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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3650/2022

ATA/1166/2022 du 22.11.2022 sur JTAPI/1197/2022 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3650/2022-MC ATA/1166/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 novembre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Sophie Guignard, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 novembre 2022 (JTAPI/1197/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1979, est originaire du Maroc.

À son arrivé en Suisse en 2008, il s'est présenté sous l’alias de Monsieur B______, né le ______1986, originaire de Palestine.

2) M. A______ a fait l'objet d'une procédure de renvoi et d'une interdiction d'entrée en Suisse (IES) valable du 21 avril 2009 au 20 avril 2012.

Le 8 janvier 2014, il a entamé, sous sa véritable identité, une procédure en vue de mariage avec Madame C______, citoyenne suisse.

À la suite de ce mariage, M. A______ a été mis le 18 août 2015 au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre de regroupement familial, valable jusqu'au 17 août 2018.

Le 5 mars 2017, la police a dû intervenir en raison de violences conjugales. M. A______ a quitté le domicile conjugal et le couple s'est séparé.

3) À la suite de cet épisode, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève (ci-après : MP) du 27 novembre 2017, à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, assortie du sursis, et à une amende de CHF 600.- pour lésions corporelles simples, contre le conjoint, dommages à la propriété et injure.

4) En décembre 2017, Mme C______ a donné une deuxième chance à son couple mais la séparation définitive est intervenue deux semaines plus tard.

Leur enfant D______est né le ______2018.

Le Tribunal de première instance civil a, par jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 1er novembre 2019, autorisé les époux à vivre séparés, attribué à Mme C______ la garde exclusive sur D______, réservé à M. A______ un droit de visite progressif et surveillé devant s'exercer au Point Rencontre à raison d'une heure et demie chaque semaine, et donné acte à M. A______ de son engagement à verser, à titre de contribution d'entretien de son fils, CHF 250.- par mois dès décembre 2019, hors allocations familiales.

5) Par décision du 3 décembre 2020, notifiée par voie de publication dans la Feuille d’avis officielle (FAO), l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé la demande de renouvellement de l'autorisation de séjour de M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse, un délai au 31 janvier 2021 lui étant imparti pour quitter le territoire.

L'intéressé ne pouvait pas se prévaloir d'une bonne intégration en Suisse. En 2019, il était à la recherche d'un emploi, émargeait à l'aide sociale pour un montant total de CHF 91'640.50, faisait l'objet de poursuites pour plus de CHF 10'000.- et d'actes de défaut de bien pour plus de CHF 5'000.-. La poursuite de son séjour dans notre pays ne s'imposait pas pour des raisons personnelles majeures et il ne pouvait se prévaloir de l'art. 8 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), sa relation avec D______ ne pouvant pas être considérée comme étroite et effective d'un point de vue affectif.

6) Entre le 21 septembre 2021 et le 31 août 2022, M. A______ a été condamné à quatre reprises par ordonnances pénales du MP pour menaces (art. 180 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP - RS 311.0]), infraction à l’art. art 33 al. 1 de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions du 20 juin 1997 [LArm – RS 514.54]), et séjour illégal selon l’art. 115 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 [LEI - RS 142.20]).

Il était notamment retenu que l'intéressé était sans revenus ni domicile connu en Suisse.

7) Le 28 mars 2022, alors qu'il était incarcéré à la prison de Champ-Dollon, M. A______ a introduit auprès de l'OCPM une demande de reconsidération de sa décision du 3 décembre 2020.

Par décision du 12 avril 2022, l'OCPM a refusé d'entrer en matière et a confirmé ladite décision.

Le 31 août 2022, l'OCPM a tenté de confirmer son lieu de résidence à Genève, auprès de l'Hôtel « E______ » selon ses dires. Cet établissement a néanmoins répondu que l'intéressé ne s'y trouvait plus.

En conséquence, l'OCPM a demandé son inscription dans la base de recherche de la police (RIPOL), avec pour instruction : « En cas de découverte, remettre aux services de police de Genève pour exécution de la décision de renvoi en vertu de l'art. 64 LEI à destination du Maroc ».

