Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1091/2024 du 17.09.2024 ( DELIB ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2411/2024-DELIB ATA/1091/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 17 septembre 2024 |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Robert ASSAEL, avocat
contre
GRAND CONSEIL intimé
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A. a. Par avis publiés dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) des 21 et 27 mai 2024, le Grand Conseil a annoncé l’ouverture de l’inscription pour l’élection d’un ou une médiatrice administrative titulaire.
L’entrée en fonction était fixée au 1er décembre 2024 et la durée du mandat arrêtée à quatre ans. Le processus d’élection se déroulerait conformément aux art. 6 et 7 de la loi sur la médiation administrative du 17 avril 2015 (LMéd - B 1 40) et aux art. 107A et 115B de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 (LRGC - B 1 01). Les intéressés devaient joindre à leur candidature, entre autres documents, un extrait du casier judiciaire. La candidature et les documents devaient être déposés au secrétariat général du Grand Conseil « au plus tard le 20 juin 2024 à midi (clôture de l’inscription) ».
b. Le 20 juin 2024 avant midi, A______ a déposé sa candidature et les pièces requises, à l’exception de l’extrait du casier judiciaire, en regard de la mention duquel était annoté à la main « commandé suivra ».
c. Par courrier du 26 juin 2024, le président et le sautier du Grand Conseil ont informé A______ que lors de sa séance du même jour, le bureau du Grand Conseil avait examiné les candidatures reçues et relevé que son dossier, en raison de l’absence d’un extrait du casier judiciaire, était incomplet, de sorte que sa candidature était irrecevable selon l’art. 107A al. 5 LRGC.
B. a. Par acte remis à la poste le 12 juillet 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que la cause soit renvoyée au bureau du Grand Conseil pour examen de sa candidature au poste de médiatrice administrative titulaire. Préalablement, le bureau du Grand Conseil devait se voir enjoindre de produire toute pièce attestant de l’heure, le 26 juin 2024, de sa délibération relative à la recevabilité de sa candidature. Sur mesures superprovisionnelles, la procédure d’élection devait être suspendue.
Le 29 mai 2024, elle avait commandé un extrait du casier judiciaire, lequel devait probablement arriver le 10 juin 2024. Elle produisait un courriel de l’office fédéral de la justice (ci-après : OFJ). Par courrier du 13 juin 2024, reçu le lendemain, l’OFJ lui avait retourné sa commande pour complément.
Elle a produit un extrait du suivi informatique de sa commande indiquant à la date du 13 juin 2024 à 13h33 « Commande en cours de traitement. La commande avec les pièces jointes nécessaires est arrivée au casier judiciaire. Elle se trouve en cours de traitement. » À la ligne suivante, l’extrait indique, aux mêmes date et heure, « Retour. Le formulaire de commande avec les pièces jointes ont été retournées au requérant pour complément. Copie passeport/pièce d’identité manque/copie pas lisible ou incomplète. »
Le 17 juin 2024, elle avait complété sa demande et l’avait renvoyée par la poste. Le suivi informatique de la poste prévoyait la remise de l’extrait le 25 juin 2024.
Lors du dépôt de sa candidature le 20 juin 2024, elle en avait informé le préposé et ajouté la note manuscrite « commandé suivra ».
Le 25 juin 2024, l’extrait n’était pas arrivé. Elle s’était rendue au secrétariat du Grand Conseil pour expliquer la situation et remettre la preuve de la commande du 29 mai 2024, sur laquelle elle avait écrit « je n’ai toujours pas reçu l’extrait du casier judiciaire commandé le 29 mai et retourné avec le complément le 15 juin […] Nommée responsable du bureau de médiation en janvier 2024, j’ai dû fournir un extrait de casier judiciaire. » La personne qui l’avait accueillie lui avait indiqué que le bureau délibèrerait le 26 juin 2024 et qu’elle transmettrait alors à ses membres ce qu’elle lui avait dit.
Le même jour, elle avait demandé au Pouvoir judiciaire de lui remettre un scan de l’extrait du casier judiciaire qu’elle avait dû produire lors de sa nomination en qualité de responsable du bureau de médiation, datant de janvier 2024. Elle avait reçu le document le jour même à 16h30. Le 26 juin 2024 à 15h56, elle l’avait déposé au Grand Conseil.
Par courrier du 27 juin 2024 au Grand Conseil, elle avait expliqué qu’elle n’avait toujours pas reçu l’extrait du casier judiciaire, qu’elle avait transmis la preuve qu’elle l’avait bien commandé le 29 mai 2024 et qu’elle avait déposé la veille une copie scannée d’un extrait du mois de janvier 2024. Dès réception du document, elle l’enverrait par courriel. Elle espérait que la situation, qui n’était pas de son ressort, ne prétériterait pas sa candidature.
Le sautier du Grand Conseil lui avait répondu le même jour que le délai pour le dépôt des candidatures était fixé au 20 juin 2024 et que lors de sa séance du 26 juin 2024, le bureau du Grand Conseil avait pris connaissance des dossiers reçus et s’était déterminé sur leur recevabilité. Un courrier lui était envoyé.
Le 5 juillet 2024, elle avait finalement reçu l’extrait du casier judiciaire, qu’elle avait aussitôt transmis au président du Grand Conseil en demandant que son dossier soit reçu.
La décision violait l’art. 107A al. 5 LRGC. Elle répondait à toutes les conditions d’éligibilité et de compatibilité des art. 6 et 7 LMéd.
La décision procédait d’un formalisme excessif. Dans la mesure où elle avait déposé l’extrait de janvier 2024 le 26 juin 2024, il était possible que le bureau du Grand Conseil en ait eu connaissance lors de sa délibération. Ce même bureau savait en outre qu’elle avait été nommée le 8 janvier 2024 responsable du bureau de la médiation du pouvoir judiciaire, ce qui impliquait qu’elle avait dû produire un extrait du casier judiciaire vierge. Ne pas en tenir compte relevait du formalisme excessif. L’art. 107 al. 5 LRGC prévoyait que si tous les documents requis n’étaient pas déposés au plus tard à la clôture de l’inscription, le secrétariat général du Grand Conseil impartissait au candidat un bref délai pour compléter son dossier. Ne pas accorder un nouveau délai relevait du formalisme excessif.
b. Par décision du 16 juillet 2024, prise sur mesures superprovisionnelles, le juge délégué a invité le Grand Conseil à ne pas procéder à l’élection jusqu’à droit connu au fond et lui a imparti un délai du 31 juillet pour répondre au fond.
c. Le 17 juillet 2024, le Grand Conseil a pris acte de la décision et demandé un report au 16 août 2024 du délai pour répondre au fond.
d. Le 18 juillet 2024, la recourante a demandé à la chambre administrative d’interdire au Grand Conseil, sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, d’entreprendre une démarche dans le processus de désignation du candidat et de lui enjoindre de suspendre le processus de désignation.
e. Le 23 juillet 2024, le Grand Conseil a conclu au rejet de la demande du 18 juillet 2024. Il avait pris acte de la décision du 16 juillet 2024 et aucun fait nouveau n’était survenu. Lui interdire toute démarche dans le processus de désignation du candidat perturberait l’organisation des élections et serait disproportionné. Il fallait éviter que l’élection d’un autre candidat ne soit retardée en cas de rejet du recours.
f. Par décision du 25 juillet 2024, la présidence de la chambre administrative a admis partiellement la demande de mesure provisionnelles et fait interdiction au Grand Conseil d’entamer le processus de sélection du médiateur administratif et de procéder à son élection, à l’exception de la composition du comité de sélection ad hoc, qui était autorisée.
g. Le 15 août 2024, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours.
Il ressortait du site de la Poste suisse qu’un extrait du casier judiciaire commandé au guichet de la poste était envoyé en quelques jours, et l’extrait commandé sur le site du casier judiciaire en deux semaines environ, jours fériés exclus.
Le Grand Conseil avait décidé de faire preuve de souplesse et avait octroyé à la recourante un délai au 25 juin 2024 pour transmettre un extrait récent de son casier judiciaire. Le délai lui avait été accordé oralement. Il était regrettable qu’elle ait passé ce fait sous silence dans son recours alors qu’elle était tenue par l’obligation d’être de bonne foi.
Le 29 mai 2024, lors de la commande, la recourante avait reçu un courriel lui indiquant que le formulaire de commande signé devait être remis à la poste avec toutes les annexes demandées. La recourante n’indiquait pas à quelle date elle avait envoyé le formulaire signé par poste. L’envoi était incomplet et lui avait été retourné. Elle avait expliqué oralement au secrétariat du Grand Conseil s’être trompée lors de l’envoi, en joignant la copie du passeport d’un autre membre de sa famille au lieu du sien. Elle avait reçu son envoi en retour le 14 juin 2024 et avait attendu le 17 juin 2024 pour renvoyer da demande avec les annexes demandées.
La recourante avait expliqué le 25 juin 2024 au Grand Conseil qu’elle avait dû fournir un extrait de son casier en janvier 2024 pour le poste qu’elle occupait. Elle avait annexé une nouvelle commande d’extrait de casier judiciaire du même jour, ainsi qu’un extrait portant la date du 30 août 2018, que le Grand Conseil produisait.
Le 26 juin 2024 à 15h56, soit après la séance du bureau du Grand Conseil, la recourante avait déposé une photocopie de mauvaise qualité d’un extrait de son casier judiciaire sur lequel la date imprimée n’était pas apparente et l’inscription manuscrite « janvier 2024 » avait été ajoutée.
L’art. 107 LRGC n’était pas applicable à l’élection du médiateur. Les procédures d’élections étaient par nature formalistes et l’exigence de respect des délais légaux assurait l’égalité de traitement des candidats. La production d’un extrait du casier judiciaire tendait à garantir que le candidat ne faisait l’objet d’aucune condamnation pour crime ou délit relatif à des faits portant atteinte à la probité ou à l’honneur. Il s’agissait ainsi d’un document important.
h. Le 10 septembre 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.
L’extrait du casier judiciaire n’était pas exigé par l’art. 107A al. 5 LRGC. Il n’était cité ni par la LRGC ni par la LMéd. En prétendant que l’absence de ce document créait une incertitude quant aux antécédents du candidat, le Grand Conseil faisait preuve de formalisme excessif puisqu’il savait qu’elle était médiatrice assermentée et qu’elle avait été nommée responsable du bureau de médiation du pouvoir judiciaire en janvier 2024, et elle avait produit deux extraits du casier judiciaire, de 2018 et janvier 2024.
La commande n’avait pas été reçue le 13 juin 2024 mais traitée à cette date par le service compétent. Le Grand Conseil confondait réception centrale et gestion par un collaborateur. Elle avait reçu sa demande en retour le 14 juin 2024 et avait dû attendre le lundi 17 juin 2024, premier jour ouvrable, pour compléter son dossier.
Le traitement de sa première demande avait nécessité deux semaines. Elle pensait en la complétant qu’elle lui serait retournée plus rapidement qu’en introduisant une nouvelle demande. Ce n’était qu’en ne voyant pas venir l’extrait qu’elle avait renouvelé sa commande le 25 juin 2024.
i. Le 10 septembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. La procédure a pour objet le bien-fondé de la décision du Grand Conseil du 26 juin 2024 déclarant irrecevable la candidature de la recourante au poste de médiatrice administrative titulaire.
2.1 Le bureau de médiation administrative a été institué par la LMéd, entrée en vigueur le 13 juin 2015.
Il a pour buts : (a) de traiter de façon extrajudiciaire les différends entre l'administration et les administrés, (b) de contribuer à prévenir ou à régler de façon simple les conflits entre les usagers et l’administration, (c) de contribuer à améliorer le fonctionnement de l’administration, (d) d'encourager l’administration à entretenir de bonnes relations avec les usagers (art. 1 LMéd).
Il est composé d’un médiateur administratif titulaire, d’un médiateur administratif suppléant ainsi que du personnel nécessaire à son fonctionnement (art. 4 LMéd‑GE).
L’art. 5 LMéd-GE prévoit que le médiateur est élu au système majoritaire pour une durée de cinq ans par le Grand Conseil après consultation du Conseil d’État (al. 1). L’article 107A et les dispositions relatives aux élections de la LRGC sont applicables (al. 2). Le médiateur entre en fonction le 1er décembre de l’année du renouvellement du Grand Conseil (al. 3). En cas de vacance, une élection complémentaire est organisée dans les plus brefs délais pour la fin de la période de cinq ans (al. 4). En cas d’empêchement durable du médiateur, le bureau du Grand Conseil peut désigner une personne pour occuper la fonction par interim (al. 5).
Selon l’art. 6 LMéd-GE, est éligible tout personne qui, cumulativement : (a) a l’exercice des droits civils ; (b) est de nationalité suisse, (c) est domiciliée dans le canton de Genève, (d) dispose d’une connaissance approfondie de l’administration publique, d’une formation certifiée en médiation généraliste reconnue par la Fédération suisse de médiation et d’une expérience professionnelle en matière de prévention et de règlement des conflits, (e) ne fait l’objet d’aucune condamnation pour un crime ou un délit relatif à des faits portant atteinte à la probité et à l’honneur.
2.2 Le chapitre V de la LRGC règle les élections. Il prévoit qu’elles ont lieu au scrutin secret (art. 104 LRGC) et font l’objet d’un avis préalable (art. 105 LRGC) et règle l’annonce publique et les délais et modalités d’inscription (art. 106 LRGC).
L’art. 107 LRGC désigne les documents requis selon les postes ouverts à la candidature. Il prévoit que si tous les documents requis ne sont pas déposés au plus tard à la clôture de l’inscription, le secrétariat général du Grand Conseil impartit au candidat un bref délai pour compléter son dossier (al. 5). Si le dossier n’est pas complet ou si les conditions d’éligibilité ne sont pas remplies, le bureau du Grand Conseil déclare la candidature irrecevable (al. 6).
L’art. 107A LRGC règle les cas particuliers (note marginale), soit ceux des membres du bureau du Grand Conseil (al. 1), des juges prud’hommes, conciliateurs et conciliateurs assesseurs (al. 2) et du préposé cantonal à la protection des données et de son adjointe (al. 3).
Pour ce qui est de l’élection du médiateur administratif, l’al. 5 de l’art. 107A LRGC prévoit que : (a) l’inscription est ouverte au moins 120 jours avant la session du Grand Conseil prévue pour l’élection et fait l’objet de deux publications dans la FAO ; les inscriptions sont closes 30 jours après leur ouverture ; (b) le bureau établit la liste des documents qui doivent être déposés par les candidats, dont un curriculum vitae ; (c) à l’échéance du délai d’inscription, le bureau vérifie que les candidatures répondent aux conditions d’éligibilité et de compatibilité prévues aux articles 6 et 7 LMéd-GE ; si les conditions ne sont pas remplies, le bureau déclare la candidature irrecevable ; (d) le bureau constitue un comité de sélection ad hoc composé de deux personnes nommées sur proposition du bureau et de deux personnes désignées par le Conseil d’État ; le comité auditionne les candidats et établit un rapport d’évaluation à l’intention de la commission législative ; (e) la commission législative transmet au Conseil d’État le rapport d’évaluation pour préavis ; (f) après réception du préavis, la commission législative établit un classement des candidatures en indiquant les critères pertinents retenus ; (g) seule la candidature du premier au classement, accompagnée du préavis du Conseil d’État, est proposée par la commission législative à l’élection du Grand Conseil par l’intermédiaire du bureau ; (h) le dossier de candidature est remis aux chefs de groupes au plus tard le lundi de la session du Grand Conseil prévue pour l’élection en question.
2.3 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; ATA/836/2014 du 28 octobre 2014 consid. 7a).
L’excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.1). Ainsi en va‑t‑il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2014 du 8 mai 2014 consid. 4.1).
En tant que l'interdiction du formalisme excessif sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, elle poursuit le même but que le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst. ; ATF 149 IV 9 consid. 7.2 et les références).
L’art. 5 al. 3 Cst. oblige les organes de l’État et les particuliers à agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. L’art. 9 Cst. confère à toute personne le droit d’être traitée par les organes de l’État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. Le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. L’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; 137 II 182 consid. 3.6.2). Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration, étant précisé qu’un renseignement ou une décision erronés de l’administration peut, selon les circonstances, intervenir tacitement ou par actes concluants (ATF 146 I 105 consid. 5.1.1 ; 143 V 341 consid. 5.2.1).
De manière générale, la sanction du non-respect d’un délai de procédure n’est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d’égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_107/2019 du 27 mai 2019 consid. 6.3, 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2 ; ATA/564/2012 du 21 août 2012 consid. 2).
2.4 En l’espèce, la recourante se plaint de la violation de la loi. La production d’un extrait du casier judiciaire ne constituerait selon elle pas une condition d’éligibilité.
Elle ne peut être suivie. L’art. 6 let. e LMéd-GE exige que le candidat ne fasse l’objet d’aucune condamnation pour un crime ou un délai relatif à des faits portant atteinte à la probité ou à l’honneur. L’extrait récent du casier judiciaire est indubitablement apte à établir la réalisation de cette condition. L’art. 107A al. 5 let. b LRGC charge le bureau du Grand Conseil d’établir la liste des documents qui doivent être déposés par les candidats, dont un curriculum vitae. Les avis publiés dans la FAO comme d’ailleurs le formulaire de dépôt des candidatures exigeaient la production de l’extrait du casier judiciaire.
La recourante affirme qu’elle remplit quoi qu’il en soit la condition de probité. Elle n’indique toutefois pas de quelle autre manière que par la production du document requis celle-ci pourrait être établie. Elle a d’ailleurs entrepris dès le 29 mai 2024 les démarches pour obtenir l’extrait de son casier judiciaire. Elle se prévaut également de précédents extraits de 2018 et de janvier 2024.
Sur ce dernier point, la recourante fait valoir que le bureau du Grand Conseil aurait pu avoir pris connaissance de l’extrait de son casier judiciaire de janvier 2024 avant de délibérer le 26 juin 2024. Le Grand Conseil a toutefois expliqué sans être contredit que le bureau avait reçu ce document après avoir délibéré. Cela étant, en toute hypothèse, la qualité médiocre de la copie produite par la recourante, l’absence de date imprimée et la mention manuscrite « janvier 2024 » n’étaient pas de nature à établir la probité actuelle de la recourante. Il en va a fortiori ainsi de l’extrait de 2018, vieux de six ans.
La recourante fait encore valoir que sa qualité de médiatrice du Pouvoir judiciaire depuis janvier 2024, connue du Grand Conseil, impliquait qu’elle avait dû produire un extrait du casier judiciaire vierge. Cette circonstance serait-elle avérée qu’elle ne pallierait en aucun cas la violation de l’exigence formelle de production d’un extrait de casier judiciaire à jour.
La recourante ne peut être suivie lorsqu’elle soutient que le délai de grâce de l’art. 107 al. 5 LRGC s’appliquerait à son cas. L’art. 107A al. 5 LRGC constitue une lex specialis et règle de manière particulièrement détaillée et exhaustive la sélection et l’élection du médiateur. Il prévoit à sa let. c qu’à l’échéance du délai d’inscription, le bureau vérifie que les candidatures répondent aux conditions d’éligibilité et de compatibilité prévues aux articles 6 et 7 LMéd-GE et que si les conditions ne sont pas remplies, la candidature est déclarée irrecevable. Aucun délai de grâce n’est prévu. L’art. 107A al. 3 LRGC exclut par ailleurs expressément l’application de l’art. 107 LRGC.
Cela étant, le bureau du Grand Conseil a accordé à la recourante un délai supplémentaire au 25 juin 2024, ce qu’elle ne conteste pas, de sorte que son argument tombe à faux. Le délai accordé n’a pas suffi à la recourante pour présenter l’extrait récent de son casier judiciaire. La recourante conteste dans sa réplique qu’il se soit agi d’un « délai de grâce », faute pour le Grand Conseil d’avoir retardé la séance du 26 juin 2024 elle-même. L’argument confine à la témérité, le délai supplémentaire ayant expiré lorsque le bureau s’est réuni.
La recourante soutient enfin avoir fait preuve de diligence. Cette assertion ne trouve pas appui dans la procédure.
La recourante a certes produit le tracking de sa demande en ligne, mais elle n’a ni documenté ni même allégué la date de son premier envoi postal à l’OFJ. Contrairement à ce qu’elle semble penser, on ne saurait inférer de l’indication du tracking que son premier envoi aurait été reçu avant le 13 juin 2024 : le relevé suggère au contraire que l’envoi a été traité à réception. Quoi qu’il en soit, il appartenait à la recourante de rendre vraisemblable qu’un retard qui ne lui était pas imputable aurait pu ralentir la procédure à l’OFJ, ce qu’elle n’a pas fait.
Il ressort ensuite du suivi électronique que le premier envoi a été renvoyé à la recourante, et celle-ci ne conteste pas avoir déclaré au Grand Conseil que c’était parce qu’elle avait joint à sa demande la copie du mauvais passeport.
La recourante explique enfin qu’elle n’aurait pu renvoyer la documentation que le lundi 17 juin 2024, premier jour ouvrable. Elle perd de vue qu’en recevant sa demande en retour le vendredi 14 juin 2024, elle pouvait poster sa nouvelle demande le jour même ou le lendemain, les bureaux de poste étant ouverts en tout cas le samedi matin. Elle n’allègue pas l’avoir fait, ni d’ailleurs avoir choisi un envoi exprès vu les circonstances.
Pour le surplus, la recourante ne conteste pas non plus qu’en déposant sa demande directement dans un office postal elle aurait obtenu une réponse en quelques jours.
En définitive, ces circonstances ne sont d’aucun secours à la recourante. Celle-ci ne saurait invoquer le formalisme excessif du Grand Conseil, qui a en l’espèce fait montre de souplesse. Il a été vu que le respect strict des délais procéduraux – en l’occurrence pour le dépôt d’une candidature complète – se justifie par la nécessité d’assurer la sécurité du droit et l’égalité de traitement de tous les candidats.
C’est ainsi conformément au droit que la candidature de la recourante a été déclarée irrecevable par le Grand Conseil.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.
3. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.-, tenant compte des décisions sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 12 juillet 2024 par A______ contre la décision du Grand Conseil du 26 juin 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 1’000.- ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Robert ASSAEL, avocat de la recourante ainsi qu'au Grand Conseil.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
M. MAZZA
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| Le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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