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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1946/2023

ATAS/508/2024 du 26.06.2024 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1946/2023 ATAS/508/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 juin 2024

Chambre 8

 

En la cause

A______

représentée par Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur B______ (ci-après : le bénéficiaire ou le défunt), né le
______ 1937, mari de Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante), née le ______ 1944, a déposé une demande de prestations auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) en date du 29 avril 2004.

Dans le formulaire de demande de prestations, le bénéficiaire a répondu qu’il n’avait pas de propriété immobilière.

b. Par décision du 5 juillet 2004, seul le subside de l’assurance-maladie a été accordé au bénéficiaire à compter du 1er avril 2004, octroi qui s’est poursuivi pendant plusieurs années.

c. Par décision du 12 décembre 2006, le bénéficiaire s’est également vu reconnaître le droit à des prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC) avec effet au 1er janvier 2007.

d. En date du 22 décembre 2011, le bénéficiaire a signé une déclaration à l’attention du SPC indiquant ne posséder aucun bien immobilier en Suisse ou à l’étranger

e. Par formulaire de révision reçu par le SPC le 5 janvier 2012, le bénéficiaire et son épouse ont indiqué ne pas avoir de bien immobilier, étant précisé que ledit formulaire portait leurs deux signatures.

f. Par décision du 19 janvier 2012, le SPC a recalculé le droit aux prestations à compter du 1er janvier 2008, il en résultait des prestations versées à tort à hauteur de CHF 6'970.-.

g. Par courrier de son représentant du 20 février 2012, le bénéficiaire a contesté la décision du SPC faisant valoir que le loyer et les charges n’avaient pas été comptabilisés correctement, il était dès lors demandé de reconsidérer la décision.

h. Par décision du 13 avril 2012, le SPC a très partiellement admis l’opposition du bénéficiaire. Il était uniquement accepté la mise à jour du loyer suite au départ de son fils à compter de janvier 2012 et non de février 2012, ce qui entraînait un rétroactif en faveur du bénéficiaire de CHF 340.-, montant qui était retenu à titre de remboursement de la dette. En effet, le SPC n’avait appris l’augmentation de la rente LPP de CHF 864.- à CHF 2'520.- à compter du 1er janvier 2008 que dans le cadre de la révision, ce qui avait conduit à la reprise du calcul du droit aux prestations et à réduire celles-ci, ce qui expliquait la demande en remboursement. Pour le surplus, la décision du 19 janvier 2012 était donc confirmée et il restait donc un solde dû de CHF 6'630.-.

i. Suite à plusieurs rappels, le SPC a finalement considéré par courrier du 23 août 2012 que la dette de CHF 6'630.- était irrécouvrable et a renoncé à la réclamer.

j. Dans le formulaire de révision reçu par le SPC le 5 octobre 2016 et signé par le bénéficiaire et son épouse, la rubrique propriété immobilière est partiellement tracée et une mention « pm » a été inscrite en regard de la question concernant la valeur vénale si le bien n’est pas habité.

Le bénéficiaire a complété une déclaration relative aux biens immobiliers qui a été reçue par le SPC le 5 octobre 2016 en déclarant ne posséder aucun bien immobilier ni en Suisse, ni à l’étranger.

L’intéressée a également complété une déclaration relative aux biens immobiliers, déclaration reçue le 5 octobre 2016 par le SPC, dans laquelle elle a répondu ne pas posséder de bien immobilier en Suisse ou à l’étranger.

Suite à des rappels, le représentant du bénéficiaire a renvoyé la déclaration relative aux biens immobiliers, déclaration dans laquelle ce dernier indiquait ne pas avoir de bien immobilier en Suisse ou à l’étranger. Il était précisé que l’original avait déjà été envoyé.

k. Par décision du 5 décembre 2020, le SPC a fixé le droit aux prestations en accordant également des prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) à compter du 1er janvier 2021. C’est la seule année où des prestations complémentaires fédérales ont été octroyées, étant précisé que le droit aux prestations a été fixé selon la nouvelle législation.

B.            a. En date du 15 février 2022, le bénéficiaire est décédé.

b.   Par décision du 28 février 2022, le SPC a fixé le droit aux prestations complémentaires de l’intéressée à compter du 1er mars 2022, lui accordant des PCC et PCF.

c.    Dans le formulaire de demande de prestations reçue par le SPC le 5 avril 2022, l’intéressée a mentionné posséder une forêt en Grèce, terrain qui était au cœur d’un litige avec l’état grec en mentionnant une éventuelle expropriation.

d.   Par courrier du 7 avril 2022, le SPC a requis de l’intéressée la copie intégrale de la déclaration de succession, l’estimation officielle de la valeur vénale s’agissant des terrains en Grèce ainsi qu’une évaluation de leur valeur locative, il était précisé que l’estimation pouvait être réalisée par un architecte, un notaire ou un agent immobilier.

e.    Par courriel du 12 mai 2022 transmis au SPC par l’intéressée, Me C______, notaire à Corinthe, a communiqué à son représentant les éléments relatifs à la valeur objective qui était fixée pour le bien immobilier dans sa totalité à EUR 81'130.29, soit EUR 51'136.89 pour le bâtiment et EUR 29'993.40 pour le terrain.

f. En date du 1er juillet 2022, le SPC a reçu la traduction de l’attestation de
Me C______ du 27 mai 2022 qui certifiait que, au moment de son décès, le bénéficiaire possédait dans la localité de D______ de la municipalité de E______ en Grèce un bien immobilier hors plan urbanistique de 1'000 m2 comprenant une maison en rez-de-chaussée de 136,64 m2 légalisée selon la loi n°4178/2013 et un entrepôt avec garage de 19,74 m2.

Le défunt laissait comme parents les plus proches, sa veuve, l’intéressée, ainsi que leurs deux fils F______ et G______.

En vertu du droit grec, la succession ab intestat prévoyait conformément aux articles 1813 et 1820 du Code civil que « Les descendants du défunt (c’est-à-dire ses enfants) sont les héritiers ab intestat de première classe et le conjoint survivant a droit, en tant qu’héritier ab intestat, avec les parents de première classe, à un quart de l’héritage ».

g. Par envoi du 12 juillet 2022, une assistante sociale a communiqué au SPC la traduction du testament manuscrit du défunt, lequel daté du 21 décembre 2021 prévoyait qu’il laissait à parts égales à ses deux fils le bien dont il était propriétaire, soit une maison secondaire d’une surface habitable de 136 m2 bâtie sur un terrain de 1000 m2 sise dans la localité D______ de E______.

h. Dans les taxations d’impôts relatives au défunt et à l’intéressée, il a été fait état d’une fortune immobilière de CHF 37'714.- de 2017 à 2022.

i. Par décision du 22 février 2023, le SPC a repris les plans de calcul à compter du 1er mars 2016 afin de tenir compte de la fortune immobilière et du produit y relatif. Ainsi, les nouveaux plans de calculs prenaient en compte une fortune immobilière de CHF 87'904.65 ainsi que le produit relatif à celle-ci de
CHF 3'955.70 à compter du 1er mars 2016 et ce pour toute l’année 2016.

Pour 2017, la fortune immobilière était fixée à CHF 87'125.80, son produit à
CHF 3'920.65.

Pour 2018, les montants étaient de CHF 94'938.65, respectivement de
CHF 4'272.25.

Pour 2019, la fortune immobilière était fixée à CHF 91'084.95 et son produit à CHF 4'098.80.

Pour 2020, il s’agissait des montants de CHF 88'058.80 et CHF 3'962.65, pour 2021, ces montants étaient portés à CHF 87'636.95 et CHF 3'943.65, ils étaient fixés à CHF 83'815.70 et 3'771.70 pour 2022.

Il en résultait une demande de remboursement de CHF 56'344.-, montant perçu à tort selon les nouveaux plans de calculs du 1er mars 2016 au 28 février 2022.

j. Le même jour, le SPC a adressé à l’intéressée une demande de remboursement relative aux réductions individuelles de primes d’assurance-maladie de
CHF 1'116.- portant sur les années 2018 et 2019.

k. Par courrier de son représentant du 22 mars 2023, l’intéressée a formé opposition auxdites décisions. Il était invoqué que, lors des différentes demandes, le bien en Grèce avait toujours été annoncé et il avait alors été également précisé qu’il y avait une procédure de l’État grec (service des forêts) pour construction litigieuse. Ainsi, depuis de nombreuses années, la procédure durait, des amendes étaient émises et contestées, de sorte que le bien n’était ni transmissible, ni vendable, et pas davantage par le passé qu’actuellement. La situation s’était encore détériorée au vu des incendies des forêts avoisinantes. Une telle propriété n’avait donc aucune valeur. Elle n’avait pour ressources que sa rente-vieillesse et sa petite rente 2ème pilier. Elle n’avait pour le surplus aucune fortune. Elle avait dû faire face en 2022 à deux décès, soit celui de son époux et celui de son fils aîné, sa situation était donc des plus difficiles.

l. Par envoi du 15 avril 2023, l’intéressée a envoyé différents documents, soit notamment un rapport technique et constat du 26 mars 2023 en grec avec sa traduction, une attestation du notaire du 27 mai 2022. Il était répété qu’elle ne disposait d’aucune fortune et n’avait pour seules ressources que sa rente vieillesse et sa rente 2ème pilier. De même, il était à nouveau souligné que la propriété en Grèce était litigieuse car la construction n’était pas autorisée, de sorte qu’elle n’était ni transmissible, ni vendable (interdiction formelle selon le droit grec). Suite au décès de son mari, elle était désormais également poursuivie et tenue pour responsable, il lui avait ainsi été notifié qu’elle ne pouvait pas céder ou vendre le bien.

S’agissant du rapport technique et constat du 26 mars 2023, il émanait de Madame  H______, ingénieure civile. Cette dernière avait établi ledit rapport sur demande de l’intéressée. Elle notait que le terrain sis à D______ à Corinthe faisait l’objet d’un litige en cours car une maison avait été construite sur ce dernier qui était situé à l’intérieur d’une zone de terres forestières. Le service forestier contestait la légalité de la construction de la maison. Au vu de la procédure en cours, l’ingénieure concluait que la vente du bien était impossible, ce dernier n’avait donc aucune valeur vénale.

m. Par décision du 12 mai 2023, le SPC a rejeté l’opposition. Il était retenu que le SPC n’avait appris que suite au décès du bénéficiaire que ce dernier était propriétaire d’un bien immobilier en Grèce estimée à EUR 81'130.29. Les éléments au dossier ne permettaient pas de retenir que ladite maison n’avait jamais pu être utilisée et que sa valeur, depuis 2016, était nulle. Il considérait en effet que la simple déclaration d’un ingénieur selon laquelle la maison ne pouvait pas être vendue au vu d’un litige avec le service forestier ne permettait pas de conclure que ce dernier n’avait pas pu en avoir la jouissance durant toutes les années antérieures. De plus, aucun document officiel concernant cette procédure avec le service forestier n’avait été produit. Le SPC devait tenir compte de l’existence du bien immobilier dans les plans de calcul. Enfin, il était souligné que contrairement aux allégations de l’intéressée, le bien immobilier n’avait jamais été annoncé, ni par le défunt, ni par son représentant qui avait remis au SPC le formulaire concernant les biens immobiliers vide lors de la révision périodique de 2016.

n. Par décision du 1er juin 2023, le SPC a recalculé le droit aux prestations de l’intéressée à compter du 1er janvier 2023 en retenant dans son plan de calcul une fortune immobilière de CHF 20'025.25 ainsi qu’un produit relatif aux biens immobiliers à hauteur de CHF 901.10. Cette décision n’a pas été contestée.

C. a. Par acte de son conseil du 9 juin 2023, l’intéressée a interjeté recours contre la décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la Cour de céans), concluant sous suite de frais et dépens à son annulation. La recourante a fait notamment valoir que le défunt avait laissé le 21 décembre 2021 un testament dont elle produisait la traduction qui prévoyait que le bien sis en Grèce était laissé à parts égales à leurs deux enfants. Par déclaration du 3 octobre 2016, le défunt avait annoncé ne pas posséder de bien immobilier en Suisse ou à l’étranger. Toutefois, il existait une autre déclaration de la même date où il était fait mention de la propriété d’une vieille bâtisse non cadastrée sur terrain agricole/forêt non vendable et sans valeur. Les deux déclarations étaient produites.

b. Par envoi du 13 juillet 2023, la recourante a produit plusieurs éléments complémentaires, soit :

- Une lettre du département forestier de Corinthe du 28 juin 2023 adressé à Monsieur G______ qui faisait suite à une demande de ce dernier. Celle-ci précisait que le terrain litigieux avait été illégalement défriché par le défunt qui y avait construit des bâtiments de 278,64 m2. Le terrain était situé dans un terrain forestier public pour lequel était en vigueur une concession de la pinède résineuse d’Alep du Ministère de l’agriculture. La révocation de cette concession avait été ratifiée par le Conseil d’État par décision n° 2146/2016. Le document indiquait que le terrain était déclaré reboisable. Une décision de démolition des bâtiments sis sur une zone reboisable avait été rendue par le Secrétariat Général de la région du Péloponnèse contre le défunt, décision qui avait été ratifiée par le Tribunal administratif de première instance de Corinthe et par le Conseil d’État par procès-verbal n° 673/2013. Depuis lors avait commencé la procédure d’imposition d’amendes pour le maintien de bâtiments. Selon les données publiées le 22 – 1-12021 par la décision n° 11954 « Carte forestière de l’unité régionale de la Corinthie », la zone litigieuse était enregistrée en tant que zone de caractère forestier en 1945 et en tant que zone défrichée et reboisable en 2015. Des objections avaient été soulevées s’agissant de la zone litigieuse qui n’avaient pas encore été examinées par le comité de compensation. Des protocoles d’application d’indemnité du chef forestier de Corinthe imposant une indemnité pour le maintien des bâtiments dans une zone de reboisement étaient émis chaque année depuis 2014, depuis 2016 le montant était de EUR 101'616.-.

- Une lettre de la Direction des services techniques & d’urbanisme de la Municipalité de E______ du 9 mai 2017 qui informait le défunt que sa propriété immobilière se trouvait dans le contour de la densification résidentielle de manière à l’exclure de la publication sur la carte forestière. Il était souligné que selon document du Ministère de la marine marchande aux services forestiers, les zones dans les densités résidentielles étaient exemptées de la publication et continuaient d’appliquer les dispositions de la législation forestière.

- Une décision de la direction des forêts de la préfecture de Corinthe du 31 mai 2017 qui condamnait le défunt à un montant de EUR 101'606.- à titre de compensation spéciale pour le bâtiment de 278,40 m2 qu’il avait construit et entretenait à D______, ce montant étant relatif à l’année 2016.

- L’appel de février 2011 déposé contre l’arrêt de la présidente du Tribunal administratif de première instance de Corinthe dont la procédure visait la décision du directeur général de la région du Péloponnèse qui concluait à la démolition d’un bâtiment d’une superficie de 278,64 m2 qui avait été érigé arbitrairement par le défunt dans une zone forestière publique déclarée reboisable. Dans son appel, le défunt contestait le caractère de zone forestière ainsi que la démolition de la construction sise depuis avant 1986. Il relevait que les autorités avaient reconnu le caractère urbanisé en permettant notamment l’extension des réseaux électriques, du téléphone et de l’approvisionnement en eau. Le bien faisait par ailleurs l’objet de plusieurs impôts et de charges. Il payait ainsi l’impôt foncier et le bien était déclaré aux impôts. Il concluait à l’admission de son appel et à l’annulation de la décision du directeur général du Péloponnèse.

Dans ses écritures, la recourante a allégué que l’appel avait été rejeté et concluait dès lors que les pièces produites démontraient que le bien immobilier était sans valeur depuis longtemps, n’étant ni louable ni vendable. Elle précisait que l’étendue de la construction n’était pas de 270,70 m2 mais inférieure à 100 m2. Elle finissait son écriture en soulignant qu’en tout état de cause l’affaire concernait son défunt mari et non elle-même, de sorte qu’elle ne comprenait pas pourquoi le SPC lui réclamait des montants, étant précisé qu’elle ne disposait que des rentes vieillesse et 2ème pilier pour subsister.

c. Invité à se déterminé, l’intimé, dans sa réponse du 10 août 2023, a conclu au rejet du recours. Il était relevé que le propre défunt avait contesté devant les juridictions grecques la qualification du bien, faisant valoir que la construction était tout à fait valable. Il était relevé qu’aucune mesure n’avait été prise pour cesser d’être propriétaire dudit bien immobilier et ainsi ne pas risquer de payer d’importantes amendes. Le SPC relevait que la recourante elle-même avait, depuis 2017, déclaré ce bien immobilier à l’administration fiscale, de sorte qu’elle ne considérait pas que ledit bien était dénué de valeur quand bien même les procédures judiciaires étaient antérieures à cette déclaration. Suite au décès du bénéficiaire, la recourante avait hérité dudit bien conformément à l’attestation notariale du 27 mai 2022. La recourante n’ayant pas répudié la succession, le SPC pouvait directement s’adresser personnellement à elle en sa qualité d’héritière afin de demander la totalité de la restitution des prestations reçues indûment.

d. Par écriture du 1er septembre 2023, la recourante a contesté la position du SPC. Elle se référait à ses écritures antérieures et pièces produites, lesquelles confirmaient l’absence de valeur de longue date du bien immobilier. Elle relevait pour le surplus qu’il était douteux qu’elle en soit devenue propriétaire suite au décès de son mari et ce même pour partie. Elle persistait à conclure que la prétention concernant son mari, elle ne pouvait pas être recherchée.

e. Interpellé par la Cour de céans, l’intimé a fourni des éléments complémentaires, en particulier le dossier de la recourante.

Il en ressortait notamment les éléments suivants :

- un acte notarié du 13 mai 2022 émanant de Me I______, notaire à Genève, selon lequel la recourante et les deux fils du couple étaient déclarés héritiers légaux à défaut de testament connu ;

- une déclaration de fortune immobilière datée du 15 avril 2023 signée par la recourante dans laquelle elle indiquait posséder un terrain et une maison en Grèce, avec la mention que le tout était contesté par l’État grec, de sorte que le bien ne pouvait pas être transmis ou vendu et n’avait aucune valeur.

f. Par acte du 15 janvier 2024, la recourante a indiqué avoir pris connaissance des nouvelles pièces de l’intimé, soit en particulier du courrier de Me C______ qui fixait la valeur du bien sis en Grèce, elle faisait valoir que cette évaluation ne pouvait pas être suivie car elle était fondée uniquement sur les données techniques sans aucune considération quant à la problématique légale de la construction et de la position du service des forêts, cette valeur était donc tout à fait théorique, étant précisé que le notaire n’avait pas procédé à la visite du bien. Elle précisait qu’au sein de la localité, une centaine de maisons individuelles étaient concernées par cet imbroglio juridique avec l’État grec. Elle pensait se souvenir que, lors de la décennie 2010, la situation semblait évoluer favorablement jusqu’aux incendies de 2019, 2021 et 2023. Elle réitérait que ce bien était invendable du fait de sa situation légale.

g. Invité à se déterminer, l’intimé a persisté par acte du 29 janvier 2024. Selon son appréciation, le fait que le bien soit illégal ou non constructible selon la législation grecque, ce qui était en tout état de cause insuffisamment documentée, n’empêchait pas que ce dernier ait une valeur économique et soit habitable. Par ailleurs, la valeur du bien immobilier sis en Grèce était fondée sur l’expertise pratiquée le 27 mai 2022 par Me C______, notaire que la recourante elle-même avait mandatée. Elle ne pouvait dès lors pas se prévaloir d’un défaut de valeur probante.

h. Par acte du 12 février 2024, la recourante a maintenu sa position. Le bien immobilier était illégal, incessible et n’était pas louable, ce d’autant plus que la Grèce s’était prononcée récemment en faveur d’un projet de reforestation de la zone. Il en résultait que les valeurs objectives indiquées en mai 2022 par
Me C______ devaient être très considérablement réduites. Elle était âgée et avait « hérité » du litige avec le SPC suite au décès de son mari, puis de son fils aîné. Elle ne comprenait pas grand-chose notamment comment ce bien sans valeur pouvait avoir de l’effet sur son droit aux prestations. C’était dans ce contexte qu’elle avait transmis de bonne foi les papiers en sa possession et notamment le mail du 12 mai 2022 de Me C______. Elle a produit une interpellation d’un député du 28 février 2013 faisant état de la problématique.

Il ressort de cette dernière que la construction dans la localité de D______ a commencé en 1978 et était désormais habitée par nonante familles. Les premiers habitants avaient acheté des terrains soi-disant prêts, aménagés et sans charges. En 1982, avec la loi Tristis, les maisons avaient été déclarées et la préfecture avait permis le développement de l’électricité et de l’éclairage communautaire. En 1986, il avait été révélé que les habitants avaient été victimes d’une fraude, la zone ayant été déclarée reboisable. Par décision de la préfecture de Corinthe, la zone construite avait été reconnue, celle-ci disposant également de l’eau, de lignes de téléphones et étant financée par la préfecture pour des projets d’infrastructure. Plus précisément, ladite préfecture avait inclus dans son programme opérationnel un projet de protection de la route côtière avec un budget de GRD 10 000 000. Cependant, sur la base de la décision de 1986 déclarant la zone reboisable, des décisions de démolition avaient été envoyées à certains habitants. Cependant l’intention de la municipalité de E______ d’inclure la localité dans les plans généraux d’urbanisme ainsi que l’existence d’actes administratifs prouvant le lien du règlement avec les services d’intérêt général indiquaient avec certitude l’approbation légale de la zone. L’interpellation avait pour but de demander au ministre s’il allait suspendre l’exécution des décisions de démolition jusqu’à ce que les nouvelles cartes forestières définitives soient publiées.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

2.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA).

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10] et art. 43 LPCC).

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC).

4.             Le litige porte sur la question de savoir si la recourante, en tant que veuve du bénéficiaire des prestations complémentaires, peut être tenue au remboursement des prestations éventuellement versées à tort. Le cas échéant, de déterminer si les montants retenus par l’intimé à titre de fortune immobilière et de revenu de celle-ci dans le calcul des prestations complémentaires l’ont été à juste titre.

5.              

5.1 S'agissant des prestations complémentaires fédérales, selon l'art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ; RS 830.11), les prestations indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers.

Selon l'art. 3 al. 1 OPGA, l’étendue de l’obligation de restituer est fixée par une décision.

5.2 L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références ; ATF 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références ; ATF 130 V 318 consid. 5.2 et les références).

À cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 129 V 200 consid. 1.1 ;
ATF 127 V 466 consid. 2c et les références), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. Ainsi, par le biais d'une reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit (ATF 147 V 167 consid. 4.2 et la référence). L'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps n’est pas liée à une violation de l'obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e). Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.1).

5.3 Au plan cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phrase LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées. Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable
(al. 2).

L'art. 14 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) précise que le SPC doit demander la restitution des prestations indûment touchées au bénéficiaire, à ses héritiers ou aux autres personnes mentionnées à l'art. 2 OPGA appliqué par analogie (al. 1). Il fixe l'étendue de l'obligation de restituer par décision (al. 2).

5.4 Conformément à l’art. 33 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal – J 3 05), les subsides indûment touchés doivent être restitués en appliquant par analogie l'article 25 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (al. 1). Lorsque des subsides ont été indûment touchés par un bénéficiaire des prestations du service, ce service peut en demander la restitution au nom et pour le compte du service de l'assurance-maladie (al. 2).

5.5 En vertu de l'art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA, le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

Étant donné que, d'un point de vue temporel, les règles de droit déterminantes sont en principe celles qui s'appliquent lors de l'accomplissement des faits entraînant des conséquences juridiques et que, par ailleurs, le juge se base, en principe, sur les faits survenus jusqu'au moment où la décision litigieuse a été rendue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_193/2021 du 31 mars 2022 consid. 2.2 et les références), c’est l’art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA dans sa teneur en vigueur à compter du
1er janvier 2021 qui est applicable dans le cas présent.

Les délais de l’art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 146 V 217 consid. 2.1 et les références; ATF 142 V 20 consid. 3.2.2 et les références). Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue ni interrompue et lorsque s’accomplit l’acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d’une décision (ATF 119 V 431 consid. 3c), le délai se trouve sauvegardé une fois pour toutes (ATF 138 V 74 consid. 5.2 et les références). En tant qu'il s'agit de délais de péremption, l’administration est déchue de son droit si elle n'a pas agi dans les délais requis (cf. ATF 134 V 353 consid. 3.1 et les références).

5.6 En vertu de l'art. 25 al. 2 2ème phrase LPGA, si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant.

Ainsi, tant que le bénéficiaire des prestations est susceptible d’être poursuivi pénalement, une péremption du droit à la restitution ne se justifie pas (ATF 138 V 74 consid. 5.2). Pour que le délai de prescription plus long prévu par le droit pénal s'applique, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction ait été condamné (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 2.2).

En l’absence d’un jugement pénal, l’administration, respectivement, le juge des assurances sociales, doit examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de prescription plus long que les délais relatifs et absolus prévus par l'art. 25 al. 2 LPGA est applicable (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 2.2).

Lorsqu’il y a lieu de décider si la créance en restitution dérive d'un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, le degré de la preuve requis est celui qui prévaut en procédure pénale ; la présomption d’innocence s’applique, et le degré de la vraisemblance prépondérante reconnu habituellement en droit des assurances sociales n’est pas suffisant. En tout état de cause, il appartient à l’autorité qui entend se prévaloir d’un délai de prescription selon le droit pénal de produire les moyens permettant d’apporter la preuve d’un comportement punissable, singulièrement la réalisation des conditions objectives et subjectives de l’infraction (ATF 138 V 74 consid. 6.1 et 7 et les références).

6.              

6.1 Dans le cas d’espèce, le SPC a appliqué le délai de sept ans, correspondant à la prescription pénale. La Cour de céans commencera dès lors par examiner si l’intimé pouvait revenir sur les prestations accordées à compter du 1er mars 2016.

6.2 L’art. 148a du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), entré en vigueur le 1er octobre 2016, sanctionne celui qui, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d’une assurance sociale ou de l’aide sociale.

L'art. 148a CP constitue une clause générale par rapport à l'escroquerie au sens de l'art. 146 CP, qui est aussi susceptible de punir l'obtention illicite de prestations sociales (Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013 concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire ; FF 2013 5373, ch. 2.1.6 ad art. 148a, p.  5431).

L'art. 148a CP trouve application lorsque l'élément d'astuce, typique de l'escroquerie, n'est pas réalisé. L'infraction englobe toute tromperie. Elle peut être commise par le biais de déclarations fausses ou incomplètes ou en passant sous silence certains faits. La variante consistant à « passer des faits sous silence » englobe également, selon le Message du Conseil fédéral, le comportement passif consistant à omettre d'annoncer un changement ou une amélioration de sa situation. L'art. 148a CP vise, par conséquent, aussi bien un comportement actif (faire des déclarations fausses ou incomplètes) qu'un comportement passif (passer des faits sous silence). À la différence de ce qui prévaut pour l'escroquerie, le comportement passif en question est incriminé indépendamment d'une position de garant, telle qu'elle est requise dans le cadre des infractions de commission par omission. Dès lors que la loi prévoit que tous les faits ayant une incidence sur les prestations doivent être déclarés, le simple fait de ne pas communiquer des changements de situation suffit à réaliser l'infraction. Cette variante consistant à « passer des faits sous silence » ne vise donc pas uniquement le fait de s'abstenir de répondre aux questions du prestataire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_886/2022 du 29 mars 2023 consid. 2.1.2 et les références).

La tromperie doit provoquer une erreur (par quoi il faut entendre une représentation erronée ou incomplète de la réalité) auprès de son destinataire ou, si l’erreur est préexistante, conforter ce dernier dans sa vision biaisée de la réalité (GARBARSKI/BORSODI in Commentaire romand du code pénal II, 2017, n° 18 ad art. 148a).

Sous l'angle subjectif, l'art. 148a CP décrit une infraction intentionnelle et suppose, s'agissant de la variante consistant à « passer des faits sous silence », que l'auteur ait conscience de l'existence et de l'ampleur de son devoir d'annonce, ainsi que la volonté de tromper. Le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_886/2022 du 29 mars 2023 consid. 2.1.3 et les références).

6.3 Selon l’art. 31 LPC, est puni, à moins qu’il ne s’agisse d’un crime ou d’un délit frappé d’une peine plus élevée par le code pénal, d’une peine pécuniaire n’excédant pas 180 jours-amende (al.1) :

a. celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient d’un canton ou d’une institution d’utilité publique, pour lui-même ou pour autrui, l’octroi indu d’une prestation au sens de la présente loi ;

b. celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient sans droit une subvention au sens de la présente loi ;

c. celui qui n’observe pas l’obligation de garder le secret ou abuse, dans l’application de la présente loi, de sa fonction ou tire avantage de sa situation professionnelle au détriment de tiers ou pour son propre profit ;

d. celui qui manque à son obligation de communiquer (art. 31, al. 1, LPGA).

2. Est puni d’une amende de CHF 5'000.- au plus, à moins que les faits ne relèvent de l’al. 1 :

a. celui qui, en violation de son obligation, donne sciemment des renseignements inexacts ou refuse d’en donner ;

b. celui qui s’oppose à un contrôle ordonné par l’autorité compétente ou rend ce contrôle impossible de toute autre manière.

6.4 En vertu de l'art. 31 LPGA, intitulé avis obligatoire en cas de modification des circonstances, l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l'assureur ou, selon les cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation (al. 1).

6.5 L'art. 24 OPC-AVS/AI dispose que l'ayant droit ou son représentant légal ou, le cas échéant, le tiers ou l'autorité à qui la prestation complémentaire est versée, doit communiquer sans retard à l'organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l'ayant droit.

6.6 Par le biais des dispositions pénales figurant dans les diverses lois d'assurances sociales (voir également l'art. 87 al. 5 LAVS ainsi que les art. 70 LAI, 25 LAPG et 23 LAFam, qui tous trois renvoient à la LAVS), le législateur a entendu garantir, compte tenu des moyens financiers limités de la collectivité publique, de l'exigence d'un emploi ciblé et efficace des ressources ainsi que des principes généraux du droit administratif, que des prestations d'assurances sociales ne soient versées qu'aux personnes qui en remplissent les conditions légales. Le but poursuivi par ces normes est, d'une part, de permettre la mise en œuvre conforme au droit et, si possible, efficiente et égalitaire de l'assurance sociale et, d'autre part, de garantir le respect du principe de la bonne foi qui doit régir les relations entre les autorités et les personnes qui sollicitent des prestations sociales. Il ressort de la systématique de la loi que l'existence de dispositions pénales spéciales exclut le fait que l'on puisse assimiler une simple violation du devoir d'annoncer au sens de l'art. 31 LPGA à une escroquerie au sens de l'art. 146 CP. Certes, les dispositions pénales précitées réservent l'existence d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée. De telles infractions ne peuvent toutefois entrer en ligne de compte que dans la mesure où interviennent des circonstances qui dépassent la simple violation du devoir d'annoncer, sans quoi les dispositions pénales spéciales s'avéreraient superflues si on pouvait qualifier d'escroquerie une simple violation du devoir d'annoncer (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.2.2 ; ATF 140 IV 11 consid. 2.4.6 et les références

6.7 Aux termes de l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait.

L'élément subjectif est déjà réalisé lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 138 V 74 consid. 8.2 et 8.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_283/2022 du 14 septembre 2022 consid. 2.2 et les références). Dit d'une autre façon, il y a dol lorsque l'auteur a envisagé, en prenant sa décision, un résultat illicite qui lui était indifférent ou même qu'il jugeait indésirable, mais qui constituait la conséquence nécessaire ou le moyen de parvenir au but qu'il recherchait (ATF 119 IV 193).

6.8 L'art. 31 LPC - également applicable en matière de prestations complémentaires cantonales conformément à l’art. 1A LPCC - est subsidiaire aux crimes et délits de droit commun (arrêt du Tribunal fédéral 6S.288/2000 du
28 septembre 2000 consid. 2). Quant à l’art. 148a CP, qui vise l’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale, il prévoit une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). Dans les cas de peu de gravité, la peine est l’amende (al. 2).

6.9 Selon l'art. 97 al. 1 CP, l'action pénale se prescrit par 30 ans si l'infraction était passible d'une peine privative de liberté à vie, par quinze ans si elle était passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans, et de sept ans si elle était passible d'une autre peine. Le délai de prescription de l'action pénale pour une infraction telle que celle décrite aux art. 31 LPC et 148a CP est donc de sept ans.

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.             Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel il appartient au juge d'établir d'office l'ensemble des faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA). En principe, les parties ne supportent ni le fardeau de l'allégation ni celui de l'administration des preuves. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués (ATF 138 V 86 consid. 5.2.3 ; ATF 125 V 193 consid. 2). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse (ATF 124 V 372 consid. 3 ; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3). Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

9.              

9.1 En l’espèce, l’intimé a réclamé la restitution de CHF 56'344.- correspondant à CHF 12.- de prestations complémentaires fédérales et CHF 56'332.- de prestations complémentaires cantonales pour la période du 1er mars 2016 au 28 février 2022. Le SPC reproche en particulier à la recourante de ne pas avoir annoncé l’existence d’un bien immobilier en Grèce avant le décès de son mari, bénéficiaire des prestations complémentaires. La recourante allègue que le bien avait été annoncé et que ce dernier n’a aucune valeur. À cela s’ajoute que le bénéficiaire ayant été feu son époux, elle n’est pas concernée par la demande de restitution.

9.2 La chambre de céans constate que, sur le plan objectif, les éléments constitutifs des infractions réprimées aux art. 31 al. 1 let. d LPC et, dès le
1er janvier 2016, 148a CP, toutes deux soumises au délai de prescription de sept ans, sont remplis. En effet, bien que la recourante ait produit une déclaration datée du 3 octobre 2016 annonçant le bien en Grèce, force est de constater que ce document ne fait pas partie du dossier de l’intimé.

Ce dernier contient au contraire la demande de prestations d’avril 2004 dans laquelle le bénéficiaire a répondu qu’il n’avait pas de bien immobilier.

En date du 22 décembre 2011, le bénéficiaire a signé une déclaration à l’attention du SPC indiquant ne posséder aucun bien immobilier en Suisse ou à l’étranger, dans le formulaire de révision du 5 janvier 2012, le bénéficiaire et la recourante ont indiqué ne pas avoir de bien immobilier.

Dans le cadre de la révision lancée en 2016, le bénéficiaire et la recourante ont complété une déclaration relative aux biens immobiliers en indiquant ne pas posséder de bien immobilier. Il sera relevé que la déclaration du bénéficiaire a été envoyée à deux reprises au SPC, dont l’une par son représentant de l’époque, toutes deux attestant de l’absence de bien immobilier.

Il est dès lors manifeste que le bénéficiaire et la recourante ont répondu de façon incorrecte sur des éléments de fortune, influençant le calcul des prestations, ce qui ne pouvait pas leur échapper vu la nécessité de remplir des déclarations spécifiques sur l’existence éventuelle de bien immobilier.

Il y a donc manifestement eu infraction à l’art. 31 LPC et à l’art. 148a CP, à tout le moins par dol éventuel. C’est donc à bon droit que l’intimé a fait rétroagir sa décision de restitution au 1er mars 2016, étant précisé pour le surplus que la décision de restitution a été notifiée dans l’année après la découverte de l’existence du bien immobilier.

10.          

10.1 Par ailleurs, la recourante a allégué ne pas être concernée par le litige puisque le bénéficiaire des prestations réclamées était feu son époux, ce qui est contesté par l’intimé qui fait valoir sa qualité d’héritière.

10.2 L’obligation de restituer les prestations indûment versées à un assuré défunt constitue une dette de la succession et passe, sauf répudiation de la succession, aux héritiers de ce dernier (ATF 105 V 82 consid. 3, 96 V 73 consid. 1), même lorsque l'administration n'a pas fait valoir la créance en restitution du vivant de la personne tenue à restitution (ATF 129 V 70 consid. 3 et l'arrêt cité). En revanche, les héritiers potentiels qui répudient la succession perdent la qualité d’héritiers et, partant, ne doivent pas la restitution (arrêt du TF P 17/02 du 2 décembre 2002 consid. 2.1).

Conformément à l’art. 603 al. 1 CC, les héritiers sont solidairement responsables des dettes du de cujus. La solidarité des héritiers répond aux conditions des art. 143 ss de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), dont il ressort que chaque héritier peut être recherché individuellement pour les dettes de la succession, non pas seulement pour sa quote-part, mais pour l’intégralité de la dette. Ainsi, selon la jurisprudence et les directives de l'office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci-après : DPC), lorsque la personne tenue à restitution est décédée, il n’est pas nécessaire que la décision en restitution soit adressée personnellement à chaque héritier, mais il suffit qu’elle soit adressée à au moins un héritier connu (ATF 129 V 70 consid. 3 ; ch. 4762.04 des DPC).

Aux termes de l’art. 462 al. 1 ch. 1 CC, le conjoint survivant a droit en concours avec les descendants, à la moitié de la succession.

10.3 L’argumentation de la recourante ne saurait être suivie. Peu importe sur ce point que la recourante ait hérité ou non du bien sis en Grèce, ses déclarations sur ce point ayant été fluctuantes. En effet, conformément au droit suisse, en tant que conjointe elle fait partie des héritiers de sorte que, à défaut de répudiation, elle peut être recherchée pour les dettes de son défunt mari dont fait partie la restitution de prestations indûment versées conformément aux principes rappelés ci-dessus.

11.          

11.1 Des modifications législatives et réglementaires sont entrées en vigueur au 1er janvier 2021 dans le cadre de la Réforme des PC (LPC, modification du
22 mars 2019, RO 2020 585, FF 2016 7249 ; OPC-AVS/AI [ordonnance du
15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité ; RS 831.301], modification du 29 janvier 2020, RO 2020 599).

11.2 Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de la modification du
22 mars 2019, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de cette modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.

11.3 D'après le Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme des PC] du 16 septembre 2016, « [p]lusieurs mesures proposées par la présente réforme peuvent influencer le calcul de la PC et engendrer pour certaines personnes une réduction du montant des PC ou une perte du droit aux PC. Pour permettre aux personnes concernées de s’adapter à la nouvelle situation financière, les mesures suivantes leur seront applicables trois ans seulement après l’entrée en vigueur de la réforme : adaptation du montant minimal de la PC (art. 9 al. 1) ; répartition de la fortune pour les couples dont un des conjoints vit dans un home ou dans un hôpital (art. 9 al. 3 let. b et c) ; droit des cantons de tenir compte dans le calcul de la PC de la prime effective si elle est d’un montant inférieur à la prime moyenne (art. 10 al. 3 let. d) ; abaissement du montant des franchises sur la fortune totale (art. 11 al. 1 let. c) ; prise en compte intégrale du revenu d’une activité lucrative des conjoints qui n’ont pas droit aux PC (art. 11 al. 1 let. a et art. 11a al. 1). Le nouveau droit s’applique immédiatement aux personnes qui acquièrent le droit aux PC après l’entrée en vigueur de la réforme » (FF 2016 7249 p. 7326).

Ainsi, un délai transitoire de trois ans est prévu pour les personnes dont le droit aux prestations est né avant la réforme. Ces bénéficiaires conservent leurs droits acquis selon l'ancien droit durant ce délai, si la réforme entraîne pour eux, dans l'ensemble, une diminution ou une suppression des prestations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_161/2022 du 7 juillet 2022 consid. 3.1 ; arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud PC 41/22 - 14/2023 du 3 avril 2023 consid. 3b).

11.4 La Circulaire concernant les dispositions transitoires de la réforme des PC établie par l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), valable dès le 1er janvier 2021 (ci-après : C-R PC), indique que :

‒     « La réforme des PC entre en vigueur le 1er janvier 2021. Conformément aux dispositions transitoires, l’ancien droit reste applicable pendant trois ans aux bénéficiaires PC pour lesquels la réforme entraîne une réduction des prestations » (ch. 1101) ;

‒      Si le calcul de la PC correspondant au nouveau droit entraîne une diminution de la PC annuelle ou la perte du droit à la PC, le calcul de la PC continue d’être établi selon l’ancien droit jusqu’au 31 décembre 2023 au plus tard (ch. 1102) ;

‒      Si le calcul de la PC correspondant au nouveau droit entraîne une augmentation de la PC annuelle ou si le montant de la PC annuelle reste le même, le calcul de la PC est établi selon le nouveau droit à partir du 1er janvier 2021 (ch. 1103) ;

‒      Les dispositions du droit transitoire ne s'appliquent qu'aux cas en cours. À partir du 1er janvier 2021, les nouveaux cas sont exclusivement régis par le nouveau droit (ch. 1301) ;

‒      Sont considérés comme cas en cours ceux pour lesquels le droit à la PC a pris naissance avant le 1er janvier 2021 (ch. 1302) ;

‒      Afin de déterminer si l’ancien ou le nouveau droit est plus favorable aux cas en cours au 1er janvier 2021, il faut dresser une comparaison en établissant un calcul selon l’ancien droit et un autre selon le nouveau droit (ch. 2101) ;

‒      Pour les cas où la fortune au 1er janvier 2021 dépasse le seuil prévu à l’art. 9a, al. 1, LPC, il n’est pas nécessaire d’établir un calcul comparatif, car les conditions d’octroi de la PC ne seraient plus remplies dans le nouveau droit. Dans cette situation, il faut continuer de calculer la PC conformément à l’ancien droit (ch. 2103) ;

‒      Durant le délai transitoire, il n’est nécessaire d’établir un calcul comparatif que pour les cas dans lesquels le calcul de la PC se fonde sur l’ancien droit. Dès que le calcul est établi selon le nouveau droit, ce dernier reste applicable pour le reste de la période transitoire. Seuls sont réservés les cas visés au ch. 3224 (recte: 3324), dernière phrase » (ch. 3104) ‒ étant relevé que le ch. 3324 prévoit que, «en cas de mariage, le calcul comparatif doit également être effectué lorsque la PC de l’un des conjoints est déjà calculée selon le nouveau droit avec pour conséquence possible, un retour à l’ancien droit ».

11.5 Les directives administratives s'adressent aux organes d'exécution. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'établir des critères généraux d'après lesquels sera tranché chaque cas d'espèce et cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Le juge peut les prendre en considération lorsqu'elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce. Il doit en revanche s'en écarter lorsqu'elles établissent des normes qui ne sont pas conformes aux règles légales applicables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_73/2022 du 26 janvier 2023 consid. 4.3.2 et les références).

11.6 Le principe du passage au nouveau régime juridique (réforme des PC) peut être revu lorsqu'il était fondé sur un état de fait erroné, à l'inverse de cas où, après ce passage, un nouveau changement de situation surviendrait et rendrait l'ancien droit plus favorable. La C-R PC semble viser de tels cas, et tendre à éviter la possibilité d'allers-retours entre l'ancien et le nouveau droit au gré de changements de situation (arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud PC 41/22 - 14/2023 précité consid. 8a).

11.7 Ces dispositions transitoires fixent, d'une part, l'élément juridiquement déterminant dans le choix du droit applicable, selon que la réforme des PC entraîne ou pas une diminution ou la suppression de la PC annuelle, au 1er janvier 2021. D'autre part, elles prévoient la période durant laquelle l'ancien droit « survit », dès le 1er janvier 2021, au détriment du nouveau droit pour les bénéficiaires de PC pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution ou la suppression de la PC annuelle.

Dans la mesure où des bénéficiaires de PC ne peuvent pas se prévaloir de la garantie des droits acquis, au 1er janvier 2021, à teneur des dispositions transitoires, il y a lieu de leur appliquer le nouveau droit dès son entrée en vigueur, conformément au principe de l'effet immédiat de la loi. Par voie de conséquence, à défaut de tomber dans le champ d'application des dispositions transitoires, les changements de situation postérieurs au 1er janvier 2021, sous l'empire du nouveau droit, seront régis exclusivement par celui-ci.

11.8 En l'espèce, la décision litigieuse porte sur la période allant du 1er mars 2016 au 28 février 2022. Le droit aux prestations a été calculé dès l’entrée en vigueur selon le nouveau droit.

Cependant, comme il sera établi ci-après, le bien immobilier ayant été comptabilisé à juste titre par l’intimée dans les plans de calculs, il apparaît que c’est l’ancien droit qui doit être appliqué puisque la franchise de la fortune a été réduite par la nouvelle législation à CHF 50'000.- en lieu et place de CHF 60'000.- jusqu’au 31 décembre 2020 (art. 11 al. 1 let. c LPC et art. 11 al. 1 let. c aLPC). En effet, l’application du nouveau droit dès son entrée en vigueur reposait sur un état de fait erroné, puisque l’intimé ignorait l’existence d’un bien immobilier.

Ainsi, le nouveau droit étant défavorable compte tenu de l’état de fait corrigé, les conditions permettant l’application de l’ancien droit pendant trois ans sont réalisées. C’est donc à tort que le calcul a été établi sur la base du nouveau droit à compter du 1er janvier 2021, il se justifie dès lors pour ce motif déjà de renvoyer la cause à l’intimé pour nouveaux calculs.

 

12.          

12.1 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a LPC.

12.2 Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1er LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (art. 11 al. 1 let. b LPC).

12.3 Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui remplissent les conditions de l’art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC).

Le montant annuel de la prestation complémentaire cantonale correspond à la part des dépenses reconnues qui excède le revenu annuel déterminant de l'intéressé (art. 15 al. 1 LPCC).

L'art. 5 al. 1 LPCC stipule que le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant quelques adaptations, non pertinentes pour le cas d’espèce.

12.3.1 Il n'est pas contestable que des biens immobiliers, fussent-ils sis à l'étranger, entrent en considération pour la détermination du revenu déterminant, comme d'ailleurs l'épargne, à titre d'éléments de fortune (pris en compte de façon privilégiée), à teneur de l'art. 11 al. 1 let. c LPC. La fortune déterminante englobe en effet tous les actifs que l'assuré a effectivement reçus et dont il peut disposer sans restriction, sous réserve d'un dessaisissement de fortune (ATF 127 V 248 consid. 4a). Selon le ch. 3443.01 des DPC, font partie de la fortune d'un requérant ses biens mobiliers et immobiliers, ainsi que les droits personnels et réels lui appartenant ; l'origine des éléments de fortune est irrelevante.

12.3.2 Les immeubles ne servant pas d'habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire sont pris en compte à leur valeur vénale actuelle, soit à la valeur du marché (ch. 3445.03 DPC). Toutefois, pour des immeubles sis à l'étranger, on peut se fonder sur une estimation établie à l'étranger s'il n'est pas raisonnablement possible de procéder à une autre estimation (ch. 3445.04 in fine DPC ; arrêt du Tribunal fédéral 9C.540/2009 du 17 septembre 2009).

Concernant la fortune immobilière, l’art. 17 OPC-AVS/AI dispose que la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton du domicile (al. 1). Lorsque des immeubles ne servent pas d'habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, ils seront pris en compte à la valeur vénale (al. 4).

12.3.3 Le montant de la valeur locative du bien immobilier qui doit en principe être pris en considération à titre de loyer lorsque celui-ci est vide – alors même qu'une location serait possible – est le loyer qui est usuellement pratiqué dans la région ou, autrement dit, un loyer conforme à la loi du marché (ch. 3433.03 des DPC ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2018).

Le revenu déterminant tiré d’un immeuble est celui qui pourrait effectivement être réalisé en cas de location, c'est à dire le loyer conforme au marché (cf. SVR 1997, EL n° 38 consid. 6). En revanche, un tel loyer ne doit pas être pris en considération dans le cas où une location est effectivement difficile, voire impossible (cf. ATAS/191/2016 du 8 mars 2016 consid. 21 ; ATAS/676/2006 du 26 juillet 2006). En dehors de ces exceptions, il y a lieu de retenir un loyer conforme à l’usage local ou un revenu moyen reflétant le rendement pendant la durée de vie des bâtiments situés sur le terrain lorsque le bénéficiaire de prestations complémentaires n’habite pas le bien immobilier et que celui-ci n’est pas loué. Selon la doctrine, ce revenu moyen hypothétique peut être estimé à 5%. Il convient cependant d’en déduire les frais d’entretien forfaitaires et les intérêts hypothécaires (cf. Erwin CARIGIET, Uwe KOCH, op.cit. p. 172).

12.3.4 Pour les immeubles sis à l'étranger, le Tribunal fédéral, appelé à trancher la question de savoir si le revenu imputable à un bénéficiaire devait être calculé en se fondant sur le taux d'intérêt moyen de l'épargne l'année précédant la demande de prestations ou sur le revenu reflétant le rendement pendant la durée de vie des bâtiments érigés sur l'immeuble (soit 5% ou 4% après déduction du forfait applicable pour l'entretien des bâtiments), a considéré que ces deux méthodes permettaient d'obtenir des valeurs approximatives proches de la valeur locative réelle d'un immeuble sis à l'étranger et qu'il était impossible de déterminer d'emblée laquelle aboutissait à la valeur la plus réaliste. Il en a conclu que c'était donc à l'autorité d'exécution, ou au juge en cas de litige, de déterminer la valeur reflétant le mieux la situation du marché (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 33/05 du 8 novembre 2005, consid. 3 et 4).

Pour sa part, la chambre de céans a confirmé, à plusieurs reprises, que lorsqu'un immeuble n'est pas situé dans le canton de Genève, le recours à un taux forfaitaire de 4,5 % de la valeur vénale retenu à titre de valeur locative (au sens large) ou de rendement de l'immeuble n'est pas excessif, et ce, dans la mesure où les conditions locales ne peuvent pas être déterminées aisément, contrairement aux immeubles situés dans le canton (ATAS/752/2017 ; ATAS/131/2017 ; ATAS/237/2012 ; ATAS/43/2010 ; ATAS/732/2009 ; ATAS/399/2007 ;
ATAS 1040/2005, confirmé sur recours par l’arrêt du Tribunal fédéral P 57/05 du 29 août 2006). Enfin, la chambre de céans a également considéré qu’un taux de 5% était admissible (ATAS/1127/2017 du 11 décembre 2017).

12.3.5 À Genève, l’art. 24 al. 2 de loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP – RSG D 3 08), entrée en vigueur le 1er janvier 2010, dispose notamment que la valeur locative est déterminée en tenant compte des conditions locales. Le loyer théorique des villas et des appartements en copropriété par étage occupés par leur propriétaire est fixé en fonction notamment de la surface habitable, du nombre de pièces, de l'aménagement, de la vétusté, de l'ancienneté, des nuisances éventuelles et de la situation du logement.

Lorsqu’un immeuble n’est pas situé dans le canton de Genève, l’administration fiscale peut faire recours à un taux forfaitaire de 4.5% de la valeur du bien pour fixer la valeur locative, et ce dans la mesure où les conditions locales ne peuvent pas être déterminées aisément, contrairement aux immeubles situés dans le canton (ATAS/237/2012 ; ATAS/43/2010 ; ATAS/732/2009). Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de juger que l’emploi de ce taux n'apparaissait pas comme excessif (ATF non publié P 57/05 du 29 août 2006).

12.4 En l'espèce, pour fixer la valeur du bien sis en Grèce, l’intimé s’est basé sur l’évaluation réalisée par la notaire Me C______ sur demande de la recourante et produite par cette dernière. La recourante la conteste, faisant valoir que le bien n’a aucune valeur compte tenu de sa situation juridique.

12.5 Les arguments de la recourante ne peuvent pas être suivis.

En effet, dans les déclarations fiscales de 2017 à 2022, soit durant la période litigieuse, la recourante et son défunt mari ont annoncé une fortune immobilière de CHF 37'714.- qui correspondait au bien sis en Grèce, il est donc manifeste que pour eux le bien avait une valeur, ce qui est également confirmé par le testament du défunt de décembre 2021, il n’aurait pas spécifié vouloir laisser ledit bien à ses deux enfants s’il avait été convaincu qu’il n’avait pas de valeur.

Par ailleurs, la recourante semble oublier que la valeur du bien sis en Grèce a été réalisée sur la base de l’évaluation effectuée par une notaire qu’elle a elle-même mandatée à Corinthe et transmise au SPC sans la moindre contestation Or, il faut rappeler que le mandat à la notaire avait pour but de donner suite aux demandes du SPC qui exigeait une estimation de la valeur vénale du bien et de sa valeur locative, étant précisé que la recourante était à cette époque secondée par une fiduciaire et le service social. En transmettant l’évaluation effectuée sans remarques, cela valait acquiescement à son contenu. À ce stade, il sied de relever que la recourante n’a contesté l’estimation que quand elle en a vu les conséquences, en particulier la demande de restitution du SPC.

De son aveu, elle ne comprenait pas les enjeux et a transmis l’évaluation de la notaire de bonne foi, la valeur du bien ne l’a dès lors pas surprise à l’époque.

Or, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, il convient en général d'accorder la préférence aux premières déclarations de l'assuré, faites alors qu'il ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47 consid. 2a ; ATF 115 V 143 consid. 8c)

Par ailleurs, comme le relève à juste titre l’intimé, les documents fournis attestent certes d’un litige avec l’état grec mais dont l’issue est à ce jour inconnue et ne permet pas de retenir que le bien n’aurait eu aucune valeur pour le passé, ce d’autant plus qu’il a été déclaré aux autorités fiscales suisses à tout le moins de 2017 à 2022 avec une valeur de près de CHF 40'000.-, soit après les procédures réalisées en Grèce.

Enfin, la Cour de céans souligne que, par décision du 1er juin 2023, le SPC a recalculé le droit aux prestations de l’intéressée à compter du 1er janvier 2023 en retenant dans son plan de calcul une fortune immobilière de CHF 20'025.25 ainsi qu’un produit relatif y relatif à hauteur de CHF 901.10.

Or, ces montants correspondent au quart de la fortune immobilière de
CHF 80'099.93 calculée au taux de conversion pour 2023, soit la part successorale qui devait revenir à la recourante selon le droit grec.

La recourante n’a pas contesté cette décision.

Il apparaît dès lors que c’est à juste titre que l’intimé s’est basé sur l’estimation établie sur demande de la recourante par Me C______.

Les mêmes arguments valent pour le produit de la fortune qui a été fixé sur la base de la valeur immobilière en lui appliquant le taux de 4,5% conformément aux principes rappelés ci-dessus.

Quant aux montants retenus par l’intimé, ils ont été obtenus en convertissant les valeurs en question en francs suisses, ce qui est correct : s’agissant du taux de conversion applicable pour le calcul de la fortune immobilière et de la valeur locative y relative, il y a en effet lieu d’appliquer les DPC. Or, celles-ci prévoient que, pour les rentes et pensions versées en devises d’Etats parties à la Convention de libre passage CH-UE et à l’Accord de l’AELE, le taux de conversion applicables est celui publié par la Banque centrale européenne. Bien que ces directives concernent les rentes servies, elles sont applicables mutatis mutandis aux autres éléments composant les revenus déterminants, tels que la fortune immobilière.

Il y a donc lieu de confirmer les montants retenus à titre de fortune immobilière et de son produit.

13.         Toutefois, comme relevé précédemment, la prise en compte de la fortune immobilière implique que l’ancien droit était plus favorable que la nouvelle législation et aurait donc dû continuer à être appliqué après le 1er janvier 2021.

Il se justifie dès lors de renvoyer la cause à l’intimé pour nouveaux calculs selon l’ancien droit.

Par ailleurs, à l’analyse des plans de calculs, il apparaît que l’intimé a fixé l’épargne à CHF 6'168.50 à compter du 1er octobre 2016 alors que ce montant n’avait été pris en compte initialement qu’à partir du 1er janvier 2017. À cela s’ajoute que ce montant a été repris pour toute la période réclamée subséquente, ce qui laisse supposer que ce poste n’a pas été actualisé.

Au vu de ce qui précède, le recours sera très partiellement admis et la décision sur opposition du 12 mai 2023 sera annulée.

La cause sera renvoyée à l’intimé à charge pour ce dernier de recalculer le droit aux prestations de la recourante en appliquant l’ancien droit et en fixant l’épargne annuelle à retenir d’année en année à compter du 1er mars 2016.

La recourante obtenant très partiellement gain de cause, une indemnité de
CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet très partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 12 mai 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouveaux calculs au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de dépens de
CHF 2'000.-

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Marie-Josée COSTA

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le