8) Le 4 novembre 2022, M. A______ a été interpellé par la police devant le magasin F______ sis à G______, après qu'il avait été mis en cause pour avoir menacé de mort, insulté, craché à plusieurs reprises au visage et tenté de toucher la poitrine de deux employées du magasin. Il était démuni de document d'identité.

Lors de son audition par la police, M. A______ a contesté ces faits, précisant qu’il était sous l’emprise de l’alcool. Il fumait de la marijuana, du haschich et de la cocaïne. Il a prétendu qu’il avait perdu son passeport marocain et que son passeport suisse se trouvait en possession de l'État de Genève. Il mendiait pour subvenir à ses besoins et ne souhaitait pas donner l’adresse précise à Genève où il était domicilié. Il ne souhaitait pas retourner au Maroc.

Il a été condamné par ordonnance du MP du 5 novembre 2022 pour menaces, injures (art. 177 CP), contravention à l’art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et séjour illégal en lien avec ces faits, à une peine privative de liberté de nonante jours, à une peine pécuniaire de trente jours-amende et à une amende de CHF 300.-. Le MP a renoncé à révoquer le sursis accordé le 31 août 2022, mais prolongé le délai d'épreuve d'un an.

9) Le même jour, à 17h15, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

M. A______ a déclaré au commissaire de police qu'il s'opposait à son renvoi au Maroc, dans la mesure notamment où son fils, âgé de 4 ans, vivait à Genève.

Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.

10) Devant le TAPI le 8 novembre 2022, M. A______ a déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner au Maroc vu la présence à Genève de son fils, de nationalité suisse-marocaine. Il était également en traitement pour ses problèmes d'addiction à l'alcool et à la cocaïne. Il était sans domicile fixe et dormait notamment dans des caves ou dans la rue. Il mendiait pour subvenir à ses besoins. Il avait la ferme intention d'entreprendre une cure de désintoxication car il voulait récupérer son fils et reprendre sa vie en main. Il avait perdu ou on lui avait volé son passeport ainsi que sa carte d'identité marocaine environ huit mois plus tôt. Il se souvenait qu'il avait fait une déclaration de perte à la police un mois plus tard.

Le représentant du commissaire de police a précisé la teneur d’un courriel de l’OCPM du 7 novembre 2022 en ce sens que l'original du passeport de M. A______ n'avait jamais été en possession de cette autorité. Ils avaient d'ores et déjà adressé une demande de soutien au SEM avec les preuves dont ils disposaient concernant l'origine de M. A______, à savoir ses empreintes digitales et la photocopie de son passeport. De telles demandes prenaient en principe plusieurs mois.

M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu à la levée de sa détention administrative et à sa mise en liberté immédiate, au motif que sa détention violait l'art. 80 al. 6 LEI du fait qu'il avait été condamné à une peine privative de liberté sans sursis le 5 novembre 2022. Subsidiairement, il a conclu à la réduction de la durée de sa détention à un mois au maximum.

Le représentant du commissaire de police a ajouté que dans la mesure où l'ordonnance pénale du 5 novembre 2022 n'était pas entrée en force, rien ne s'opposait à la détention administrative. Le cas échéant, un ordre d'écrou serait prononcé et M. A______ automatiquement transféré dans un établissement d'exécution de peine.

11) Par jugement du 8 novembre 2022, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention pour une durée de quatre mois.

M. A______ faisait l'objet d'une décision de renvoi, n'avait pas quitté la Suisse dans le délai fixé au 31 janvier 2021 et avait depuis lors été condamné à quatre reprises par le MP, notamment pour séjour illégal. Depuis sa dernière audition par la police, il disait ne pas vouloir partir de Suisse pour se rendre au Maroc. Par le passé, il avait refusé de fournir aux autorités l’adresse à laquelle il résidait, démontrant son manque de collaboration et obligeant l’OCPM à l’inscrire au RIPOL. Il était sans revenu ni domicile fixe.

L’assurance de son départ de Suisse répondait à un intérêt public certain et aucune autre mesure moins incisive que la détention ne pouvait être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à cette échéance.

Ayant initié les démarches en vue de son renvoi au Maroc, les autorités avaient respecté leurs obligations découlant de l'art. 76 al. 4 LEI.

Il n’apparaissait pas que le motif de levée de détention de l’art. 80 al. 6 let. c LEI soit rempli en l’espèce, l’ordonnance pénale du 5 novembre 2022 n’étant ni définitive ni exécutoire.

12) M. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 14 novembre 2022. Il a conclu préalablement à son audition et à ce qu’une expertise médicale soit ordonnée. Principalement, il a conclu à l’annulation dudit jugement et à sa mise en liberté immédiate.

Il vivait en Suisse depuis plus de 14 ans. Il avait à cœur de préserver des relations étroites avec son fils, de nationalité suisse. Il souffrait d’une dépendance aux stupéfiants qui pourrait être prouvée par expertise médicale et comptait entreprendre une cure de désintoxication, absolument indispensable. Une telle expertise semblait nécessaire afin de déterminer la possibilité du renvoi. Une cure de désintoxication ne serait pas possible dans son pays d’origine, d’autant plus qu’il l’avait quitté en 2008 et n’y bénéficiait d’aucune couverture maladie. Son renvoi était en conséquence probablement impossible, de telle sorte que son maintien en détention était inutile. De plus, son placement en détention pour purger la peine privative de liberté prononcée le 5 novembre 2022, étant précisé qu’il n’avait pas formé opposition contre l’ordonnance pénale, interviendrait selon toute vraisemblance avant la fin de ce mois. Il était quasiment certain que lorsque la demande de soutien au Maroc aurait abouti, il se trouverait en exécution de peine, de sorte qu’il ne pourrait être expulsé à ce moment-là. Partant, la détention administrative ordonnée semblait dépourvue de sens et à tout le moins disproportionnée.

13) Le commissaire de police a conclu au rejet du recours, faisant sien le raisonnement du TAPI.

Il produisait un courriel du directeur de l’établissement Frambois à un gestionnaire de l’OCPM à teneur duquel M. A______ avait exprimé son intention de partir moyennant une « petite aide ».

14) M. A______ n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

15) Les parties ont été informées le 21 novembre 2022 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr – F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 15 novembre 2022 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

2) Le recourant sollicite son audition et, pour la première fois au stade du recours, une expertise médicale.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer devant le commissaire de police et le TAPI. Il a pu exposer son point de vue devant la chambre de céans dans son recours et n’a pas répliqué. Il a pu produire toutes les pièces utiles. Il n’explique pas en quoi son audition permettrait d’apporter d’autres éléments utiles à la solution du litige. Il n’y sera donc pas procédé.

Il requiert une expertise médicale pour démontrer sa dépendance à diverses drogues et à l’alcool. Certes le recourant a été condamné le 5 novembre 2022 notamment en lien avec la consommation, par inhalation, de marijuana, haschich et cocaïne, telle que déclarée à la police. Il s’est contenté devant le TAPI d’alléguer être en traitement pour ses problèmes d'addiction à l'alcool et à la cocaïne, sans toutefois donner de quelconques précisions quant au lieu où il le suivrait, le type de consultations, leur fréquence ou encore les médicaments qui lui seraient prescrits. En tout état, quand bien même le recourant souffrirait d’une addiction à l’une et ou l’autre de ces substances, cela ne constituerait pas un obstacle à une détention administrative pas plus qu’à son renvoi, étant relevé à cet égard qu’il n’allègue pas ni a fortiori ne soutient qu’il n’existerait au Maroc pas de possibilité de traitements contre les addictions.

Une expertise médicale est donc inutile.

Il ne sera donc pas fait droit aux deux demandes d’actes d’enquête du recourant.

3) a. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

b. À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c, g et h LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement, elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif ou si elle a été condamnée pour crime. Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/730/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4 ; ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4).

Lorsqu'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI). Les ch. 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

c. En l’espèce, le recourant fait l’objet d’une décision de renvoi de Suisse en force, du 3 décembre 2020. En restant dans ce pays au-delà du délai de départ imparti au 31 janvier 2021, le recourant a violé cette décision. Les conditions d’une détention administrative fondée sur les art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI et art. 75 al. 1 let. b et g LEI sont donc remplies.

Elles le sont également au regard du fait que le recourant a été condamné notamment pour lésions corporelles simples et menaces, soit des infractions susceptibles de mettre sérieusement en danger la vie ou l’intégrité corporelle d’autres personnes (art. 75 al. 1 let. g LEI). Enfin, le recourant a mis en échec l’exécution de son expulsion en obligeant l’OCPM à l’inscrire au RIPOL à la fin du mois d’août 2022, faute d’avoir indiqué une nouvelle adresse après avoir quitté l’hôtel E______. Il est depuis lors sans domicile fixe. Il a affirmé tantôt avoir perdu son passeport marocain, tantôt qu’on le lui aurait volé ou encore qu’il serait en mains de l’Etat de Genève, ce qui semble inexact à teneur des renseignements fournis par l’OCPM qui n’en détient qu’une copie. En tout état, il a indiqué expressément devant le commissaire de police et le TAPI ne pas être disposé à retourner au Maroc. Le fait qu’il aurait indiqué à la direction de Frambois qu’il serait désormais disposé à y retourner moyennant « une petite aide » ne suffit pas à retenir qu’il serait effectivement prêt à collaborer à son renvoi. Le dépôt et la teneur de son recours indiquent le contraire.

Il justifie son refus de collaborer à son renvoi, outre par le souhait de suivre une cure de désintoxication, qui ne saurait entrer en ligne de compte, par celui de rester en relation avec son fils. Ce faisant, sur ce dernier point, il n’allègue ni a fortiori n’étaye l’existence d’une relation affective effective et s’inscrivant dans la durée. La présence de son fils à Genève n’est donc pas un frein à son renvoi au Maroc.

Au vu de ces éléments, le risque que le recourant, s’il était libéré, n’obtempère pas aux instructions des autorités pour exécuter la décision de renvoi exécutoire, une fois un nouveau passeport ou un laissez-passer obtenu, et qu'il disparaisse dans la clandestinité, apparaît concret et réel. Les conditions d’une détention administrative fondée sur l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI sont donc également remplies.

4) Reste à examiner si la détention ordonnée respecte le principe de la proportionnalité, ce que le recourant conteste subsidiairement.

a. Ce principe, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

b. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

c. La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante. La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI ainsi que le principe de proportionnalité lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas. La détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1436/2017 du 27 octobre 2017 consid. 6a ; ATA/881/2015 du 28 août 2015 et les références citées).

d. Le recourant prétend que son renvoi serait contrecarré en raison de la peine privative de liberté à laquelle il a été condamné le 5 novembre 2022. Toutefois, comme justement relevé par le commissaire de police, une fois l’écrou établi par le MP, l’exécution de cette peine prendrait effectivement le pas sur la détention administrative, pour à tout le moins les 2/3 des nonante jours en cause, étant en effet relevé qu’il n’est pas exclu que le moment venu le Tribunal d’application des peines et des mesures conditionne une libération conditionnelle à l’exécution du renvoi.

L’assurance de son départ effectif de Suisse répond à un intérêt public certain, notamment au vu de ses condamnations pour des faits de violence physique et verbale. S’agissant de son intérêt privé, comme déjà relevé, ses souhaits de suivre une cure de désintoxication et d’entamer une relation suivie et étroite avec son fils doivent céder le pas à l’intérêt public à l’exécution de la décision d’expulsion.

Les autorités suisses ont agi avec célérité, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté. Le recourant, qui n’a entrepris aucune démarche pour retrouver son passeport marocain, pour autant qu’il l’ait effectivement perdu ou se le soit fait voler, respectivement en faire établir un nouveau, doit se voir opposer le temps nécessaire aux autorités de son pays d’origine pour vérifier son identité et délivrer un laissez-passer en sa faveur.

Par ailleurs, la durée de la mesure est compatible avec la limite posée par l’art. 79 LEI.

Dans ces circonstances, aucune mesure moins incisive que la mise en détention administrative n’est à même de garantir la présence du recourant lors de l'exécution du renvoi. La détention est ainsi apte à atteindre le but voulu par le législateur, s’avère nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison du refus du recourant d’être renvoyé.

La détention administrative du recourant est ainsi conforme au droit et au principe de la proportionnalité.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5) La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 novembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 novembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sophie Guignard, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Lauber, présidente, Mme McGregor, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. Lauber

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :