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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2535/2022

ATA/887/2022 du 02.09.2022 sur JTAPI/815/2022 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2535/2022-MC ATA/887/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 septembre 2022

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Arnaud Moutinot, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 août 2022 (JTAPI/815/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______1960 et originaire du Maroc, a été au bénéfice d’un permis de séjour en Suisse entre 2000 et 2005 puis d’un permis C.

2) Par décision de 30 septembre 2015, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé la caducité de son autorisation d’établissement, au motif qu’il avait indiqué, lors de son audition dans ses locaux le 4 mai 2015, vivre en France, à une adresse inconnue, depuis six ou sept mois. La décision était devenue définitive et exécutoire, à la suite du recours qu’il avait formé tardivement par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) selon jugement JTAPI/83/2016 du 28 janvier 2016 (A/4038/2015).

3) Par décision du 6 mars 2017, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de réexamen formée par M. A______ et lui a imparti un nouveau délai au 2 avril 2017 pour quitter la Suisse.

4) L’intéressé ne s’est pas présenté le 21 novembre 2019 à l’entretien auquel l’OCPM – qui avait appris qu’il n’avait pas quitté la Suisse – l’avait convoqué. Après vérification, il ne résidait pas non plus à l’adresse qu’il avait indiquée aux autorités.

5) Lors de son arrestation le 10 juin 2020, il a indiqué n’avoir entrepris aucune démarche pour quitter le territoire suisse et qu’il refusait d’en effectuer.

Le même jour, son passeport marocain a été saisi par les services de police et l’OCPM l’a enjoint de se présenter au Vieil Hôtel de Police (ci-après : VHP) le 20 juillet 2020, muni d’un billet d’avion pour le Maroc, dont le vol serait prévu au plus tard au 31 août 2020, sauf à s’exposer au prononcé de mesures de contraintes au sens des art. 73 ss de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). M. A______ n’a pas donné suite à cette injonction.

6) Lors de son arrestation du 13 décembre 2020, M. A______ a indiqué loger depuis deux ou trois mois chez une femme habitant au B______ et qu’auparavant il dormait dans des abris PC. Son père était décédé et sa mère ainsi que deux frères et une sœur vivaient au Maroc, son autre sœur vivant en France. Il n’avait aucune source légale de revenus, n’avait effectué aucune démarche en vue de son retour dans son pays et n’avait pas l’intention d’en faire.

La police lui a notifié une interdiction d’entrée en Suisse valable du 28 août 2020 au 27 août 2022.

 

7) Selon l’extrait de son casier judiciaire, entre février 2015 et juin 2020, il a été condamné à six reprises pour faux témoignage, infractions à la LCR, séjour illégal et non-respect d’une assignation à un lieu de résidence.

8) Par ordonnance pénale du 14 décembre 2020, il a à nouveau été condamné pour séjour illégal.

9) Il a été placé en détention administrative par le commissaire de police le 14 décembre 2020, en raison de son refus de quitter la Suisse, et un vol pour le Maroc a été réservé pour le 21 décembre 2020. La décision a été confirmée par le TAPI puis la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), par arrêt du 30 décembre 2020 (ATA/1370/2020).

Le 21 décembre 2020, il a refusé d’embarquer dans l’avion.

10) Une nouvelle place, avec escorte policière, a été réservée et confirmée pour le 8 janvier 2021, mais il a refusé de se soumettre au test PCR indispensable pour monter à bord de l’avion. Le vol a dû être annulé.

11) M. A______ a alors été inscrit par les services de police sur le prochain vol spécial pour le Maroc.

12) Il a été incarcéré le 17 janvier 2021 pour exécuter un écrou. Sa libération conditionnelle a été ordonnée par le Tribunal d’application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) pour le 23 avril 2021.

13) À sa sortie de prison le 23 avril 2021, le commissaire de police lui a notifié une assignation à territoire sur la commune de C______ pour une durée de onze mois, au sens de l’art. 74 al.1 let. a et b LEI. Dans le cadre de cette mesure, il était tenu de se présenter au VHP chaque mardi, à 14 heures, obligation qu’il n’a pas toujours respectée systématiquement.

14) Les autorités ont procédé à une nouvelle demande d’identification de M. A______ auprès des autorités marocaines, son passeport étant arrivé à échéance. La demande a abouti le 25 mai 2021.

15) Par arrêt du 4 novembre 2021, la chambre pénale d’appel et de révision a condamné M. A______ pour séjour illégal et non-respect d’une assignation à un lieu de résidence. Elle a également ordonné l’expulsion de Suisse de l’intéressé pour une durée de trois ans.

Il s’était rendu coupable de délit pour avoir séjourné illégalement en Suisse du 23 avril au 3 juin 2021 et contrevenu à son assignation à la commune de C______. Depuis la perte son autorisation d’établissement en 2015, il ne s’était conformé à aucune injonction des autorités en lien avec son séjour illégal en Suisse, ne répondant pas aux convocations de l’OCPM, s’opposant systématiquement à l’exécution de son renvoi, ignorant l’interdiction d’entrée sur le territoire dont il était l’objet, et violant, en sus de l’assignation précitée, l’obligation de se présenter chaque semaine au VHP. Il avait été condamné pénalement à cinq reprises, non seulement deux fois pour séjour illégal, mais également pour faux témoignage et diverses violations des règles de la circulation routière. Il s’était en conséquence trouvé en détention, administrative puis pénale, du 12 décembre 2020 au 23 avril 2021 et du 3 juin au 30 septembre 2021. Il n’avait aucun projet concret de quitter la Suisse. Il avait bénéficié d’une autorisation de séjour pendant quinze ans et avait apparemment travaillé comme chauffeur de taxi, mais ne s’était pas pour autant intégré. Il n’avait tissé aucun lien familial, social ou professionnel particulier. Il n’exerçait aucune activité lucrative et dépendait financièrement de l’aide sociale et de la collectivité publique. Il n’expliquait pas en quoi les conséquences de la pandémie avaient entravé ses recherches d’emploi. Il avait encore de la famille au Maroc et pourrait y travailler dans la légalité. Ses chances de réintégration n’étaient pas plus mauvaises au Maroc qu’en Suisse, eu égard à son âge et au lien conservé avec son pays d’origine dans lequel il s’était régulièrement rendu.

16) Par jugement du 12 avril 2022 (JTAPI/373/2022), le TAPI a prolongé la mesure d’assignation à un lieu de résidence concernant M. A______ pour une durée de six mois, soit jusqu’au 21 octobre 2022 inclus.

Il avait fait l’objet d’une décision de renvoi de Suisse, prononcée le 30 septembre 2015, et une mesure d’expulsion du territoire suisse pour une durée de trois ans avait été prononcée par la chambre pénale d’appel et de révision le 4 novembre 2021. Il n’avait pas quitté le territoire suisse dans le délai qui était arrivé à échéance le 2 avril 2017 et des éléments concrets permettaient de retenir qu’il cherchait à échapper à son renvoi, dès lors qu’il avait déjà à deux reprises refusé d’embarquer à bord d’un avion devant la ramener au Maroc. Son assignation visait non seulement à permettre le contrôle de son lieu de séjour et de s’assurer de sa disponibilité pour la préparation et l’exécution de son renvoi de Suisse par les autorités, mais également à exercer sur lui une certaine pression afin de l’amener à reconsidérer son refus à retourner au Maroc. Ledit retour n’était pas absolument impossible, ni même retardé de manière indéterminée, puisque les liaisons aériennes à destination du Maroc étaient ouvertes et qu’il ne tenait donc qu’à l’intéressé de décider de retourner dans son pays, peu importe qu’un renvoi par vol spécial (par voie aérienne ou maritime) soit en l’état inenvisageable. Aucune autre mesure moins incisive permettrait d’atteindre les buts visés par la mesure, notamment s’agissant de la pression que l’assignation territoriale visait à exercer sur lui afin de l’amener à accepter son obligation de quitter la Suisse.

17) Le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a fait savoir le 1er juillet 2022 à l’OCPM qu’après une suspension des correspondances maritimes entre le Maroc et les autres pays depuis le 29 novembre 2021, un renvoi maritime avait pu être organisé pour l’automne 2022 et qu’une place en faveur de M. A______ avait été réservée à bord du prochain bateau. Les autorités genevoises étaient enjointes de procéder à la mise en détention administrative de l’intéressé, ladite détention étant une condition incontournable pour les personnes devant être renvoyées par voie maritime.

