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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3113/2023

ATA/8/2025 du 07.01.2025 sur JTAPI/355/2024 ( LDTR ) , REJETE

Recours TF déposé le 10.01.2025, A 327562/1
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3113/2023-LDTR ATA/8/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 janvier 2025

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Daniel KINZER, avocat

contre

B______ SA

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 avril 2024 (JTAPI/355/2024)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : la propriétaire) est propriétaire de la parcelle n° 3'545 de la commune de C______, sur laquelle est érigé un immeuble d'habitation à l'adresse 1______-2______-3______, avenue de D______.

b. L'appartement au deuxième étage de l'immeuble sis 2______, avenue de D______ a été occupé par E______ entre 1982 et 2019. Le loyer annuel était fixé à CHF 7'200.- l'an dès le 1er janvier 1982.

c. L'appartement a ensuite été loué à F______ du 1er septembre au 30 novembre 2020 pour un loyer annuel de CHF 20'160.-, puis à G______ pour le même loyer. Les époux G______ ont quitté cet appartement le 30 avril 2023.

d. Le 30 mai 2023, la propriétaire a informé l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) du département du territoire (ci-après : le département) qu'au départ de E______, les canalisations d'eaux usées de la salle de bain, des toilettes et de la cuisine ainsi que les canalisations d'alimentation s'étaient révélées presque totalement bouchées. Pour cette raison, elle avait décidé, dans l'urgence, de remplacer les conduites, ce qui avait impliqué de casser certains murs pour accéder aux canalisations et permettre la réalisation de ces travaux. Les pièces touchées avaient dû être remises en état et elle en avait profité pour changer les équipements sanitaires et ceux de la cuisine (meubles et électroménager). Le carrelage ayant été abîmé dans ce contexte, elle l'avait également remplacé.

Le coût total de ces travaux s'était élevé à CHF 63'500.-.

Ils relevaient de l'entretien et n'étaient pas soumis à autorisation, mais les époux G______ avaient toutefois attiré son attention lors de leur départ sur le fait qu'à leur avis ces travaux étaient soumis à autorisation de construire. Si par impossible tel devait être le cas, elle s'engageait à entreprendre toutes les démarches utiles pour obtenir rétroactivement une autorisation de construire.

e. Le 12 juin 2023, l'OCLPF a répondu à la propriétaire que les travaux décrits étaient effectivement susceptibles d'être assujettis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) au vu de leur nature, leur ampleur et leur coût.

Elle était invitée à déposer une requête en autorisation de construire pour ces travaux.

f. Le 10 juillet 2023, la propriétaire, par l'intermédiaire de la régie B______ SA, a requis une autorisation de construire en procédure accélérée, visant à régulariser la rénovation de la cuisine, de la salle de bain et des colonnes de chutes (APA 1______).

g. Lors de l'instruction de cette requête, plusieurs instances ont été consultées, dont l'OCLPF.

Le 24 août 2023, après avoir requis à plusieurs reprises la production de pièces complémentaires, notamment la correction du formulaire D12 en lien avec le nombre de pièces, l'OCLPF a rendu un préavis favorable sous conditions. Le loyer de l'appartement de 2.5 pièces n'excéderait pas, après travaux, CHF 8'513.- par an soit CHF 3'405.- la pièce par an. Ce loyer serait appliqué pour une période de trois ans avec effet rétroactif dès la date de prise d'effet du bail, soit dès le 1er septembre 2020.

Sous la rubrique « remarque », il était précisé que les travaux effectués étaient des travaux de rénovation et non d'entretien et qu'une autorisation aurait dû être demandée. Les travaux étaient finis au moment de l'entrée de F______ le 1er septembre 2020. À cette date, le plafond de la fourchette des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population (ci-après : BPP) était de CHF 3'405.‑ la pièce par an selon l'arrêté relatif à la révision des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population du 24 août 2011 (ArRLoyers - L 5 20.05). Le plafond avait été augmenté à CHF 3'528.‑ la pièce par an le 14 janvier 2022 selon le nouvel arrêté du Conseil d'État. Le loyer maximum aurait donc été fixé à CHF 3'405.- la pièce par an (et non à CHF 3'528.- la pièce par an) pour cette APA.

L'appartement comptait, avant et après travaux, 2.5 pièces au sens du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01). Selon le dernier plan présenté, il était composé d'un séjour de 15.37 m2 (1 pièce distincte) d'une chambre de 12.39 m2 (1 pièce distincte) et d'une cuisine de 7.74 m2, soit une surface nette RGL de 35.5 m2 et 2 pièces distinctes. Selon le règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01) en vigueur, cela correspondait à un appartement de 2.5 pièces.

h. Le 25 août 2023, le département a délivré l'autorisation de construire requise, laquelle précisait à son chiffre 7 que les conditions figurant dans les préavis, dont celui de l'OCLPF, devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation.

i. Par décision du 1er septembre 2023, faisant suite à l'APA 1______, le département a ordonné à la propriétaire d'établir un nouvel avis de fixation du loyer initial (formule officielle) respectant la condition n° 2 du préavis LDTR, repris au chiffre 7 de l'autorisation de construire et le remboursement du trop-perçu aux locataires concernés soit :

- CHF 1'942.- à F______ ;

- CHF 16'021.50 aux époux G______.

Il lui a par ailleurs infligé une amende de CHF 3'900.- au vu de l'infraction commise et compte tenu de sa gravité tant objective que subjective.

B. a. Par acte du 25 septembre 2023, la propriétaire a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du 25 août 2023, concluant à ce qu’il soit constaté que les travaux réalisés en août 2020 n'étaient pas soumis à autorisation et à l'annulation de l'autorisation. Subsidiairement, le TAPI devait constater que l'appartement comportait 3.5 pièces, annuler le ch. 7 de la décision et dire que le loyer après travaux était fixé à CHF 11'918.- par an, soit CHF 3'405.- la pièce par an.

L'appartement en question, d'une surface totale de 51.86 m2, était composé d'une grande pièce à vivre (salon) de plus de 15 m2, d'une chambre, d'une cuisine, d'un grand hall ainsi que d'une salle de bain et WC séparé. Il avait toujours été considéré comme un appartement de 3.5 pièces, comme cela ressortait notamment de l'état locatif théorique établi lors de l'acquisition de l'immeuble et des contrats de bail.

Reprenant les éléments exposés dans son courrier du 30 mai 2023 à l'OCLPF, elle considérait que les travaux réalisés dans l'appartement ne pouvaient être qualifiés de travaux de rénovation mais devaient être considérés comme des travaux d'entretien, non soumis à autorisation. Si ces travaux devaient faire l'objet d'une autorisation de construire, la décision devait être réformée en ce sens que le loyer après travaux devait être fixé à CHF 11'918.- par an dès lors que l'appartement comportait 3.5 pièces. D'ailleurs cet appartement avait une surface de 51.86 m2, supérieure à la surface nette minimum requise pour un appartement de 4 pièces, soit 49 m2 au sens de l'art. 1 al. 5 RGL. Or, selon l'art. 9 al. 4 LDTR, la fourchette des loyers pouvait être dépassée si la surface brute locative des pièces était importante ce qui était manifestement le cas ici. L'OCLPF ne pouvait dès lors effectuer une simple multiplication du loyer maximal correspondant aux BPP par le prétendu nombre de pièces et devait tenir compte de la surface très généreuse de l'appartement dans la fixation du loyer. Au vu de ce qui précédait, le loyer maximum autorisé après travaux avait été fixé en violation de la LDTR, de sorte que le ch. 7 de l'autorisation de construire devait être annulé.

Cette procédure a été enregistrée sous la référence A/3113/2023.

b. Par acte du 4 octobre 2023, la propriétaire a recouru auprès du TAPI contre la décision du 1er septembre 2023, concluant à son annulation. Préalablement, la jonction avec la procédure A/3113/2023 devait être ordonnée.

L'ordre de remise en état n'était pas fondé et devait être annulé, dès lors que l'APA qu'elle avait contestée n'était pas entrée en force eu égard à ses arguments développés dans son recours du 25 septembre 2023.

Elle n'avait commis aucune infraction s'agissant de la réalisation de travaux d'entretien non soumis à autorisation. Par ailleurs, le département n'avait pas motivé sa décision, de sorte qu'elle ignorait les raisons ayant amené l'autorité à fixer l'amende à CHF 3'900.-. La décision querellée devait être annulée pour cette raison également.

Cette procédure a été enregistrée sous la référence A/3269/2023.

c. Par décision du 19 octobre 2023, le TAPI a joint les procédures sous le numéro de cause A/3113/2023.

d. Le 27 novembre 2023, le département a conclu au rejet des recours.

e. Le 22 décembre 2023, la propriétaire a persisté dans ses conclusions.

Contrairement à ce que pensait le DT, l'augmentation de loyer intervenue lors du changement de locataire était uniquement liée à la conjoncture et plus particulièrement à l'évolution du prix des loyers entre 1982 et 2020, soit 38 ans.

f. Le 20 janvier 2024, la propriétaire a fait valoir qu’il était de notoriété publique que les loyers avaient fortement évolué en 38 ans et le loyer de l'appartement aurait augmenté avec ou sans travaux.

g. Par jugement du 16 avril 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Le calcul de la surface nette de l’appartement se faisait en additionnant la surface nette de la cuisine (7.74 m2), celle du séjour (15.37 m2) et celle de la chambre (12.39 m2), soit un total de 35.5 m2. Le hall d'entrée, même s'il pouvait sembler spacieux, ne comptait pas comme une pièce. L’appartement avait donc une surface nette de logement inférieure à 46 m2 et c’était à juste titre que l'OCLPF l'avait considéré comme un logement de 2.5 et non de 3.5 pièces.

Quand bien même les travaux litigieux, pris indépendamment les uns des autres, auraient relevé de l'entretien courant, ils avaient été exécutés de manière regroupée, à l'occasion d'un changement de locataire, et devaient donc être considérés comme de l'entretien différé.

Le loyer annuel avait été porté à CHF 20'160.- par an depuis le 1er septembre 2020, soit une augmentation de 180% du loyer annuel avant travaux fixé à CHF 7'200.-. Cette augmentation avait été considérée par le département comme importante. Dans la mesure où ce pourcentage constituait une augmentation de près du triple du loyer initial, le raisonnement de l'OCLPF ne prêtait pas le flanc à la critique. De plus, le pourcentage était bien supérieur aux 20% qu'une minorité du Grand Conseil avait proposé comme seuil à partir duquel une augmentation de loyer devait être considérée comme importante (MGC 1999 9/1 1211). Quand bien même cette proposition avait été refusée – de peu –, elle donnait un bon indice sur la façon d'évaluer la répercussion des travaux sur le loyer.

Les comparaisons établies dans le cadre de procédure de recours avec les loyers d'autres logements similaires dans un quartier échappaient à la compétence des juridictions administratives dans la mesure où elles ressortissent au droit du bail (art. 269a let. a CO).

L’appartement entrait dans une catégorie de logements où sévissait la pénurie et c’était à bon droit (art. 10 ss LDTR) que le département avait fixé comme condition de l’autorisation le loyer de l’appartement.

Il n'apparaissait pas que le département avait excédé son large pouvoir d'appréciation en considérant que la surface brute locative de l'appartement de 51.86 m2 – qu'on la divise par le quotient de 2.5 ou de 3.5 – n'était pas importante au point d'admettre l'exception prévue par l'art. 9 al. 4 LDTR, les surfaces obtenues (respectivement 20.74 m2 et 14.8 m2) se révélant inférieures à celles retenues par la jurisprudence. C'était à juste titre que l'OCLPF avait fixé le loyer maximum à CHF 3'405.- par pièce par année pour une durée de trois ans.

L'ordre adressé à la propriétaire d'établir un nouvel avis de fixation du loyer initial et de rembourser le trop-perçu aux anciens locataires avait pour objectif de rétablir une situation conforme au droit. Cette double mesure, qui découlait par ailleurs des art. 10 al. 1, 12 et 14 al. 1 LDTR et du principe général de la répétition de l'indu, était en tous points conforme au droit.

L’amende était fondée dans son principe et sa quotité respectait le principe de proportionnalité.

C. a. Par acte remis à la poste le 21 mai 2024, A______ SA a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’annulation de l’autorisation de construire du 25 août 2023 et de la décision du département du 1er septembre 2023. Subsidiairement, le ch. 7 de l’autorisation de construire devait être annulé et le loyer annuel après travaux fixé à CHF 11'918.-, subsidiairement CHF 9'000.-, et encore plus subsidiairement la cause renvoyée à l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) pour nouvelle décision. Préalablement, son administrateur, H______, devait être entendu au sujet des circonstances de la réalisation des travaux, et notamment de l’urgence.

La fixation du nombre des pièces à 2.5 violait la loi. À l’époque de la construction de l’immeuble, entre 1946 et 1960, la cuisine devait être comptée comme une pièce. Si elle déplaçait le mur de quelques centimètres vers le hall, la cuisine atteindrait une taille de 9 m2 et devrait compter comme une pièce.

Les travaux étaient des travaux d’entretien non soumis à la LDTR. Ils avaient dû être entrepris en raison du fait que les canalisations étaient presque entièrement bouchées, et la réfection avait endommagé le carrelage, qui ne se trouvait plus et avait dû être entièrement remplacé, entraînant à son tour le remplacement des équipements sanitaires de la cuisine, sans que les travaux n’entraînent d’augmentation du confort. L’augmentation du loyer était uniquement due à la conjoncture et à l’évolution des loyers en 38 ans. Le loyer aurait été augmenté, même sans travaux. Soutenir que l’examen d’un loyer fixé selon les loyers du quartier ne relevait pas de la compétence du TAPI confinait au déni de justice.

En toute hypothèse, le loyer après travaux ne pouvait être inférieur à CHF 3'600.- la pièce par année, compte tenu de la surface très généreuse de l’appartement, ce qui imposait de fixer le loyer à CHF 11'918.- par an pour un appartement de 3.5 pièces et CHF 9'000.- pour un appartement de 2.5 pièces.

Le TAPI aurait dû annuler l’amende dès lors qu’il avait constaté que tous les éléments pris en considération pour sa fixation ne figuraient pas dans la décision. En toute hypothèse, faute d’infraction, aucune amende ne pouvait être prononcée. à titre subsidiaire, elle avait dû agir dans l’urgence.

b. Le 20 juin 2024, le département a conclu au rejet du recours.

Le nombre des pièces était déterminé par le RGL. La surface nette était inférieure aux 39 m2 prévus pour un appartement de 3 pièces.

Les travaux exécutés, pris ensemble, ne pouvaient constituer de l’entretien courant. Leur répercussion sur le loyer consistait en une augmentation de 180%.

Aucune urgence n’était démontrée. Même si elle était reconnue, elle serait sans effet sur l’application de la LDTR.

c. Le 30 septembre 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

d. Le 1er octobre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante conclut à l’audition de son administrateur.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 132 II 485 consid. 3.2). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement ni celui de faire entendre des témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, l’audition de H______ n’est pas nécessaire pour établir les dates de construction et d’acquisition de l’immeuble, sa volonté d’augmenter le loyer dans tous les cas ou encore le fait qu’il serait en train d’investiguer les éventuelles erreurs contenues dans les plans, soit des éléments qui ne sont pas contestés. Le caractère urgent des travaux et l’absence d’amélioration du confort ne peuvent être établis par simple allégation d’une partie, étant observé que la recourante a déjà allégué ces faits par écrit. La recourante a eu tout loisir de s’exprimer par écrit et de produire toute pièce utile devant le département, le TAPI et la chambre de céans. Celle-ci considère qu’elle dispose d’un dossier complet et en état d’être jugé.

Il ne sera pas donné suite à la demande d’audition.

3.             La recourante conteste que les travaux étaient soumis à autorisation selon la LDTR.

3.1 La LDTR soumet à autorisation toute transformation ou rénovation au sens de son art. 3 al. 1. Selon cette disposition, par transformation, on entend tous les travaux qui ont notamment pour objet la rénovation, c’est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d’une maison d’habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve de ce qui suit (let. d). Par travaux d’entretien, non assujettis à la LDTR, il faut entendre les travaux courants d’entretien faisant partie des frais d’exploitation ordinaires d’une maison d’habitation. Les travaux raisonnables d’entretien régulier ne sont pas considérés comme travaux de transformation, pour autant qu’ils n’engendrent pas une amélioration du confort existant (al. 2).

Pour opérer la distinction entre travaux d’entretien et travaux de transformation, le raisonnement, admis de manière constante par la chambre administrative, se décline en deux temps. Premièrement, il faut examiner, si, de par leur nature, les travaux en cause relèvent de l’entretien ou, au contraire, consistent en des travaux de rénovation, la jurisprudence de la chambre administrative précisant, sur ce point, que des travaux d’entretien sont susceptibles d’aboutir à une rénovation ou à une transformation soumise à la LDTR lorsque, n’ayant pas été exécutés périodiquement ou par rotation tout au long de l’existence de l’immeuble, ou encore parce qu’ils n’ont pas été exécutés du tout pendant de nombreuses années, leur accumulation, même en tenant compte d’une exécution rationnelle commandant un regroupement, leur confère une incidence propre à engendrer un changement de standing de l’immeuble (travaux différés). Secondement, il convient de s’attacher à l’ampleur et, partant, au coût desdits travaux et à leur répercussion sur le montant du loyer, dès lors qu’il pourrait en résulter un changement d’affectation qualitatif des logements (ATA/651/2022 du 23 juin 2022 consid. 7b ; ATA/422/2020 du 30 avril 2020 consid. 6).

Il ressort des travaux législatifs ayant précédé la modification de l’art. 3 al. 1 let. d et al. 2 LDTR adoptée en 1999 que le Grand Conseil désirait, pour tracer une limite précise entre travaux soumis et non soumis à la loi, que soient pris en compte le coût de ces derniers et leur incidence sur les loyers, comme prévu par la jurisprudence (MGC 1999 9/11 1076). Lors du deuxième débat, de nombreux amendements ont été soumis au Grand Conseil, notamment celui de préciser, à l’art. 3 al. 1 let. d LDTR, que devaient être considérés comme travaux de rénovation ceux dont le coût total engendrait une augmentation de loyer de plus de 20% (MGC 1999 9/1 1211). Cet amendement a été rejeté par 48 non contre 46 oui (MGC 1999 10/11 1212 ; ATA/382/2008 du 29 juillet 2008 consid. 2c).

La chambre de céans a considéré que n’étaient pas soumis à la LDTR des travaux d’entretien différés ou non dans le temps, dont le coût par pièce était inférieur à CHF 10'000.- (ATA/642/2013 du 1er octobre 2013 ; ATA/40/2010 du 26 janvier 2010). Elle a toutefois précisé qu’il ne lui appartenait pas de dicter au département de ne pas requérir de demande d’autorisation de construire pour des travaux de moins de CHF 10'000.- par pièce (ATA/694/2016 du 23 août 2016 consid. 6d ; ATA/574/2014 du 29 juillet 2014). Le département peut ainsi recourir au critère du coût par pièce des travaux, mais doit le relativiser. En réalité, pour déterminer la qualification de travaux et, partant, la nécessité de demander une autorisation, il convient de prendre en compte la situation dans son ensemble et d’appliquer à celle‑ci les différents critères précités, à savoir la nature des travaux, leur ampleur dans leur ensemble, le moment auquel ils interviennent, leur répercussion sur le loyer précédent ou futur et sa conformité aux besoins prépondérants de la population, sans que les travaux entrepris conduisent à un changement d’affectation qualitatif du logement, ainsi que leur rapport avec la valeur de l’immeuble de manière proportionnelle, tout en évaluant dans quelle mesure les travaux effectués permettent raisonnablement et de manière ordinaire de conserver la chose en bon état (ATA/651/2022 précité consid. 8f ; ATA/694/2016 précité consid. 6d).

3.2 Le Tribunal fédéral a reconnu que la distinction entre travaux d’entretien et travaux de transformation peut être délicate à opérer. Le critère de l’accroissement du confort existant est déterminant pour distinguer des travaux de transformation des travaux d’entretien, la LDTR ne devant pas instituer un contrôle général des loyers. Il est toutefois possible de s’en écarter lorsque l’importance des travaux justifie d’assimiler les travaux de rénovation à des travaux de transformation. L’exécution de travaux de remise en état auxquels le bailleur est tenu en vertu de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) ne procure en général pas un confort supplémentaire au locataire par rapport à ce qui est convenu dans le contrat de bail. Il s’agit, au contraire, de la suppression de défauts graves ou de moyenne importance, soit ceux qui empêchent ou restreignent l’usage prévu. À l’inverse, la plupart des gros travaux de rénovation, comme le présume le législateur fédéral, comprennent une part d’accroissement du confort (art. 14 al. 1 de l’ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitation et de locaux commerciaux du 9 mai 1990 - OBLF - RS 221.213.11). Seules les remises en état qui vont au‑delà de ce qui est nécessaire pour assurer le maintien de la chose louée en l’état tombent sous le coup de l’art. 3 al. 1 let. d LDTR. Il n’est toutefois pas arbitraire de tenir compte à cet égard des circonstances dans lesquelles les travaux sont accomplis et notamment de leur accumulation en raison d’un défaut d’entretien courant des bâtiments concernés. Il est en particulier admissible pour les autorités cantonales, toujours sous l’angle de la prohibition de l’arbitraire, de considérer que les travaux d’entretien différés dans le temps dont le coût a eu des conséquences importantes sur les loyers, lesquels ne répondent plus aux besoins prépondérants de la population, doivent être soumis à autorisation de rénover fondée sur la LDTR. Dans un tel cas, l’accumulation des travaux confère une ampleur propre à engendrer un changement de niveau des loyers tel que la destination de l’immeuble en est modifiée. La pratique genevoise consiste à se référer à l’ampleur du coût des travaux et à leur répercussion sur le loyer pour déterminer si les travaux d’entretien par nature doivent être assimilés à des travaux de transformation et, partant, soumis à la LDTR (arrêt du Tribunal fédéral 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid. 4.1.2 et les références citées).

3.3 Le Tribunal fédéral a tenu pour dénué d’arbitraire un arrêt cantonal selon lequel des travaux comprenant la réfection complète des sols, des murs et des plafonds, le ponçage et la vitrification des parquets, la réfection des agencements de cuisine et de salle de bains, de la douche et du WC devaient faire l’objet d’une autorisation au sens de la LDTR (arrêt du Tribunal fédéral 1C_624/2013 du 13 février 2014).

Dans l’arrêt ATA/263/2021 du 2 mars 2021, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_195/2021 précité, les travaux ont consisté dans la pose de carrelage dans les WC et la salle de bains, d’une coque acrylique sur la baignoire et de peinture sur les murs et plafonds de toutes les pièces, dans un appartement de quatre pièces. Leur coût global s’était élevé à CHF 27'340.95, soit CHF 6'835.25 la pièce, ce qui était inférieur au montant de CHF 10'000.- retenu par la jurisprudence pour qualifier les travaux de grande ampleur. Le montant mensuel du loyer avait toutefois été porté à CHF 2'800.- (soit CHF 33'600.- par année), ce qui était élevé par rapport au loyer avant travaux de CHF 19'200.- (recte par le Tribunal fédéral : CHF 20'920.-). Un tel loyer était plus élevé que la moyenne des loyers dans un immeuble semblable, arrêté à CHF 2'038.- (soit CHF 24'456.- par an) selon les statistiques genevoises. Son augmentation de 75% (recte par le Tribunal fédéral : 60%) ne pouvait ainsi se justifier par la seule référence aux loyers du quartier, ni par le fait qu’il avait été inchangé depuis quatorze ans, ou encore qu’il était, préalablement aux travaux, supérieur au loyer correspondant aux besoins prépondérants de la population.

Dans un précédent arrêt ATA/422/2020 du 30 avril 2020, il a été reconnu que des travaux de CHF 34'254.- dans un appartement de cinq pièces de 90 m2, soit CHF 6'850.- par pièce, équivalaient à des travaux de transformation, bien que, pris indépendamment les uns des autres, ils relevaient de l’entretien courant. Les travaux avaient porté sur le réagencement de la cuisine, le remplacement de l’équipement électroménager, l’installation d’une nouvelle hotte, la réfection du câblage électrique de la cuisine et du salon, la démolition du pan de la cloison séparant la cuisine du salon, la pose d’un carrelage et de faïence à la cuisine et à la salle de bains, le remplacement d’un lavabo, le remplacement du mélangeur et de la batterie de bain, la coupure, la vidange et la dépose des installations sanitaires en attendant la réfection du carrelage de la salle de bains, la réfection du tube de douche, le rafraîchissement de la peinture et le ponçage et l’imprégnation du parquet. Le loyer était passé à CHF 5'232.- la pièce par an, soit une augmentation de 77.95%, le faisant changer de catégorie d’appartements locatifs. Quand bien même les travaux entrepris n’apparaissaient pas somptuaires, ils avaient été suffisants pour que leur coût et leur impact sur le loyer eussent entrainé un changement ayant pour conséquence une modification de l’affectation qualitative de l’appartement.

Dans un arrêt plus récent du 22 août 2023 (ATA/870/2023), la chambre de céans a considéré que CHF 39'275.- de travaux (peinture dans l’entier de l’appartement, ponçage et vitrification du parquet, remise en état d’éléments électriques, réglage de portes, armoires et fenêtres, remplacement à l’identique de carrelage et des faïences, de la batterie du lavabo, du porte‑savon, du porte-verre et du siège des WC visiteurs) dans un appartement de quatre pièces, occupé par le même locataire pendant 14 ans, ayant fait l’objet de travaux d’entretien pendant cette durée pour un montant de CHF 1'228.- et le loyer ayant subi une hausse de 56% au départ du locataire, était soumis à autorisation s’agissant de travaux d’entretien différé. Le loyer/pièce passait de CHF 4'983.- avant travaux à CHF 7'800.- après travaux (augmentation de 56%), ces derniers représentant CHF 9'818.-/pièce. Un recours est actuellement pendant contre cet arrêt devant le Tribunal fédéral.

3.4 L’art. 1 RGL définit la façon de calculer le nombre de pièces des logements soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05).

La chambre de céans a toujours considéré qu’il était possible d’appliquer l’art. 1 RGL, par analogie, au calcul du nombre de pièces selon la LDTR, les buts poursuivis par ces deux lois relevant d’un même souci de préserver l’habitat et de lutter contre la pénurie de logements à Genève (ATA/870/2023 du 22 août 2023 consid. 5.8 ; ATA/1586/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3e et les arrêts cités). Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2014 du 10 octobre 2014 consid. 7.2).

Ainsi, pour calculer le nombre de pièces au sens de la LDTR, il convient de se référer à l’art. 1 RGL, et notamment à son al. 5 qui prévoit des surfaces nettes minimum, un nombre de pièces habitables distinctes minimum ainsi qu’un nombre d’occupants moyen pour déterminer le nombre de pièces d’un logement. À ces chiffres s’ajoute, selon cette disposition, l’assurance d’un usage confortable du logement, démontré au moyen d’un plan meublé, pour le nombre d’occupants visé. Pour un trois pièces, les critères sont : une surface nette minimale de 39 m2, deux pièces habitables distinctes et un nombre d’occupants moyen de deux.

Pour le calcul du nombre de pièces des logements, il est tenu compte de la surface nette, telle que définie à l'art. 4 RGL (art. 1 al. 4 RGL). Par surface nette du logement, il faut entendre l’addition des surfaces des pièces, d'au moins 9 m2, et des demi-pièces, d'au moins 6 m2, habitables, du logement et de la cuisine, ainsi que du laboratoire (art. 4 al. 1 RGL). Ne sont pas pris en compte les gaines techniques, halls, dégagements, couloirs, réduits et locaux sanitaires, loggias, balcons, terrasses, jardins, ni les trémies des escaliers des duplex (art. 4 al. 2 RGL).

La surface minimum pour un logement de 3 pièces est de 39 m2 (art. 1 al. 5 RGL).

3.5 Selon un principe général de droit intertemporel, les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci (ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; 140 V 41 consid. 6.3.1). Liée aux principes de sécurité et de prévisibilité du droit (art. 5 al. 1 Cst.), l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), ainsi que de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi (9 Cst.). L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1), car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause (ATF 144 I 81 consid. 4.2 ; arrêt 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.1). Il n'y a pas de rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend réglementer un état de chose qui, bien qu'ayant pris naissance dans le passé, se prolonge au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit ; cette rétroactivité (improprement dite) est en principe admise, sous réserve du respect des droits acquis (ATF 148 V 162 consid. 3.2.1 ; 146 V 364 consid. 7.1 ; 144 I 81 consid. 4.1).

3.6 Le droit du bail est en principe un domaine exclu de la compétence des juridictions administratives (ATA/1334/2023 du 12 décembre 2023 consid. 7.1.3 ; ATA/870/2023 du 22 août 2023 consid. 6.3). Échappent en particulier à leur compétence les comparaisons établies dans le cadre de procédures de recours avec les loyers d’autres logements similaires dans un quartier (ATA/1334/2023 précité consid. 7.1.3). Le fait que le loyer en lui-même s’inscrit dans les limites de ceux usuellement pratiqués dans le quartier n’est pas pertinent dans l’examen du dossier sous l’angle de la LDTR (ATA/422/2020 du 30 avril 2020 consid. 8 ; ATA/372/2007 du 31 juillet consid. 6).

3.7 En l’espèce, la recourante soutient en premier lieu que son appartement compterait 3.5 et non 2.5 pièces. Elle fait valoir que la législation en vigueur à l’époque de la construction de l’immeuble, entre 1946 et 1960, selon laquelle une pièce devait avoir une superficie d’au moins 6 m2, doit s’appliquer.

Elle ne saurait être suivie. C’est le droit en vigueur au moment de la réalisation des travaux dont la qualification est litigieuse qui détermine le nombre des pièces devant être prises en compte. Il a été vu plus haut qu’il s’agit, de jurisprudence constante, du RGL dans sa teneur actuelle, applicable par analogie. Le RGL applique la LGL si bien que l’argument du recourant ressortissant à la hiérarchie des normes et selon lequel il ne pourrait déroger à la LCI tombe à faux.

Constitue ainsi la surface nette du logement l’addition des surfaces des pièces habitables d'au moins 9 m2 et des demi-pièces d'au moins 6 m2 ainsi que de la cuisine ou du laboratoire (art. 4 al. 1 RGL). Les dimensions du hall et de l’appartement pris dans son ensemble, que la recourante met en avant, sont sans pertinence pour ce calcul.

C’est ainsi de manière conforme à la loi que l’OCLPF a retenu que la surface nette selon l’art. 4 RGL – soit la somme du séjour (15.37 m2), de la chambre (12.39 m2) et de la cuisine (7.74 m2), soit 35.5 m2 – était inférieure à la surface nette minimum (39 m2) pour un appartement de 3 pièces selon l’art. 1 al. 5 RGL.

La recourante fait valoir que si elle déplaçait un mur de la cuisine de 50 cm en direction du hall, la surface de celle-ci atteindrait 9 m2. Ce calcul ne lui est cependant d’aucun secours, dès lors qu’une telle transformation n’est que théorique et serait en pratique soumise à autorisation. C’est la configuration actuelle de l’appartement qui détermine sa surface nette au sens du RGL.

3.8 La recourante soutient en second lieu que les travaux ne seraient pas soumis à autorisation de construire.

Il n’est pas contesté que les travaux ont consisté à remplacer l’alimentation en eau et des canalisations des eaux usées de la salle de bains, des toilettes et de la cuisine, à remplacer les pavements et les carrelages ainsi que des meubles et de l’électroménager de la cuisine, et que leur coût total s’est élevé à CHF 63'500.-, soit CHF 25'400.- par pièce.

Par leur importance et leur coût, et le fait qu’ils n’avaient pas été accomplis durant les décennies précédentes, il n’est pas douteux que ces travaux constituent un entretien différé au sens de la jurisprudence précitée.

L’urgence que fait valoir la recourante, si elle était démontrée, ne changerait rien au fait que les travaux d’entretien courant n’avaient pas été exécutés lorsqu’ils auraient dû l’être et qu’ils constituent pour ce motif un entretien différé.

Pour les mêmes motifs, l’argument selon lequel une intervention (le remplacement des conduites) en aurait entraîné une autre (le remplacement des pavements et des carrelages), est inopérant.

Par leur ampleur, les travaux effectués ont amélioré le confort, selon le raisonnement rappelé plus haut à propos des gros travaux de rénovation comprenant en principe une part d’accroissement du confort, ceci indépendamment du point de vue de l’administrateur de la recourante.

Enfin, la recourante a augmenté le loyer à l’occasion des travaux, le faisant passer de CHF 7'200.- par an avant travaux à CHF 20'160.- par an après travaux – ce qui représente une augmentation de 180%.

Elle fait valoir qu’elle se serait limitée à adapter le loyer aux prix du marché, et qu’elle aurait quoi qu’il en soit augmenté celui-ci. Cet argument n’est pas pertinent et c’est de manière conforme à la jurisprudence précitée que le TAPI a considéré que le contrôle du loyer en regard des loyers usuels du quartier ou de l’évolution du taux hypothécaire échappait à la compétence du juge administratif et ressortissait à celle du Tribunal des baux et loyers. Ce faisant, le TAPI n’a pas commis de déni de justice, puisque ce qui est déterminant pour l’application de la LDTR, c’est le loyer par pièce et par an dans les catégories où sévit la pénurie et la répercussion du coût des travaux sur le loyer – en l’espèce, la hausse de loyer correspond à un amortissement linéaire du coût des travaux sur environ cinq ans – et non le loyer selon le CO. L’affirmation de la recourante selon laquelle il n’y aurait aucun lien entre les travaux et l’augmentation du loyer ne saurait en tout cas exonérer le juge administratif de la prise de compte de la hausse dans l’application de la LDTR.

C’est ainsi conformément à la loi que le département a considéré que la recourante avait effectué des travaux de rénovation soumis à autorisation.

3.9 En troisième lieu, la recourante se plaint de la fixation du loyer.

Elle fait tout d’abord valoir que l’appartement compterait 3.5 pièces, or il a été vu que cette qualification n’est pas conforme à la loi, de sorte que la recourante ne peut rien tirer de cet argument.

Il en va de même de l’argument relatif à l’importance de la surface brute locative des pièces. Il a été vu que celle-ci est inférieure au minimum pour admettre qu’un appartement compte 3 pièces. La superficie totale de l’appartement est quant à elle sans pertinence pour le dépassement de la fourchette des loyers.

C’est ainsi conformément à la loi et sans abus de leur pouvoir d’appréciation que le département a arrêté le loyer à CHF 3'405.- par pièce et par an, rétroactivement au 1er septembre 2020 – étant observé que dans sa conclusion principale la recourante ne conteste pas le loyer par pièce et par année mais demande qu’il soit appliqué à 3.5 pièces, et que c’est subsidiairement, soit si l’appartement est considéré comme n’ayant que 2.5 pièces, qu’elle demande que le loyer soit arrêté à CHF 3'600.- par pièce et par an.

3.10 La recourante conteste enfin le principe et la quotité de l’amende.

3.10.1 L’art. 44 al. 1 LDTR prévoit pour celui qui contrevient aux dispositions de la loi des mesures et des sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 LCI.

3.10.2 Aux termes de l’art. 137 LCI, celui qui contrevient à la loi est passible d’une amende de CHF 20'000.- lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation, mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 1 let. a et al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes l’infraction commise par cupidité et les cas de récidive (al. 3).

Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 7b).

En vertu de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 consid. 5c). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de proportionnalité.

3.10.3 En l’espèce, la recourante ne peut pas être suivie lorsqu’elle soutient que faute de motivation de la quotité, l’amende aurait dû être annulée par le TAPI. En effet, elle a eu l’occasion de soulever le grief devant le TAPI, de discuter la quotité et de répondre à l’argumentation déployée par le département devant le TAPI le 27 novembre 2023. Il s’ensuit que si son droit d’être entendue avait été violé, la violation a été réparée devant le TAPI – et le grief a pu être soulevé une nouvelle fois devant la chambre de céans.

La recourante ne peut invoquer ni l’urgence ni la nécessité d’accomplir des travaux « en cascade » pour justifier d’avoir entrepris des travaux de rénovation sans demander d’autorisation. L’infraction à l’art. 44 LDTR est ainsi consommée.

En ce qui concerne la quotité, la recourante semble considérer que les mêmes arguments de l’urgence et de l’enchaînement nécessaire des travaux auraient dû conduire le TAPI à réduire l’amende à CHF 0.-. Or, il a été vu que ces arguments ne sont pas pertinents.

La recourante ne critique pas autrement la quotité de la sanction.

Celle-ci apparaît pour le surplus proportionnée à la faute commise, étant observé que la recourante s’est affranchie du respect de la loi alors qu’elle était assistée d’une régie connaissant certainement très bien la réglementation et que son administrateur est notoirement actif dans l’immobilier, notamment à Genève, depuis des décennies, qu’elle a au demeurant fortement augmenté le loyer – l’augmentation correspondant à un amortissement des travaux sur cinq ans –, qu’elle n’a pas d’antécédents et qu’elle n’a pas fait valoir que l’amende mettrait sa survie économique en péril ou compromettrait la marche de ses affaires.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 mai 2024 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 avril 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel KINZER, avocat de la recourante, à B______ SA, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :