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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/309/2025

ATA/990/2025 du 09.09.2025 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : TAXI;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);AUTORISATION D'EXPLOITER UN SERVICE DE TAXI;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;POUVOIR D'APPRÉCIATION;PROPORTIONNALITÉ;LIBERTÉ ÉCONOMIQUE
Normes : Cst.27.al1; LTVTC.7.al3.lete; LTVTC.7.al5; RTVTC.6.al2; RTVTC.6.al3
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/309/2025-TAXIS ATA/990/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 septembre 2025

1ère section

 

dans la cause

 

 

A______ recourant
représenté par Me Mehdi CHRAÏBI, avocat

contre

DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE

CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée



EN FAIT

A. a. Le 9 juillet 2008, A______, né le ______ 1973, a obtenu une carte de chauffeur de limousine.

b. Les plaques d’immatriculation de la voiture de transport avec chauffeur (ci‑après : VTC) GE 1______ et GE 2______ lui ont été délivrées respectivement les 13 novembre 2008 et 16 août 2017.

c. Le 24 août 2017, il a obtenu une carte de chauffeur de VTC, puis de chauffeur de taxi le 18 novembre 2022.

d. Le 24 janvier 2023, A______ a déposé une requête en autorisation d’exploiter une entreprise de transport à la suite de l’entrée en vigueur de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 28 janvier 2022 (LTVTC - H 1 31). Il a alors produit un casier judiciaire mentionnant le prononcé de deux ordonnances pénales, respectivement les 16 janvier 2014 et 28 septembre 2022, pour violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01).

Selon la seconde ordonnance pénale, il lui était reproché d’avoir, à Genève, le 30 mars 2022, aux alentours de 21h33, à la hauteur du no 24 du quai B______, en direction de la rue de la C______, au volant du véhicule immatriculé GE 1______, omis d’accorder la priorité à un piéton qui cheminait normalement sur le passage piéton de droite à gauche, et de ce fait, heurté avec l’avant de son véhicule, le flanc gauche du piéton, lequel avait chuté et avait été légèrement blessé. A______ avait reconnu les faits. Il a été condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- le jour-amende. Le montant du jour-amende a été fixé en fonction de sa situation personnelle et économique. Vu l’ancienneté de l’antécédent, la peine était assortie du sursis.

e. Le 24 janvier 2023, l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a communiqué à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) une copie de sa décision du 20 décembre 2022 prononçant le retrait du permis de conduire de A______ pour une durée de trois mois, en application de l’art. 16c LCR.

f. Le 3 février 2023, la PCTN a informé A______ de son intention de rejeter sa requête et de révoquer sa carte professionnelle.

g. A______ a sollicité de la PCTN de renoncer à la révocation de sa carte professionnelle, en donnant une suite favorable à sa requête en autorisation d’exploiter une entreprise de transport ou à tout le moins de prononcer la mesure la plus clémente possible.

Il confirmait avoir fait l’objet des condamnations susmentionnées, en expliquant les circonstances de l’accident ayant mené au retrait de son permis de conduire et le déroulement de la procédure diligentée par le Ministère public et l’OCV. Il précisait le montant de ses revenus et de ceux de son épouse et avoir trois enfants à charge. Bien qu’il ait été conscient de la gravité des actes commis, les conséquences administratives de ceux‑ci auraient de lourdes répercussions sur sa situation financière et personnelle, ainsi que sur sa famille.

Étaient notamment jointes à sa demande, copies de ses échanges de messages avec la victime entre les 31 mars et 21 juin 2022 concernant l’état de santé de celle-ci, souffrant de « contusions aux bras, aux jambes et sur le front » ayant nécessité des pansements et la prise d’antibiotiques en raison d’une infection, d’hématomes ainsi que des lésions aux muscles des jambes ayant nécessité l’utilisation de béquilles et la prise de médicaments.

h. Par décision du 1er juin 2023, la PCTN a rejeté la requête précitée, révoqué les cartes professionnelles de chauffeur de taxi et VTC délivrées à A______ respectivement les 24 août 2017 et 18 novembre 2022, lui a ordonné de les déposer dès que ladite décision serait définitive et exécutoire, ainsi que de déposer les plaques d’immatriculation de VTC GE 1______ et GE 2______ auprès de l’OCV.

L’ordonnance pénale du 28 septembre 2022 et la décision de l’OCV du 20 décembre 2022 entraient dans la catégorie des décisions incompatibles avec l’exercice de la profession, tant en ce qui concernait la carte professionnelle de chauffeur de VTC que celle de chauffeur de taxi. Ses observations ne permettaient pas de s’écarter de la loi.

B. a. Par acte déposé le 3 juillet 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à l’admission de sa requête en autorisation d’exploiter une entreprise de transport et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la PCTN. Préalablement, il a sollicité une audience de comparution personnelle des parties.

La PCTN avait renoncé à faire usage de son pouvoir d’appréciation, en ne mesurant pas la gravité des faits, leur réitération, le temps écoulé depuis le prononcé de la sanction, ainsi que le risque de récidive. Elle avait rejeté ses observations sans instruction.

L’infraction qu’il avait commise était un acte isolé. Les faits s’étaient déroulés dans des circonstances particulières, de sorte qu’il avait été condamné à une peine particulièrement clémente. Ils n’étaient donc pas d’une gravité telle qu’ils justifieraient de l’empêcher de travailler comme chauffeur de taxi. Il avait été condamné au bénéfice du sursis, ce qui démontrait qu’il n’y avait pas de risque de récidive. Plus d’un an s’était écoulé depuis les faits. Il exerçait comme chauffeur professionnel depuis 2008, soit depuis plus de 15 ans. Il était âgé de 50 ans, marié et avait trois enfants à charge. Le refus d’autorisation d’exploiter aurait une conséquence économique considérable sur sa famille et lui. La décision querellée était donc disproportionnée et violait sa liberté économique.

b. La PCTN a conclu au rejet du recours. La nouvelle législation avait prévu un net durcissement des conditions de délivrance des cartes professionnelles si bien que la jurisprudence établie sous l’ancienne législation ne pouvait être reprise dans le nouveau droit.

c. Dans sa réplique, le recourant a relevé que l’ancienne jurisprudence demeurait applicable. L’autorité avait commis un excès négatif de son pouvoir d’appréciation.

d. Par arrêt du 12 septembre 2023, la chambre administrative a rejeté le recours, estimant que la sécurité publique et l’ordre public justifiaient la décision, au regard de l’infraction pénale commise dans l’exercice de l’activité professionnelle de l’intéressé (ATA/994/2023).

C. a. Par arrêt du 17 avril 2024, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par A______ contre cet arrêt (2C_580/2023).

Les juges cantonaux avaient omis de procéder à une pesée des intérêts en présence, en particulier les intérêts privés du recourant, notamment de la durée durant laquelle le recourant ne pourrait exercer son activité professionnelle.

b. Après que les parties ont été invitées à se déterminer, la chambre de céans a renvoyé la cause à la PCTN (ATA/980/2024 du 20 août 2024).

Dans sa décision, la PCTN avait mentionné uniquement que le recourant avait subi un retrait de son permis de conduire en raison d’une infraction grave aux règles de la circulation routière en application de l’art. 16c LCR. L’infraction commise et les circonstances dans lesquelles elle avait été commise n’étaient pas mentionnées. L’état de fait ne mentionnait pas non plus les antécédents de l’intéressé ou d’autres circonstances pourtant nécessaires à l’examen auquel l’autorité intimée aurait dû procéder. La décision retenait uniquement que l’infraction grave sanctionnée en application de l’art. 16c LCR entrait dans la catégorie des décisions incompatibles avec l’exercice de la profession au sens de l’art. 7 al. 3 let. e LTVTC, ce qui n’était d’ailleurs pas contesté. En revanche, la motivation concernant les autres circonstances, dont le recourant s’était prévalu, était inexistante. La PCTN avait prononcé la révocation de manière automatique en présence d’une infraction mentionnée à l’art. 7 al. 3 let. c LTVTC.

Comme l’avait relevé le Tribunal fédéral, le recourant subissait une restriction à sa liberté économique, dans la mesure où sa carte professionnelle de chauffeur de taxi et celle de chauffeur de VTC avaient été révoquées et que cette activité était protégée par la liberté économique.

Cette décision empêcherait le recourant de pratiquer son activité professionnelle. Il devrait, par la suite, en requérir une nouvelle. En vertu de l'art. 7 al. 3 let. e LTVTC, la personne demandant une carte professionnelle de chauffeur ne devait pas avoir fait l'objet d'une condamnation dans les trois ans précédant le dépôt de la requête. Ceci avait pour résultat une impossibilité pour l'intéressé d'exercer son activité professionnelle durant plusieurs années. Par conséquent, le retrait des cartes professionnelles du recourant l'atteignait gravement dans ses intérêts économiques. Cette restriction était fondée sur l'art. 7 al. 5 LTVTC, qui avait pour but la sécurité des usagers de la route.

La révocation litigieuse était apte à atteindre le but de protection de la sécurité routière, puisque le recourant se trouverait empêché de pratiquer temporairement l'activité de chauffeur et, partant, de mettre en danger les usagers de la route.

Il en allait de même de la sous-condition de la nécessité, puisqu'il n'existait pas d'alternative à la révocation prononcée en application de l'art. 7 al. 5 LTVTC et qu'il n'était donc pas possible de prononcer une mesure moins incisive, comme l’avait retenu le Tribunal fédéral.

En ce qui concernait la proportionnalité au sens étroit, il y avait lieu de constater que la PCTN n'avait pas procédé à une pesée des intérêts en présence. Elle n’avait, en particulier, pas tenu compte de la durée durant laquelle le recourant ne pourrait plus travailler en tant que chauffeur professionnel. Elle ne précisait pas non plus quelle date devait être prise en compte en lien avec le délai de trois ans de l'art. 7 al. 3 let. e LTVTC, qui soumettait l'octroi d'une carte de chauffeur à l'absence de condamnations incompatibles avec l'exercice de la profession « dans les 3 ans précédant le dépôt de la requête » (la date de la décision, celle de son entrée en force, de son exécution, etc.). La décision querellée ne mentionnait pas non plus la situation personnelle du recourant et les conséquences que cette révocation aurait sur sa situation économique, à savoir que le recourant était chauffeur professionnel depuis quinze ans, que la révocation de ses cartes professionnelles l'empêcherait de travailler en tant que chauffeur et le priverait de son revenu pendant de très nombreux mois, voire années et que le recourant avait trois enfants à charge.

Au surplus, la PCTN n’avait pas appliqué l'art. 6 al. 3 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01) qui lui octroyait un pouvoir d'appréciation, dans le cadre d'une décision de révocation, en lien avec, outre la gravité des faits, leur réitération, le temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que le risque de récidive.

Par conséquent, la décision querellée devait être annulée et le dossier renvoyé à la PCTN pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

c. Par décision du 12 décembre 2024, la PCTN a révoqué les cartes professionnelles de chauffeur de VTC et de taxi délivrées à A______ respectivement les 24 août 2017 et 18 novembre 2022 et lui a ordonné de les déposer dès que la décision serait devenue définitive et exécutoire.

A______ avait fait l’objet d’un retrait de permis de conduire de trois mois en raison d’une infraction grave à la circulation routière, prononcée en application de l’at. 16c LCR, listée à l’art. 6 al. 2 let. b RTVTC comme incompatibles avec l’exercice de la profession de chauffeur. Au vu de la gravité de l’infraction, celle‑ci ne pouvait être ignorée, en particulier au motif qu’il s’agissait d’une infraction routière, commise par un chauffeur professionnel ayant entraîné une atteinte à l’intégrité corporelle d’autrui. L’intéressé avait reconnu les faits. Il s’agissait d’une négligence très grave de la part d’un chauffeur professionnel. De surcroît, il s’agissait d’une mise en danger concrète induite directement par son comportement. En qualité de chauffeur professionnel, il devait faire preuve d’un devoir de prudence accrue dès lors qu’il était responsable de la sécurité de ses clients.

L’OCV avait tenu compte des circonstances graves de l’infraction, à savoir l’atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile. La PCTN poursuivait d’autres buts que l’OCV, telles que la sécurité des usagers et la réputation de la profession, en établissant des critères qui lui étaient propres.

Bien qu’il soit âgé de 51 ans, qu’il ait trois enfants à charge et qu’il soit titulaire de cartes professionnelles de VTC et de taxi depuis plusieurs années, la révocation de la carte professionnelle était apte à atteindre le but de protection des usagers. Il n’existait pas d’alternative ou de mesure moins incisive, seule cette mesure permettant d’atteindre les buts visés par la LTVTC en restreignant son accès à la profession de chauffeur. La révocation des cartes professionnelles aurait comme conséquence qu’il ne pourrait plus exercer son activité pour une durée de trois ans, dès la date de la décision de retrait du permis de conduire, soit jusqu’au 20 décembre 2025, sous réserve d’autres décisions administratives ou condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession rendues dans l’intervalle. L’intérêt public à garantir la sécurité routière en protégeant les usagers devait l’emporter sur ses intérêts privés à poursuivre son activité professionnelle, pour une période déterminée de trois années. De nouvelles requêtes en délivrance des cartes professionnelles pourraient être déposées passée la date précitée.

Au vu de la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral abrogeant la condition de la carte professionnelle de chauffeur en vue de l’obtention d’une autorisation d’exploiter une entreprise de transport, la PCTN renonçait à rejeter sa requête en délivrance d’une autorisation d’exploiter une entreprise de transport et examinerait les conditions de délivrance de cette autorisation par pli séparé.

D. a. Par acte du 28 janvier 2025, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative contre cette décision. Il a conclu à son annulation. Préalablement, une audience de comparution personnelle des parties devait être convoquée.

La PCTN avait commis un excès négatif de son pouvoir d’appréciation et avait violé sa liberté économique garantie par l’art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101).

Elle avait refusé d’user de son pouvoir d’appréciation et avait renvoyé à la décision de l’OCV en évoquant l’atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents ainsi que la nécessité professionnelle de conduire des véhicules automobiles. Or les deux administrations ne poursuivaient pas le même but, l’OCV n’analysant notamment pas les conséquences économiques d’un retrait des cartes professionnelles. De même, la PCTN n’avait pas analysé le risque de récidive, contrairement à ce qu’imposait le règlement. Or, il avait été mis au bénéfice du sursis, ce qui démontrait qu’il n’y avait pas de risque de récidive. Enfin, la PCTN se limitait à répéter que l’infraction était grave, sans la motiver. Elle n’avait pas analysé les circonstances de fait entourant l’infraction ni ses explications. Enfin, les faits dataient de près de trois ans, ce que la PCTN n’avait pas pris en compte alors qu’elle était tenue de le faire à teneur du règlement. Sa décision était disproportionnée.

Enfin, elle considérait, à tort, que la date pertinente pour le calcul des trois ans était celle du retrait de permis, en l’espèce le 20 décembre 2022. Or, le règlement faisait référence aux décisions antérieures au retrait du permis de conduire.

b. La PCTN a conclu au rejet du recours, se référant à sa décision.

c. Une audience s’est tenue le 22 mai 2025.

ca. Le recourant a précisé être toujours en possession de sa carte de chauffeur de taxi.

Sa situation financière ne s’était pas modifiée et était toujours mauvaise. Il avait dû se résoudre à vendre ses deux véhicules pour arriver à nourrir sa famille. Le retrait du permis de conduire pendant trois mois avait été extrêmement difficile pour lui ainsi que pour toute sa famille. À la fin du premier mois, il avait déposé une de ses plaques d’immatriculation pour montrer sa bonne volonté, mais sa situation avait continué à se péjorer très fortement sur le plan financier. Il s’était fortement endetté.

Il n’avait contesté ni l’ordonnance pénale, ni la décision de retrait.

Il n’avait jamais eu d’AUADP et était toujours en liste d’attente. Il avait le sentiment que la situation des chauffeurs VTC s’était fortement péjorée ces dernières années avec plusieurs modifications de lois, raison pour laquelle son objectif était d’obtenir son AUADP.

cb. Les représentants de la PCT ont confirmé qu’à compter du 20 décembre 2025, le litige apparaissait, de prime abord, être sans objet. La diminution du délai de cinq à trois ans avait une incidence précisément sur l’efficience de la révocation. Précédemment, avec le délai de cinq ans, les révocations étaient plus facilement applicables. À l’inverse, le critère d’écoulement du temps était plus facilement favorable au justiciable qu’avec la nouvelle législation.

Il était exact que la situation financière de A______ n’avait pas été mise à jour. La PCTN avait toutefois comme pratique de solliciter des détails sur ce point.

Comme l’avait dit le Tribunal fédéral, la PCTN n’avait pas de mesure moins incisive que la révocation. Elle avait considéré que le cas de A______ était grave. Tel n’aurait peut-être pas été le cas s’il n’y avait pas eu atteinte à l’intégrité physique, mais la mesure aurait été identique en cas de mort d’homme lors de l’accident.

Elle avait analysé les quatre critères de l’art. 6 al. 3 RTVTC. Les critères de réitération de risques de récidive se recoupaient pour partie. Elle avait retenu l’absence d’autres antécédents du recourant, mais cela ne suffisait pas pour éviter la révocation compte tenu de la gravité de l’infraction. Dès lors qu’il y avait des antécédents, il y avait un risque de récidive. Le critère de l’écoulement du temps, ramené à trois ans, était presque devenu vide de sens puisque, par définition, peu de temps s’écoulait entre le prononcé de la sanction et sa prise de décision.

Elle appliquait de façon assez stricte le délai de trois ans de l’art. 7 al. 3 let. e LTVTC puisqu’elle pourrait, en fonction de la let. c du même alinéa, être plus stricte encore et retenir comme dies a quo du délai de trois ans l’échéance du retrait du permis de conduire, concrètement pour le recourant le 19 mai 2023, ce qui porterait l’échéance du délai de trois ans au 19 mai 2026. Elle avait pris la décision de toujours se fonder sur la let. e et de ne pas appliquer ce qui précédait.

Savoir si la course lors de laquelle l’infraction avait été commise était privée ou dans le cadre professionnel avait une incidence. Si elle était dans le cadre professionnel et qu’il y avait eu atteinte à intégrité, elle impliquerait le délai de trois ans systématiquement.

Les circonstances personnelles entraient en ligne de compte, mais en cas d’infraction grave, ne pesaient pas plus dans la balance.

Même si la révocation devait devenir effective, cela n’aurait pas d’influence sur la position du recourant dans la liste d’attente AUADP sous l’unique réserve où il devrait être premier de la liste, cas qui ne s’était jamais produit.

d. Dans ses écritures après audience, le recourant a relevé que le principe de la proportionnalité n’avait pas été analysé lors de la décision. Une blessure légère était traitée de manière identique à un homicide. La PCTN ignorait si en l’absence d’atteinte à l’intégrité physique, cette mesure serait appliquée. Elle considérait ainsi comme grave toute infraction, indépendamment du cas d’espèce. Elle confondait la gravité de l’infraction avec celle des faits. Or, le législateur avait expressément indiqué de tenir compte de la gravité des faits et non de l’infraction. La PCTN n’avait manifestement pas pris en compte les circonstances de l’accident.

Le recourant n’avait pas d’antécédents. Il n’y avait dès lors pas eu de réitération et il n’y avait pas de risque de récidive. La PCTN en faisait fi. Elle tombait dans l’excès négatif de son pouvoir d’appréciation et dans l’arbitraire en écartant les critères prévus par règlement. En l’absence d’antécédents et de risque de récidive, la révocation ne pouvait pas être prononcée. À défaut, ces deux critères n’auraient aucune utilité.

De même, rien dans le projet de loi n’indiquait que le critère de l’écoulement du temps ne devait plus être appliqué. À nouveau, l’administration commettait un excès négatif de son pouvoir d’appréciation. En l’espèce, après l’arrêt du Tribunal fédéral et après l’écoulement de deux ans, elle aurait dû renoncer à la révocation.

La date retenue par la PCTN du 22 décembre 2022 n’avait pas été justifiée. Il avait fallu un arrêt du Tribunal fédéral pour qu’elle la précise. De même, le choix de celle‑ci n’était pas motivé en droit. Elle aurait ainsi pu retenir la date du 28 septembre 2022, date de l’ordonnance pénale. Retenir la date du retrait de permis était aléatoire et arbitraire. Le législateur avait voulu assouplir les conditions de l’art. 7 LTVTC et non restreindre excessivement l’accès à la profession. Il convenait de retenir la date la plus favorable au chauffeur, soit celle de l’ordonnance pénale.

e. La PCTN a persisté dans ses conclusions. La révocation d’une carte professionnelle était une mesure prononcée en vue de la préservation des intérêts publics de la LTVTC, soit notamment la sécurité des usagers, laquelle comprenait la sécurité routière, les protections des usagers et la réputation de la profession. Elle n’avait aucune marge de manœuvre à teneur de la loi. La réduction de la période durant laquelle les décisions potentiellement incompatibles avec la profession devaient être prises en compte de cinq à trois ans imposaient de relativiser le critère de l’écoulement du temps prévu par le règlement. Les critères des antécédents et du risque de récidive se recoupant en partie, celui de la gravité devait être analysé de façon prépondérante dans la pesée des intérêts à effectuer, a fortiori au vu de la présence d’une atteinte à l’intégrité corporelle.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant invoque un abus et un excès du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée dans la révocation de sa carte professionnelle ainsi qu’une violation de sa liberté économique.

2.1 Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2). L’art. 36 Cst. Exige que toute restriction d’un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).

2.2 Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé ‑, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

2.3 Constitue un abus du pouvoir d’appréciation le cas où l’autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 ; ATA/1276/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 515).

Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

2.4 La LTVTC a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relative à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique (art. 1 al. 2 LTVTC).

2.5 L’activité de chauffeur de taxi est soumise à autorisation préalable (art. 6 al. 1 LTVTC), soit la titularité d’une carte professionnelle conformément à l’art. 7 al. 1 LTVTC. Les autorisations et immatriculations sont délivrées sur requête, moyennant le respect des conditions d’octroi (art. 6 al. 3 LTVTC).

La carte professionnelle est délivrée au chauffeur à plusieurs conditions décrites à l’art. 7 al. 3 LTVTC dont celle de n’avoir pas fait l’objet, dans les trois ans précédant le dépôt de sa requête, de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession telles que définies par le Conseil d’État (art. 7 al. 3 let. e LTVTC).

La carte professionnelle est révoquée par le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) lorsqu’une des conditions visées à l’art. 7 al. 3 LTVTC n’est plus remplie (art. 7 al. 5 LTVTC).

2.6 Le RTVTC, entré en vigueur le 1er novembre 2022, prévoit à son art. 6 al. 2 que sont considérées comme incompatibles avec la profession de chauffeur de taxi ou de VTC au sens de l’art. 7 al. 3 let. 3 LTVTC les condamnations pénales et décisions administratives prononcées pour infractions : a) au droit pénal suisse ou étranger, en particulier les condamnations prononcées pour infractions contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine ; b) aux règles de la circulation routière ayant mené au retrait du permis de conduire en application des art. 15d, 16b, 16c, 16c bis ou 16d LCR ; c) aux prescriptions du droit fédéral ou cantonal régissant l’activité des chauffeurs professionnels ainsi qu’aux exigences liées aux véhicules ; d) aux prescriptions de la loi et du règlement ayant mené à un retrait de la carte professionnelle de chauffeur.

2.7 Le service tient compte de la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive (art. 6 al. 3 RTVTC).

2.8 S’agissant du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée dans ce cadre, la chambre de céans a déjà relevé qu’avec l’entrée en vigueur des modifications de la LTVTC et du RTVTC le 1er novembre 2022, la jurisprudence rendue sous l’ancienne teneur restait applicable. Si le législateur avait entendu renforcer certaines mesures dans le domaine du service de transport professionnel, il n’en demeurait pas moins qu’il avait réduit le délai de prise en considération des antécédents de cinq à trois ans. Il s’agissait d’ailleurs là de la seule modification substantielle apportée aux dispositions légales concernant l’octroi et la révocation de la carte professionnelle. Les dispositions relatives au pouvoir d’appréciation de la PCTN, dans le cas de décisions ou condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession de chauffeur, n’avaient pas été modifiées (ATA/994/2023 du 12 septembre 2023 consid. 4.10).

2.9 La chambre administrative a déjà examiné à de nombreuses reprises, sous l’ancienne ou la nouvelle version de la loi et de son règlement, des décisions de la PCTN refusant ou révoquant une autorisation d’exercer la profession de chauffeur de taxi ou de VTC sous l’angle de l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée.

2.10 Concernant les chauffeurs de taxi, l’ancien Tribunal administratif a retenu qu’une violation grave des règles de la circulation routière et une tentative d’induction de la police en erreur ne suffisaient pas en soi à refuser la délivrance de la carte professionnelle de chauffeur de taxi plus de deux ans après les faits (ATA/770/2002 du 3 décembre 2002). En revanche, un chauffeur de taxi condamné pour lésions corporelles graves, qui avait commis un excès de vitesse trois ans après, ne remplissait plus les conditions d’exercice de la profession de chauffeur de taxi (ATA/206/2003 du 8 avril 2003). Il en allait de même d’un chauffeur de taxi condamné à trois reprises par voie d’ordonnances pénales pour des infractions à la législation sur les stupéfiants (ATA/946/2003 du 16 décembre 2003), ou d’un chauffeur qui avait été condamné pour faux dans les certificats et à une peine d’emprisonnement (ATA/76/2005 du 15 février 2005).

2.11 Dans un récent arrêt, appliquant la nouvelle teneur du RTVTC, la chambre de céans s’est penchée sur le cas d’un chauffeur de taxi, déclaré coupable de conduite en état d’ébriété avec un taux d’alcool qualifié et condamné à une peine pécuniaire de 35 jours-amende à CHF 60.- le jour-amende, ainsi qu’à une amende de CHF 500.- à titre de sanction immédiate par ordonnance pénale du 6 septembre 2023 du Ministère public (ci‑après : MP). Il avait également été condamné à une amende de CHF 400.- pour violation simple des règles de la circulation routière et pour omission de respecter le devoir général de courtoisie et d’adopter un comportement, une conduite et une tenue correcte.

Il lui était reproché d’avoir circulé au volant de son véhicule, en sa qualité de chauffeur professionnel, avec un taux d’alcool de 0.51 mg/l dans l’haleine. Il avait perdu la maîtrise du véhicule et touché le trottoir. Il ressortait du rapport de renseignements qu’il transportait une clientèle. Auditionné par la police, il avait admis avoir consommé une bière et deux verres de vodka. Il avait indiqué avoir percuté le trottoir afin d’éviter une piétonne ivre qui avait « traversé rapidement ». Il ressortait toutefois des images de vidéosurveillance qu’aucun piéton ne se trouvait sur la chaussée lorsque le prévenu avait percuté le trottoir.

La PCTN avait révoqué la carte professionnelle de chauffeur de VTC délivrée au chauffeur le 26 février 2018 et lui avait ordonné de déposer sa carte auprès d’elle, dès que la décision serait exécutoire. Il avait fait l’objet d’un retrait de permis de trois mois en raison d’une infraction grave à la circulation routière, soit une infraction incompatible avec l’exercice de la profession de chauffeur. Il s’était « mis intentionnellement dans cet état d’ébriété » alors qu’il savait qu’il était en service. Il s’agissait d’une négligence très grave de la part d’un chauffeur professionnel, qui devait faire preuve d’un devoir de prudence accru dès lors qu’il était responsable de la sécurité de ses clients. Bien qu’âgé de 59 ans, divorcé et avec une enfant à charge, la révocation était apte à atteindre le but de protection des usagers. Au vu de la gravité de l’infraction, l’intérêt public l’emportait sur son intérêt privé à poursuivre son activité professionnelle, malgré sa situation personnelle et l’absence d’antécédents au cours des dernières années. Une nouvelle requête en délivrance d’une carte professionnelle de chauffeur VTC pouvait être déposée dès le 22 mars 2026, pour autant qu’aucune nouvelle décision administrative ou condamnation incompatible ne soit rendue dans cet intervalle.

La chambre de céans a retenu que la mesure prise à l'encontre du recourant était apte à atteindre le but de protection de la sécurité routière, puisque le recourant se trouverait empêché de pratiquer temporairement l'activité de chauffeur et, partant, de mettre en danger les usagers de la route. Elle était de même nécessaire, puisqu'il n'existait pas d'alternative à la révocation prononcée en application de l'art. 7 al. 5 LTVTC et qu'il n'était donc pas possible de prononcer une mesure moins incisive.

En ce qui concernait la proportionnalité au sens étroit, l’autorité intimée avait procédé à une pesée des intérêts en présence. Elle avait tenu compte de l’âge du recourant (59 ans), de la durée de son activité de chauffeur professionnel – soit sept ans –, de sa situation familiale, en particulier de la charge partielle de sa fille, des conséquences de la révocation sur sa situation économique, de la durée durant laquelle le recourant ne pourrait plus travailler en tant que chauffeur professionnel – soit jusqu’au 22 mars 2026 – et de l’absence d’antécédents en la matière. Elle avait toutefois estimé qu’au vu de la gravité de l’infraction, les buts de sécurité et d'ordre publics représentaient des intérêts publics prépondérants par rapport à son intérêt au maintien de sa carte professionnelle. Une telle analyse ne consacrait ni excès ni abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité. Comme l’avait relevé la PCTN, le recourant s’était mis dans un état d’ébriété alors qu’il savait être en service. Or, un chauffeur professionnel devait faire preuve d’une prudence accrue dès lors qu’il était responsable de la sécurité de ses clients. L’instruction avait permis de retenir que la thèse du recourant selon laquelle il n’était pas en service au moment des faits litigieux était largement contredite par les pièces de la procédure pénale. Le recourant ne démontrait pas qu’il ne pourrait exercer une autre activité professionnelle en attendant la délivrance d’une nouvelle carte professionnelle, étant rappelé qu’il avait obtenu sa carte VTC en 2018, à l’âge de 53 ans. En pareilles circonstances, l’intérêt public à la sécurité routière, qui constituait l’un des buts premiers de la LTVTC, pesait plus lourd que l’intérêt privé du recourant au maintien de sa carte professionnelle, et cela même en tenant compte des conséquences de la décision sur sa situation familiale et économique, de son âge, et de l’absence d’antécédents en la matière. Comme l’avait relevé l’autorité intimée, une nouvelle requête en délivrance d’une carte professionnelle de chauffeur VTC pourrait être déposée dès le 22 mars 2026 (ATA/884/2025 du 19 août 2025).

2.12 En l’espèce, conformément à l’arrêt de renvoi de la chambre de céans l’autorité intimée a détaillé les circonstances de l’infraction la considérant comme grave, en particulier au motif qu’il s’agissait d’une infraction routière commise par le chauffeur professionnel ayant entraîné une atteinte à l’intégrité corporelle d’autrui. Il avait omis d’accorder la priorité à un piéton qui cheminait normalement sur le passage pour piétons. Ce dernier avait été heurté avec l’avant du véhicule et avait chuté en se blessant légèrement. Le chauffeur avait reconnu les faits. Il s’agissait d’une négligence très grave de la part du chauffeur professionnel et d’une mise en danger concrète induite directement par son comportement.

Après avoir rappelé le type d’infraction commise, les circonstances ainsi que la décision de l’OCV, l’autorité intimée a rappelé que la révocation était apte à atteindre le but de la protection des usagers et nécessaire, problématiques déjà tranchées par la chambre de céans.

L’arrêt de renvoi portant sur l’analyse de la proportionnalité au sens étroit, la PCTN a mis en avant les buts d’intérêt public de la sécurité des usagers et la réputation de la profession. Il a retenu que le recourant était âgé de 51 ans, avait trois enfants à charge, était titulaire de ses cartes professionnelles de VTC de taxi depuis plusieurs années et qu’il ne pourrait plus exercer son activité pour une durée de trois ans dès la date de la décision de retrait de permis de conduire soit jusqu’au 20 décembre 2025. Rappelant la gravité de l’infraction, les intérêts publics devaient l’emporter.

La PCTN a, ce faisant, correctement identifié les intérêts publics concernés. Toutefois, les éléments de fait nécessaires à évaluer l’intérêt privé du recourant n’ont été que partiellement établis et a fortiori évalués dans l’analyse de la proportionnalité au sens étroit, étant rappelé que la motivation de la PCTN doit, conformément au texte de l’art. 6 al. 3 RTVTC, tenir compte de « la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive ». Il lui incombait en conséquence de motiver chacun de ces critères.

La PCTN n’a pas tenu compte de toutes les circonstances relatives à la gravité des faits. Si, certes, il s’agit d’une infraction routière grave, commise par un chauffeur professionnel, ayant entraîné une atteinte à l’intégrité corporelle d’autrui, l’intéressé a reconnu les faits, l’acte était isolé, l’intéressé a eu un comportement exemplaire auprès de la victime au vu de l’échange de messages versé au dossier et la course n’était pas professionnelle, ce qui fait largement différer ce cas du précédent tranché par la chambre de céans.

Les questions de la « réitération » et du « risque de récidive » doivent être abordées par la PCTN. Elle ne peut se limiter à considérer que « les critères des antécédents et du risque de récidive se recoupant en partie, celui de la gravité devait être analysé de façon prépondérante dans la pesée des intérêts à effectuer, a fortiori au vu de la présence d’une atteinte à l’intégrité corporelle ». Les premières écritures de l’autorité intimée évoquaient la délivrance des cartes de chauffeur de limousine le 9 juillet 2008, ce fait étant repris dans l’arrêt du Tribunal fédéral. Or, dans la décision querellée, la PCTN indique que l’intéressé ne serait titulaire de cartes professionnelles que depuis le 24 août 2017. L’appréciation du comportement de l’intéressé, notamment la question de l’absence d’antécédents pendant une durée d’activité professionnelle de 8 ou 17 ans n’étant pas la même, elle n’a pu se faire correctement. La motivation de la PCTN sur ce point dans la cause jugée par la chambre de céans en août 2025 est d’ailleurs éloquente puisqu’il était retenu à l’encontre du chauffeur qu’il ne démontrait pas qu’il ne pourrait exercer une autre activité professionnelle en attendant la délivrance d’une nouvelle carte professionnelle, étant rappelé qu’il avait obtenu sa carte VTC en 2018, à l’âge de 53 ans. La date d’obtention des cartes professionnelles est un élément de fait nécessaire dans l’analyse de la situation et doit être établie avec précision. En l’espèce, d’une part, les faits qui se sont déroulés le 30 mars 2022 n’étaient pas la réitération d’événements précédents. Le recourant n’a aucun antécédent sur le plan pénal sous réserve d’une ordonnance pénale du 16 janvier 2014, soit il y a plus de dix ans et, à rigueur de dossier, n’a fait l’objet d’aucune mesure ou sanction administrative pour des faits similaires ou d’autres incidents depuis le début de son activité professionnelle, le 9 juillet 2008. D’autre part, aucun élément du dossier ne permet de retenir un risque de récidive, s’agissant d’une inattention isolée. Ces deux éléments devaient pondérer la pesée des intérêts en faveur du chauffeur.

Enfin, les faits se sont déroulés il y a près de trois ans. La PCTN ne peut que partiellement être suivie lorsqu’elle soutient que la réduction de la période durant laquelle les décisions potentiellement incompatibles avec la profession doivent être prises en compte de cinq à trois ans relativise le critère de l’écoulement du temps prévu par le règlement. Ce critère reste prévu et doit être appliqué. Certes, son appréciation va différer de l’ancienne pratique. En l’espèce toutefois, la sanction du MP a été prononcée le 28 septembre 2022. La décision a été prise le 12 décembre 2024, soit plus de deux ans plus tard. Dans la pesée des intérêts, cet élément doit être retenu en faveur du chauffeur, ce qui n’a pas été le cas.

S’agissant de la date pertinente, la PCTN a précisé qu’il s’agissait de celle du prononcé des décisions, soit en l’espèce celle de l’OCV, du 20 décembre 2022 et de l’ordonnance pénale du 28 septembre 2022. Elle a, ultérieurement, précisé que la révocation aurait comme conséquence qu’il ne pourrait plus exercer son activité pour une durée de trois ans, soit jusqu’au 20 décembre 2025, retenant ainsi la date du prononcé du retrait de permis de conduire, dernière décision prononcée, comme dies a quo du délai de trois ans. Ce calcul n’a pas été critiqué par la chambre administrative dans son précédent arrêt et est en l’espèce conforme aux textes légaux (art. 7 al. 3 let. e LTVTC, 6 al. 2 RTVTC). La PCTN n’a toutefois pas évoqué, contrairement au cas jugé précédemment par la chambre de céans, la durée de son activité de chauffeur. Or, dans le cas d’espèce, elle aurait été favorable au recourant qui ne peut pas exercer facilement une autre activité professionnelle compte tenu non seulement de son âge, mais aussi de sa longue activité, de plus de 15 ans, en qualité de chauffeur professionnel.

Dans ces circonstances, en considérant sur la seule base d’une condamnation pénale sanctionnant un acte isolé que la gravité de l’infraction justifiait la révocation de la carte professionnelle du recourant, le service intimé a mésusé de son pouvoir d’appréciation. La PCTN n’a en effet pas établi correctement les faits ni a fortiori pu procéder à une pesée des intérêts, au titre de l’examen de la proportionnalité au sens étroit, prenant en compte toutes les circonstances, conformément au RTVTC, notamment la durée effective de l’activité professionnelle, le temps écoulé, l’absence de risque de récidive, toutes les circonstances de l’accident, y compris le fait qu’il ne s’agissait pas d’une course professionnelle, les conséquences économiques de la décision sur le recourant (situation familiale, professionnelle, éventuelles autres formations, autres expériences professionnelles notamment) dont la situation financière n’avait au demeurant pas été réactualisée ou en tous les cas vérifiée. Or, c’est notamment cet aspect du dossier que le Tribunal fédéral avait indiqué devoir être mieux instruit.

La décision entreprise doit par conséquent être annulée et le recours sera partiellement admis, la cause étant renvoyée à la PCTN pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

3.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant à la charge de la PCTN (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 janvier 2025 par A______ contre la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 12 décembre 2024 ;

 

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 12 décembre 2024 ;

renvoie le dossier à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à A______ à la charge de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mehdi CHRAÏBI, avocat du recourant, ainsi qu'à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :