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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1184/2024

ATAS/339/2024 du 16.05.2024 ( LAA ) , SANS OBJET

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1184/2024 ATAS/339/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 mai 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Yves MABILLARD, avocat

 

recourant

 

contre

GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

1.        Le 12 juin 2019, Monsieur A______ (ci-après : l’assuré) a été victime d’un accident qui a eu pour conséquences des lésions de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, une fracture des côtes, un pneumothorax, une contusion au poignet droit, ainsi qu’une plaie orbitale.

2.        Par décision du 11 mai 2021, GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA (ci-après : l’assureur-accidents) a reconnu à l’assuré le droit à une rente d’invalidité de 20% dès le 1er mai 2021, ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de 10%.

3.        Le 14 juin 2021, l’assuré s’est opposé à cette décision.

4.        Par décision du 12 août 2022, l’assureur-accidents a annulé sa décision du 11 mai 2021 et a reconnu à l’assuré le droit à une rente d’invalidité de 26% dès le 1er mai 2021. Pour le reste, il a confirmé le taux de l’IPAI de 10%.

5.        Le 14 septembre 2022, l’assuré s’est opposé à cette décision.

6.        Par courrier du 11 décembre 2023, le conseil de l’assuré a demandé à l’assureur-accidents de statuer sur l’opposition du 14 septembre 2022.

7.        L’assureur-accidents a alors invoqué un « grand volume de dossier en attente » (sic). Il a annoncé que l’instruction du dossier allait reprendre et qu’une décision sur opposition serait rendue dans les meilleurs délais.

8.        Le 11 avril 2024, l’assuré a saisi la Cour de céans d’un recours pour déni de justice à l’encontre de l’assureur-accidents.

9.        Invitée à se déterminer, le 30 avril 2024, l’intimée a conclu à ce que le recours soit déclaré sans objet, une décision sur opposition ayant été finalement rendue en date du 26 avril 2024.

L’intimée argue que le délai écoulé entre l’opposition du 14 septembre 2022 et sa décision du 26 avril 2024 ne saurait être qualifié de retard à statuer car il s’explique par les temps morts inévitables dans le traitement des dossiers tolérés par la jurisprudence.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        En vertu de la LPGA, un recours peut être formé lorsque l'assureur, malgré la demande de l'intéressé, ne rend pas de décision ou de décision sur opposition (art. 56 al. 2 LPGA).

En l’espèce, le recours, interjeté sur la base de l'art. 56 al. 2 LPGA, est recevable. Cependant, une décision étant finalement intervenue le 26 avril 2024, il est devenu sans objet.

3.        Conformément à l’art. 61 let. g LPGA, le recourant qui obtient gain de cause a droit au remboursement de ses frais et dépens.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le recourant y a droit même lorsque la procédure est sans objet, pour autant que les chances de succès du procès le justifient (ATF 110 V 57 consid. 2a ; RCC 1989 p. 318 consid. 2b).

Se pose dès lors la question de savoir si tel était le cas en l’occurrence.

Le fait que l’intimée ait rendu une décision ne signifie pas pour autant que la procédure ouverte auprès de la Cour de céans aurait eu des chances de succès. En effet, celles-ci dépendent des règles applicables au déni de justice.

4.        a. Aux termes de l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

Le droit de recours de l'art. 56 al. 2 LPGA sert à mettre en œuvre l'interdiction du déni de justice formel prévue par l'art. 29 al. 1 Cst. Le retard injustifié à statuer, également prohibé par l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) – qui n'offre à cet égard pas une protection plus étendue que la disposition constitutionnelle (ATF 103 V 190 consid. 2b) –, est une forme particulière du déni de justice formel (ATF 119 Ia 237 consid. 2).

En droit fédéral des assurances sociales plus particulièrement, le principe de célérité figurait à l'art. 85 al. 2 let. a LAVS (en corrélation avec l'art. 69 LAI), dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 (cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b). Il est désormais consacré par l'art. 61 let. a LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, qui exige des cantons que la procédure soit simple et rapide et constitue l'expression d'un principe général du droit des assurances sociales (ATF 110 V 61 consid. 4b ; Ueli KIESER, Das einfache und rasche Verfahren, insbesondere im Sozialversicherungsrecht, in : RSAS 1992 p. 272 ainsi que la note No 28, et p. 278 sv. ; RÜEDI, Allgemeine Rechtsgrundsätze des Sozialversicherungsprozesses, in: Recht, Staat und Politik am Ende des zweiten Jahrtausends, Festschrift zum 60. Geburtstag von Bundesrat Arnold Koller, Berne 1993, p. 460ss et les arrêts cités). La procédure judiciaire de première instance est ainsi soumise au principe de célérité, que ce soit devant une autorité cantonale ou devant une autorité fédérale.

b. Il y a retard injustifié à statuer lorsque l'autorité administrative ou judiciaire compétente ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prévu par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 131 V 407 consid. 1.1 et les références).

Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 al. 1 aCst. - qui conserve toute sa valeur sous l'angle de l'art. 29 al. 1 Cst. - le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause.

Il convient de se fonder à ce propos sur des éléments objectifs. Entre autres critères sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes, mais aussi la difficulté à élucider les questions de fait (expertises, par exemple; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2.2), mais non des circonstances sans rapport avec le litige, telle une surcharge de travail de l'autorité (ATF 130 I 312 consid. 5.2; ATF 125 V 188 consid. 2a).

Il appartient par ailleurs au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 107 Ib 155 consid. 2b et c p. 158 s.) ; que cette obligation s'apprécie toutefois avec moins de rigueur en procédure pénale et administrative (HAEFLIGER / SCHÜRMANN, op. cit., p. 203-204 ; AUER / MALINVERNI / HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, n. 1243).

La durée du délai raisonnable n'est pas influencée par des circonstances étrangères au problème à résoudre. Si on ne peut reprocher à l'autorité quelques « temps morts », celle-ci ne saurait en revanche invoquer une organisation déficiente ou une surcharge structurelle pour justifier la lenteur de la procédure; il appartient en effet à l'État d'organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme aux règles (ATF 130 I 312 consid. 5.1 et 5.2 et les références).

Dans le cadre d'une appréciation d'ensemble, il faut également tenir compte du fait qu'en matière d'assurances sociales le législateur accorde une importance particulière à une liquidation rapide des procès (ATF 126 V 244 consid. 4a). Peu importe le motif qui est à l’origine du refus de statuer ou du retard injustifié; ce qui est déterminant, c’est le fait que l’autorité n’ait pas agi ou qu’elle ait agi avec retard (ATF 124 V 133; ATF 117 Ia 117 consid. 3a et 197 consid. 1c; arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 819/02 du 23 avril 2003 consid. 2.1 et C 53/01 du 30 avril 2001 consid. 2).

5.        a. À titre d’exemple, un déni de justice a été admis par la Cour de céans ou, antérieurement, par le Tribunal cantonal des assurances sociales, dans un cas où :

- la décision de l'OAI était intervenue cinq mois après son arrêt, lequel rétablissait simplement la rente que l'OAI avait supprimée, car aucune instruction complémentaire n'était nécessaire de la part de l'administration, hormis l'envoi d'un formulaire de compensation (ATAS/859/2006 du 2 octobre 2006);

- aucune décision formelle n’avait été rendue neuf mois après la demande en ce sens de l’assuré, faute de mesures d’instruction durant six mois (ATAS/711/2015 du 23 septembre 2015);

- l’OAI, neuf mois après un jugement lui ordonnant de mettre en place une expertise, n’avait pas encore entrepris de démarches en ce sens (ATAS/430/2005 du 10 mai 2005);

- l’OAI avait attendu quatorze mois depuis l’opposition de l’assuré au projet pour mettre en œuvre une expertise multidisciplinaire à laquelle l’assuré avait conclu d’emblée (ATAS/484/2007 du 9 mai 2007);

- aucune décision n’avait été rendue dans un délai de plus quinze mois depuis la date du rapport d’expertise alors que la demande de précision faite au SMR au sujet de la divergence entre celui-ci et l’expert quant à la capacité de travail du recourant aurait pu être formée plus de six mois auparavant et que le SMR n’avait répondu qu’au bout de huit mois (ATAS/788/2018 du 10 septembre 2018);

- l’OAI avait ordonné un complément d’expertise dix-sept mois après avoir obtenu les renseignements des médecins traitants (ATAS/860/2006 du 2 octobre 2006);

- une nouvelle décision avait été rendue dix-huit mois après que la cause ait été renvoyée à l’office à la suite de l’admission partielle du recours (ATAS/62/2007 du 24 janvier 2007);

- plus d’un an et demi s’était écoulé depuis le rapport d'expertise en possession de l'OAI sans qu’aucune décision n’intervienne et ce, malgré de nombreuses relances du conseil de l’assurée, même si une évaluation du degré d’invalidité avait eu lieu, de même qu’une enquête économique sur le ménage, car on ne voyait pas quelles difficultés particulières justifiaient encore le report d’une décision une fois l’instruction terminée (ATAS/223/2018 du 8 mars 2018);

- un recourant qui était sans nouvelle de l’OAI vingt et un mois après le dépôt d’une demande de révision (ATAS/860/2006 du 2 octobre 2006).

 

 

En revanche, elle a nié l’existence d’un déni de justice dans un cas où :

- la caisse cantonale de compensation n’avait pas rendu de décision un peu plus de quatre mois après l’opposition de l’assuré, soit dans un délai qui ne violait pas le principe de célérité, ce d’autant plus que le cas ne pouvait pas être qualifié de simple (ATAS/1035/2018 du 7 novembre 2018);

- la caisse-maladie n’avait pas rendu de décision neuf mois après l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral pour instruction complémentaire afin d’établir le tarif hospitalier du canton de Bâle, dès lors que l’instruction n’était pas terminée et qu’elle n’avait cessé d’interpeller l’Hôpital universitaire de Bâle à ce sujet (ATAS/1502/2012 du 19 décembre 2012);

- l’assurance-accidents n’avait pas versé de prestations à la suite d’une rechute annoncée quinze mois auparavant étant donné que les parties avaient échangé des courriers pendant treize mois dans le but d’aboutir à une solution transactionnelle (ATAS/264/2014 du 5 mars 2014).

b. De son côté, le Tribunal fédéral a nié l’existence d'un retard injustifié notamment dans un cas où il y avait eu un intervalle d'environ vingt mois entre le moment où l’OAI avait été en mesure de statuer, soit dans les semaines qui avaient suivi la réception de l'avis du SMR, jusqu'au dépôt du recours. Il a considéré que l’OAI avait activement mené son instruction, ainsi que cela ressortait des rapports médicaux régulièrement versés au dossier jusqu'au dépôt du recours pour déni de justice et que les investigations mises en œuvre n'apparaissaient pas superflues au point de constituer un déni de justice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_448/2014 du 4 septembre 2014).

En revanche, il a admis un déni de justice dans un cas où :

- il s'était écoulé un délai de vingt-quatre mois entre la fin de l'échange d'écritures devant la juridiction cantonale et le dépôt du recours pour déni de justice devant le Tribunal fédéral dans un litige qui avait uniquement pour objet le taux d'invalidité du recourant et où celui-ci avait circonscrit son argumentation à deux questions ne présentant pas de difficulté particulière (arrêt 8C_613/2009 du 22 février 2010);

- un tribunal cantonal avait laissé s'écouler vingt-cinq mois entre la fin de l'échange d'écritures et le dépôt du recours pour déni de justice devant le Tribunal fédéral, respectivement plus de trois ans depuis le dépôt du recours cantonal, dans une affaire sans difficulté excessive en matière d'assurance-accidents (arrêt du Tribunal fédéral 8C_176/2011 du 20 avril 2011);

- une cause était pendante depuis trente-trois mois et en état d'être jugée depuis vingt-sept mois (ATF 125 V 373).

6.        En l’occurrence, la décision du 26 avril 2024 est intervenue dix-neuf mois après l’opposition formulée le 14 septembre 2022.

Or, contrairement à ce qu’annonçait l’intimée dans son courrier du 21 décembre 2023, il ne ressort pas de la décision finalement rendue qu’il ait été procédé à une instruction complémentaire, ni que l’intimée ait dû entreprendre des démarches particulières avant de statuer. L’intimée ne prétend d’ailleurs pas que tel soit le cas.

Au vu des circonstances, les chances de succès du recourant si la procédure avait été menée à son terme sont avérées, de sorte qu’il y a lieu de lui allouer des dépens.

Au vu de ce qui précède, le recours est déclaré sans objet et la cause rayée du rôle. Une indemnité de CHF 1’000.- est accordée au recourant à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

***


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours pour déni de justice recevable.

2.        Prend acte de la décision du 26 avril 2024.

Au fond :

3.        Constate que le recours pour déni de justice est devenu sans objet.

4.         Condamne l’intimée à verser au recourant la somme de CHF 1’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le