18) M. A______ a été interpellé par les services de police en vue de son refoulement le 10 août 2022. Le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre le même jour, à 10h30, pour une durée de trois mois, en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l’art. 75 al. 1 let. b et 76 al. 1 let ch. 3 et 4 LEI. L’intéressé a indiqué au commissaire qu’il serait d’accord de retourner au Maroc lorsque ses problèmes à l’épaule droite seraient réglés et les recours épuisés.

L’ordre de mise en détention a été soumis au TAPI le même jour.

19) Entendu par le TAPI le 11 août 2022 à 14h30, l’intéressé s’est dit prêt à retourner au Maroc. Il souhaitait toutefois entreprendre diverses démarches pour récupérer son éventuel deuxième pilier et toucher son AVS. Il logeait depuis une année et trois mois environ au D______ et avait manqué quelques rendez-vous au VHP, mais sans avoir conscience que cela pourrait lui porter préjudice. Il n’avait pas fui dans la clandestinité, ce qu’il démontrait en étant présent devant le tribunal. Il s’opposait à sa détention administrative et concluait principalement à sa mise en liberté immédiate, moyennant le respect de la mesure d’assignation en cours, subsidiairement à ce qu’il lui soit fait obligation de se rendre quotidiennement au VHP dans le cadre de la mesure d’assignation existante. La légalité de l’ordre de mise en détention faisait défaut et le principe de proportionnalité avait été violé.

La représentante du commissaire de police a exposé que les autorités avaient décidé de procéder à l’exécution du renvoi de l’intéressé par la voie maritime, dès lors qu’il s’était d’ores et déjà opposé par le passé à un vol DEPA et à un vol DEPU en refusant de se soumettre au test Covid-19. Il n’avait pas été présent au foyer à la fin du mois de juillet 2022, le jour où les services de police entendaient l’arrêter. Une date de départ avait été fixée, entre le 5 septembre et le 10 octobre 2022, qu’elle communiquait au tribunal sous pli confidentiel, un laissez-passer devant encore être délivré par les autorités marocaines et la demande devant être faite quinze jours avant la date du renvoi forcé. Les renvois forcés à destination du Maroc se faisaient exclusivement par voie maritime. Elle demandait la confirmation de la détention administrative du 10 août 2022 pour une durée de trois mois.

20) Par jugement du 12 août 2022, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 9 novembre 2022.

M. A______ faisait l’objet d’une décision de renvoi entrée en force ainsi que d’une mesure d’expulsion de Suisse pour une durée de trois ans, également exécutoire, et avait été condamné le 4 novembre 2021, notamment pour non-respect d’une assignation à lieu de résidence, ce qui justifiait déjà la détention en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l’art. 75 al. 1 let. b LEI. Il avait toujours refusé de collaborer à son renvoi au Maroc, avait manifesté à réitérées reprises son refus de quitter la Suisse, n’avait pas respecté le délai de départ fixé au 2 avril 2017 et avait communiqué à la police une adresse incorrecte qui n’avait pas permis à l’OCPM de le convoquer valablement. Il avait toujours refusé de collaborer à son départ et n’avait pas non plus fourni dans le délai fixé au 29 juillet 2020 un billet d’avion pour un vol avant le 31 août 2020. Il avait mis en échec deux tentatives de renvoi par avion le 21 décembre 2020 et le 8 janvier 2021. S’il avait globalement respecté la mesure d’assignation et n’avait jamais disparu dans la clandestinité, il ne coopérait pas complètement avec les autorités en vue de l’exécution de la mesure d’expulsion, à tout le moins il existait un risque concret qu’il refuserait d’obtempérer aux instructions lorsque les autorités lui ordonneraient de se présenter en vue de son transfert au Maroc. Ses récentes déclarations selon lesquelles il serait prêt à repartir une fois ses problèmes d’épaule réglés et les procédures utiles en vue de percevoir les prestations de l’AVS et du deuxième pilier entamées, démontraient qu’il cherchait encore à repousser la date de son retour. Il existait donc un risque réel et concret qu’il n’obtempère pas aux instructions de l’autorité lorsqu’il lui serait ordonné de se mettre à disposition aux fins de quitter la Suisse, mais disparaîtrait dans la clandestinité. Sa détention administrative respectait donc le principe de la légalité, sous l’angle de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI. L’assurance de son départ de Suisse répondait en outre à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive serait vaine pour assurer sa présence au moment de l’exécution de son refoulement. Le principe de célérité était respecté, rien ne permettant de douter que les autorités solliciteraient en temps utile de laissez-passer nécessaire auprès des autorités marocaines, au vu des démarches déjà entreprises. Sa durée apparaissait proportionnée et adéquate et était inférieure à celle prévue par l’art. 79 al. 1 LEI.

21) Par acte reçu au greffe le 26 août 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation.

Il n’existait aucun fait nouveau survenu entre le 12 avril 2022, date de la prolongation de l’assignation à la commune de C______, et le 10 août 2022, qui justifierait le prononcé d’une nouvelle décision. Les trois objectifs ressortant du jugement du 12 avril 2022 avaient été largement atteints par la mesure d’assignation, son lieu de séjour ayant toujours été connu des autorités, l’assignation au territoire ayant été respectée et la pression voulue par les autorités pour qu’il accepte de retourner au Maroc ayant porté ses fruits, puisqu’il admettait désormais un départ avec le concours de l’autorité.

Les faits antérieurs au jugement du 12 avril 2022, notamment le non-respect d’une assignation à un lieu de résidence pour lequel il avait été condamné le 4 novembre 2021, ne pouvaient lui être opposés aux fins de prononcer sa détention puisqu’ils avaient d’ores et déjà donné lieu à une prolongation de la mesure d’assignation. Il ne ressortait pas du dossier qu’il avait violé l’assignation à résidence, n’ayant au contraire jamais disparu dans la clandestinité et ayant globalement respecté l’obligation de se présenter chaque semaine au VHP. Une détention sur cette base était donc illicite.

Rien ne permettait de retenir non plus un risque de fuite qui se serait accru depuis le 12 avril 2022, non seulement parce qu’il n’avait pas disparu dans la clandestinité, mais encore parce qu’il avait été arrêté au D______, où il devait se trouver. À teneur des pièces produites, il avait passé quasiment toutes ses nuits et ses journées au sein de ce foyer depuis avril 2022. La décision du commissaire reposait sur l’injonction du SEM du 1er juillet 2022 de le mettre en détention administrative « le plus rapidement possible », ce qui ne reposait sur aucune base légale mais sur des modalités de pure organisation des pays concernés et contrevenait donc au principe de la légalité.

La date de son renvoi n’avait pas été démontrée puisqu’il n’avait pas pu consulter la pièce remise par le commissaire au TAPI sous pli confidentiel et rien ne garantissait qu’un laissez-passer soit remis puisque les renvois à destination du Maroc avaient été suspendus depuis huit mois selon le courrier électronique du SEM du 11 avril 2022. Son renvoi n’étant pas prévisible, la détention administrative devait être levée.

Elle était, pour le surplus, disproportionnée car il n’avait jamais violé ses obligations et qu’il se tenait à disposition pour exécuter le renvoi, qu’il acceptait. L’assignation pouvait au besoin être assortie d’une obligation de se présenter deux fois par semaine au VHP.

22) Le 30 août 2022, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

L’assignation territoriale et la détention administrative constituaient deux mesures de contrainte distinctes et rien n’interdisait à l’autorité d’utiliser des éléments plus anciens au prononcé de l’assignation dans le cadre d’une situation qui restait la même. M. A______ ne s’était pas conformé à la décision de l’OCPM de quitter le territoire suisse, n’avait pas répondu aux convocations adressées par cette autorité, à laquelle il avait fourni de fausses adresses, et avait mis en échec deux tentatives de renvoi. Il existait donc un risque réel et concret de soustraction ce d’autant qu’il était désormais informé de son renvoi contraint par voie maritime. Seule une détention administrative garantissait la présence des personnes à refouler les jours et heures précises de la mise en œuvre de leur renvoi, raison pour laquelle le SEM en faisait une condition incontournable pour les personnes devant être renvoyées par voie maritime. Le recourant se contredisait en prétendant souhaiter retourner au Maroc et compter sur le concours de l’autorité, tout en déclarant vouloir entreprendre des démarches en vue de percevoir les prestations AVS et deuxième pilier.

La reprise des renvois maritimes et la suppression de l’exigence relative au certificat de vaccination valable pour entrer sur le territoire marocain, constituaient pour le surplus des éléments nouveaux intervenus depuis la précédente détention administrative.

La date des vols spéciaux n’était jamais communiquée aux personnes à refouler, selon une pratique établie de longue date, tirée de l’expérience, liée à des raisons évidentes de sécurité et conforme à l’art. 27 al. 1 de la loi sur l’usage de la contrainte et de mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération (LUsC) a contrario.

Il n’y avait aucune raison que l’ambassade du Maroc ne délivre pas le laissez-passer en temps voulu, lequel restait en mains des autorités chargées de l’exécution des renvois avec escorte policière et sous contrainte. Rien ne laissait donc supposer que le rapatriement du recourant ne soit pas possible.

23) Dans sa réplique du 1er septembre 2022, le recourant a relevé que les faits nouveaux exposés par l’intimé étaient indépendants et externes à son propre comportement et ne répondaient donc pas aux exigences strictes de l’art. 76 LEI quant au risque de fuite. Le principe de la légalité était violé par le prononcé automatique d’une détention administrative en cas de renvoi maritime.

Son renvoi n’était pas prévisible, car l’intimé n’établissait pas avoir obtenu de laissez-passer et il ne pouvait pas être prédit avec la certitude nécessaire pour le prononcé d’une détention administrative que ce document serait délivré, ce d’autant plus que lesdits renvois maritimes vers le Maroc avaient connu une longue suspension.

24) Le 1er septembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 26 août 2022 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) Le recourant reproche au TAPI de ne pas lui avoir communiqué le contenu du pli confidentiel remis par le commissaire de police relatif au vol spécial le concernant.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend également le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier et de s'exprimer sur celui-ci avant qu'une décision le concernant soit prise (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 137 IV 33 consid. 9.2). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l'autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné en outre l'occasion de s'exprimer et de proposer les
contre-preuves (art. 45 al. 3 LPA).

b. En l'espèce, la communication confidentielle du commissaire de police remise au premier juge comportait les détails du vol spécial pour lequel une place avait été réservée pour le recourant. Il ressort du procès-verbal de l’audience du 11 août 2022, que le recourant et son conseil ont été informés de la fourchette des dates dans laquelle le renvoi serait exécuté.

Ce faisant, le TAPI a respecté le droit d'être entendu du recourant. En indiquant que l'enveloppe remise par le commissaire de police contenait des éléments relatifs au vol spécial, qui était prévu à brève échéance, le contenu essentiel du pli confidentiel a été communiqué au recourant. Au demeurant, le TAPI n'a pas utilisé cet élément pour fonder sa décision confirmant l'ordre de mise en détention.

Partant, le TAPI n'a violé ni le droit d'être entendu ni l'art. 45 al. 3 LPA.

4) a. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

b. À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c, g et h LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement, elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif ou si elle a été condamnée pour crime. Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/730/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4 ; ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4).

Lorsqu'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI). Les ch. 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

c. En l’espèce, le recourant fait l’objet d’une décision de renvoi prononcée le 30 septembre 2015, entrée en force, et d’une mesure d’expulsion judiciaire, également entrée en force, pour trois ans, prononcée le 4 novembre 2021. Les conditions d’une détention administrative fondée sur les l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et art. 75 al. 1 let. b LEI sont remplies.

Elles le sont également au regard du fait que le recourant a mis en échec son renvoi, tenté à deux reprises, en refusant de monter à bord du vol réservé, respectivement de se soumettre au test Covid-19 qui était alors nécessaire pour être autorisé à entrer sur le territoire du Maroc. Devant le TAPI, il a affirmé être désormais d’accord de retourner dans son pays, une fois les démarches faites pour obtenir son AVS ou son 2ème pilier, mais solliciter l’aide des autorités. Or, son renvoi de Suisse a été prononcé depuis près de sept ans, son expulsion judiciaire depuis dix mois, sans qu’il n’effectue la moindre démarche, y compris après la seconde mesure d’assignation à un territoire dont il dit qu’elle a été suivie d’effets sur son souhait de quitter la Suisse et alors même que les vols commerciaux en direction du Maroc sont à nouveau possibles depuis de nombreux mois. Il a fait, en outre, l’objet d’une interdiction d’entrée en vigueur du 28 août 2020 au 27 août 2022, et d’une mesure d’expulsion judiciaire prononcée le 4 novembre 2021, pour trois ans, valant interdiction d’entrée. Par ailleurs, quoiqu’il en dise, il n’a pas respecté strictement ses obligations en lien avec les deux mesures d’assignation consécutives qui ont été prononcées à son encontre, a par le passé donné des adresses erronées et n’était pas présent au D______ lorsque la police a tenté de l’y chercher à la fin du mois de juillet 2022. À réitérées reprises, il ne s’est pas présenté devant les autorités, administratives et judiciaires, qui l’avaient convoqué. Enfin, il a clairement énoncé souhaiter d’abord effectuer des démarches aux fins de récupérer son deuxième pilier ou toucher son AVS avant de concéder un retour au Maroc. Au vu de ces éléments, le risque que le recourant, s’il était libéré, n’obtempère pas aux instructions des autorités le jour de l’exécution de son renvoi, une fois le laissez-passer obtenu, et qu'il disparaisse dans la clandestinité, apparaît concret et réel. Les conditions d’une détention administrative fondée sur l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI sont donc également remplies.

5) Reste à examiner si la détention ordonnée respecte le principe de la proportionnalité, ce que le recourant conteste.

a. Ce principe, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst, se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

b. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

c. La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante. La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI ainsi que le principe de proportionnalité lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas. La détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1436/2017 du 27 octobre 2017 consid.6a ; ATA/881/2015 du 28 août 2015 et les références citées).

d. Le recourant prétend que l’assignation à un territoire, d’ores et déjà en cours, est suffisante pour garantir sa présence et son départ au moment de l’exécution du vol spécial, subsidiairement il se propose de se présenter au VHP quotidiennement. Il soutient également que la date de départ n’est pas fixée et que rien ne garantit qu’un laissez-passer sera délivré.

Les autorités marocaines ont reconnu, le 25 mai 2021, le recourant comme citoyen dans le cadre du renouvellement de son passeport. Rien ne laisse supposer, et le recourant ne l’établit pas, qu’elles ne délivreront pas un laissez-passer dans le cadre du transport qui a pu être réservé en sa faveur.

Par ailleurs, malgré les décisions de renvoi et d’expulsion, ainsi que d’interdiction d’entrée en Suisse, le recourant ne démontre pas avoir entrepris la moindre démarche en vue de quitter la Suisse.

En outre, l’assurance de son départ effectif de Suisse répond à un intérêt public certain, notamment au vu de ses multiples infractions, et il ne fait valoir aucun intérêt privé, les démarches en lien avec son deuxième pilier ou son AVS pouvant être effectuées depuis son pays d’origine. Son intérêt privé doit ainsi céder le pas à l’intérêt public à l’exécution de la décision d’expulsion.

Les autorités suisses ont agi avec célérité, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté. Sous l'angle de la date de son départ prévu, une période entre le 5 septembre et le 10 octobre 2022 a été articulée. Il sera néanmoins relevé à cet égard que ce délai n'aurait pas eu lieu d'être si le recourant avait collaboré dans le cadre des départs qui avaient été organisés pour lui. L'exécution de la mesure d'éloignement est donc possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable et avec une probabilité suffisante.

Par ailleurs, la durée de la mesure est compatible avec la limite fixée par l’art. 79 LEI.

Dans ces circonstances, et au vu du comportement adopté par le recourant depuis le prononcé de son renvoi de Suisse et de l’ambivalence qu’il exprime, aucune mesure moins incisive que la mise en détention administrative n’est à même de garantir sa présence lors de l'exécution du renvoi. La détention est apte à atteindre le but voulu par le législateur, et s’avère nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison du refus persistant du recourant.

La détention administrative du recourant est ainsi conforme au droit et au principe de la proportionnalité.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6) La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 août 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Arnaud Moutinot, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations et au Centre de détention administrative de Favra, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :