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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1284/2024

ATA/1200/2025 du 28.10.2025 sur JTAPI/552/2025 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1284/2024-LCI ATA/1200/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 octobre 2025

3ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Carole REVELO, avocate

contre

C______ SA
représentée par Me Marc OEDERLIN, avocat

et

D______

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mai 2025 (JTAPI/552/2025)


EN FAIT

A. a. D______ est propriétaire des parcelles adjacentes nos 7'753, 7'754, 7'755 et 7'774 de la commune de E______ (ci-après : la commune), d’une surface de respectivement, 668 m2, 275 m2, 607 m2 et 335 m2. Un bâtiment d’habitation, dont la démolition a été autorisée (M 1______), est érigé sur la parcelle no 7'753 et une piscine est implantée en partie sur la parcelle no 7'755 et en partie sur la parcelle no 7'774.

Ces parcelles sont situées en zone 5 à l’adresse 31, chemin F______ à G______.

b. Le 18 mai 2022, D______ a conclu un contrat de vente à terme de ses parcelles avec C______ SA, la vente étant conditionnée à l’entrée en force d’une autorisation de construire un habitat groupé.

c. A______ et B______ sont propriétaires d’un appartement, situé au 1er étage de l’immeuble, sis sur la parcelle no 10'063 de la commune, à l’adresse 29, chemin F______.

B. a. Par requête du 8 décembre 2022, C______ SA, au bénéfice d’une procuration délivrée par D______, a sollicité du département du territoire (ci-après : le département) la délivrance d’une autorisation de construire (DD 2______) pour la construction, sur les parcelles précitées, d’un habitat groupé, avec un indice d’utilisation du sol (ci-après : IUS) de 46%, ainsi que l’abattage et/ou l’élagage d’arbres hors forêt.

Le projet portait sur la construction d’un bâtiment, sur trois niveaux hors sol, avec cinq logements dont deux appartements en rez-de-chaussée avec de grandes terrasses s’ouvrant sur un grand jardin, deux appartements à l'étage et un appartement en attique. Un parking en sous-sol et quelques places visiteurs en surface étaient également prévus.

b. Pendant l’instruction de la requête, le projet a connu quatre versions successives et les instances consultées ont émis plusieurs préavis dont le contenu détaillé sera repris dans la mesure utile dans la partie en droit du présent arrêt.

ba. La commission d’architecture (ci-après : CA), s’est prononcée à quatre reprises sur le projet. Le 2 février, 13 avril et 6 décembre 2023, elle a émis des préavis défavorables. Le 13 février 2024, elle a émis un préavis favorable avec dérogation, à savoir que l'application de l’art. 59 al. 4 LCI (46% THPE) était acceptée, le projet répondant aux remarques émises dans les précédents préavis, et à condition, notamment, de soumettre le choix des teintes et matériaux pour approbation avant la commande.

bb.  La commune s’est prononcée à plusieurs reprises sur le projet. Le 30 janvier 2023, elle a émis un préavis défavorable, s’opposant à l’octroi d’une dérogation. La demande d’autorisation de construire avait été déposée avant le 1er janvier 2023. Dans la mesure où le plan directeur communal (ci-après : PDCom) n’avait pas encore été approuvé par le Conseil d’État, la condition liée à la nécessité d’un préavis communal favorable, en application de l’art. 59 al. 4bis LCI n’était pas remplie.

Les 3 mars et 1er novembre 2023, la commune a préavisé favorablement le projet, avec dérogation, acceptant l’application de l’art. 59 al. 4 LCI. Elle a également précisé que le dossier complémentaire qu’elle avait reçu le 31 mars 2023 avait été évalué selon le nouveau PDCom qui lui servait de guide décisionnel, même s’il demeurait en attente de validation par le canton.

bc. Le 3 avril 2023, l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) a préavisé favorablement le projet, sous conditions.

bd. Le 28 avril 2023, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA), après avoir sollicité des pièces complémentaires le 2 février 2023, a émis un préavis favorable, sous conditions.

be. L’office cantonal des transports (ci-après : OCT), après avoir demandé des pièces complémentaires et la modification du projet le 12 janvier 2023, a émis un préavis favorable, sous conditions et avec souhaits, le 10 novembre 2023.

