locatifs et sa maison jamais amortie ou entretenue grâce aux produits de son exploitation, elle renforce en revanche ses déclarations relatives au caractère « privé » des revenus locatifs, ainsi qu’au versement des loyers sur un compte distinct de celui de son exploitation. Il sied en outre de relever que l’utilisation partielle des revenus locatifs à des fins professionnelles ne suffit pas pour les considérer comme résultant de la fortune commerciale. Enfin, l’importance de l’état locatif versé sur le compte du domaine doit être relativisée par les prélèvements privés. Ainsi, après déduction desdits prélèvements, l’état locatif pris en compte dans le capital en fin d’exercice s’élève à CHF 52'595.85 (sur CHF 76'780.-) pour 2016, CHF 30'148.40 (sur
CHF 89'825.-) pour 2017, CHF 12'325.50 (sur CHF 74'850.-) pour 2018,
CHF 10'212.30 (sur CHF 69'250.- pour 2019) et CHF 1'029.- (sur CHF 65'600.-) pour 2020. Force est donc de constater qu’à l’exception de l’année 2016, les revenus locatifs n’ont pas servi de façon prépondérante à l’exercice de l’activité lucrative indépendante.
6.3 Eu égard à tout ce qui précède, la chambre de céans considère que l’existence d’un lien économique ne peut pas être retenue entre l'activité professionnelle indépendante du recourant et l’immeuble n° 3______ sis sur la parcelle n° 1______ à C______, bien acquis antérieurement à la création du domaine, et donc au moyen de fonds propres personnels, destiné à un usage exclusivement privé, et qui ne sert pas à l’entreprise contrairement à d’autres bâtiments sis sur ladite parcelle.
Compte tenu de la fonction économique du bien dont il est question, il convient de conclure qu’il ressortit à la fortune privée du recourant et ne présente pas un caractère commercial.
6.4 Cette conclusion justifie de s'écarter de la qualification retenue par l’AFC. L'exactitude des communications fiscales sur lesquelles s'est fondée l'intimée doit donc être niée, puisque celles-ci englobent des revenus qui ressortissent à la fortune privée.
À toutes fins utiles, il sera observé qu’il ne saurait être reproché au recourant de ne pas avoir contesté la détermination de l’autorité fiscale consistant à attribuer l’immeuble à sa fortune commerciale, dès lors que celle-ci résulte du principe de l’unicité économique de la parcelle et n’avait en outre que peu de conséquences financières pour lui.
6.5 S’agissant des montants à exclure du calcul des revenus soumis à cotisations, la chambre de céans relève que le courrier du 14 septembre 2023 de l’AFC précise les revenus locatifs immobiliers (CHF 70'180.- pour 2016, CHF 83'225.- pour 2017, CHF 74'850.- pour 2018, CHF 69'250.- pour 2019 et CHF 65'600.- pour 2020), lesquels ne sont pas contestés par le recourant, mais n’inclut pas la valeur locative de l’appartement occupé par le recourant.
Il convient donc d’y ajouter ces montants retenus dans les avis de taxation d’activité indépendante du recourant, sous la rubrique code 12.16 (2) « Autres produits : valeur marchande du logement de l’exploitant » (CHF 34'517.- pour 2016 et 2017, CHF 36'131.- pour 2018, CHF 36'474.- en 2019 et CHF 36'753.- pour 2020), étant précisé que ces chiffres ne sont pas non plus remis en cause par le recourant.
7. Partant, le recours est admis, la décision du 12 octobre 2023 annulée et la cause renvoyée à l'intimée, afin qu'elle procède à un nouveau calcul des cotisations et intérêts moratoires dus pour les années 2016 à 2020, en excluant les revenus provenant de l’immeuble privé, soit les rendements locatifs et la valeur fiscale.
8. Bien que le recourant obtienne gain de cause, il n’est pas représenté et n'a pas fait valoir de frais engendrés par la présente procédure. Il n'a ainsi pas droit à des dépens, suivant la pratique constante de la chambre de céans (ATAS/1001/2022 du 11 novembre 2022 consid. 11 ; ATAS/595/2022 du 9 juin 2022 consid. 9 ; ATAS/1320/2021 du 16 décembre 2021 consid. 9 ; ATAS/177/2021 du
4 mars 2021 consid. 11).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision du 12 octobre 2023.
4. Renvoie la cause à l'intimée pour nouveau calcul des cotisations et intérêts moratoires dus pour les années 2016 à 2020 dans le sens des considérants.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le