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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3734/2023

ATA/644/2025 du 10.06.2025 sur JTAPI/995/2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.08.2025, 9C_436/2025
Descripteurs : IMPÔT SUR LE REVENU;IMPÔT FORFAITAIRE;REVENU DÉTERMINANT;MONTANT À LIBRE DISPOSITION;SOUSTRACTION D'IMPÔT
Normes : LHID.7.al1; LHID.18.al1; LHID.18.al3; LHID.40.al1; LHID.42.al1; LHID.42.al2; LHID.56.al1; LHID.57.al4; LIPP.8.al1; LIPP.12.al1; LIPP.12.al2; LIPP.17; LPFisc.16.al1; LPFisc.26.al2; LPFisc.31.al1; LPFisc.31.al2; LPFisc.69; LPFisc.70; LPFisc.73; CP.12.al2; CP.12.al3; CP.19.al1; CP.19.al2; CP.48.leta
Résumé : Pendant la vie commune, les contribuables mariés sont en principe imposés en commun sur la somme de leurs revenus et fortunes et ils répondent solidairement du montant global de l’impôt. Il n’est dans ce cas pas tenu compte des versements intervenus entre époux, comme le montant à libre disposition au sens de l’art. 164 CC. En revanche, si un époux n’est recherché que pour l’impôt correspondant à la part proportionnelle de son propre revenu, le montant à libre disposition qu’il a reçu peut lui être attribué comme revenu. Dans le cadre d’une taxation ordinaire, le montant des dépenses précédemment déclaré aux autorités fiscales en vue d’une imposition au forfait peut être pris en compte comme revenu imposable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3734/2023-ICCIFD ATA/644/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 juin 2025

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Lassana DIOUM, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 octobre 2024 (JTAPI/995/2024)


EN FAIT

A. a. Le 21 avril 2011, A______ a épousé B______. En mars 2012, ce dernier, alors domicilié à Grimisuat dans le canton du Valais, a pris en location une villa à Cologny pour un loyer mensuel de CHF 20'000.-. Le 1er octobre 2012, les époux ont annoncé à l’administration fiscale valaisanne qu’ils quittaient la Suisse, sans indiquer de destination. Ils ont annoncé leur départ pour Cologny au contrôle des habitants de Grimisuat le 28 février 2019.

b. En vue d’une imposition d’après la dépense pour les années 2012 et 2013, des déclarations au nom de l’épouse ont été déposées à l’administration fiscale valaisanne. Signées par un cabinet comptable à Sion, elles faisaient état d’une dépense déterminante de CHF 200'000.-. Selon les procès-verbaux de taxation établis au nom de la contribuable, les autorités fiscales valaisannes ont basé les impôts relatifs à 2012 et 2013 sur le montant de CHF 200’000.‑.

c. Le couple s’est séparé à une date inconnue.

d. La contribuable souffre de troubles d’ordre psychique, pour lesquels elle est suivie depuis l’adolescence et notamment, depuis décembre 2021, par le docteur C______, psychiatre à Fribourg. L’office de l’assurance-invalidité fribourgeois lui a reconnu une incapacité de travail à 100% depuis le 1er janvier 2014.

B. a. Le 8 juillet 2019, l’administration fiscale cantonale (ci‑après : AFC‑GE) a ouvert une procédure de rappel et de soustraction d’impôt pour l’année fiscale 2012 et une procédure de taxation et de tentative de soustraction d’impôt pour les années fiscales 2013 à 2018.

b. Le 8 juillet 2022, l’AFC-GE a notifié des bordereaux de rappel d’impôt pour 2012 et de taxation pour 2013, au nom des époux.

Pour 2012, le revenu imposable global pour l’impôt cantonal et communal (ci‑après : ICC) était de CHF 1’687’439.-, la fortune imposable globale de CHF 107'756'344.- et le revenu de la contribuable de CHF 200'000.-. Aucun revenu n’était retenu pour elle au regard de l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD). La période d’imposition allait du 1er janvier au 31 décembre 2012 selon le bordereau mais, pour la contribuable, jusqu’au 30 décembre 2012 selon les autres documents, dont l’avis de taxation. Pour 2013, le revenu global imposable ICC s’élevait à CHF 1'579'702.-, la fortune globale à CHF 96'895'612.- et le revenu ICC de la contribuable à CHF 200’000.-, avec, pour le taux, un revenu de CHF 2’400'000.-. Il ne lui était attribué aucun revenu au regard de l’IFD. Selon le bordereau, la période d’imposition allait du 1er janvier au 31 décembre 2013 mais selon les autres documents jusqu’au 31 janvier 2013 concernant la contribuable.

Selon des courriers du 7 juillet 2022 annexés aux bordereaux précités, les parts respectives à l’impôt global calculées conformément aux éléments retenus pour la taxation étaient déterminées comme suit :

ICC 2012

IFD 2012

ICC 2013

IFD 2013

Monsieur

1’430'728.15

170'775.00

1’344'880.65

158'389.50

Madame

56'454.65

0.00

60'721.65

0.00

Total

1’487'182.80

170'775.00

1'405'602.30

158'389.50

Ces courriers précisaient qu’ils ne modifiaient en rien la situation juridique, les époux continuant de répondre solidairement du montant global de l’impôt.

c. Par bordereaux également du 7 juillet 2022, l’AFC-GE a notifié à A______ une amende pour soustraction d’impôt concernant l’ICC 2012 de la moitié des droits soustraits, soit CHF 28'227.-, et une amende pour tentative de soustraction concernant l’ICC 2013 d’un tiers des impôts éludés, soit CHF 20'240.- . Ces amendes tenaient compte de la bonne collaboration durant la procédure, la dépendance par rapport à un tiers instigateur et de l’absence de connaissances en fiscalité et de familiarité avec le monde des affaires.

d. Les bordereaux d’impôts et d’amende précités ont fait l’objet d’une réclamation.

e. Un échange de courriels a eu lieu entre l’AFC-GE et la contribuable, au cours duquel cette dernière a notamment produit des relevés de comptes bancaires.

f. La contribuable a divorcé le 19 décembre 2022. B______ a déclaré dans ce cadre que depuis la faillite de sa société en 2019, il n’avait plus de fortune. Le jugement de divorce donnait acte aux parties de ce qu’il n’était pas en mesure de contribuer à l’entretien de leur fille, de leur renonciation réciproque à toute contribution d’entretien et de la liquidation à l’amiable de leur régime matrimonial moyennant qu’B______ reconnaisse être seul débiteur des dettes fiscales.

g. Le 12 octobre 2023, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation et notifié des bordereaux rectificatifs qui réduisaient les amendes pour la soustraction consommée à un tiers des droits soustraits, soit CHF 16'936.‑, et pour la tentative de soustraction à 2/9ème, soit CHF 13'493.-, vu les circonstances atténuantes susmentionnées et la situation financière difficile de la contribuable. Les reprises d’impôt étaient maintenues, l’intéressée n’ayant apporté aucune explication ni pièce susceptible de les remettre en cause.

C. a. Le 10 novembre 2023, A______, agissant en personne, a recouru devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). La reprise d’impôt était contestée, car elle n’avait pas réalisé un revenu de CHF 200'000.-. Elle n’avait pas commis de faute, si bien que les amendes pour soustraction devaient être annulées.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Le revenu retenu reprenait la base imposable déterminée pour elle d’entente avec les autorités valaisannes. Les bordereaux avaient été adressés aux ex-époux, mariés à l’époque concernée, mais les reprises et rappels avaient été distingués pour chacun et étaient indépendants. Ils concernaient des éléments de revenu et de fortune de la contribuable, qui ne relevaient pas des agissements de son ex‑époux. Les amendes avaient été réduites au stade de la réclamation compte tenu des circonstances.

c. Sur réplique, la contribuable a contesté le revenu retenu et la prise en compte d’un appartement en nue-propriété à Paris. Pour des raisons de santé, elle n’avait jamais travaillé, dépendait des revenus de son ex-époux, n’avait aucune connaissance des affaires ou de la situation financière de celui-ci et ne s’occupait pas de la gestion financière et fiscale du couple, assurée exclusivement par son mari. La solidarité avait pris fin avec la séparation.

d. Par décisions du 27 avril 2024 fondées sur le changement de la situation familiale, l’AFC-GE a scindé le compte du couple et réparti les impôts sur deux comptes séparés, en précisant que le seul effet était de répartir l’impôt total selon la part respective de chaque époux, en fonction de leurs revenus et fortune propres conformément aux avis de taxation, et que la décision de taxation du bordereau couple, entrée en force, n’était pas remise en cause. Elle réclamait à la contribuable CHF 56'451.65 et CHF 66’438.0 au titre de l’ICC 2012 et 2013 et CHF 2'028.25 au titre de l’IFD 2013.

e. L’AFC-GE a dupliqué le 8 mai 2024. L’acceptation des chiffres retenus dans les taxations valaisannes, non contestées, montrait que la contribuable jugeait adéquate la taxation par estimation du montant de CHF 200'000.- au titre des revenus réalisés par elle en 2012 et 2013 dans le cadre d’une activité de mannequin, de vente privée d’objets et d’affaires personnelles et de placement de produits via les réseaux sociaux, qu’elle semblait poursuivre. Aucune solidarité n’avait été retenue.

f. Le 31 mai 2024, la contribuable a formé une réclamation contre les décisions du 27 avril 2024, les bordereaux n’étant pas définitifs vu la procédure de recours.

g. Elle a contesté avoir tacitement accepté le contenu des taxations valaisannes, signées par son ex-mari et non par elle. Les publications provenant des réseaux sociaux concernant le revenu qu’elle aurait réalisé dataient de 2017 et 2018. Une solidarité pouvait être déduite des bordereaux adressés aux ex-époux.

h. À la demande du TAPI, la contribuable a produit des documents relatifs au diagnostics et soins médicaux la concernant et indiqué qu’elle souffrait de bipolarité depuis l’adolescence, trouble accentué par la relation conflictuelle avec son ex‑mari, qui exerçait une forte emprise psychologique sur elle et avait commis des excès de violence, et ayant conduit à plusieurs tentatives d’autolyse et de nombreuses hospitalisations.

i. L’AFC-GE a fait valoir que, sans dénier l’importance des problèmes médicaux, ceux-ci ne suffisaient pas pour limiter la responsabilité de la contribuable.

j. Le 7 octobre 2024, le TAPI a admis le recours à propos de l’appartement à Paris, qui n’est ainsi plus litigieux, et l’a rejeté pour le surplus.

L’AFC-GE n’avait pas mis solidairement à charge de la contribuable les impôts dus par son ex-mari. Les dépenses qu’elle avait déclarées aux autorités fiscales valaisannes impliquaient qu’elle disposait au moins de cette somme et la fiction selon laquelle ces dépenses reflétaient son revenu net lui était opposable. Elle n’avait pas démontré comment elle finançait son train de vie en 2012 et « 2023 » [recte : 2013], le jugement de divorce ne lui allouant aucune contribution à son entretien. L’incapacité totale de s’acquitter de ses obligations fiscales, de commettre un mandataire pour remplir ses déclarations d’impôt ou de comprendre l’étendue de ses droits et obligations envers l’AFC-GE n’était pas établie et ne pouvait être inférée de son incapacité d’exercer une activité professionnelle. Bien qu’elle alléguât que son ex-mari s’occupait des affaires fiscales, il n’y avait pas de représentation conventionnelle en droit pénal fiscal, chaque époux étant traité comme un contribuable imposé individuellement. La quotité de la sanction tenait compte des circonstances atténuantes et correspondait au minimum légal.

k. Les 1er et 5 novembre 2024, B______ a attesté sur l’honneur que pendant le mariage, il versait des sommes issues de ses revenus à son épouse pour couvrir les frais du ménage et les frais personnels de celle-ci, qu’elle n’avait jamais exercé d’activité lucrative, qu’il était seul à l’origine de l’accord avec les services fiscaux valaisans concernant les exercices dès 2012 et qu’il avait demandé au cabinet comptable de déposer les déclarations au nom de son ex‑épouse, à l’insu et sans le consentement de celle-ci.

D. a. Par acte expédié le 6 novembre 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a interjeté recours, concluant à l’annulation de la décision sur réclamation du 12 octobre 2023 et, principalement, à l’annulation des bordereaux de rappel d’impôt, de taxation et d’amende relatifs à 2012 et 2013 et leur modification en tenant compte uniquement des revenus qu’elle avait réellement perçus et de sa fortune et, subsidiairement, à ce qu’il soit admis qu’elle n’était débitrice que des impôts dus selon ses éléments de revenu et de fortune propres énumérés dans le recours.

Les périodes d’assujettissement différentes par rapport à son ex-mari ainsi qu’entre 2012 et 2013 étaient injustifiées. Le revenu de CHF 200’000.- était contesté et, pour la période du 1er au 31 janvier 2013 hors proportion, tout comme celui de CHF 2’400'000.- (12 x CHF 200'000.-) pour le taux. La somme de CHF 200'000.- n’était pas pertinente pour l’imposition ordinaire, car c’était un revenu virtuel fixé en vue d’une taxation d’après le train de vie du contribuable et des personnes à sa charge, soit une dépense déterminée pour l’entier de la famille et non un revenu ou un autre avantage ou prestation imposable qu’elle avait perçu. Son ex-mari avait reconnu être seul débiteur des dettes fiscales. Une déclaration fiscale aurait effectivement dû être déposée à Genève. Cependant, compte tenu de son état psychologique et ses pathologies, des menaces, des violences et du chantage émotionnel subis de la part de son ex-mari et de la répartition des rôles au sein du couple, la recourante n’avait pas pu, volontairement ou par négligence, faire en sorte que la taxation soit incomplète et une soustraction d’impôt ne pouvait être retenue qu’à l’encontre d’B______.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les périodes de taxation allaient du 1er janvier au 31 décembre en 2012 et en 2013 ; les périodes différentes figurant sur certains documents relevaient de l’erreur de frappe. La taxation tenait compte de l’accord négocié par la contribuable, aidée par son mandataire, avec l’administration fiscale valaisanne et appliqué à ses taxations dans ce canton. Le montant de CHF 200'000.- concernait la contribuable, son ex‑époux faisant l’objet de taxations séparées. Vivant à Genève, où sa fille était scolarisée, elle était en mesure de comprendre que son domicile était déclaré fictivement dans le Valais. L’incapacité totale de s’acquitter de ses obligations fiscales ou de commettre un mandataire pour remplir ses déclarations d’impôt n’était pas démontrée et elle avait notamment su rédiger et déposer un recours, échanger une correspondance cohérente dans le cadre de la procédure de rappel d’impôts et exercer une activité lucrative de mannequin et d’influenceuse à compter de 2011. Son incapacité de travail ne signifiait pas qu’elle n’était pas en mesure de comprendre ses droits et obligations sur le plan fiscal et ne démontrait ni n’induisait une diminution de sa responsabilité pénale. Les pathologies invoquées ne permettaient pas de retenir une irresponsabilité ou une responsabilité restreinte.

c. Le 1er février 2025, l’AFC-GE a adressé des rappels de paiement à la recourante concernant les amendes relatives aux années fiscales 2012 et 2013, suivis de sommations en date du 22 février 2025.

d. Le 4 mars 2025, la recourante a répliqué qu’elle avait rédigé le recours avec l’aide de son père. Elle n’avait jamais mandaté la fiduciaire qui avait établi les déclarations valaisannes, signées à son insu, et comme elle n’avait pas connaissance de sa situation fiscale et des actions entreprises par son ex-mari et la fiduciaire, on ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir contesté les taxations valaisannes. Le montant de CHF 200'000.- ne correspondait pas à sa dépense individuelle, mais à un montant familial basé sur le train de vie de son ex‑époux, qui seul bénéficiait d’un revenu et était le contribuable principal, comme le montraient des bordereaux de taxation valaisans établis à son nom. Elle n’avait ni autonomie financière propre ni revenu, comme démontré par les extraits bancaires. Selon le Dr C______, l’idée qu’elle aurait pu refuser les déclarations fiscales préparées par son mari, à une époque où elle était sous une pression énorme et vivait plusieurs situations suicidaires, niait entièrement ses mécanismes intrapsychiques et sa médication neuroleptique diminuait éventuellement ses possibilités cognitives de se rendre compte de l’illégalité de ses actes.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ – E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante conteste les taxations relatives aux années 2012 et 2013 en tant qu’elles se fondent sur un revenu annuel de CHF 200'000.- en ce qui la concerne.

2.1 L’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques et quel qu’en soit l’origine (art. 17 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08 ; art. 7 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; art. 16 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11). La notion de revenu n’est pas définie précisément par la loi. La jurisprudence et la doctrine suisses retiennent en principe comme déterminante la théorie de l’accroissement net du patrimoine, c’est-à-dire une conception extensive de la notion de revenu selon laquelle le revenu acquis par un contribuable se compose de tout accroissement de son patrimoine constaté au cours de la période fiscale considérée, qui peut provenir tant d’une augmentation des actifs que d’une diminution des passifs (ATF 143 II 402 consid. 5.1 et 5.2 ; ATA/183/2024 du 6 février 2024 consid. 2.2 et les références ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, § 7 n. 4 et 7s). L’impôt frappe le revenu global, tout revenu que la loi n’exclut pas expressément du champ d’application de la LIFD et la LIPP étant considéré comme faisant partie du revenu imposable, qui comprend l’ensemble des revenus, quelle qu’en soit la nature ou la forme (ATA/183/2024 précité consid. 2.2).

2.2 Les revenus et la fortune des époux vivant en ménage commun sont additionnés, quel que soit le régime matrimonial, et ces derniers sont imposés sur la somme globale, en une fois lors de la réalisation par un des conjoints (art. 8 al. 1 LIPP, art. 9 al. 1 LIFD ; Xavier OBERSON, op. cit., § 6 n. 32). L’imposition étant commune, la répartition subséquente des revenus au sein du couple n’a pas de grande incidence fiscale (Thierry BORNICK, Impôts directs et familles : État des lieux et perspectives législatives, Plaidoyer pour une imposition individuelle en concordance avec le principe de l’égalité de traitement et la garantie du minimum vital, 2021, n. 421 ; Lydia MASMEJAN-FEY, L’imposition des couples mariés et des concubins, 1992, p. 64). Pour le couple imposé en commun, les barrières fiscales sont supprimées, ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire de déterminer la proportion du revenu que chacun des époux réalise ou dépense et que les versements ou prestations d’un époux à l’autre, comme les indemnités prévues aux art. 164 et 165 du Code civil (CC - RS 210) mais également tous les versements entre époux, sont neutres fiscalement (Thierry OBRIST, CPra Matrimonial-Obrist, 2016, Aspects fiscaux n. 20 ; Thierry BORNICK, op. cit., n. 421 et 422 ; Markus REICH, Steuerrecht 3e éd., 2020, § 12 n. 9 ; Xavier OBERSON, op. cit., § 6 n. 32 ; Christine Jaques in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2e éd., 2017, n. 4 ad art. 9). Le montant à libre disposition au sens de l’art. 164 CC ne représente donc pas un revenu imposable pour son bénéficiaire, mais est une simple répartition du revenu acquis par l’un des conjoints entre les époux, dont l’utilisation ultérieure constituera une dépense en emploi du revenu (Lydia MASMEJAN-FEY, op. cit., p. 64 ; Thierry OBRIST, op. cit., n. 20).

De l’imposition commune découle le principe de la responsabilité solidaire des époux vivant en ménage commun, chacun pouvant être poursuivi pour le montant global de l’impôt (art. 12 al. 1 LIPP ; art. 13 al. 1 LIFD ; Thierry OBRIST, op. cit., n. 21). La solidarité débute avec la période fiscale au cours de laquelle les époux se marient et se termine avec la séparation du couple ou l’insolvabilité d’un des époux (art. 12 al. 2 LIPP ; art. 13 al. 2 LIFD). Quand la solidarité fiscale s’éteint, chacun répond du montant correspondant à sa part de l’impôt total encore dû, déterminée en fonction de la part proportionnelle de son revenu net par rapport au revenu global du couple (art. 12 al. 1 LIPP ; art. 13 al. 2 LIFD ; Thierry OBRIST, op. cit., n. 24 et les références citées).

2.3 Le contribuable doit remplir la formule de déclaration d’impôt de manière conforme à la vérité et complète et indiquer notamment tous les éléments du revenu, du bénéfice, de la fortune ou du capital, qu’ils soient imposables ou non, puis signer et remettre cette déclaration, avec les annexes prescrites, au département dans le délai imparti (art. 26 al. 2 de loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17). Il doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte et notamment fournir, sur demande du département, des renseignements oraux ou écrits, présenter ses livres comptables, les pièces justificatives et autres attestations ainsi que les pièces concernant ses relations d’affaires (art. 31 LPFisc). Chacun des époux vivant en ménage commun est un contribuable, mais ils exercent les droits et s’acquittent des obligations qu’ils ont en vertu de la législation fiscale de manière conjointe (art. 16 al. 1 LPFisc) et la déclaration d’impôt doit porter les deux signatures (al. 2).

2.4 En procédure de taxation, la maxime inquisitoire s’applique. L’autorité n’est pas liée par les éléments imposables reconnus ou déclarés par le contribuable et si des indices mettent en doute l’exactitude de la déclaration, elle pourra, après investigation, s’en écarter et modifier les éléments du revenu en faveur ou en défaveur de ce dernier (Xavier OBERSON, op. cit.,§ 22 n. 10 et 11; Isabelle ALTHAUS-HOURIET in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., n. 4 ss ad art. 123). En vertu du principe de la libre appréciation de la preuve applicable en droit fiscal, l’autorité forme librement sa conviction, en analysant la force probante des preuves administrées et en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu’elle a recueillis, sous réserve uniquement de l’arbitraire (ATA/248/2025 du 11 mars 2025 consid. 5.8 et les références citées ; ATA/685/2021 du 29 juin 2021 consid. 8c).

Si, même après l’instruction menée par l’autorité, un fait déterminant pour la taxation reste incertain, les règles générales du fardeau de la preuve s’appliquent pour déterminer qui doit supporter les conséquences de l’échec de la preuve ou de l’absence de preuve d’un tel fait. L’autorité fiscale établit les faits qui justifient l’assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 143 II 661 consid. 7.2 ; 140 II 248 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1087/2018 du 29 juillet 2019 consid. 4.1). Il appartient au contribuable non seulement d’alléguer ces derniers, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5).

L’on ne peut en principe pas demander au contribuable de prouver un fait négatif et de démontrer, par exemple, qu’il n’a pas d’autres revenus que ceux annoncés, car il incombe à l’autorité fiscale d’apporter la preuve de l’existence d’éléments imposables non déclarés, mais quand des indices clairs et précis rendent vraisemblable l'état de fait établi par l'autorité, il revient ensuite au contribuable de réfuter, preuves à l'appui, les faits avancés par celle-ci et d’établir l’exactitude de ses propres allégations (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_722/2017 du 13 décembre 2017 consid. 5.2 et les références). La procédure de taxation est ainsi caractérisée par la collaboration réciproque de l'autorité fiscale et du contribuable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_111/2012 du 25 juillet 2012 consid. 4.4 ; 2A.374/2006 du 30 octobre 2006 consid. 4 ; ATA/685/2021 précité consid. 8b).

2.5 En l’espèce, les calculs du 7 juillet 2022 annexés aux bordereaux litigieux mettent à la charge de la contribuable CHF 56'454.65 au titre de l’ICC 2012 (sur un total de CHF 1’487'182.80) et CHF 60'721.65 au titre de l’ICC 2013 (sur un total de CHF 1'405'602.30), le reste étant mis à la charge de son ex-mari.

2.5.1 En 2012 et 2013, la recourante et son mari vivaient en ménage commun. Ils étaient imposables en commun sur l’ensemble de leurs revenus et fortune et ils étaient, comme rappelé dans les courriers du 7 juillet 2022, chacun tenus du montant global de l’impôt, l’engagement d’un d’eux de répondre seul des dettes fiscales ne liant pas l’autorité fiscale. L’AFC-GE a toutefois déclaré qu’elle ne se prévalait pas de la solidarité et ne réclamait à la contribuable que la part proportionnelle à ses propres éléments de revenu et de fortune.

2.5.2 Il ne résulte pas du dossier qu’en 2012 et 2013 la contribuable ait réalisé un revenu en exerçant une activité lucrative, en particulier comme mannequin et influenceuse. L’autorité intimée, qui doit prouver l’existence des éléments imposables non déclarés, ne conteste pas que les photographies produites dans ce contexte sont postérieures à la période litigieuse, comme l’affirme la recourante. Partant, la réalisation d’un revenu par une telle activité lucrative n’est pas établie.

2.5.3 La recourante admet avoir reçu en 2012 et 2013 des sommes d’argent pour couvrir ses dépenses personnelles, soit des montants à libre disposition au sens de l’art. 164 CC. En cas d’imposition commune des époux, de tels versements sont considérés comme neutres vu que la taxation porte sur l’ensemble des éléments imposables, sans égard aux répartitions et prestations faites entre les époux, qui répondent chacun de l’impôt global. Cette hypothèse n’est pas réalisée en l’espèce, l’AFC-GE ayant déclaré dans le cadre de la procédure qu’elle ne retenait pas la solidarité et qu’elle ne réclamait à la recourante que la part d’impôt correspondant à sa part proportionnelle des éléments imposables. Pour fixer cette part de l’impôt, il faut donc déterminer la part proportionnelle des revenus dont celle-ci bénéficiait, comparée à celle de son ex-mari. La répartition des revenus au sein du couple n’est ainsi pas neutre fiscalement, ce qui justifie de tenir compte des transferts intervenus entre époux, notamment des prestations que l’intéressée a reçues de son ex‑mari.

La recourante reconnaît avoir reçu les prestations susmentionnées, mais ne les a jamais chiffrées et les pièces fournies ne permettent pas d’en déterminer le montant. Même si elle vivait en ménage commun et que son mari était le seul à travailler et l’entretenait, la recourante avait la qualité de contribuable et répondait de ses obligations fiscales, dont celle d’indiquer tous ses éléments du revenu, imposables ou non, et de faire tout ce qui était nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte. En l’absence d’autres éléments probants, l’AFC-GE s’est fondée sur les dépenses déclarées aux autorités fiscales valaisannes. Cette approche n’apparaît pas critiquable. Comme relevé par le TAPI, l’imposition d’après la dépense est une modalité d’application de l’impôt sur le revenu, l’impôt étant calculé sur les dépenses du contribuable, censées refléter ses revenus nets et qui sont généralement calculés très favorablement pour le contribuable.

En l’espèce, les déclarations mentionnant les dépenses annuelles de CHF 200'000.- sont opposables à la recourante même si elle ne les a pas signées. Selon un principe qui vaut également en droit public, si un contribuable se fait représenter, les actes de ses représentants, qu’il lui incombe d’instruire et de surveiller, lui sont imputables comme les siens propres (arrêt du Tribunal fédéral 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/160/2025 du 11 février 2025 consid. 4.3). Le contribuable qui mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôt n'est pas libéré de ses obligations fiscales et doit, le cas échéant, supporter les inconvénients d'une telle intervention et répondre de l'erreur de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2017 du 17 septembre 2018 consid. 9.4 ; 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.5 ; ATA/279/2025 du 18 mars 2025 consid. 2.4).

2.5.4 Il ne ressort pas du dossier que le montant déclaré de CHF 200'000.- correspondait au train de vie de toute la famille. Il figure sur des formulaires de déclaration et des procès-verbaux de taxation valaisans établis uniquement au nom de la recourante, ce qui corrobore l’affirmation de l’AFC-GE selon laquelle B______ faisait l’objet d’une taxation séparée. La chambre administrative relève à ce sujet que les dépenses annuelles de toute la famille n’apparaissent manifestement pas limitées à CHF 200'000.-, non seulement au regard du revenu imposable, supérieur à un million et demi de francs en 2012 et en 2013, mais aussi vu le montant de CHF 20'000.- que la famille était en mesure de consacrer au loyer mensuel.

Au vu de ces éléments et dans le cadre de la libre appréciation des preuves, l’AFC‑GE pouvait, sans tomber dans l’arbitraire, considérer que la contribuable recevait, en 2012 et 2013, une somme annuelle d’en tout cas CHF 200'000.-, qui venait accroître son patrimoine et, partant, constituait un revenu. Il est précisé que ce revenu, comme indiqué sur les bordereaux litigieux et confirmé par l’AFC-GE dans le cadre de la présente procédure, se rapporte aux périodes du 1er janvier au 31 décembre 2012 et du 1er janvier au 31 décembre 2013 et ce également pour fixer le taux applicable.

Le grief est écarté.

3.             La recourante conteste les amendes prononcées respectivement pour soustraction et tentative de soustraction d’impôt.

3.1 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc). La soustraction fiscale suppose la réalisation de trois éléments : la soustraction d’un montant d’impôt, la violation d’une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier (ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 28b et les références citées). En cas de tentative, le comportement illicite réprimé correspond, sur le plan objectif, à celui de la soustraction fiscale, mais l'autorité de taxation découvre, avant l’entrée en force de la décision de taxation, que les renseignements fournis sont inexacts (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 du 25 novembre 2022 consid. 10.1 et les références citées).

3.2 La soustraction consommée est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence alors que la tentative de soustraction suppose un agissement intentionnel (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 précité consid. 10.2 ; ATA/248/2025 précité consid. 7.3 et les références citées).

3.2.1 L’intention implique que le contribuable agit avec conscience et volonté (art. 12 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0, applicable par renvoi combiné des art. 333 al. 1 et 104 CP). La conscience implique que l'auteur a acquis la connaissance des faits de telle manière que l'on puisse dire qu'il savait, mais il n'est pas nécessaire qu’il tienne l'existence ou la survenance d'un fait pour certaine ; il suffit qu'il la considère comme sérieusement possible (Bernard CORBOZ in Robert ROTH/Laurent MOREILLON [éd.], Commentaire romand - Code pénal I, art. 1-110 CP, 2009, art. 12 n. 31 et 33). Le comportement intentionnel est considéré comme prouvé lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que le contribuable était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable, cette présomption ne se laissant pas renverser facilement, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1 ; ATA/1485/2024 du 17 décembre 2024 consid. 2.1 et les références citées). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention : il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins parce qu'il s'en accommode au cas où celui-ci se produirait (art. 12 al. 2 2e phrase CP ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1 ; 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 9.2). Lorsque le contribuable n'a pas transmis de déclaration d'impôt pour la période concernée, alors qu'il était tenu de le faire, l'examen de l'intention revient à se demander s’il était conscient de son obligation de déposer une déclaration d'impôt, ou s'il pouvait, de bonne foi, considérer qu'il n'était pas tenu de le faire. Si, au vu de la situation du contribuable et des circonstances concrètes, tel n'est pas le cas, il faut admettre que l'intéressé a volontairement cherché à échapper à toute imposition, ou du moins qu'il a agi par dol éventuel (arrêt du Tribunal fédéral 2C_553/2018 du 18 juin 2019 consid. 5.4.3 ; ATA/991/2024 du 20 août 2024 consid. 2.9.2).

3.2.2 La notion de négligence au sens des art. 56 LHID et 69 LPFisc est identique à celle de l'art. 12 CP : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 10.1.3 ; ATA/991/2024 précité consid. 2.9 ; ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6 a).

3.2.3 Lorsqu’un contribuable signe sa déclaration fiscale, il endosse la responsabilité de la véracité des indications qui s’y trouvent. Il répond lui‑même des infractions fiscales commises si une faute lui est imputable et répond des actes de ses auxiliaires. La responsabilité du mandant ne saurait être dissociée de celle de son mandataire. Il ne faut en effet pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport à celui qui remplit sa déclaration fiscale lui-même, par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables. Pour retenir l’intention, à tout le moins par dol éventuel, il faut toutefois que le contribuable ait pu reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s’il avait agi avec la diligence requise et qu’il ait ainsi été en mesure de la faire corriger (arrêt du Tribunal fédéral 9C_583/2023 du 12 août 2024 consid. 4.2 et les références citées ; 2C_78/2019 précité consid. 6.3 et les arrêts cités ; ATA/1336/2024 précité consid. 6.1).

3.3 Le contribuable marié vivant en ménage commun avec son conjoint ne répond que de la soustraction des éléments imposables qui lui sont propres, sous réserve de la commission de l’infraction au sens de l’art. 71 LPFisc (art. 73 al. 1 LPFisc). Selon cette disposition, celui qui, intentionnellement, incite à une soustraction d’impôt, y prête son assistance, la commet en qualité de représentant du contribuable ou y participe, sera puni d’une amende fixée indépendamment de la peine encourue par le contribuable ; en outre, il répond solidairement de l’impôt soustrait (art. 177 al. 1 LIFD et 71 al. 1 LPFisc). Le contribuable qui délègue entièrement ses déclarations fiscales à son conjoint ou à une fiduciaire répond des éventuels manquements de ses représentants quand bien même ceux-ci auraient agi seuls, dans la mesure où il aurait été en mesure de facilement les identifier (ATA/1485/2024 précité consid. 2.9). La loi ne permet plus à un époux d’apporter la preuve que la soustraction des éléments imposables qui lui sont propres a été commise à son insu par son conjoint ou qu’il n’était pas en mesure de l’empêcher, avec pour conséquence que le conjoint est punissable comme s’il avait soustrait des éléments imposables lui appartenant (art. 57 al. 4 aLHID et art. 180 aLIFD, abrogés en mars 2008 ; Xavier OBERSON, op. cit., § 26 n. 34). Il n’y a, hormis les cas prévus par l’art. 177 LIFD, pas de solidarité entre les époux en matière de soustraction fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.1.2).

3.4 En cas de soustraction consommée, l’amende est en règle générale fixée au montant de l’impôt soustrait ; si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l'impôt soustrait constitue donc le premier élément de fixation de la peine et en présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut généralement au montant de l'impôt soustrait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1). L’amende doit ensuite être fixée selon le degré de faute de l'auteur et compte tenu des dispositions de la partie générale du CP, notamment l'art. 106 al. 3 CP et les principes régissant la fixation de la peine prévus à l'art. 47 CP. Les circonstances atténuantes de l'art. 48 CP sont applicables par analogie en droit pénal fiscal, le juge atténuant la peine notamment si l’auteur a agi en cédant à un mobile honorable, dans une détresse profonde, sous l’effet d’une menace grave ou sous l’ascendant d’une personne à laquelle il devait obéissance ou de laquelle il dépendait (let. a ch. 1 à 4). En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l'impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l'auteur (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s. et les références). La bonne collaboration du contribuable constitue en principe un élément permettant de réduire la peine (arrêts du Tribunal fédéral 9C_763/2023 du 25 juillet 2024 consid. 10.3 ; 2C_875/2018 du 17 avril 2019 consid. 8.2.2).

En cas de tentative de soustraction fiscale, l’amende est fixée aux 2/3 de la peine qui serait infligée si la soustraction avait été commise intentionnellement et consommée (art. 70 LPFisc).

Selon la jurisprudence constante, l'autorité doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende et en fixer le montant. L'autorité de recours ne censure que l'abus du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/370/2015 précité consid. 3b ; ATA/1/2015 du 6 janvier 2015 ; ATA/975/2014 du 9 décembre 2014 consid. 7 et les références citées).

3.5 L’auteur n’est pas punissable si, au moment d’agir, il ne possédait pas la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation (irresponsabilité ; art. 19 al. 1 CP). Sur un plan strictement médical, on admettra l'existence d'une irresponsabilité en cas de psychose particulière, schizophrénie ou atteinte psychologique grave ou encore de démence sévère, de capacité intellectuelle limitée ou, exceptionnellement, d’intoxication grave (ATA/1233/2019 du 13 août 2019 consid. 6c ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 3b ; ATA/12/2017 du 10 janvier 2017 consid. 14 ; ATA/454/2016 du 31 mai 2016 consid. 4e ; Laurent MOREILLON in Commentaire romand, CP I, 2009, n. 22 s. ad art. 19 CP).

En cas de responsabilité restreinte, la juge atténue la peine, à savoir si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation (art. 19 al. 2 CP). Comme l’a relevé le TAPI, la responsabilité restreinte concerne l’auteur qui a la capacité intellectuelle de comprendre l’illicéité de ses actes, ainsi que la volonté de se déterminer selon cette appréciation, mais qui agit de façon diminuée, ayant davantage de difficultés à résister aux impulsions délictueuses en comparaison avec tout auteur normal. Seule une psychopathie grave et inhabituelle peut conduire à l’application de l’art. 19 al. 2 CP, qui suppose que la structure mentale de l’auteur s’écarte de façon importante de la normale par rapport aux autres sujets de droit, mais aussi aux délinquants comparables (ATF 116 V 273 consid. 6 ; ATF 102 IV 226 consid. 7b ; Laurent MOREILLON, op. cit., art. 19, n. 25-29.

3.6 En l’espèce, la recourante et son ex-mari n’ont pas déposé de déclaration fiscale à Genève pour les périodes fiscales 2012 et 2013.

3.6.1 La recourante admet que le couple aurait dû déclarer ses revenus et fortune à Genève, mais ne l’a pas fait. En ne déclarant aucun revenu et fortune, ils ont fait en sorte de ne pas être taxés à Genève, et il en a résulté une perte financière pour la collectivité. Les éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale respectivement de la tentative de soustraction fiscale sont réunis.

3.6.2 La recourante était domiciliée à Genève, où elle avait scolarisé sa fille. Dans ces circonstances et d’un point de vue subjectif, elle ne pouvait ignorer que son couple était assujetti fiscalement dans le canton et devait y déclarer ses revenus et fortune, comme tout contribuable résidant à Genève. La recourante n’allègue pas qu’elle pensait à tort qu’une déclaration d’impôt avait été déposée à Genève ni qu’elle croyait de bonne foi qu’elle n’avait pas à en déposer une, ce qui, selon la jurisprudence, est déterminant pour examiner l’intention, à tout le moins sous l’angle du dol éventuel. Il ne ressort pas non plus du dossier qu’elle était empêchée de désigner et surveiller un mandataire dans ce contexte ou de prendre contact avec l’AFC-GE pour se renseigner. Il résulte de la jurisprudence précitée que les époux vivant en ménage commun sont, sur le plan pénal, traités comme des contribuables individuels et que le contribuable qui ne s’occupe pas personnellement de sa situation fiscale et s’en remet entièrement à son conjoint pour toutes les démarches n’est pas libéré de ses obligations à l’égard des autorités fiscales. La répartition des rôles convenue au sein du couple ne justifie en effet pas, sous l’angle pénal, qu’un des conjoints se désintéresse de sa situation fiscale.

Il résulte de l’art. 71 LPFisc, auquel renvoie l’art. 73 LPFisc qui règle la responsabilité des époux en cas de soustraction, que l’auteur d’une soustraction fiscale qui agit en qualité de représentant du contribuable sera puni « indépendamment de la peine encourue par le contribuable », ce qui confirme que ce dernier n’est pas pour autant exempté. Par conséquent, dès lors que la contribuable était consciente de l’obligation de déposer une déclaration fiscale à Genève, le dol éventuel est réalisé, indépendamment du fait que les affaires financières et fiscales du couple étaient entièrement gérées par son ex‑mari. Elle ne prétend, au demeurant, pas que ce dernier l’aurait trompée en faisant croire qu’il avait déposé une déclaration ou qu’elle se serait enquise de la situation fiscale et qu’il aurait refusé de la renseigner.

3.6.3 La recourante affirme que son état d’esprit et de santé ne lui permettait pas de se déterminer face à son époux, dont elle dépendait psychiquement et financièrement.

Le Dr C______, thérapeute de la recourante, a indiqué que le fait que l’intéressée souffrait d’une maladie psychiatrique ne permettait « certainement » pas de nier sa capacité de discernement pour signer une déclaration d’impôt. Il y a donc lieu de retenir que l’intéressée était capable de discernement s’agissant de ses affaires fiscales. Si le Dr C______ souligne l’importance du trouble de la personnalité émotionnellement instable de type borderline dont souffre la recourante pour évaluer sa libre volonté et sa marge de manœuvre par rapport à son époux, et sans minimiser des troubles allégués, il ne ressort pas du dossier que l’état de santé de la recourante correspondrait à un cas de psychose particulière, de schizophrénie ou d’atteinte psychologique grave, de démence sévère ou de capacité intellectuelle limitée admis dans le cadre de l’art. 19 al. 1 CP.

La recourante ne se prévaut, au demeurant, pas de l’irresponsabilité pénale au sens de cette disposition et n’invoque pas non plus l’art. 19 al. 2 CP. L’état de responsabilité restreinte au sens de cette dernière disposition ne constitue en toute hypothèse pas un facteur excluant la punissabilité, mais est un facteur d’atténuation de la peine. Il en va de même du lien de dépendance psychique et financier de son ex‑mari allégué par l’intéressée, qui est une circonstance qui n’exclut pas sa responsabilité pénale, mais peut être prise en compte pour fixer la quotité de l’amende, comme prévu expressément par l’art. 48 let. a ch. 4 CP.

Selon les décisions litigieuses, le montant des amendes a été fixé compte tenu de la bonne collaboration de l’intéressée durant la procédure, la dépendance par rapport à un tiers instigateur (soit son ex-mari), l’absence de connaissances en fiscalité et de familiarité avec le monde des affaires et sa situation financière difficile. Sur cette base, à l’issue de la procédure de réclamation, l’amende pour la soustraction consommée relative à l’ICC 2012 a été fixée à 1/3 des droits soustraits, soit la peine minimale prévue à l’art. 69 al. 2 LPFisc. L’amende pour la tentative de soustraction concernant l’ICC 2013 a été fixée à 2/9 des droits soustraits, soit les 2/3 de l’amende pour soustraction consommée (art. 70 al. 2 cum 69 al. 2 LPFisc), ce qui correspond également au minimum légal. Les critères appliqués et les montants fixés ne violent ainsi pas la loi et s’inscrivent dans le cadre du large pouvoir d'appréciation de l’autorité intimée, qui n’en a pas abusé.

Au vu de ce qui précède, le grief est écarté et le recours rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 novembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 octobre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 700.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lassana DIOUM, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

le greffier-juriste :

 

J. PASTEUR

 

 

le président siégeant :

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

le greffier :