bf. Le service de la protection civile et des affaires militaires (ci-après : OCPPAM) a préavisé favorablement le projet, sous conditions, le 20 février 2023. Faisant référence à une décision de dispense de construction d’un abri de protection civile (3______), il a indiqué que si le propriétaire ne désirait pas réaliser d’abri, il devrait s’acquitter d’une contribution de remplacement de CHF 12'000.-.

bg. L’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN), après avoir sollicité la modification du projet le 17 janvier 2023, a émis deux préavis favorables, sous conditions, le 2 février 2024. S’agissant des arbres hors forêt, il a notamment autorisé l’abattage de deux cerisiers, d’un arbre de Judée et d’un saule pleureur et indiqué que des arbres devaient être replantés pour un montant de CHF 17'900.-.

bh. La police du feu, après avoir sollicité la modification du projet le 9 janvier 2023, a émis un préavis favorable, sous conditions, le 3 avril 2023.

bi. La direction de l’information et du territoire (ci-après : DIT) a émis un préavis favorable, sous conditions, le 9 janvier 2023.

bj. Le service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC) a émis un préavis favorable, posant cinq conditions, le 6 février 2023. Il a notamment indiqué sous : « Protection des eaux souterraines - Nappe d’eau souterraine de faible capacité - Mesures constructives. Le projet se situe dans un secteur d’incertitude quant à la présence de la nappe superficielle dite de H______ » et a posé quatre exigences en cas de venues d’eau associées à cette source (COD-1).

bk. La direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), après avoir sollicité des pièces complémentaires le 6 janvier 2023, a préavisé favorablement le projet, avec dérogation, en application de l’art. 59 al. 4 LCI (46% THPE).

bl. Le 6 février 2024, après s’être prononcé à plusieurs reprises et avoir sollicité des versions actualisées du plan d’exécution des canalisations d’évacuation des eaux usées (EU) et des eaux pluviales (EP), l’office cantonal de l’eau (ci‑après : l’OCEau) a émis un préavis favorable, sous conditions, soit : exécuter les canalisations privées en système séparatif et les raccorder au système public d'assainissement des eaux de la route I______, pour les EU au collecteur EU diamètre 300 mm et pour les EP au collecteur EP diamètre 400 mm (COD-1) ; exécuter des regards de visite et d'entretien en limite de propriété (COD-2) ; faire transiter les eaux pluviales des aménagements extérieurs / toiture dans une tranchée drainante (technique alternative) de 9 m3 (volume total) sans limitation du débit à la sortie de l'ouvrage (COD-3) ; installer une chambre (avec coude plongeur et dépotoir) en amont de la tranchée drainante ainsi qu'une chambre de visite à la sortie (COD-4). Il a également exigé de fournir, 30 jours avant l’ouverture du chantier, une version actualisée du plan d’exécution des canalisations d’évacuation des EU et des EP jusqu’aux points de raccordement au système public d’assainissement.

c. Le 29 février 2024, le département a délivré l’autorisation de construire DD 2______, les conditions prévues dans les préavis devant être strictement respectées et faisant partie intégrante de la décision.

C. a. Par acte du 15 avril 2024, complété par la suite dans le délai accordé par le TAPI au 24 mai 2024, A______ et B______ (ci-après : les voisins) ont recouru contre l’autorisation de construire auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation.

Les pièces principales de leur appartement, à savoir les chambres à coucher et la pièce à vivre, étaient exposées nord-est et donneraient directement sur la façade sud-ouest du futur bâtiment. Compte tenu de la situation de celui-ci et de sa nature, le projet ne manquerait pas de leur causer des nuisances sonores et visuelles.

Le projet n'était pas compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier et ne répondait à aucun critère esthétique. Il contrevenait également aux objectifs environnementaux car il prévoyait l’abattage de huit arbres, dont six espèces indigènes, ce qui aurait pour conséquence d’appauvrir la biodiversité.

Le projet induirait une augmentation du trafic sur les tronçons d'accès à leur domicile, causant des nuisances sonores qui nuiraient à leur tranquillité.

Le PDCom avait été validé sous réserve du périmètre de densification accrue proposée pour le secteur F______. Partant, cette réserve imposait de faire preuve d’un examen strict des conditions permettant d’accorder une dérogation à l’art. 59 LCI. Dans ces circonstances, il apparaissait, qu’en accordant la dérogation sollicitée, au lieu d’adopter une approche restrictive, le département avait mésusé de son pouvoir d’appréciation.

L’octroi de cette dérogation semblait dépourvu de justification au regard de l'objectif qu’elle poursuivait, dès lors que le type de logements projetés ne s'inscrivait pas dans une perspective de résolution du problème de pénurie de logements à Genève. Sous l’angle de l’esthétique, le futur bâtiment était trop imposant par rapport à la surface des parcelles. De plus, s’agissant d’appartements de haut standing, le projet n’aurait aucun impact sur la pénurie de logements. La dérogation accordée était ainsi injustifiée.

L’art. 59 al. 4 LCI constituait une exception et l’al. 4bis de cette disposition était une exception à l’exception qui devait être traité restrictivement. Cette approche restrictive s’imposait d’autant plus que le Conseil d’État avait émis une réserve concernant la densification accrue de la zone concernée.

Or, il ressortait des préavis et des observations que le projet litigieux rencontrait une forte opposition des habitants et de la commune et qu’un certain nombre d'éléments faisaient obstacle à sa réalisation. En effet, même les préavis favorables qui avaient été finalement délivrés étaient assortis de nombreuses conditions, de dérogations et même « d'exigences de vérifications » en cours de projet. Si certaines paraissaient peu problématiques, à l’instar de la dispense de construire un abri de protection civile, d’autres auraient un impact important sur la situation de leur parcelle.

À cet égard, le respect des conditions posées par l’OCEau requérait la réalisation d’importants travaux qui provoqueraient des nuisances sonores et esthétiques.

Le projet risquait également de causer des problèmes liés à l'évacuation des EU et des EP. Cela aurait un impact sur la parcelle sur laquelle se trouvait leur propriété et le peu de distance entre les deux constructions augmenterait encore ce risque. À cela s’ajoutait les risques relatifs aux eaux souterraines évoqués par le GESDEC, concernant l’éventuelle présence de la nappe superficielle de H______, qui l’avaient conduit à poser cinq conditions dans son préavis.

L'incompatibilité du projet avec l'harmonie du quartier et les nombreux obstacles techniques relevés par les instances de préavis auraient dû conduire le département à refuser, non seulement la dérogation, mais également l'autorisation de construire. Le département avait ainsi mésusé de son pouvoir d'appréciation et rendu une décision arbitraire.

b. Le 12 juillet 2024, C______ SA a conclu au rejet du recours, répondant point par point aux griefs.

c. Le 24 juin 2024, le département a conclu au rejet du recours.

d. Par jugement du 22 mai 2025, rendu après un deuxième et un troisième échange d’écritures, sans que D______, dûment interpellé, ne se manifeste, le TAPI a rejeté le recours.

S’agissant de l’évacuation des EU et des EP ainsi que des risques relatifs aux eaux souterraines, ces questions avaient été examinées par l’instance spécialisée qui avait considéré que le terrain était équipé. Le GESDEC avait posé des exigences afin de préserver la nappe superficielle de H______.

En tant que particuliers, les voisins ne pouvaient dans le cadre d’un recours contre une autorisation de construire se prévaloir d’une violation du PDCom.

La circulation induite par le projet ne constituait pas un inconvénient grave, s’agissant de la construction de cinq logements. Les différentes « nuisances » évoquées ne pouvaient être retenues.

Le département avait suivi les préavis qui étaient tous favorables, le projet était conforme à l’affectation de la zone et à l’IUS admissible.

D. a. Par acte mis à la poste le 25 juin 2025, A______ et B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cours de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation ainsi qu’à celle de l’autorisation de construire DD 328'871.

Le TAPI avait constaté les faits de manière inexacte et considéré à tort que l’OCEau avait examiné le dossier avec soin et soumis son préavis à suffisamment de conditions afin de s’assurer de la conformité du projet avec les normes en vigueur. Cependant, les conditions initiales posées par l’OCEau n’avaient pas pu être garanties, créant ainsi un risque important s’agissant de l’évacuation des eaux. Ils remettaient en cause le préavis favorable de l’OCEau.

Le TAPI avait minimisé les nuisances sonores et visuelles qu’entraînerait la réalisation du projet qui violait l’art. 14 LCI.

Le TAPI avait considéré à tort qu’ils ne faisaient que substituer leurs points de vue à celui de l’instance spécialisée sans examiner le bienfondé de leurs arguments, se reposant sur le préavis de la commune pour conclure à l’absence d’atteinte à l’harmonie du quartier et pour considérer à tort que le projet répondait à l’intérêt public sous l’angle de la pénurie de logement, indépendamment du standing des futurs appartements.

Ils contestaient la pertinence, dans l’examen de l’harmonie du quartier, de leur bâtiment, le TAPI ayant retenu à tort qu’il était analogue à la construction litigieuse.

b. Le 4 août 2025, C______ SA a conclu au rejet du recours.

Aucun élément concret n’était amené par les recourants pour rendre vraisemblable le risque en rapport avec l’évacuation des eaux ou que l’OCEau aurait mésusé de son pouvoir d’appréciation.

Les nuisances alléguées n’étaient même pas rendues vraisemblables. Il en allait de même des prétendues nuisances esthétiques.

Les normes en vigueur n’opéraient pas de distinction en fonction du standing des appartements.

La démarche des recourants ne visait qu’à retarder l’entrée en force de l’autorisation de construire.

c. Le 7 août 2025, le département a conclu au rejet du recours, répondant point par point aux arguments développés par les recourants.

d. Le 18 septembre 2025, les recourants ont répliqué. Le département ou le requérant n’avait pas démontré que les conclusions du rapport SOGEO seraient encore valides en dépit de la création d’une tranchée drainante, comme prévu par le projet modifié. Cette solution aurait dû faire l’objet d’un nouvel examen.

En arguant que l’augmentation de l’IUS en zone 5 avait été décidée pour pallier la problématique de la pénurie de logements, le TAPI ne motivait pas suffisamment sa position. Or, la construction de tels logements était sans incidence sur la pénurie de logements.

e. D______ n’a pas déposé d’observations.

f. Le 18 septembre 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.              Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée dans le cas d’espèce.

3.             Les recourants reprochent au TAPI d’avoir retenu que l’OCEau avait examiné le dossier avec soin et rendu un préavis dont les conditions étaient suffisantes pour garantir l’absence de risque.

3.1 Dans le système de la LCI, les demandes d’autorisation sont soumises, à titre consultatif, au préavis des communes, des départements et des organismes intéressés. L’autorité de décision n’est pas liée par ces préavis (art. 3 al. 3 LCI). Ainsi, les avis ou préavis ne lient pas les autorités et n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Selon une jurisprudence constante, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, en fonction de son aptitude à trancher le litige, l'autorité technique consultative étant composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/739/2024 du 18 juin 2024 consid. 6.5 et l'arrêt cité).

3.2 Il faut constater en premier lieu que dans leur recours, comme devant le TAPI déjà, les recourants n’indiquent pas quels faits ou quels risques exacts, en lien avec le préavis de l’OCEau, n’auraient pas été pris en compte et ne produisent aucun élément permettant de mettre en doute l’analyse faite par le TAPI. Le seul document invoqué en première instance est un rapport géotechnique, établi à leur demande, datant du 21 décembre 2022, et dont les conclusions sont dépassées, le projet ayant intégré par la suite une tranchée drainante qui modifiait la situation, ce qui n’est pas contesté par les recourants.

Ils invoquent le fait que l’OCEau avait émis deux préavis comprenant des réserves avant de préaviser favorablement, sous conditions, le projet. Ils déplorent que le respect de ces conditions engendre d’importants travaux impliquant des nuisances et que la réalisation du projet, malgré ces obstacles, fasse naître un risque que l’évacuation des eaux usées et pluviales cause de nombreux problèmes qui toucheraient également leur parcelle. Une incertitude quant à la présence de la nappe superficielle avait également amené le GESDEC à imposer cinq conditions à son préavis.

Il appert que le TAPI a examiné en détail les préavis de l’OCEau pour arriver à la conclusion qu’ils démontraient le soin que cette instance avait apporté au traitement du dossier et que le dernier préavis faisait partie intégrante de l’autorisation de construire (consid. 28 du jugement).

Force est donc de constater, contrairement à ce que sous-entendent les recourants en soulignant que la quasi-intégralité des offices consultés ont imposé des conditions, dont certaines très strictes, le fait que ces conditions aient été fixées indique que le projet et les questions en lien avec la gestion des eaux notamment ainsi que le respect des normes en vigueur, ont été examinées avec soin. Ainsi, les risques évoqués par les recourants relèvent plutôt de la spéculation. Ils n’apportent d’ailleurs aucune précision quant à ces risques, indiquant uniquement que le respect du préavis « semblait très exigeant », échouant par là à rendre vraisemblable un risque quelconque en rapport avec l’évacuation des eaux.

Ce grief sans substance sera donc écarté.

4.             Les recourants font valoir que le TAPI a minimisé les nuisances sonores et visuelles qu’entraînerait la réalisation du projet, invoquant une violation de l’art. 14 LCI.

4.1 Selon l’art. 14 LCI, le département peut refuser les autorisations prévues à l’art. 1 lorsqu’une construction ou une installation : (a) peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public ; (b) ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation : (c) ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public ; (d) offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection ; (e) peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation.

4.2 Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, l’accroissement du trafic routier, s’il est raisonnable, ne crée pas une gêne durable pour la circulation au sens de l’art. 14 LCI. En pratique, l’accroissement du trafic engendré par de nouvelles constructions conformes à la destination de la zone ne constitue pas un inconvénient grave au sens de l’art. 14 LCI (ATA/1265/2024 du 29 octobre 2024 consid. 6.1 ; ATA/206/2024 du 13 février 2024 consid. 6.1).

4.3 En l’espèce, les recourants ne précisent pas leur grief, ne mentionnant que les termes « l’ampleur réelle des nuisances » ou « les nuisances alléguées étaient importantes au point de remettre en cause les préavis » sans autre indication ou précision. Ils critiquent le raisonnement fait par le TAPI dans la mesure où celui-ci s’est contenté du préavis du SABRA et du nombre de logements à construire pour ne pas examiner davantage les nuisances concrètes.

Les critiques des recourants tombent à faux et sont sans substance, ceux-ci n’invoquent le dépassement d’aucune limite légale, que ce soit en matière de bruit ou de distance entre constructions. Il appert que l’autorisation a été délivrée en tenant compte des préavis favorables délivrés et dans le respect des dispositions légales applicables, notamment s’agissant des distances minimales ou des vues droites, ce que les recourants ne contestent pas.

Quant aux nuisances invoquées qui sont liées au chantier, elles relèvent de l’exécution de l’autorisation et échappent de ce fait au pouvoir d’examen de la chambre de céans.

En l’absence de tout autre développement fourni par les recourants dans leurs écritures quant au contenu du grief soulevé, celui-ci ne peut qu’être écarté.

5.             Les recourants invoquent un abus du pouvoir d’appréciation réalisé par le TAPI qui, se reposant sur les préavis de la commune et de la CA, avait conclu à l’absence d’atteinte à l’harmonie du quartier et retenu que le projet répondait à l’intérêt public, sous l’angle de la pénurie du logement.

Sans le mentionner expressément, les recourants se réfèrent vraisemblablement à l’art. 59 LCI qui règle le rapport des surfaces en zone 5, et plus spécifiquement à son al. 4bis, lequel prévoit depuis le 28 novembre 2020 une dérogation aux rapports de surface usuel de 25 et 27.5% prévus à l’art. 59 al. 1 LCI, en prévoyant que dans les communes qui n’ont pas défini de périmètre de densification accrue dans leur plan directeur, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut accorder des dérogations conformes aux pourcentages et aux conditions de l’al. 4, let. a et b, soit notamment 44%, voire 48% de surface de plancher habitable lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique (THPE). Pour toutes les demandes d’autorisation de construire déposées avant le 1er janvier 2023 un préavis communal favorable est nécessaire. L’art. 59 al. 4 LCI, également entré en vigueur le 28 novembre 2020, s’applique quant à lui dans les périmètres de densification accrue définis par un PDCom approuvé par le Conseil d’État et également lorsque cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier.

Ces dispositions ont été adoptées pour promouvoir une utilisation plus intensive du sol en zone 5, de façon à répondre à la crise du logement sévissant à Genève (ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017 consid. 11c et les références citées).

5.1 La chambre de céans a déjà été amenée à analyser l’adoption et le contenu de ces dispositions pour retenir que l’al. 4bis avait pour but d’aménager une période transitoire laissant aux communes le temps nécessaire pour procéder à l’établissement des périmètres de densification. Cette période transitoire signifiait que passé le 1er janvier 2023, « le département pourrait autoriser des constructions dans les cas où les communes n’auraient pas défini ses périmètres ou qu’il y aurait un désaccord. Si les communes refusaient ou que le département n’était pas d’accord avec la manière dont les choses avaient été faites, le département pouvait émettre une réserve à l’approbation du PDCom et donnerait par la suite des autorisations en fonction des critères sur lesquels ils travaillaient actuellement pour améliorer la qualité des projets » (rapport PL 12566-A p. 15 ; ATA/487/2023 du 9 mai 2023 consid. 5b).

Dans un cas où la commune avait adopté un PDCom, mais avait émis des réserves, la chambre de céans a appliqué l’art. 59 al. 4bis, considérant que la commune n’avait pas encore défini de périmètre de densification (ATA/54/2025 du 14 janvier 2025 consid. 8.3 ; ATA/487/2023 précité consid. 7).

5.2 L’autorité administrative jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations, lesquelles ne peuvent toutefois être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l’équité, se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs (ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d ; ATA/875/2018 du 28 août 2018 consid. 6b). Il ne suffit pas qu’une autre solution paraisse concevable, voire préférable, pour que la décision soit annulée ; il faut qu’elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 ; 142 II 369 consid. 4.3 ; 141 I 49 consid. 3.4).

5.3 En l’espèce, le PDCom a été approuvé par le Conseil d’État mais sans validation des périmètres de densification accrue proposés dans les secteurs de J______ et F______ où se situe le projet querellé, au motif que ces zones devaient faire l’objet d’une modification de zone pour passer en zone 4, selon les exigences du plan directeur cantonal 2030 (fiche A03 et A17 ; arrêté du Conseil d’État relatif à l’approbation du PDCom et du plan directeur des chemins pour piétons de la commune du 8 novembre 2023).

L’art. 59 al. 4bis trouve donc application et le préavis de la commune est favorable au projet, conformément à sa volonté de densifier le secteur concerné qui s’est également exprimée dans le choix des secteurs à densifier de son PDCom, même si ceux-ci n’ont finalement pas été approuvés par le Conseil d’État car destinés à subir une modification de zone en vue d’une densification accrue.

5.4 Dans le cadre de l’art. 59 al. 4bis LCI, le caractère justifié des circonstances ne relève pas de l'opportunité mais de l'exercice d'un pouvoir d'appréciation dont la chambre de céans est habilitée à sanctionner l'excès ou l'abus selon l'art. 61 al. 1 let. a LPA (arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2021 du 28 octobre 2021 consid. 5.3 et l'arrêt cité).

5.5 La compatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, exigée par l'art. 59 al. 4 let. a LCI, est une clause d'esthétique. Une telle clause fait appel à des notions juridiques indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux à même d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel, par exemple, à des connaissances spécialisées ou particulières en matière d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1364/2023 précité consid. 9.2 et l'arrêt cité).

Selon une jurisprudence constante, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/507/2025 du 6 mai 2025 consid. 3.3 ; ATA/873/2018 du 28 août 2018 consid. 6b et les références citées). Dans le système prévu par l'art. 59 al. 4 let. a LCI, tant le préavis de la commune que celui de la CA ont cette caractéristique (ATA/507/2025 précité consid. 3.3). En droit genevois, un préavis favorable n’a, en principe, pas besoin d’être motivé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2021 précité consid. 6).

Il n'en demeure pas moins que la délivrance de telles autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département, à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1344/2023 du 12 décembre 2023 consid. 2.8 et les références citées).

5.6 En l’espèce, les recourants dénient tout intérêt public à la construction d’un habitat groupé constitué de logements dont le standing ne correspondrait pas à ceux touchés par la pénurie.

Or, rien ne vient conforter cette affirmation, la pénurie de logements touchant notamment tous les logements de une à sept pièces et plus, même si le taux de vacances de ces derniers logements de 0.75% est supérieur à celui de 0.33% des quatre pièces au 1er janvier 2025 dans le canton de Genève à teneur de l’arrêté déterminant les catégories de logements où sévit la pénurie en vue de l’application des art. 25 à 39 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 14 janvier 2015 (ArAppart - L 5 20.03), le législateur genevois considérant qu’il y a pénurie de logement lorsque le taux de vacance est inférieur à 2% (art. 25 al. 2 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 - LDTR - L 5 20).

Il appert ainsi que le principe de la densification a bien pour but de réduire le taux de vacance des logements, notamment en zone 5 par la construction de bâtiments en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé, comme en l’espèce, et cela indépendamment de leur prix de vente ou de location, contrairement à ce qu’avancent les recourants.

5.7 Les recourants estiment encore que la construction prévue est incompatible avec l’harmonie et l’aménagement du quartier.

5.7.1 Comme pour les autres griefs examinés ci-dessus, les recourants ne développent pas leur argumentation et notamment, ils n’allèguent pas en quoi le projet aurait des conséquences sur l’harmonie et l’aménagement du quartier si ce n’est que sa taille était jugée trop imposante, la villa existante étant remplacée par un immeuble de trois étages.

5.7.2 Or, en l’espèce, le projet a bénéficié d’un préavis favorable de la commune, rendu après un premier préavis défavorable, s’agissant du dépassement des gabarits légaux pour le garde-corps et l’avant-toit de l’attique. Le projet était imposant par rapport à l'environnement dans lequel il s'insérait, son implantation en fond de parcelle réduisant la surface destinée au jardin. Un décalage vers le chemin améliorerait l’intégration du projet. Cette dérogation servait en premier lieu à la construction de l'attique et entravait la situation de la parcelle n8'636 située en contrebas. La surface de pleine terre était fortement réduite en raison du bâtiment projeté et de la surface souterraine qui semblait disproportionnée. La surface du sous-sol excédait celle admissible. De plus, la surface des constructions de peu d’importance (ci-après : CDPI) était largement dépassée.

Dans son préavis favorable, la commune indique qu’elle a décidé de répondre favorablement à la demande de dérogation à l’art. 59 al. 4 LCI.

5.7.3 Le dossier a été soumis à quatre reprises à la CA. Dans son premier préavis défavorable à la dérogation, celle-ci retenait que le projet n’était pas « qualitatif pour justifier l’octroi d’une dérogation pour une telle densité ». Il était reproché l’absence d’information sur le groupe des parcelles créant la zone végétale à préserver, le fait que l’implantation ne tienne pas compte de la pente du terrain et que la surface en pleine terre était insuffisante et morcelée. Dans le deuxième préavis, elle réitérait ses remarques, la nouvelle implantation n’étant toujours pas adaptée au contexte et l’intégration du projet dans son contexte environnant (bâti, végétal, etc.) n’était pas démontrée. Dans le troisième préavis, elle retenait que l’appartement du rez-de-chaussée du côté de la route était trop enterré, ce point devant être résolu pour que l’implantation puisse être validée. Finalement dans son quatrième préavis, la CA s’est déclarée favorable à la dérogation, le projet répondant aux remarques émises dans les précédents préavis. Il appert ainsi que les réserves de la CA par rapport à l’implantation du bâtiment et ses effets, ont été examinées en détail par l’instance spécialisée et suivies par le département.

5.7.4 À cet égard, les recourants reprochent au TAPI d’avoir retenu que leur logement était situé dans un bâtiment analogue à celui projeté, élément qui serait en outre dénué de pertinence. Or, dans l’examen de la compatibilité d’un projet avec l’harmonie et l’aménagement du quartier, les bâtiments entourant celui projeté et plus largement ceux constituant le quartier dans lequel s’insère la construction permettent précisément de déterminer si cette condition est remplie. La comparaison faite par le TAPI, en réponse aux griefs des recourants, trouve donc tout son sens.

Le secteur a été prévu par la commune pour bénéficier d’une densification accrue et selon le PDCant pour être colloqué en zone 4.

5.7.5 En conséquence, rien ne permet de retenir que le département aurait excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en estimant que le projet était compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, suivant en cela les préavis susmentionnés et le grief sera écarté.

En tous points infondé, le recours doit être rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge conjointe des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à C______ SA, à la charge conjointe des recourants et aucune indemnité de procédure ne sera allouée à D______ qui n’a pas pris de conclusions dans la présente procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 juin 2025 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mai 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge conjointe de A______ et B______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à C______ SA, à la charge conjointe de A______ et B______;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Carole REVELO, avocate des recourants, à Me Marc OEDERLIN, avocat de C______ SA, à D______, au département du territoire – OAC, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :