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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2835/2024

ATA/636/2025 du 10.06.2025 ( DIV ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : AÉROPORT;CONVENTION D'OBJECTIFS;CONTRAT DE DROIT ADMINISTRATIF;DÉCISION
Normes : CEDH.6.al1; Convention Aarhus.9; PA.25.leta; LOJ.132.al3; LPA.4; LPA.4.alA; LOIDP.5; LOIDP.7; LAIG.1; LAIG.2
Résumé : Recours contre la convention d'objectifs 2025-2029 conclue par l'AIG et le Conseil d'État. Cette convention, malgré la relativement faible marge de manœuvre de l'AIG, constitue un contrat de droit administratif et ne peut être assimilée à une décision du Conseil d'État. L'art. 9 par. 3 de la Convention d'Aarhus n'est pas justiciable (self-executing) et le droit suisse satisfait globalement aux exigences de contrôle populaire qu'il pose. Le droit d'accès à un tribunal au sens de l'art. 6 § 1 CEDH est aussi respecté vu l'existence d'autres possibilités de saisir le juge. Recours déclaré irrecevable faute d'acte attaquable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2835/2024-DIV ATA/636/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 juin 2025

 

dans la cause

 

A______
et
B______
et
C______ recourants

représentés par Me Sébastien VOEGELI, avocat

contre

CONSEIL D’ÉTAT
représenté par Me Nicolas WISARD, avocat

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE intimés
représenté par Me Tobias ZELLWEGER, avocat

 



EN FAIT

A. a. Le 1er juillet 2024, le Conseil d’État, représenté par la conseillère d’État en charge du département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures (ci-après : le département), et l’Aéroport international de Genève (ci-après : AIG), représenté par le président de son conseil d’administration et son directeur, ont signé une convention d’objectifs pour la période 2024-2029 (ci‑après : la convention).

Le préambule de la convention prévoit qu’à « l’instar des autres grandes régies autonomes du canton de Genève et en application de l’art. 7 de la loi sur l’organisation des institutions de droit public du 22 septembre 2017 (LOIDP - A 2 24), les objectifs stratégiques de l’AIG fixés dans la présente convention tiennent compte des dispositions qui découlent de l’acquis communautaire, des lois fédérales et cantonales qui le régissent ainsi que des plans directeurs ou autres instruments de planification ». La convention avait ainsi pour but de fixer les attentes du Conseil d’État en lien avec la mise en œuvre de sa politique relative à l’exploitation de la plateforme aéroportuaire, pour la période 2024-2029. La convention devait également permettre à l’AIG d’adapter son infrastructure à l’évolution du transport aérien, tout en garantissant la sécurité et en améliorant l’accueil des usagers, tout en respectant les objectifs des politiques publiques connexes, telles que la protection de l’environnement et du climat, de la santé et de l’emploi ainsi que l’aménagement du territoire. La convention définissait en outre toutes les mesures adéquates pour limiter les nuisances dues au trafic aérien telles que le bruit, les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre et précisait les indicateurs permettant d’évaluer l’efficacité de ces mesures et l’atteinte des objectifs. Enfin, elle s’inscrivait dans les « mission, vision, valeurs, cadre légal et stratégie » de l’AIG, ainsi que dans la continuité de la convention d’objectifs conclue pour la période 2019-2024.

B. a. Le 2 septembre 2024, l’A______ (ci-après : l’association), la B______ (ci-après : la section) et C______ ont recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Ils ont conclu, préalablement, à la production par l’État de Genève, soit pour lui le département, et par l’AIG, de tous les documents et notes, quel que soit leur format et leur support, qui avaient servi à l’élaboration de la convention et à l’établissement d’une expertise indépendante ayant pour objectif de déterminer quelles mesures concrètes et chiffrées devaient être mises en œuvre par l’AIG pour que ce dernier respecte le cadre légal cantonal, fédéral et international qui régissait son activité (notamment en matière d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques ou d’émissions sonores). Ils ont principalement conclu à la réforme de la convention dans la mesure déterminée par l’expertise ordonnée et enfin, subsidiairement, à l’annulation de la convention.

Il découlait de la convention, en particulier de son art. 5, qu’elle n’était pas un contrat administratif bilatéral, mais revêtait les caractéristiques d’une décision, en ce sens que c’était le Conseil d’État qui en fixait le contenu et que ce dernier s’imposait à l’AIG, créant et modifiant ainsi ses droits et obligations sur de nombreux aspects, notamment en matière financière, la convention imposant à l’AIG de rétrocéder 50% de son bénéfice, de subventionner les abonnements UNIRESO de son personnel, ou encore en matière d’exploitation, en limitant à trois le nombre de vols long-courriers pouvant décoller après 22 heures. Il n’était pas question d’un accord de volontés négocié entre deux parties se trouvant sur un pied d’égalité, mais d’un document par lequel l’autorité supérieure fixait des objectifs principaux à l’entité autonome, laquelle était tenue de les respecter, ces prétendus objectifs prenant appui sur le droit public et non sur la libre volonté des parties. En cela, la qualification de contrat de droit public ou de contrat de droit administratif était exclue. Tout au plus s’agissait-il d’une décision à acceptation matérialisée par la signature de représentants de l’AIG. La convention constituait ainsi un acte attaquable au sens de l’art. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Leur recours avait en outre été déposé dans le délai légal. Tant l’association que la section et C______, riverain de l’AIG dès lors qu’il était domicilié à Genthod, disposaient de la qualité pour recourir.

b. Le 4 septembre 2024, le juge délégué a informé les recourants, l’AIG et le Conseil d’État que la question de la recevabilité du recours se posait. La chambre administrative entendait dès lors rendre un arrêt sur la recevabilité du recours, si bien que l’instruction ne serait menée dans un premier temps que sur cette question. Le fond du litige ne serait abordé que si la recevabilité du recours était admise. Un délai était imparti au Conseil d’État et à l’AIG pour fournir leurs observations et leur dossier.

c. Le 17 octobre 2024, le Conseil d’État a conclu à l’irrecevabilité du recours. La convention était un acte de nature contractuelle, comme son nom l’indiquait déjà, et non pas une décision administrative. Il ne s’agissait pas non plus d’un acte de caractère réglementaire éventuellement susceptible d’un recours abstrait auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle).

d. Le 5 novembre 2024, l’AIG a également conclu à l’irrecevabilité du recours. La convention n’était pas une décision sujette à recours. Elle ne pouvait pas non plus être qualifiée de règlement du Conseil d’État. Elle résultait de manifestations concordantes de volonté concrétisant la loi dans un cas individuel concret et présentait les caractéristiques typiques d’un contrat de droit public.

e. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 13 décembre 2024 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger sur la question de la recevabilité.

f. L’AIG puis le Conseil d’État ont informé la chambre administrative qu’ils adhéraient à leurs déterminations respectives sur la recevabilité du recours.

g. Dans le délai prolongé, les recourants ont conclu, le 17 janvier 2025, à la recevabilité du recours.

g.a. Le cadre légal ne se cantonnait pas au prisme étriqué de l’art. 4 LPA mais s’étendait avant tout aux conventions et à la jurisprudence internationales relatives au droit d’accès à la justice environnementale.

Dès lors que la convention liait deux autorités publiques, qu’elle concernait des actes et omissions de ces dernières lesquels se rapportaient au droit de l’environnement, les critères d’application de l’art. 9 par. 3 de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement du 25 juin 1998 (Convention d’Aarhus - RS 0.814.07) étaient remplis. Si la chambre administrative devait éprouver le moindre doute sur la qualité d’acte attaquable de la convention, ils rappelaient que la Suisse venait d’être sévèrement condamnée par la CourEDH pour avoir refusé une voie de droit en matière d’application du droit environnemental en vigueur.

g.b. Il fallait en outre retenir de la jurisprudence que la CourEDH imposait l’existence d’une voie de droit – au besoin le juge devait en créer une – lorsqu’un administré ou une association faisait valoir une atteinte à un droit de nature civile de manière légitime et défendable. Leur contestation portait sur des droits de caractère civil : droit à l’intégrité physique et psychique, droit à un environnement sain, droit de propriété. Il existait donc nécessairement une voie de droit à l’encontre de la convention, sauf à violer l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

h. Le 31 janvier 2025, le Conseil d’État a persisté dans ses conclusions.

Les thèmes tenant à la protection de l’environnement et du climat que les recourants cherchaient à promouvoir par leur recours se trouvaient déjà portés devant la justice fédérale. Ils avaient en effet, avec d’autres, interjeté recours contre la décision rendue le 17 novembre 2022 par le département fédéral de l’énergie, des transports et de la communication (ci-après : DETEC) au sujet de la modification du règlement d’exploitation de l’AIG, de l’approbation de plans et de la fixation du bruit admissible dans le cadre de l’exploitation de l’aéroport. Ce recours était pendant devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF). Il portait également sur divers volets de protection de l’environnement et sur les questions climatiques. La procédure pendante devant le TAF constituait le lieu procédural adéquat du débat judiciaire et tant la Convention d’Aarhus que la CEDH étaient respectées.

i. Le 3 février 2025, l’AIG a également persisté dans ses conclusions.

Les atteintes à l’environnement étaient régies par la législation fédérale. Le droit fédéral permettait le contrôle judiciaire des actes et omissions des autorités. Les recourants le savaient dès lors qu’ils avaient saisi le TAF. Ils disposaient d’un accès suffisant à la justice pour faire contrôler la conformité au droit des conditions d’exploitation de l’AIG et des nuisances dont ils se plaignaient. Il fallait de surcroît éviter le risque de décisions contradictoires sur les conditions d’exploitation de l’AIG.

j. Le 10 février 2025, le juge délégué a rappelé aux parties que la cause avait été gardée à juger. Par économie de procédure, les deux écritures précitées ont été acceptées et un délai au 19 février 2025 a été imparti aux recourants pour un éventuel exercice du droit à la réplique.

k. Le 19 février 2025, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

Il importait peu de savoir si la convention se reflétait dans la catégorie dite des décisions selon la conception « académique et helvétique » d’une telle notion. De même, il n’était pas pertinent de savoir s’ils étaient « partie » à une autre procédure les opposant à l’AIG, dès lors qu’on ignorait comment le TAF allait statuer sur la recevabilité, que les parties n’étaient pas les mêmes (la procédure devant le TAF opposant des centaines de recourants – dont eux-mêmes – au DETEC), que l’objet du litige n’était pas le même, que les griefs n’étaient pas les mêmes et enfin qu’il n’existait aucun risque de décision contradictoire.

l. Les arguments et écritures des parties seront repris dans la partie en droit en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le présent arrêt a uniquement pour but d’examiner la recevabilité du recours déposé le 2 septembre 2024, question sur laquelle les parties ont eu l’occasion de se déterminer.

2.             La compétence de la chambre administrative est définie à l'art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ‑ E 2 05). Elle est, sous réserve des compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales, l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 LOJ). Selon l'art. 132 al. 2 LOJ, le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10). Sont réservées les exceptions prévues par la loi.

En outre, la chambre administrative connaît en instance cantonale unique des actions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l’objet d’une décision au sens de l’al. 2 et qui découlent d’un contrat de droit public. Les dispositions de la LPA en matière de recours s’appliquent par analogie à ces actions (art. 132 al. 3 LOJ).

3.             Les recourants soutiennent que la convention revêtirait les caractéristiques d’une décision. Elle constituerait un acte attaquable au sens de l’art. 4 LPA.

3.1 En vertu de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). L'art. 4 LPA définit la notion de décision de la même manière que l'art. 5 al. 1 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021), de sorte que l'on peut s'inspirer de la jurisprudence rendue en lien avec la PA (arrêt du Tribunal fédéral 2C_39/2025 du 25 mars 2025 consid. 4.2).

On entend par décision une manifestation de volonté contraignante de l’autorité, unilatérale, individuelle et concrète, adoptée en application du droit administratif et destinée à produire des effets juridiques ou à constater l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'une obligation (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1) et susceptible d’exécution forcée (ATF 150 I 183 consid. 3.4.1 = JdT 2024 I p. 150, 151 s. ; ATF 141 II 233 consid. 3.1 ; 135 II 38 consid. 4.3). Il ne suffit pas que l'acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise à produire des effets juridiques. Sa caractéristique d'acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l'administré par la volonté de l'autorité, mais sur la base de la loi et conformément à celle-ci. La décision a pour objet de régler une situation juridique, c'est-à-dire de déterminer les droits et obligations de sujets de droit en tant que tels (ATA/649/2023 du 20 juin 2023 consid. 1.3 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p. 339 ss). La notion de décision implique un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré (ATF 141 I 201 consid. 4.2).

Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte (ATF 150 I 183 consid. 3.4.1 = JdT 2024 I p. 150, 152). Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (ATF 143 III 162 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_107/2024 du 19 août 2024 consid. 5.1 et les références citées).

3.2 À teneur de l'art. 4A al. 1 LPA, intitulé « droit à un acte attaquable », toute personne qui a un intérêt digne de protection peut exiger que l'autorité compétente pour des actes fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et touchant à des droits ou des obligations s'abstienne d'actes illicites, cesse de les accomplir, ou les révoque (let. a), élimine les conséquences d'actes illicites (let. b), constate le caractère illicite de tels actes (let. c). L'autorité statue par décision (art. 4A al. 2 LPA). Lorsqu'elle n'est pas désignée, l'autorité compétente est celle dont relève directement l'intervention étatique en question (art. 4A al. 3 LPA).

L'art. 4A LPA met en œuvre, sur le plan cantonal, le droit à l'accès au juge garanti par l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) s'agissant du contrôle des actes matériels de l'administration. Il confère à toute personne ayant un intérêt digne de protection (et non uniquement juridique) le droit d'exiger que l'autorité compétente pour les actes fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et touchant à ses droits ou obligations statue par décision (arrêts du Tribunal fédéral 8D_3/2022 du 10 janvier 2023 consid. 6.1.4 et la référence citée ; 8C_775/2019 du 17 mars 2020 consid. 3.1 et la référence citée). Il s'agit de mettre en évidence une relation de droit administratif, créée par l'applicabilité d'une norme de droit public à un acte de l'administration : l'objet de la décision est précisément de constater si la norme invoquée par l'administré à quelque chose à dire sur la légalité de l'acte qui le touche (ATF 140 II 315 consid. 3). Cette relation peut concerner des domaines dans lesquels l'administré ne dispose pas d'un droit spécifique, mais est uniquement touché dans un intérêt de fait, digne de protection (ATA/649/2023 précité consid. 2.1).

Le droit à l'acte attaquable suppose que le requérant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés ; l'intérêt invoqué – qui peut être un intérêt de pur fait – doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération. Cette disposition est une reprise presque à l'identique de l'art. 25a PA ; il convient par conséquent de se référer à la jurisprudence et aux principes dégagés de cette disposition fédérale dans l'application de l'art. 4A LPA (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.3 et les références citées).

Les actes visés par l’art. 25a PA, et donc également par l'art. 4A LPA, sont des actes matériels. Les actes matériels se distinguent des actes juridiques en ceci qu’ils n’ont pas pour but de modifier la situation juridique mais de modifier directement la situation de fait (ATF 144 II 233 consid. 4.1). À l’instar des actes juridiques étatiques, les actes matériels étatiques se répartissent pour l'essentiel en actes individuels et concrets (par ex. l’arrestation d’une personne ou l’utilisation d'une arme à feu par la police) et en actes généraux et abstraits (notamment certains avertissements et recommandations).

L'art. 25a PA subordonne la protection juridique, cumulativement, à un critère relatif à l'acte – c'est-à-dire que l'acte matériel doit toucher à des droits ou obligations – et à un critère relatif au requérant – c'est-à-dire que le requérant a un intérêt digne de protection à obtenir une décision sur un acte matériel. Bien que ces deux critères aillent dans le même sens, l'art. 25a PA les distingue clairement, suivant la distinction traditionnelle entre l'acte attaquable et la qualité pour recourir pour les actes juridiques (ATF 146 I 145 consid. 4.4 = JdT 2021 I p. 35, 38 s. ; ATF 144 II 233 consid. 7.1 = JdT 2019 I p. 58, 62 ; ATF 140 II 315 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_3/2022 du 10 janvier 2023 consid. 6.1.4 et les références citées).

Les actes matériels ne sont jamais directement applicables, lorsqu'ils tombent dans le champ d'application de l'art. 25a PA. L'accès au juge n'y est pas garanti directement, mais par le biais d'une procédure administrative subséquente et indépendante (ATF 144 II 233 consid. 3 = JdT 2019 I p. 58, 59 ; ATF 140 II 315 consid. 2.1), qui débouche sur une décision. L'avantage de cette solution est qu'elle permet de créer un acte attaquable, en évitant l'extension de la notion de décision à des actes matériels, avec les conséquences qu'une telle analogie entraînerait du point de vue des règles de procédure (respect du droit d'être entendu et notification notamment). L'art. 25a PA donne à la personne qui fait valoir qu'elle est touchée par un acte matériel le droit de faire ouvrir une procédure administrative pouvant aboutir à la prise d'une décision. La détermination du fondement de la décision sollicitée n'est pas toujours aisée. Tel est notamment le cas lorsqu'un acte matériel se substitue à une décision, que ce soit pour des motifs liés à l'urgence ou parce que des actes matériels incorporent une décision tout en ayant pour objet de modifier la situation de fait (Anne-Christine FAVRE, in François BELLANGER/Jérôme CANDRIAN/Madeleine HIRSIG-VOUILLOZ [éd.], Loi fédérale sur la procédure administrative - Commentaire romand, 2024, n. 5 et 46 ad art. 25a).

3.3 Le contrat de droit administratif est un acte résultant de la concordance de deux ou plusieurs manifestations de volonté concrétisant la loi dans un cas particulier individuel, ayant pour objet l'exécution d'une tâche publique de façon à produire des effets bilatéraux obligatoires. Il peut également être défini comme
toute convention liant l'État à un particulier (ou deux ou plusieurs entités étatiques entre elles) et relevant non pas du droit civil mais du droit public (ATA/1385/2021 du 21 décembre 2021 consid. 12). Le contrat de droit administratif est ainsi une forme de contrat de droit public se caractérisant, d'une part, par sa nature bilatérale, ce qui le distingue de la décision, et, d'autre part, par son inscription dans l'exécution d'une tâche publique prévue par la loi, ce qui le distingue du contrat de droit privé (ATA/964/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2c ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. 2018, n. 970 s.).

Un contrat de droit administratif suppose un rapport bilatéral ou multilatéral ; les actes juridiques qui n'ont qu'un caractère unilatéral et qui reposent sur l'exercice d'une compétence légale ne peuvent être qualifiés de tels (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2017 du 16 octobre 2018 consid. 5.1 ; 1C_61/2010 du 2 novembre 2010 consid. 4.1).

Dans le premier de ces deux arrêts, le Tribunal fédéral a nié le caractère de contrat de droit administratif d'un acte qui prévoyait, comme seul engagement, l'obligation pour une commune d'aménager un carrefour, dans un délai qui n’était pas défini, dès lors que la commune apparaissait comme la seule partie à être chargée de tâches de droit public et que l'on ne discernait pas quelle serait la contre‑prestation à la charge de l'administrée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2017 précité consid. 5.2). On ne saurait toutefois y voir un critère absolu, dès lors que même si une absence de contre-prestation peut faire pencher l'analyse en faveur d'un acte unilatéral, il existe des contrats dits unilatéraux en droit privé (arrêts du Tribunal fédéral 5A_59/2013 du 10 janvier 2014 consid. 5.2.1 ; 4A_757/2011 du 3 avril 2012 consid. 2.3) et il peut parfaitement en aller de même en droit public. Ainsi, deux auteurs mentionnent que « si l'acte juridique "contrat" est bilatéral, son contenu peut être unilatéral, en ce sens qu'il peut n'obliger qu'une partie à fournir une prestation en faveur de l'autre » (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 1081).

D'autres critères peuvent intervenir qui permettent de distinguer un contrat de droit privé d'un contrat de droit public. Ainsi, par exemple, la présence d'une clause d'élection de for va dans le sens d'un contrat de droit privé (ATF 134 II 297 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_727/2018 du 5 juin 2019 consid. 1.8).

3.4 L’art. 191A de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE ‑ A 2 00) précise que l’AIG est un établissement de droit public (al. 1). Dans le cadre défini par la Confédération et les limites de ses compétences, l’État tient compte du caractère urbain de l’aéroport et recherche un équilibre entre son importance pour la vie économique, sociale et culturelle et la limitation des nuisances pour la population et l’environnement (al. 2). L’État prend en particulier toutes les mesures adéquates pour limiter les nuisances dues au trafic aérien, notamment le bruit, les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre et pour mettre en œuvre les principes d’accomplissement des tâches publiques, définies dans la Cst-GE, de protection de l’environnement, d’aménagement du territoire et de promotion de la santé (al. 3). L’AIG rend compte aux autorités cantonales et communales de la façon dont les objectifs précités sont planifiés puis mis en œuvre au regard du cadre et des limites définis par la Confédération. Il soumet en particulier régulièrement au Grand Conseil pour approbation un rapport relatif aux actions entreprises et principaux objectifs à moyen et long terme (al. 4).

3.5 La loi sur l’organisation des institutions de droit public du 22 septembre 2017 (LOIDP - A 2 24) règle l’organisation des institutions décentralisées cantonales de droit public (art. 1). La LOIDP s’applique à l’AIG (art. 3 al. 1 let. b). Il y est désigné comme l’un des établissements de droit public principaux du canton. L’AIG dispose de la personnalité juridique (art. 5 LOIDP et art. 1 al. 2 de la loi sur l'Aéroport international de Genève du 10 juin 1993 - LAIG - H 3 25).

Selon l’art. 7 LOIDP, les objectifs stratégiques des institutions sont fixés par les lois qui les régissent, par les plans directeurs ou autres instruments de planification, par les contrats de prestations adoptés en application de la loi sur les indemnités et les aides financières du 15 décembre 2005 (LIAF - D 1 11), ainsi que par les conventions d’objectifs (al. 1). Ces objectifs sont rendus publics (al. 2). Les compétences des autorités fédérales relatives à la fixation d’objectifs imposés par le droit international et fédéral sont réservées (al. 3).

Les institutions sont placées sous la surveillance du Conseil d’État (art. 8 al.  1 LOIDP). Elles sont inscrites au registre du commerce. L’institution est valablement représentée et engagée dans ses relations contractuelles selon les pouvoirs inscrits au registre du commerce (art. 9 al. 1 LOIDP).

3.6 Selon l’art. 2 LAIG, cet établissement a pour mission de gérer et d’exploiter l’aéroport et ses installations dans le respect du droit supérieur et notamment du Plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique, en considérant sa situation urbaine et en offrant, de manière efficiente, les conditions optimales de sécurité, d’efficacité et de confort pour ses utilisateurs (al. 1). Son activité doit concourir au développement de la vie économique, en priorité de la Genève internationale et des entreprises établies dans la région, ainsi que de la vie sociale et culturelle (al. 2). Dans toute son activité, l’établissement tient compte des intérêts généraux du pays, du canton et de la région qu’il dessert, ainsi que des objectifs de la protection de l’environnement et veille à diminuer les nuisances dues au trafic aérien, en particulier le bruit, les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre (al. 3).

Selon l’art. 5 LAIG, intitulé « convention d’objectifs », dans le cadre de sa mission définie à l’art. 2, le Conseil d’État fixe les objectifs principaux de l’établissement par le biais d’une convention d’objectifs renouvelable tous les cinq ans, dans le respect du droit supérieur (al. 1). La convention d’objectifs doit permettre à l’établissement d’adapter son infrastructure à l’évolution de l’aéronautique, en garantissant la sécurité et en respectant les objectifs des politiques publiques connexes cantonales et fédérales, notamment la protection de l’environnement et du climat, de la santé et de l’emploi ainsi que l’aménagement du territoire (al. 2). La convention d’objectifs définit toutes les mesures adéquates pour limiter les nuisances dues au trafic aérien, notamment le bruit, les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre, et précise les indicateurs permettant d’évaluer l’efficacité de ces mesures et l’atteinte des objectifs (al. 3). La convention d’objectifs définit les mesures adéquates en vue de limiter après 22 h : - les mouvements qui n’utilisent pas des avions de dernière génération aux meilleures performances acoustiques, - les mouvements de courte distance pour lesquels existent des modes alternatifs de déplacement (al. 4). Le Conseil d’État veille à la mise en œuvre de ces mesures (al. 5). La convention d’objectifs fixe les modalités permettant d’assurer une collaboration étroite avec les communes (al. 6). Dans un rapport annuel au Grand Conseil, le Conseil d’État rend compte de la mise en œuvre de la convention d’objectifs (al. 7).

3.7 En l’espèce, comme cela ressort de l’art. 7 al. 1 LOIDP, le législateur a voulu que des objectifs stratégiques soient fixés aux institutions de droit public. Pour y parvenir, plusieurs moyens sont prévus, à savoir les lois qui les régissent, les plans directeurs ou autres instruments de planification, les contrats de prestations ainsi que les conventions d’objectifs. L’art. 5 LAIG concrétise cela au niveau de l’aéroport, les objectifs principaux fixés par le Conseil d’État à cette institution devant figurer dans une convention. La voie retenue semble ainsi être celle de l’adoption d’un acte de nature bilatérale – une convention étant, selon le dictionnaire de l’Académie française, un accord volontaire de deux ou plusieurs personnes physiques ou morales ; ce dont elles conviennent – et non celle d’une mesure individuelle et concrète. La convention est en outre signée par les deux parties qui ont de ce fait manifesté leurs engagements et accords réciproques.

3.8 Selon les recourants, la convention en cause revêtirait pourtant les caractéristiques d’une décision en ce sens que, comme cela découle de l’art. 5 LAIG, c’est le Conseil d’État qui en fixe les objectifs principaux.

La LOIDP et la LAIG prévoient que l’AIG dispose de la personnalité juridique. Le législateur n’a toutefois pas prévu que l’AIG serait libre d’agir à sa guise. Il ressort en effet des dispositions citées ci-dessus que tant la Cst-GE et la LOIDP que la LAIG lui imposent un cadre dans lequel il est tenu de s’organiser et d’agir. Selon l’exposé des motifs du PL 11391, qui a conduit à l’adoption de la LOIDP, les institutions de droit public « ont été créées par l’État pour remplir des tâches publiques. Le pouvoir politique (Conseil d’État et/ou Grand Conseil, selon l’institution) doit ainsi pouvoir leur fixer des objectifs. Il ne s’agit donc pas que les institutions choisissent les buts qu’elles souhaitent atteindre indépendamment des objectifs fixés par le pouvoir politique » (PL 11391, p. 45). Si la marge de manœuvre de l’AIG se trouve ainsi limitée, il n'en demeure pas moins que le législateur a choisi, en rédigeant les art. 7 LOIDP et 5 LAIG, de fixer les objectifs de l’AIG par la voie d’une convention et non par la voie d’un acte unilatéral. Les recourants ne contredisent d’ailleurs pas le Conseil d’État lorsqu’il affirme, dans sa détermination sur la recevabilité, que les travaux préparatoires de l’art. 7 LOIDP (PL 11391) ne donnent pas le moindre indice que la convention d’objectifs aurait été conçue comme un instrument de caractère décisionnel à disposition du Conseil d’État. La chambre de céans n’y a pas non plus trouvé de tels indices.

Les travaux préparatoires relatifs à l’art. 5 LAIG (PL 12879), également cités par les intimés, vont dans le même sens. On y apprend en effet que ce projet de loi « introduit expressément dans la LAIG la convention d’objectifs signée entre la République et canton de Genève et l’AIG, consacrant ainsi la portée contraignante des objectifs fixés par cet acte. La convention d’objectifs liant l’État et l’AIG approuvée par le Conseil d’État retranscrit les objectifs pour tous les acteurs concernés (…) » (PL 12879, p. 6). Si la marge de manœuvre de l’AIG apparaît une nouvelle fois limitée (usage du mot « contraignante »), l’usage du terme « approuvé » confirme que, dans l’esprit des concepteurs de la loi, il n’était pas question d’imposer des objectifs par un acte unilatéral. Les intimés ont à ce propos versé à la procédure les nombreux échanges entre le Conseil d’État et l’AIG qui ont conduit à l’adoption et à la signature de la convention. Ces échanges mettent notamment en évidence que plusieurs propositions reprises dans la convention ont été formulées par l’AIG, l’institution étant mieux à même d’identifier les contraintes du terrain. Cette manière de faire s’inscrit dans la volonté du législateur pour qui l’art. 5 LAIG visait « à ancrer dans la loi spécifique à l’établissement la convention d’objectifs passée entre la République et canton de Genève et l’AIG au début de chaque législature » (PL 12879, p. 14). Or, et comme le souligne à juste titre le Conseil d’État dans sa détermination, le terme « passée » se rapproche davantage du terme « conclue », propre à un acte bilatéral et négocié, que du terme « imposée » propre à un acte unilatéral.

Il découle de ce qui précède que la convention doit être qualifiée de contrat de droit administratif et non de décision comme le soutiennent les recourants. Ces derniers n’étant pas partie à ce contrat, ils ne pourraient pas se prévaloir de l’art. 132 al. 3 LOJ.

4.             Après avoir soutenu dans leur recours que la convention était une décision, les recourants soutiennent dans leur détermination sur la recevabilité que le cadre légal ne se cantonnerait pas au cadre « étriqué » de l’art. 4 LPA mais qu’il s’étendrait avant tout aux conventions et à la jurisprudence internationales relatives au droit d’accès à la justice environnementale. Selon eux, dès lors que la convention liait deux autorités publiques, qu’elle concernait des actes et omissions de ces dernières lesquels se rapportaient au droit de l’environnement, les critères d’application de l’art. 9 par. 3 de la Convention d’Aarhus étaient remplis.

4.1 Le 1er juin 2014, la Convention d’Aarhus est entrée en vigueur pour la Suisse. Afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque État Partie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de ladite convention (art. 1 Convention d’Aarhus).

4.1.1 La Convention d’Aarhus repose sur trois piliers : l’accès à l’information sur l’environnement prévu aux art. 4 à 5, la participation du public au processus décisionnel en matière d’environnement ancrée aux art. 6 à 8 et l’accès à la justice en matière environnementale régi à l’art. 9.

4.1.2 Selon l’art. 9 par. 1 Convention d’Aarhus, chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que toute personne qui estime que la demande d’informations qu’elle a présentée en application de l’art. 4 a été ignorée, rejetée abusivement, en totalité ou en partie, ou insuffisamment prise en compte ou qu’elle n’a pas été traitée conformément aux dispositions de cet article, ait la possibilité de former un recours devant une instance judiciaire ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi. Dans les cas où une Partie prévoit un tel recours devant une instance judiciaire, elle veille à ce que la personne concernée ait également accès à une procédure rapide établie par la loi qui soit gratuite ou peu onéreuse, en vue du réexamen de la demande par une autorité publique ou de son examen par un organe indépendant et impartial autre qu’une instance judiciaire. Les décisions finales prises au titre du présent par. 1 s’imposent à l’autorité publique qui détient les informations. Les motifs qui les justifient sont indiqués par écrit, tout au moins lorsque l’accès à l’information est refusé au titre du présent paragraphe.

4.1.3 L’art. 9 par. 2 Convention d’Aarhus prévoit que chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné : ayant un intérêt suffisant pour agir ou, sinon (let. a), faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d’une Partie pose une telle condition (let. b), puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l’art. 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice de l'art. 9 par. 3, des autres dispositions pertinentes de la Convention. Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l’objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de la Convention. À cet effet, l’intérêt qu’a toute organisation non gouvernementale répondant aux conditions visées au par. 5 de l’art. 2 est réputé suffisant au sens de l’al. a) ci-dessus. Ces organisations sont également réputées avoir des droits auxquels il pourrait être porté atteinte au sens de l’al. b) ci-dessus. Les dispositions du présent par. 2 n’excluent pas la possibilité de former un recours préliminaire devant une autorité administrative et ne dispensent pas de l’obligation d’épuiser les voies de recours administratif avant d’engager une procédure judiciaire lorsqu’une telle obligation est prévue en droit interne.

Selon l’art. 9 par. 3 Convention d’Aarhus, disposition dont se prévalent les recourants, en outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux par. 1 et 2 ci‑dessus, chaque Partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement.

Selon l’art. 9 par. 4 Convention d’Aarhus, sans préjudice du par. 1, les procédures visées à l'art. 9 par. 1, 2 et 3 doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s’il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif. Les décisions prises au titre du présent article sont prononcées ou consignées par écrit. Les décisions des tribunaux et, autant que possible, celles d’autres organes doivent être accessibles au public.

4.2 Dans l’ATF 141 II 233, relatif à l’abattage d’oiseaux protégés, auquel se réfèrent tant les recourants que l’AIG, le Tribunal fédéral a retenu que conformément à l'art. 9 par. 3 de la Convention d'Aarhus, les États parties veillent à ce que les « actes et omissions des particuliers ou des autorités publiques » relevant du droit de l'environnement puissent être contestés en justice. L'objet de la contestation en vertu de la Convention doit être interprété selon le sens ordinaire que l'on donne de bonne foi à l'expression « actes et omissions » (art. 31 al. 1 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités [CDE - RS 0.111]), c'est-à-dire indépendamment de la forme prévue par le droit national. L'art. 9 al. 3 de la Convention d'Aarhus ne prévoit un recours à des critères de droit national qu’en ce qui concerne les conditions que les membres de la collectivité doivent remplir pour être considérés comme des associations à but idéal. L'instance précédente a défini l'objet du recours au sens de la Convention d'Aarhus d'une manière telle – l'acte doit régler les droits et obligations de droit public à l'égard des particuliers – que cela empêcherait en partie de concrétiser le droit objectif de l'environnement par le biais de mécanismes judiciaires efficaces, ce qui constitue un but explicite de la convention (ATF 141 II 233 consid. 4.3.3 = JdT 2016 I 307, 313).

Toujours selon le Tribunal fédéral, la nécessité de pouvoir contester en justice les mesures étatiques relevant du droit de l'environnement, indépendamment de la forme spécifique de l'action, ressort également d'un accord commun (…) de tous les États parties à l'art. 9 par. 3 de la Convention d'Aarhus. (…) Les États parties à la Convention d'Aarhus tiennent régulièrement des réunions et examinent le respect de la Convention par décisions consensuelles (art. 15 de la Convention d'Aarhus), en s'appuyant notamment sur les rapports rédigés par le Comité d'examen du respect des dispositions (créé par la résolution I/7 ECE/MP.PP/2/Add. 8 des États parties du 21 au 23 octobre 2002). Lors d'une réunion de ce type, qui s'est tenue du 30 juin 2014 au 2 juillet 2014, les États parties ont décidé que l'absence d'accès, dans un État partie, pour les membres de la collectivité (notamment les organisations non gouvernementales) à une procédure administrative ou judiciaire visant à contester des actes ou omissions portant atteinte au droit de l'environnement constituait une violation de la Convention. Ils ont ainsi fondé une pratique ultérieure sur l'interprétation de l'art. 9 par 3 de la Convention d'Aarhus dans le sens d'un recours idéal d'association contre des actes et omissions relevant du droit de l'environnement (ATF 141 II 233 consid. 4.3.4 = JdT 2016 I 307, 314).

4.3 Comme le fait valoir à bon escient l’AIG, il convient également de citer le considérant suivant de cet arrêt. Ainsi, selon le Tribunal fédéral, l'interprétation de l'art. 9 par. 3 de la Convention d'Aarhus, conformément aux dispositions de l'art. 31 CDE, conduit donc à la conclusion que l'objet de la contestation « actes et omissions » défini par le droit de la Convention aux mesures de droit public de l'environnement à l'encontre de particuliers. Les dispositions contestées relatives à l'abattage d'oiseaux protégés sont susceptibles de porter atteinte à des objectifs de protection au sens de l'art. 1 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 (LPN - RS 451) et confèrent donc, depuis l'entrée en vigueur de la Convention d'Aarhus, un droit de recours aux particuliers tel que prévu par l'art. 9 par. 3 de la Convention. Dans son message relatif à la ratification de la Convention d'Aarhus, le Conseil fédéral est par ailleurs parti du principe que l'ordre juridique suisse garantissait une protection juridique répondant aux exigences de la Convention. En ce qui concerne l'exigence d'un contrôle judiciaire des actes et omissions des autorités conformément à l'art. 9 par. 3 de la Convention d'Aarhus, il a précisé que, selon le droit suisse, les organisations habilitées à recourir en vertu de l'art. 12 LPN dans le domaine de la protection de la nature et du paysage peuvent saisir les tribunaux et faire examiner les actes ou omissions correspondants (message du 28 mars 2012 relatif à l'approbation et à la mise en œuvre de la Convention d'Aarhus et de son amendement, FF 2012 4323, 4348 ch. 3.1.4 ; ATF 141 II 233 consid. 4.3.5 = JdT 2016 I 307, 314 s.).

4.4 À propos du message précité, le Conseil fédéral a également précisé qu’en rapport avec la revendication du public de participer à des processus de décision et à l’élaboration de prescriptions légales, l’accès à une procédure administrative est suffisant aux termes de la convention d’Aarhus (art. 9 par. 3). La possibilité prévue à l’art. 71 PA de dénoncer des faits à l’autorité de surveillance satisfait donc aux exigences de la convention. Les cantons connaissent également la possibilité de déposer une plainte auprès de l’autorité de surveillance. En outre, la Confédération peut, en sa qualité d’autorité de surveillance dans le domaine de l’environnement (art. 38 al. 1 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 - LPE - RS 814.01), recevoir et traiter également des plaintes contre des actes des cantons. Selon l’art. 25a PA, les tiers présentant un intérêt digne de protection peuvent exiger que l’autorité compétente s’abstienne d’actes illicites dans le domaine du droit public, constate l’illicéité de tels actes ou en élimine les conséquences. Enfin, toute personne peut porter plainte contre des particuliers ou des autorités pour violation de dispositions dans le domaine de l’environnement (p. ex. art. 60 s. LPE). Il faut en outre noter que, en vertu du droit suisse, les organisations environnementales habilitées à recourir ne peuvent pas invoquer uniquement l’art. 55 LPE pour s’opposer à des projets de construction soumis à l’EIE (étude d’impact sur l’environnement), ainsi que l’exige l’art. 9 par. 2 de la convention. Elles ont en effet la possibilité de s’appuyer aussi sur l’art. 12 dans le domaine de la protection de la nature et du paysage pour faire examiner des décisions par les tribunaux. La Suisse octroie donc aux organisations environnementales un droit de recours au sens de l’art. 9 par. 3, qui va au-delà des exigences énoncées à l’art. 9 par. 2 de la convention (message du 28 mars 2012 relatif à l'approbation et à la mise en œuvre de la Convention d'Aarhus et de son amendement, FF 2012 4027, 4051 ch. 3.1.4).

4.5 Dans un autre arrêt de 2015, le Tribunal fédéral a considéré, sans développement particulier, que l’information et la participation de la population ainsi que l’accès au juge étaient assurés par les dispositions de la législation sur l’aménagement du territoire et la protection de l’environnement, dans une mesure satisfaisant largement aux exigences de la Convention d’Aarhus (arrêt du Tribunal fédéral 1C_242/2014 du 1er juillet 2015 consid. 3.3 ; ATA/7/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4a).

4.6 Dans un arrêt ultérieur mentionné par l’AIG, le Tribunal fédéral a rappelé qu’en 1984, il avait nié la possibilité pour les organisations de protection de la nature de déposer une demande de mise sous protection ou de contester l'omission de la mise sous protection en dehors d'une procédure concrète de planification ou de permis de construire. Il avait décidé que le droit de recours selon l'art. 12 al. 1 LPN présupposait une décision comme objet de la contestation. L'art. 12 LPN ne conférait pas aux associations un droit exécutoire par voie de droit à l'adoption de décisions cantonales de première instance. Si l'autorité législative avait voulu accorder aux associations nationales de protection de la nature et du patrimoine un droit général de surveillance et d'intervention, elle aurait dû l'ordonner expressément. Cependant, le 1er juin 2014, la Convention d'Aarhus est entrée en vigueur pour la Suisse. Conformément à l'art. 9 par. 3 de cette convention, les Parties veillent à ce que les membres du public aient accès aux procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques qui enfreignent les dispositions de leur droit national relatives à l'environnement. Cet accès à la justice, garanti par la Convention d'Aarhus, existe également pour les organisations environnementales qui remplissent les critères nationaux pour être considérées comme des associations à but idéal. Sur la base de cette nouvelle situation, on ne peut plus dénier aux organisations de protection de l'environnement le droit d'obtenir l'édiction d'une décision concernant une omission, afin de la faire examiner par un tribunal, pour autant qu'elle doive être rendue dans l'accomplissement d'une tâche fédérale (…) (arrêt du Tribunal fédéral 1C_555/2020 du 16 août 2021 consid. 5.3.2).

4.7 Dans un arrêt de 2021, le Tribunal fédéral a jugé que les par. 4 et 5 de l'art. 9 de la Convention d'Aarhus n'apparaissaient pas suffisamment précis et clairs pour servir de base à une décision dans un cas particulier, si bien que ces dispositions n'étaient pas directement applicables, ou self-executing (arrêt du Tribunal fédéral 2C_206/2019 du 25 mars 2021 consid. 20.2). À cette occasion, le Tribunal fédéral s'est référé à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après : CJUE), qui aboutissait au même résultat concernant l'art. 9 al. 3 et 4 de la Convention d'Aarhus (ibid. ; CJUE, arrêt North East Pylon Pressure Campaign und Sheehy, C-470/16 du 15 mars 2018 point 52 et les arrêts cités).

4.8 Dans le cas d’espèce, les recourants tentent de se prévaloir de l'art. 9 par. 3 de la Convention d'Aarhus, alors que cette disposition n'est en principe pas invocable en justice.

De plus, comme cela découle de la jurisprudence citée plus haut, la Convention d’Aarhus ne permet pas de contester devant les tribunaux n’importe quel acte au motif qu’il émane d’une ou plusieurs autorités ou entités publiques. Or, comme cela a été retenu plus haut, la convention n’est pas une décision mais un contrat de droit administratif liant le Conseil d’État et l’AIG auquel les recourants ne sont pas parties. Il n’apparaît pas non plus que les recourants auraient, comme le prévoient et le permettent les art. 4A LPA et 25 PA, sollicité l’obtention d’une décision concernant un acte ou une omission en lien avec les questions environnementales qu’ils soulèvent (émissions de gaz à effet de serre, émissions de polluants atmosphériques ou émissions sonores), ceci afin de faire examiner judiciairement la légalité de cette décision, voire la légalité du refus du prononcé d’une décision fondée sur ces dispositions. Ainsi, à défaut d’un acte attaquable et dès lors que les recourants ne font pas valoir qu’ils auraient exercé leur droit à en obtenir un, c’est à tort qu’ils se prévalent de la Convention d’Aarhus pour contester la convention devant la chambre de céans. Au surplus, les recourants ne démontrent pas qu’ils seraient, indépendamment de la présente procédure et contrairement à ce qu’indique le Conseil fédéral dans son message, empêchés de porter devant la justice les questions environnementales qu’ils souhaitent voir jugées. Du reste, une procédure les oppose, avec d’autres parties plaignantes, à l’AIG devant le TAF.

Le grief sera écarté.

5.             Les recourants invoquent également l’art. 6 par. 1 CEDH. Ils soutiennent que, dès lors que leur contestation porte sur des droits de caractère civil (droit à l’intégrité physique et psychique, droit à un environnement sain et droit de propriété), il existait donc nécessairement une voie de droit à l’encontre de la convention, sauf à violer cette disposition.

5.1 L’art. 6 par. 1 CEDH prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

5.2 En l’espèce, comme cela vient d’être retenu, à défaut d’un acte attaquable, la chambre de céans ne peut pas se saisir de la question de la légalité de la convention portée devant elle par les recourants. Cela ne signifie pas que le droit suisse les prive de la possibilité de porter devant la justice les questions soulevées dans leur recours, en particulier, comme l’exposent le Tribunal fédéral et le Conseil fédéral, en application de la LPN. Le droit leur permet aussi de solliciter de l’autorité compétente le prononcé d’une décision qui pourrait au besoin être portée devant la justice. On ne voit ainsi pas que l’accès à la justice leur serait fermé. C’est dès lors à tort que les recourants invoquent l’art. 6 par. 1 CEDH.

Il découle de ce qui précède que le recours sera déclaré irrecevable.

5.3 Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure, l’AIG disposant de son propre service juridique (ATA/1478/2024 du 17 décembre 2024 consid. 10 et l’arrêt cité).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 2 septembre 2024 par A______, LA B______ et C______ contre la convention d’objectifs période 2024-2029 entre la République et canton de Genève et L’AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE du 1er juillet 2024  ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A______, de la B______ et d'C______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sébastien VOEGELI, avocat des recourants, à Me Nicolas WISARD, avocat du Conseil d'État, ainsi qu'à Me Tobias ZELLWEGER, avocat de L'AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :